Malgré toi, tu es saoulé par sa réponse, même si tu n'écoutes pas de la techno ou de l'électro, tu ne te permettrais pas de juger un style qui n'est pas le tien. Ce gars-là, par contre, passe son temps à le faire. Tu pensais qu'il avait compris et changé, mais non, certains réflexes sont bien trop ancrés. Pourtant, tu dis rien. Tu ne vas pas continuer à le mettre mal à l'aise, tu vois déjà les efforts qu'il fait. Alors tu souris et continues de marcher, c'est plus sûr.

- Euh, je...

Merde, dans quoi tu t'es lancé ? Tu lis des manga, oui, mais des BL principalement, et ce depuis pas si longtemps. Sauf que là, tu peux pas vraiment lui dire ça. Et les animés, c'était pas envisageable, avec l'ouïe surdéveloppée des membres de ta famille, t'avais aucune envie qu'ils découvrent quels types d'animé - parce que tu aurais regardé les adaptations de tes BL bien sûr - tu aimes. Alors tu étais passé à côté de tout un pan de la littérature japonaise.

Sauf que maintenant que t'es gêné, maintenant qu'il a entendu ton coeur battre plus vite et senti le rose te monter aux joues... tu ne sais pas comment t'en sortir.

- J'lis principalement des comics, genre marvel et super héros plutôt.

Est-ce que ça va suffire ? Putain, dans quoi tu t'es lancé, pourquoi t'as dit ça ? Evidemment qu'il allait finir par te poser la question.

- Enfin de toute manière, j'ai pas tant le temps de lire ou de me poser que ça, j'suis principalement dehors la moitié du temps.

Non, clairement, ça ne passera jamais.

Tu détournes la conversation, pour tenter d'orienter vers un sujet plus safe, sauf que cette fois-ci, c'est lui qui marque un temps d'arrêt. Tu ne le comprends vraiment pas, vous discutez tranquillement, ça se passe bien et d'un coup, il y a un revirement de situation. Tu fronces les sourcils et sourit l'air vraiment étonné.

- Oh j'suis sûr qu'on va trouver, y a bien un film qui fera l'unanimité !

Parce que tu ne veux plus passer une soirée seul, dans ta chambre à chercher le sommeil, parce que tu es trop habitué aux maisons pleines de gens, aux bruits, aux discussions, aux verres brisés et à l'attention. Tu as besoin de monde autour de toi et dans ce chalet, tu ne t'es jamais senti aussi seul pour l'instant.

- Très bonne idée, viens, le dernier arrivé aux deux loups a perdu.

Et, sans lui laisser le temps d'assimiler les paroles - principalement parce que tu sais qu'il est bien plus rapide que toi - tu t'élances. Tu cours comme si ta vie en dépendait parce que tu veux marquer une victoire, une seule.

La trace des deux loups est fraiche et bien marquée, il n'est vraiment pas compliqué de les suivre. Tu ne t'es pas transformé et t'espère qu'il ne le fera pas, t'as envie de courir comme un humain, de rester humain et de partager cet instant comme ça, sans laisser vos loups prendre les devants mais au retour, vous serez des loups pour chasser et ça, ça te plaît. Tu cours encore jusqu'à ce que tes yeux repèrent les deux loups, un peu étonné de cette course soudaine. Ils ne se sont pas mis à courir, au contraire, ils sont figés, prêt à intervenir. Tu déboules face à eux et reprend ton souffle en souriant.

- Gagnééé, hurles-tu en direction de Theo.

Les deux loups te regardent l'air de te prendre pour un fou. Mais ils ont raisons, parce que rien n'a de sens entre vous. Vous vous haïssez, vous vous embrassez, vous discutez calmement, vous vous ignorez... non, il n'y aucun développement linéaire dans votre relation. Avant que Theo ne reprenne son souffle, tu annonces la nouvelle.

- Theo propose qu'on chasse au retour pour se faire un barbecue et je propose une soirée, film d'horreur si possible, au coin du feu. Vous en pensez quoi ?

Peut être que, via son lien de meute, les deux loups sont déjà au courant, mais tu t'en fiches, tu parles parce que c'est ton job de parler, de créer ce lien que tu désespères de ne pas avoir avec ces loups-là. Et maintenant tu attends, tu veux savoir ce qu'ils en pensent, parce que mine de rien, il y a un "nous" - théo et toi - et un "vous" - les deux autres. Et ça, ça te fait un peu peur.

Nath semble un peu gêné par ta question sur les animes sans que tu ne comprennes pourquoi. Tu as dit quelque chose qu’il ne fallait pas ?

En fait, il semble carrément mal à l’aise... Tu l’entends et tu le vois... et sa réponse n’est pas très convaincante... Pourtant, si une partie de toi à envie de savoir (un mélange entre la curiosité d’en apprendre plus sur lui et un reste du crétin qui l’aurait charrié pour en savoir plus...), tu t’obliges à ne pas insister, ne voulant pas en ajouter à son malaise. Tu te contentes donc de hocher la tête à sa conclusion.

"Ouai, j’comprends...”

La conversation tourne donc sur les films, et l’Omega semble vraiment content à l’idée d’une soirée film. Il est tellement enthousiaste qu’il se précipite d’ailleurs vers les deux autres à l’avant, te lançant un défi. Il te faut plusieurs secondes pour comprendre ce qu’il vient de se passer... mais tu fini par t’élancer à sa suite, sans avoir encore vraiment tout compris...

Tu t’efforces de transmettre à Chris et à Pedro que tout va bien, histoire qu’ils ne paniquent pas en voyant débouler Nath...

Celui-ci arrive avant toi (il avait une bonne avance aussi...) et sont “Gagnéééé” est tellement naturel que tu ne peux t’empêcher de sourire avec tendresse. Il faudra que tu admettes un jour que tu l’aime vraiment, ce mec...

"Bien joué...”

Tu souffles ces mots en arrivant à leur hauteur. Les deux autres ne comprennent rien à la situation, et tu peux les comprendre...

Tout emballé à l’idée de la soirée qui se profile, Nath l’expose aux deux loups. Pedro affiche aussitôt un sourire ravi.

- C'est une super idée ! Même si Chris n’est pas fan des films d’horreur, mais je suis sûr qu’il fera un effort, n’est-ce pas ?  

Chris fusille littéralement Pedro du regard en montrant les crocs. Enfin ses dents, mais comme s’il s'agissait de ses crocs... L’Omega souris de plus bel, et toi tu ris carrément. Et bordel que ça te fait du bien... Tu sens clairement le Beta râler dans ton esprit, et cela te fait rire un peu plus, ainsi que Pedro qui, jetant un regard à Nath, reprend.

- Je rigole, tu sais bien Chris. Personnellement, je vote pour. Une préférence pour le gibier à chasser ?  

Bougons, Chris s’éloigne sans répondre. Il est plutôt taiseux et solennelle, mais en privé c’est un vrai nounours... Juste, en tant que lieutenant, il est hors de question qu’il le montre en dehors de la meute, même à Nath... et le fait d’être exposé ainsi, même sous la boutade, ne lui plait pas vraiment. Tu peux le comprendre, aussi tu t’efforces de le rassurer à travers votre lien, laissant le soin à Nath de choisir le repas du soir.

Et pour le film, tu as vraiment envie de lui faire découvrir The Boy, s’il ne l’a pas déjà vu...

Tu ne t'es pas rendu compte que tu aurais pu faire peur aux deux loups devant, mais même en débarquant en courant à cette vitesse, ils devraient bien sentir ta joie et ton excitation. Tu n'es plus le même loup que lorsque tu es arrivés, il s'est passé quelque chose, dans ton coeur ou dans ton esprit, mais la peur s'est éloigné. Tu as accepté bien des choses.

Sentant la tension, tu ne peux t'empêcher d'intervenir.

- On regardera ce que vous voulez, je m'en fiche en vrai du film, ce qui compte c'est ... je sais pas, être tous ensemble ?

Pedro doit comprendre ce que tu ne dis pas, ce n'est pas être ensemble mais ne pas être seul voilà pourquoi tu évites particulièrement son regard. Comme le bêta n'a pas l'air dans son assiette et que tu préfères éviter les yeux brillants de Theo par principe, tu te retrouves à regarder les arbres, comme s'ils te fascinaient.

- Pas d'préférence.

Et malgré toi, tu jettes un coup d'oeil vers Theo, vous parliez de bouffe quelques minutes plus tôt. Peut être bien que t'as même envie de trouver des champignons, mais ce n'est pas la saison et ça ne se chasse pas de la même manière.

Se sentant sur un terrain moins glissant, Chris prend les choses en main et donne les indications et les consignes. Le temps de se foutre à poil pour se transformer est donc venu. Entre loups d'une même meute, la pudeur n'existe pas, ils ont trop vécus de transformations importunes pour s'en soucier encore. Mais tu n'est pas dans ta meute et Theo n'est pas n'importe qui, c'est ton harceleur slash âme-soeur ce qui te met légèrement mal à l'aise.

Tu t'éloignes de quelque part, restant à proximité d'oreilles tout en enfonçant tes fringues dans ton sac, puis tu te transformes avant de revenir en loup au milieu d'eux. Tu portes ton sac dans la gueule, espérant qu'il reste encore quelqu'un humain pour te l'accrocher sur la patte histoire de ne pas perdre tes affaires. Evidemment, il ne reste que Theo, quasiment à poil. Tu hésites mais t'approches tout de même de lui, avec cette lueur dans les yeux, ce regard qui ne s'attarde que sur son visage, nul part ailleurs, alors que ses muscles sont apparent, alors que son corps est... non. Tu ne regardes que ses yeux et tentes d'avoir l'air calme, alors qu'en humain, tu aurais déjà rougit mille fois.

Et, enfin, vous partez chasser. Tu cours au milieu des plantes, sentant les animaux se cacher, sentant la forêt cesser de respirer. Les racines sont des pièges que tu évites sans même y penser, les traces sont des indices si gros que tu plonges sans hésiter dedans. Tu cours, tu sautes, tu te défoules et surtout, tu chasses en meute. Comme vous ne partagez pas de lien comme avec ta vraie meute, vous restez assez proche pour entendre les souffles, les soupirs, les bruits des griffes. Incapables de parler, vous communiquez de diverses manières.

Seulement, ton loup voudrait en dire plus, ton loup te pousse vers celui de Theo, ton loup veut le toucher, courir avec lui, partager cette danse funèbre. Tu te l'interdis, mais malgré toi, tu te rapproches de lui, constamment, à chaque foulée.

L’Omega affirme que peu importe le film, l’important c’est d’être tous les quatre. Pedro hoche la tête en signe de compréhension et s’approche pour serrer brièvement l’épaule de Nath. Tu les fixes tous les deux un instant et souris en croisant le regard de Nath.

Décidant de reprendre les choses en main, Chris prend le lead de la suite des opérations. Nath s’éloigne pour changer, ce que tu peux comprendre mais que te fais malgré tout un pincement au cœur.  

Tu es le dernier à te métamorphoser. En slip, tu sens Nath s’approcher de toi, son sac dans la gueule. Tu entends son cœur de loup battre la chamade et le tiens suis le rythme alors que tu lui accroche son sac avant de changer à ton tour, ton propre sac étant accroché à Pedro.  

Tu prends une seconde pour ressentir les lieux avant de t’élancer à la suite des trois autres dans les bois. Ton loup est aux anges, ravis de pouvoir chasser en compagnie de l’Omega, et sa joie est contagieuse. Tu te comportes comme un louveteau en manque de jeu, ce qui contraste fortement avec ta forme lupine imposantes...

Tu charrie Chris, course des oiseaux et des souris, le tout en gardant constamment Nath dans ton champ de vision. Si vous ressentez plus fort les émotions de l’autre du fait de votre... lien d’âme sœur... c’est bien là le seul contact que vous avez établi pour le moment... même en loup. A un moment, tu sens Chris t’interpeller : il a repéré un daim. C’est parfait !

Sans réfléchir, tu t’approches de Nath et hume l’air pour lui faire comprendre que vous avez trouvé votre proie. Heureusement que vous êtes dans l’euphorie de la chasse car sinon ton loup aurait probablement poussé pour aller se frotter à l’Omega, le tout en ronronnant comme le gros chat qu’il peut être... Il te fatigue...

Sans plus attendre, tu repères la piste du daim et commence à la suivre, les trois autres faisant de même à plusieurs mètres de distance, histoire d’encercler l’animal. Ton loup exulte de pouvoir chasser en compagnie de Nath...

Même sans partager un lien de meute, tu ressens sa joie. Elle est là, elle est réelle et contagieuse. A moins que ton loup ne ressente déjà la même joie que lui à l'idée de partager cette chasse ensemble.

Vous n'avez jamais été aussi proche de votre véritable nature sans essayer de vous piéger l'un l'autre. Vous êtes devenus vos loups, libres et heureux, vous courrez à toute vitesse, vous sautez, vous reniflez, vous foncez, satisfait de cette nouvelle escapade. Vous aurez bien le temps, plus tard, d'admettre ce que cela signifie.

Attentif aux gestes et regards de Theo - tu ne te soucies pas vraiment des autres - tu comprends la piste que vous suivez. Tu te places comme il le faudrait, content d'avoir des années d'entraînement avec ta meute. Même si vous ne faites pas la même chose, tu le comprends d'instinct. Finalement, vos meutes ne sont peut être pas si différentes l'une de l'autre. Cette guerre est plus qu'inutile. Tu ne prononceras jamais ces mots à voix haute et actuellement, tu es heureux d'être seul dans ta tête.

Le daim ne vous a pas encore senti et il n'est pas assez sur ses gardes. Vous l'encerclez trop rapidement pour qu'il comprenne ce qu'il se passe et tu te recules juste un instant, pour laisser Theo l'attaquer. Pedro et toi êtes les oméga, pas les attaquants, mais tu te doutais que peut être le futur alpha voulait faire preuve de ... sympathie ? Tu ne lui as pas laissé le choix en te reculant, parce que tu ne voulais pas risquer de perdre votre proie des yeux. Enfin, ce daim avait-il la moindre chance face à quatre loup entraînés ?

Un loup qui sourit, ça fait peur, mais tu lis dans les yeux de tes trois compagnons que cette joie est contagieuse. Finalement, vous avez eu besoin de cette chasse pour aller mieux. Bien sûr qu'il vous fallait parler, Theo et toi, mais vous ne deviez pas non plus oublier cette part si importante de vous-même, celles des loups que vous êtes.

Le retour se passe dans la même joie, Chris attrape même un oiseau dodu pour le rajouter au butin, Pedro et toi chahutez un peu. Vous courrez de nouveau, dans les pas, les uns des autres. Jouant et profitant de cet état d'ivresse qu'offre votre condition animal. Dans votre forme de loup, les problèmes terrestres s'éloignent un peu, vous savourez juste l'instant présent.

Arrivés au chalet, tu restes loup encore un peu, c'est si simple dans cette peau-là, mais tu espères que l'euphorie de l'instant va durer. Vous finissez tout de même par vous transformer à nouveau, vous rhabillant, tu ne prends pas de douche tout de suite, tu sentiras la fumée ça n'en vaut pas la peine et tu t'actives pour faire monter un feu. Tu n'as jamais été très doué pour ça. Pedro ayant disparu dans la cuisine, préparant sûrement un accompagnement et préférant éviter Chris, tu te tournes vers Theo.

- Je, tu, tu peux m'aider ? avoues-tu penaud.

Tu t'étais proposé pour faire un feu et voilà que tu avoues une nouvelle incompétence.

Ce moment semble hors du temps. Tous les quatre, vous profitez pleinement de cette chasse sans prise de tête. Au moment d’attaquer le daim, Nath te laisses la place. Tu as un instant d’hésitation, il était bien parti pour bondir en premier, et pourtant il s’est reculé pour te laisser passer. Tu soutiens une seconde son regard pour le remercier puis bondit. Le daim tente de s’échapper, mais tu l’attrape au flanc pour le mettre à terre. Chris arrive alors pour lui briser le cou d’un coup de crocs. Pas la peine de faire souffrir la proie... Ce n’est plus toi, ça...

Tu traine la carcasse sur le chemin du retour, laissant les autres s’amuser. Tu es heureux de voir Nath se laisser aller à l’euphorie du moment. Chris vient trottiner à côté de toi avec un gros oiseau dans la gueule, et tu sens son sourire satisfait dans ton esprit. Tu voudrais que ce moment ne se termine jamais...

De retour au chalet, vous jouez encore un peu avant de reprendre forme humaine afin de préparer la soirée.  Chris s’attaque aussitôt aux carcasses alors que Pedro se rend en cuisine. Nath s’est proposé pour le feu, mais il finit par te demander de l’aider, et son air penaud te donne une furieuse envie de lui ébouriffer les cheveux avec affection. Mais tu te retiens, te contentant de sourire tendrement. Oui oui, tendrement... Ça fait deux fois aujourd'hui... Incroyable mais vrai...

"Il faut placer les buches ainsi, avec le petit bois ici pour faire prendre le feu.”  

Tu lui montres avant de lui laisser la place, ne voulant pas le faire pour lui. Lorsque le buché ressemble enfin à quelque chose, tu souris de plus bel.

"Avec ça, on est sûr d’avoir un bon feu pour cuire la viande !”  

Tu lui tends alors une pierre à feu et, à son air incrédule, tu lui montre comment l’utiliser avant de la lui donner pour qu’il allume le feu.

"J'ai appris ça en Angleterre... On devait faire principalement avec ce qu’on avait dans la nature...”  

Même si vous aviez quand même une petite ville pas trop trop loin... mais le vieux t’a appris à survivre en tant qu’humain dans les bois. Vu les soucis que tu avais avec ton loup, il a préféré anticiper un potentiel soucis du genre “tu te retrouves sous ta forme humaine en plein milieu de la forêt, perdu et sans pouvoir te métamorphosé parce que tu t’es encore pris la tête avec ton loup...”  

Ce n’est pas du vécu, non non...

Ce souvenir tu fais à nouveau sourire, même si tu avais bien paniqué sur le coup.

Redevenus humain, vous agissez différemment, mais pourtant cette après-midi sous forme lupine vous a fait du bien, à tous. La gaité, la simplicité, la joie est encore fraiche dans vos mémoires, et vous le savourez. Toi particulièrement parce que c'est ta nature et que tu détestes être constamment sur tes gardes, là-dessus, seul Pedro peut te comprendre, puisque vous partagez le même rôle et que l'unité de la meute, quelle qu'elle soit, est votre objectif. Car oui, à vous quatre, perdus dans cette forêt dense, vous êtes une meute. Tu t'empêches de laisser tes pensées dériver trop loin et tu jettes sur l'offre de faire du feu.

Ce n'est qu'une fois devant que tu te rends compte que tu n'en as jamais fait. Gêné, tu demandes à Theo de t'aider. Bon en réalité, vu ce que tu apprends de lui au fur et à mesure, tu n'es pas tant gêné que ça, demander à Chris aurait été au-dessus de tes forces, mais Theo... oui, tu peux l'accepter.

Il t'indique comment faire et tu fais de ton mieux, son sourire tendre et ses manières simples et claires te font du bien. Vous agissez enfin normalement l'un envers l'autre. Vos loups sont apaisés, heureux, ils ronronnent presque, mais ils ne vous forcent plus à en faire plus. Comme chercher constamment le contact.

- Merci

Tu t'actives, suivant ses conseils et lentement, le feu prend. Tu sais que ce n'est pas gagné à la première étincelle, ce qui compte, c'est que les grosses bûchent soient chaudes et brûlent une fois que le petit bois est en cendre, mais tu es heureux d'avoir réussi - presque - tout seul.

- T'as vraiment vécu coupé de tout ?

Bien sûr que tu veux en savoir plus sur cette période, sur ce vieux dont il parle régulièrement, mais tu as senti que c'était un sujet tendu et qu'il n'était pas facile pour lui de se livrer. Alors ta demande est simple, tu lui laisses une porte ouverte, il peut juste dire oui et passer à autre chose, mais tu espères qu'il pourra lire dans tes yeux tout l'intérêt pour cette période.

Car si tu ne veux pas parler du passé, c'est votre passé que tu veux éviter. Le sien, dans les bois, est vachement plus intéressant. Son chemin de rédemption, son évolution, sa compréhension de lui-même et l'acceptation de ce qu'il a été et ne sera plus jamais... ça c'est intéressant !

Nath te remercie de ton aide. Tu l’observes en silence, heureux de ce moment.  

Le feu fini par prendre, et tu le félicite avec un grand sourire sincère. Mais celui-ci se fige quelque peu lorsqu’il te demande si tu as réellement vécu coupé de tout. Tu détournes alors les yeux et prend une profonde inspiration. Tu ne veux pas gâcher ce moment en gardant le silence, d’autant que tu vois bien qu’il est réellement curieux sur la question...

Tout sourire disparu, tu prends donc la parole tout en agençant des bûches autour du feu pour vous asseoir.

"Il y avait une petite ville à quelques kilomètres de la forêt, mais nous passions le plus claire de notre temps dans les bois, oui...”  

Tu jettes un regard vers le chalet puis indique à Nath de s’asseoir, en faisant de même, gardant une distance que tu ne demandes qu’à combler, mais tu ne le peux pas...

"On allait une fois par mois en ville, pour acheter c’qu’on ne pouvait pas trouver dans la forêt. Pour le reste, on s’débrouillait avec c’que la nature nous procurait. Au début, je fuyais régulièrement pour essayer de trouver un ordi, ou même tout simplement du réseau... ou de quoi charger mon téléphone...”  

Parce que bien sûr vous n’aviez pas le courant dans la cabane...

"La solitude a été le plus dure à vivre, les premiers mois...”  

Ta gorge se serres à ce souvenir. Tu n’avais plus la meute, tu n’avais plus ton loup... Tu n’avais jamais été aussi seul de ta vie...

Mais tu avais fini par te réconcilier avec ton loup, et à t’habitué au silence dans ta tête...

Aujourd’hui, tu le regrette presque, même si tu es heureux d’avoir retrouvé le lien de meute...

Le regard baissé sur tes mains jointes, coudes appuyés sur tes genoux dont l’un tressaute nerveusement, tu prends quelques inspirations avant de continuer.

"Mais si c'était à refaire, je le referais...”

Parce que c’était nécessaire, tu avais besoin de ça pour te retrouver, renouer avec toi-même et avec ton loup, évoluer...

Tu laisses échapper un petit soupire avant de forcer un sourire pour détendre un peu l’atmosphère.

"J’y ai appris pas mal de choses, comme faire du feu, construire un abri, faire des pièges pour la chasse...”

Tout ce qui te permettait de vivre dans les bois en tant qu’humain, en sommes...

Evidemment, tu espérais qu'il se confie, qu'il te dise enfin ce qu'il a vécu et ce qu'il avait sur le coeur, tu sentais que tu avais besoin de ça pour continuer... enfin pour commencer à... l'apprécier ? Parce que ta garde est baissée depuis longtemps, tu as cessé de le haïr au début du séjour, tu as cessé de le mépriser aussi, parce que tu commences à laisser plus de place à ton Loup et à lui faire confiance. Sauf qu'entre la haine que l'humain ressentait et l'amour que le Loup éprouvait, il y avait un sacré gouffre. Et toi, tu avais besoin de reconstruire ça, petit à petit, pierre par pierre. Tu n'es pas certain de pouvoir réellement lui faire confiance aveuglément pour l'instant, tu n'es pas sûr de vouloir continuer à être le seul à faire des efforts, mais voilà que Theo se lâche enfin, il admet qu'il a été faible et ça... c'est un tel pas en avant !

Theo, le caïd, le tortionnaire, le fils de l'Alpha destiné à être Alpha ... admet avoir été seul, avoir galéré. C'est un tout petit détail pour beaucoup d'entre ceux qui galèrent depuis le début de leur vie, mais pour cet imbécile c'est beaucoup. Et étrangement, quand tu penses le terme imbécile, tu y mets un soupçon de sourire doux. Tu ne le juges plus aussi sévèrement.

Merde, t'es vraiment en train d'ouvrir grand la porte aux sentiments de ton Loup. Si tu n'arrêtes pas tout de suite, bientôt, il sera trop tard pour toi. Sauf que Theo ne l'acceptera jamais, Theo va tout faire pour te repousser, tu comprends mieux comment il fonctionne maintenant, après une semaine à vivre à côté de lui, à entendre quasi toutes ses discussions avec ses frères de meute - fichue ouïe sur développée.

- Et pas mal de choses sur toi-même aussi.

Ce n'est pas une critique, ta voix est douce, encourageante. Tu veux qu'il en prenne conscience, qu'il cesse de penser en surface, qu'il admette des choses au plus profond de lui, parce que tu en as besoin toi.

- C'est fou quand même, j'imaginais pas ça... enfin, désolé, mais à l'époque j'essayais de ne pas penser à toi du tout. Tu ne vas pas mentir, en vrai, c'était un connard, tu avais bien raison d'agir comme tu l'as fait. Mais là, je sais pas, je... merci en fait d'avoir enfin ouvert la porte Theo.

Et merde, t'as réussi à en faire un moment gnan gnan, c'est plus fort que toi. Tu te tritures les mains, cherchant quoi dire pour éviter de plomber encore plus l'ambiance, tu veux pas qu'il croit... qu'il croit quoi d'ailleurs ? Que t'es en train de baisser tes barrières pour te permettre de commencer à l'apprécier ? Merde, merde, merde. Où sont les autres quand on a besoin d'eux ? Sauf qu'ils ne peuvent pas sentir que le danger est tout autre, il n'y a aucun risque là. Enfin, aucun risque mortel.

- Le silence c'était comment ?

Cette question est particulière pour n'importe qui, mais Theo comprendra, il verra que tu parles du silence de la meute, tu silences dans ta tête. Très peu de Loup n'a vécu ça, seuls quelques marginaux qui vivent seul et encore, s'ils s'entendent bien avec leurs Loups, ils ont des émotions à partager.

Ta question n'est pas une boutade, tu as vraiment de l'intérêt dans tes yeux, il peut voir la manière dont tu t'es inconsciemment rapproché de lui, dont tu veux en savoir plus. Ce silence, dont tout le monde rêve et pourtant, que tout le monde redoute.

L’Omega t’écoute sans faire de commentaires. Ce n’est que lorsque tu en arrives à ce que tu appris qu’il renchérit, t’arrachant un petit rire sec.

"Ouai, sur moi aussi... ”  

Tu as en effet appris que tu pouvais vivre seul, que tu étais capable de te débrouiller, réellement, et surtout, à quel point tu as pu être con...  

Nath reprend, et tu ne peux t’empêcher de poser un regard surpris sur lui. Il n’imaginait pas ça ? Pas quoi... ?  

Tu ris lorsqu’il précise qu’à l’époque, il essayait de ne pas penser à toi. Tu évites de relever le “essayer”, par contre... Tu peines vraiment à le comprendre, en fait... Tu n’arrives pas à savoir ce qu’il pense, ce qu’il ressent vraiment... Ton loup pousse à la connexion mais... l’humain, lui, s’y refuse... même si ça pourrait grandement faciliter les choses...

Tu soupires de nouveau, te passant une main dans les cheveux.

"De rien... je suppose... ”  

Tu ris de nouveau, gêné. Nath ne semble pas en mener plus large que toi. Tu tournes à nouveau un regard vers le chalet, sachant que vous êtes écouté et que ça explique probablement pourquoi ils trainent à revenir... Tu les maudits intérieurement, et ils te répondent par un rire.  

L’Omega te ramène alors à lui en te posant une question plutôt... surprenante... Tu le fixes un instant, voyant bien qu’il attend réellement une réponse à cette question, puis détourne le regard vers le feu.

"Horrible...”  

Tu serres un peu tes mains jointes et prend une grande inspiration.

"Au début du moins... On finit par s’habituer mais...”

Mais tu as connu le silence total, celui où même ton loup n’était plus là... Ta jambe tressaute de plus bel et Pedro vous rejoins alors, vous faisant de continuer à discuter alors qu’il installe la table. Il a senti ta détresse...

Tu sais que Nath en attend plus... Tu regardes un instant Pedro s’afférer et finis donc par reprendre, la voix tendue.

"Il faut savoir qu’au début... j’étais vraiment seul... Je n’avais plus ni la meute, ni mon loup... et ça c’est... pire que tout...”

Parce que c’est un morceau de soi qui vous manque...

Tu sens ton loup se lover au fond de toi, comme pour te rassurer de sa présence, désormais. Tu te détends alors légèrement avant de continuer.

"J'avais l’habitude de me couper de la meute, avant, mais ça ne durait jamais très longtemps... Là-bas... j’ai pris conscience du manque après même pas une journée... Le silence dans sa tête, on finit par s’y faire, mais le silence de son loup... je ne souhaite ça à personne...”  

Pas même à ton pire ennemi...