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LE TEMPS D'UN RP

L'amour, c'est de la physique, le mariage c'est de la chimie.

Houmous
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Houmous
Jeu 1 Déc - 19:07

Misty
Roots

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, USA. Dans la vie, je suis ouvrière et étudiante et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma chance, je suis appelée et je le vis sans aucune idée de ce qui va m'arriver.
Après l’appel, Misty lui envoya l’adresse. Elle savait qu’il grincerait des dents en voyant s’afficher qu’il allait devoir se rendre sur Comly Street mais c’était là où elle habitait, rien à faire de ce côté. Ce n’était certainement pas la pire rue mais c’était un coin de deal reconnu… A entendre sa voix, elle avait plus ou moins compris qu’il était encore beaucoup trop tôt pour lui. Elle ne se sentait pas vraiment mal de briser l’équilibre habituel de son existence mais elle se rendait bien compte qu’elle devait gêner.  L’idée qu’il avait une vie avant ça et des projets qui ne l’avaient pas attendue pour fleurir dans son esprit la mettait un peu à côté de ses pompes. Il fallait que cette histoire se résolve, ils n’avaient rien à faire ensemble, de toute évidence.

 
Elle se prépara autant qu’elle pouvait pour être présentable. Elle savait que ce ne serait pas suffisant, ça ne l’était jamais avec ces gens-là quand on était frappé du sceau de la pauvreté, mais elle voulait au moins consentir cet effort. Elle tenta tant bien que mal de dissimuler ses tatouages qu’elle savait agressifs. Elle tenta aussi d’arranger ses cheveux peroxydés pour qu’ils paraissent assez naturels. Enfin, son maquillage, elle le fit moins fort qu’à l’accoutumée, pour offrir un autre aspect à son apparence. Elle prit aussi le temps de s’habiller de manière plus convenable et moins décontractée qu’à l’accoutumée. En face du miroir, elle soupira en ne se reconnaissant pas tellement. Avoir l’apparence de la première jeune fille au pair venue ne la sauverait pas du jugement social mais on ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir mis les bouchées doubles.
 
Bientôt, elle descendit de son appartement sous des regards surpris de ses collocs. Elles ne l’avaient jamais vu comme ça et à juste titre : cette personne qu’elle allait présenter, ce n’était pas elle. Mais comme à son habitude, elle allait s’écraser pour arranger les choses pour tout le monde. C’était tout ce qu’on avait attendu d’elle jusqu’ici et c’était tout ce qu’elle pouvait faire de toutes manières. Elle arriva face à la porte, hésitante à la saisir car elle savait que son existence serait bouleversée dès lors qu’elle mettrait un pied de l’autre côté. Elle avait un peu le trac, la boule au ventre, à l’idée de passer ce seuil dans son existence. Mais avait-elle le choix réellement ?
 
Dehors, Lewis n’était pas encore arrivé à priori. Elle soupira un peu en sortant son téléphone, pour vérifier qu’il n’avait rien dit de plus par message ou qu’elle n’ait pas d’avance. Apparemment, tout était bon de ce point de vue. Elle regarda un peu autour sans voir de voiture similaire à celle qui l’avait amenée jusqu’à l’hôpital. Nouveau soupir. S’était-il perdu en chemin ? S’était-il passé quelque chose de mauvais qui l’avait empêché d’arriver à temps ? Elle n’en savait rien et cela la contrariait encore plus. Et puis, une portière s’ouvrit et elle le vit descendre du côté passager. C’était au moins ça : il était en un seul morceau !
 
 - Salut Lewis ! Comment vas ?


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Mer 11 Jan - 21:00
Hors-sujet:


Lewis
Harper

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, en Amérique. Dans la vie, je suis étudiant en biochimie et je m'en sors  heureusement très bien grâce à mes parents, notamment mon père.

Rationnel, doux mais un brin rêveur, Lewis pense être né au mauvais endroit, à la mauvaise époque. Il rêve et aspire à plus de libertés, celui de pouvoir faire ses propres choix dans une vie qui lui a toujours dicté le moindre chemin à prendre. Désormais passé la vingtaine, le voici propulsé vers un mariage inéluctable. Son énième prison, ou bien peut-être, la chance de pouvoir être enfin libre ?

fc. Julio Peña Fernández
Les deux jeunes garçons se levèrent et s'habillèrent à la hâte. Du moins Lewis, car Jake n'était guère motivé à l'idée de devoir jouer les taxis pour son ami. Mais Lewis n'avait pas non plus choisi Jake par hasard. Ce dernier faisait partie de l'élite depuis peu. Il était encore considéré presque comme un "impure" par certains riches, tandis que d'autres le considéraient comme s'il était l'un de leurs depuis toujours.

Ça n'avait pas toujours dû être facile pour Jake, mais il s'en sortait et il était de plus en plus apprécié par son entourage qui pétait plus haut que leur cul. L'ami de Lewis avait appris à surfer sur la vague de la mode et de tous ces sujets de prédilection pour les gosses de riche, sans pour autant prendre la grosse tête et oublier d'où il venait. Lewis l'appréciait pour ça, il était resté humble et très naturel. Il pourrait se fondre dans n'importe quelle couche de la société qu'il y serait forcément apprécier.

— On va où ? dit-il alors qu'il ajustait sa ceinture sur le siège passager.

Lewis sortit son téléphone de sa poche. Il blêmit légèrement en lisant le message que lui avait envoyé Misty. Pour sûr, il pourrait difficilement expliquer la raison pour laquelle ils allaient chercher quelqu'un là-bas.

— À Comly Street...

Les yeux de Jake s'écarquillèrent, puis il tourna la tête vers son passager.

— Comly Street ? s'étrangla-t-il à moitié. On va y chercher quelque chose ou quelqu'un ?

Lewis s'éclaircit la gorge, en gardant son regard rivé devant lui.

— Euh... quelqu'un. Tu veux bien démarrer ?

Jake alluma le moteur, mais avant de démarrer, il voulut tout de même des explications.

— Et on va chercher qui ?

Lewis soupira en levant les yeux au ciel.

— C'est une longue histoire mais... C'est une fille.

Il osa enfin poser son regard sur son ami dont le teint mat camouflait bien les émotions.

— Je t'expliquerai plus tard, si tu veux bien, précisa Lewis.

Jake se pinça les lèvres d'un air dubitatif, mais la voiture s'élança dans le trafic jusqu'à arriver à la fameuse rue malfamée. Le conducteur gara la voiture là où il trouva de la place.

— Elle est là-bas, signala Lewis en pointant la silhouette au loin. Attends-moi, je reviens.

Il sortit de la voiture en voulant rester discret. Le jeune homme fit un petit signe à la blonde, mais elle l'avait déjà repérée. En la voyant s'approcher, Lewis eut le temps de la détailler. Il lui trouva un air presque mignon, plus délicat que ce qu'il n'avait vu la veille.

— Salut, répondit-il un peu machinalement.

Il lui tint la portière qui donnait sur le siège arrière. Il se tenait droit comme un piquet quand elle arriva à sa hauteur. Quelles précautions prendre ? Et quelle attitude adopter avec elle ?

— Ça va, un peu la gueule de bois, mais ça passera, dit-il pour combler sa gêne. Et toi ?

Il attendit qu'elle entre dans la voiture pour s'installer à son tour à côté d'elle.

— Jake, je te présente Misty... et Misty, voici Jake, un ami.

De confiance, aurait-il bien voulu ajouter, mais elle devait sans doute déjà bien s'en douter.

— Tu veux bien nous déposer chez moi, s'il-te-plaît ?

Jake acquiesça et ne se fit pas prier pour attendre. Rien qu'à l'idée d'avoir garer sa voiture ici cinq minutes lui avait foutu les jetons.

— C'est bien parce que c'est toi...
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Houmous
Dim 12 Mar - 13:40

Misty
Roots

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, USA. Dans la vie, je suis ouvrière et étudiante et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma chance, je suis appelée et je le vis sans aucune idée de ce qui va m'arriver.
Misty s’installa dans la voiture en lançant quelques banalités qui laissaient entendre faussement que la situation n’avait rien de spécial pour elle. Elle comprenait à peu près comment les gens comme le fameux Jake fonctionnaient. Il devait s'être renfrogné instantanément en voyant le monde dans lequel elle vivait, l’associant à tout ce qu’on pouvait raconter des habitants des ghettos. Il devait avoir les mêmes clichés qui lui bourraient le crâne que Lewis. Toutes ces conneries qu’on racontait sur ceux qui étaient « au service de la société » auparavant, ces simplicités enfantines et rassurantes dignes d’un conte de fée. Les gentils riches libres et heureux, de leur côté, rendus impurs bientôt par le mélange avec la fange des paresseux stupides ainsi que le répétaient inlassablement les plus extrémistes en volant les idées des plus modérés. Tout ça avait remplacés tout esprit critique dans le moule dans lequel il devait avoir grandi. Elle ouvrit la fenêtre et alluma une clope en jetant un coup d’œil à l’extérieur. Elle ne prit pas la peine de s'engager plus que ça dans les quelques mots qu'ils avaient entre eux. Elle répondait simplement et par des banalités, tâchant d'ignorer les regards dans le rétroviseur central. Elle savait et en avait l’habitude maintenant qu’elle l’avait déjà vécu avec Lewis et d’autres straight.

 
Lewis quant à lui était mal à l’aise pour le moins qu’on pouvait dire. Encore assommé par sa dernière soirée et le tour que prenait sa vie, il devait réaliser peu à peu qu’il ne pourrait pas concilier l’élément perturbateur qu’elle constituait avec le cours habituel de ses affaires. Misty avait dans l'idée qu'il était inutile de faire des efforts dès lors qu'elle s'imaginait incapable de donner une bonne impression. Lewis avait constaté autre chose la veille, quand il l’avait menée à l’hôpital et qu’elle était arrivée en retard à cause de son travail, mais elle ne pouvait pas démontrer la personne qu'elle était avec de simples mots. Elle s'en sentait incapable. Il devait avoir de la peine pour elle et placer une pitié malvenue sur ses épaules, s'imagina-t-elle... De sa cage dorée, il ne pouvait rien pour améliorer la vie des pauvres, c’est vrai. Misty souffla les dernières bouffées de la bougie brûlant des deux bouts et largua le résidu maïs qui en subsistait avant de refermer la fenêtre. Elle ne savait pas trop si cette liberté qu'elle avait prise serait mal perçue...
 
Après que le trajet fut terminé, elle descendit pour observer les immenses demeures de ce quartier de straight. Cachés les uns des autres par des feuillages et des troncs d’arbre, elle constata que son arrivée était une curiosité bien attendue. Elle salua vaguement de derrière ses lunettes de soleil un groupe de trois femmes d’âge mûr en tenue complète de sport, chacune d’une couleur différente mais du même modèle, qui couraient côte à côte sans détacher leur regard d’elle, la bête curieuse. Les murmures qu’elles échangeaient ne lui permirent pas de comprendre de quoi il était question. La voiture démarra finalement, laissant Jake sur le pavé et ils se retrouvèrent à deux devant la barrière d’enceinte de ce Fort Knox miniature.
 
- J'espère que tu as bien remercié ton ami. Il a quand même joué les taxis dans cette histoire... Bon, aller, finissons-en, soupira-t-elle simplement en tombant le masque face à lui.
 
Elle avança vers l’immense cage de verre que Lewis appelait maison en le suivant de près. De l’extérieur, cet intérieur pourtant richement décoré et pompeux lui paraissait de la froideur d’un bocal d’aquarium. Un environnement préconstruit selon la norme de ce qui était acceptable ou non, sans véritable âme. Quand elle était plus jeune, lors de la « libération », son père l’avait emmenée voir un magasin de meuble. Il lui avait longuement expliqué avec excitation que désormais, ce monde pouvait être aussi à eux. Cette vie, symbolisée par un agencement précis de pièces de bois impeccables, de verres polis et d’armatures métalliques fines, ces privilèges du sommet de la civilisation leur tendaient les bras bien plus qu’auparavant. Peut-être était-ce la réalisation que rien ne changerait et que les usines devaient continuer de tourner qui écrasa son moral. Elle voulait croire que ce qui l’avait poussé à devenir cette parodie de lui-même n’était pas la mort de sa mère, bien qu’en cela réside l’évidence. Salir sa mémoire avec cette débâcle lui avait paru insupportable, ça l’était d’ailleurs toujours autant. Dans ses plans soigneusement élaborés, elle aurait accumulé de quoi les sortir, son frère et elle, de la tristesse de leur vie et de cet homme. Elle eut un pouffement jaune. On n’échappe pas à son destin si facilement que ça, soupira-t-elle en voyant la porte s’ouvrir sur un salon digne des magasins de meuble.
 
- Bonjour, souffla-t-elle en faisant mine d’être impressionnée, par politesse. 


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Sam 1 Avr - 22:25

Lewis
Harper

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, en Amérique. Dans la vie, je suis étudiant en biochimie et je m'en sors  heureusement très bien grâce à mes parents, notamment mon père.

Rationnel, doux mais un brin rêveur, Lewis pense être né au mauvais endroit, à la mauvaise époque. Il rêve et aspire à plus de libertés, celui de pouvoir faire ses propres choix dans une vie qui lui a toujours dicté le moindre chemin à prendre. Désormais passé la vingtaine, le voici propulsé vers un mariage inéluctable. Son énième prison, ou bien peut-être, la chance de pouvoir être enfin libre ?

fc. Julio Peña Fernández
Le trajet avait été un peu tendu, malgré quelques paroles ici et là sur des banalités qui n'en méritaient clairement pas la peine. Bientôt, ce fut la petite musique de la radio qui combla le silence pesant dans l'habitacle.

Inutile de faire semblant, pensa Lewis au bout d'un moment en cessant toute tentative pour apaiser la tension de chacun.

Lui-même la ressentait, cette tension. Une boule contractait son estomac, signe évident qu'il redoutait la suite des événements, ou qu'il ne digérait guère ses folies de la nuit. Il se sentait d'ailleurs bien nauséeux, et cela ne l'aidait pas à relativiser. Il broyait du noir, sans conteste.

Heureusement, le contour de sa maison se profila à l'horizon et Jake immobilisa la voiture devant celle-ci. L'ami de Lewis tourna la tête vers les deux passagers.

— Terminus. Tout le monde descend.

Jake souffla dès que la jeune femme était sortie, mais il adressa un regard franc et inquisiteur à Lewis. "Toi, tu me devras des explications !" semblaient-ils dire. Lewis se contenta d'un pincement de lèvres et d'un léger hochement de tête pour lui confirmer qu'il expliquerait tout quand l'heure viendra.

— Merci pour tout, mon pote.

Lewis lui tendit la main et Jake lui céda une petite tape amicale. Ce dernier attendit que ses deux passagers soient descendus avant de disparaître au bout de l'avenue.

Les mains fourrées dans les poches, Lewis lâcha un soupir. Ses yeux s'écarquillèrent cependant en entendant la jeune femme qui ne prit aucune précaution pour lui faire un semblant de reproche. Étonné et en même temps agacé, il fronça les sourcils.

— Tu pouvais le lui dire toi-même aussi, c'est quand même toi qu'on est parti chercher, lui fit-il remarquer.

À son tour, le jeune homme ne prit pas de gant pour montrer son ressentiment en soufflant. Il s'avança alors dans l'allée qui traversait le jardinet devant le bâtiment avant de s'engouffrer dans l'immense hall d'entrée.

— Pa' ! M'man ! Je suis là ! signala-t-il en passant la porte du vestibule et en lançant ses clés sur le petit meuble à chaussure sur sa droite.

Il traversa quelques pièces, avec la blonde sur ses talons, jusqu'à trouver sa mère dans le salon. Assise dans le canapé, madame Harper avait quelque peu la bougeotte. Son pied était en train de battre les secondes contre le carrelage en marbre blanc. En voyant son fils prodige entrer, elle se leva à la hâte pour l'étreindre. Lewis lui rendit que vaguement son câlin, mais madame Harper en se faisant, leva alors les yeux vers l'intruse. Du moins, elle la considérait comme telle et son regard laissait transparaître son mépris.

— Tu dois être mademoiselle Roots, dit-il avec froideur tout en relâchant son fils.

Elle n'avait même pas pris la peine de la saluer dignement. Le menton relevé, elle se tint bien droite pour détailler la jeune femme.

— Lewis a déjà dû te le dire, mais ils ont dû faire une erreur dans les attributions... Le mariage sera forcément annulé d'ici peu, lui certifia madame Harper avec dédain.

Lewis s'était reculé d'un pas pour les regarder toutes les deux. Il n'avait pas douté un seul instant que sa mère sortirait les crocs dès la seconde où elle allait rencontrer Misty. Même s'il ne portait pas cette dernière dans son coeur, il tenta de faire une diversion pour apaiser les propos de sa mère.

— Papa est où ? demanda-t-il, dans l'espoir aussi que le médecin put éteindre le feu qui embrasait sa génitrice.

Il tourna ensuite la tête vers Misty, dans une expression semi-neutre et semi-désolée pour l'accueil qu'elle reçut.

— Tu veux quelque chose à boire ? proposa-t-il. J'ai un mal de crâne atroce, je vais me chercher un cachet et un verre d'eau...

Ses prunelles se déposèrent ensuite vers sa mère, lui posant la même question en silence. Elle détourna légèrement la tête, signifiant qu'il ne lui fallait rien.
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Dim 9 Avr - 8:54

Misty
Roots

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, USA. Dans la vie, je suis ouvrière et étudiante et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma chance, je suis appelée et je le vis sans aucune idée de ce qui va m'arriver.

Misty s’amusa un peu intérieurement de la situation. Elle n’était pas sûre de savoir ce qu’elle s’était imaginée. Elle n’avait pas eu la prétention de croire qu’elle vivrait un conte de fée et qu’elle serait reçue avec amitié et chaleur mais elle ne s’attendait pas réellement à cela. Il crevait les yeux que cette mère aimante, madame Harper, craignait quelque chose. Croyait-elle qu’à la côtoyer, son fils se briserait et deviendrait une ombre de ce qu’il pouvait être auparavant ? Croyait-elle qu’elle le tuerait pour en tirer un héritage ou que sais-je encore ? Misty avait réellement l’impression d’être ce fond de poubelle nauséabond et indésirable qu’on retrouvait tous en changeant de sac plastique. Enfin, les riches comme elle ne devait pas non plus savoir à quoi ressemble un sac poubelle, ils doivent avoir du personnel pour s’en occuper à leur place…

Misty répondit par un sourire et un hochement de tête à Lewis à sa proposition. Elle voulait rester telle qu’elle avait été depuis qu’il s’était montré plus agréable. Il n’était pas complètement une cause perdue, lui. Il avait montré de la pitié et de l’empathie pour sa vie et c’était d’ailleurs bien suffisant. Pourtant, la tentation de tenir tête à la mère, si obtuse, était trop grande. Alors, elle attendit que Lewis soit loin pour commencer à parler.

- Vous savez, m’dame, j’ai bin eu l’impression d’gagner au loto quand j’ai été appelée par le centre des Grôles, commença-t-elle nonchalamment. J’ai même séché l’usine grâce à c’t’appel, imaginez qu’j’étais vernie comme une princesse ! continua-t-elle en riant légèrement. Pis, quand j’ai appris qu’mon frangin aurait besoin d’soins médicaux pendant, forcément, j’étais rassurée d’avoir Lewis avec moi parce qu’j’ai pas un rond !

A mesure qu’elle racontait un peu leurs premiers instants ensemble, madame Harper pâlissait progressivement. Elle crut même remarquer de voir un léger tremblement dans l’une de ses mains alors qu’elle se crispait. Misty lui tourna un peu le dos pour regarder une sorte de vase décoratif déposé sur un meuble à côté de la cheminée moderne qui se trouvait au centre de la pièce. Misty ne comptait pas voir leur mariage aboutir mais mettre mal à l’aise cette femme détestable lui plut bien plus qu’elle ne l’aurait imaginé de prime abord. La peur et le trac avaient même commencé à s’estomper alors qu’elle se livrait à ce numéro de comédie. Quand Lewis arriva avec un verre d’eau, elle lui fit un grand sourire en articulant un « merci » lascif.

Alors que la mère se relevait vivement pour empêcher cette démonstration feinte d’intimité, la porte d’entrée s’ouvra. Elle se stoppa alors pour aller à la rencontre de son mari. Lewis suivit bien sûr le mouvement pour voir son père et Misty attendit simplement en regardant ce verre d’une finesse improbable aux motifs géométriques et intriqués. Elle jugea rapidement qu’elle n’aurait pas le salaire pour en acheter ne serait-ce qu’un, dégoutée et envieuse malgré elle… Elle était maintenant curieuse de voir quel genre d’homme pouvait bien s’être retrouvé apparié à une femme comme madame Harper et comment ils auraient pu élever un gars comme Lewis.

La petite troupe revint bientôt en grande pompe. Monsieur Harper, en tête, arriva à hauteur de Misty et lui serra la main sans réellement avoir la même appréhension que sa femme. Alors, ce fut au tour de Misty d’être surprise et déboussolée. Son statut ne semblait pas le déranger le moins du monde et il avait une approche plus douce que sa femme alors même qu’il semblait être du genre direct. Elle jeta des regards interrogatifs vers Lewis et sa mère.

- Tu dois être Misty Roots, n’est-ce pas ? Je suis le père de Lewis, Guillian Harper. Je travaille au centre d’Appariement auprès de G.A.M., je suis ravi de te rencontrer ! commença-t-il, visiblement sincère dans son accueil. Bon, je vois que vous êtes tous très mal à l’aise donc, j’en déduis qu’il y a eu quelques mots durs avant que je n’arrive ? se risqua-t-il à faire remarquer pour détendre l’atmosphère sans que qui que ce soit ne relève. Bon, je vais être très clair : je n’ai pas interféré avec le fonctionnement du G.A.M. quand il a choisi de vous marier, Lewis et toi. J’ai longuement pris le temps d’y réfléchir et ça m’a semblé être la meilleure manière de gérer les choses.

Un silence de mort se fit alors. Ce n’était pas du tout, mais alors pas du tout ce à quoi elle s’attendait.


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Mer 12 Avr - 15:38

Lewis
Harper

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, en Amérique. Dans la vie, je suis étudiant en biochimie et je m'en sors  heureusement très bien grâce à mes parents, notamment mon père.

Rationnel, doux mais un brin rêveur, Lewis pense être né au mauvais endroit, à la mauvaise époque. Il rêve et aspire à plus de libertés, celui de pouvoir faire ses propres choix dans une vie qui lui a toujours dicté le moindre chemin à prendre. Désormais passé la vingtaine, le voici propulsé vers un mariage inéluctable. Son énième prison, ou bien peut-être, la chance de pouvoir être enfin libre ?

fc. Julio Peña Fernández
La pression avait été pesante dans le salon, alors Lewis avait été heureux de quitter la pièce pour souffler et prendre deux verres d'eau. Mais il ne s'imaginait absolument pas ce qui se jouerait derrière son dos, à l'abri de son regard et de ses oreilles. Si l'affaire ne l'avait pas concerné, peut-être aurait-il pu rire de la situation, ou même du cinéma que jouait Misty sans qu'il ne le sache. Mais s'il avait été là, pour sûr qu'il aurait été tout aussi mal à l'aise que sa mère, si pas plus encore.

Il revint dans le salon, presque la bouche en coeur. Il remarqua assez rapidement le visage blême de sa mère qui n'avait guère eu le temps de répliquer à la jeune femme. Elle s'approcha de son fils en vitesse, alors que ce dernier tendait un verre à Misty. Un léger froncement de sourcils indiqua l'étonnement du garçon et aussi son incompréhension. Venait-il de rater un échange important ?  

Il eut bien l'envie de poser la question, subtilement, mais l'arrivée de son père, Guillian, dans le salon l'interrompit. Un énorme soupir s'extirpa de la poitrine de sa mère, qui se hâta vers son mari.  Lewis jeta un regard vers Misty un court instant, inquisiteur, avant d'imiter sa mère et saluer son père, après qu'ils eurent échangé quelques murmures en aparté.

— Salut Pa', dit-il avec une petite voix monotone.

Son paternel donna à Lewis une accolade plus franche et joviale, jusqu'à ce que le regard du scientifique ne se pose sur l'invitée et devienne le centre de son attention. Avec le même entrain, il en vint à la saluer, sous le regard interdit de Lewis, et celui horrifié de sa mère, Susan.

Tous les deux médusés, ils fixèrent la scène qui se déroulait sous leurs yeux. La consternation bientôt se lut sur le visage de madame Harper, à mesure que son mari parlait.

Susan toussota pour contredire son mari, quand il avait annoncé être "ravi de faire sa connaissance". Elle ne partageait pas son avis et n'appréciait pas le fait que Guillian l'accueille à bras ouverts. Elle mordit sur sa chique, alors que Lewis n'était plus qu'un spectateur lambda, son regard passant d'un acteur à l'autre sans avoir l'occasion de dire un mot.

Madame Harper reprit vite la parole, pour contrer la gentillesse de son mari qui soulignait le malaise ambiant.

— On se demande bien pourquoi, répondit Susan en faisant claquer le bout de sa chaussure sur le carrelage, une main sur la hanche.

Ses yeux sombres fusillaient la blonde peroxydée, mais bientôt, ils s'écarquillèrent en écoutant son mari parler. Madame Harper était outrée et révoltée de voir qu'il n'y avait, pour Guillian, aucun inconvénient à ce qu'elle devienne la future femme de Lewis. Cela lui sembla même inconcevable.

Après un bref instant de silence où chacun réalisa les paroles du paternel, Susan lui attrapa le bras avec force pour l'attirer jusqu'à la cuisine. Ils s'éloignèrent ainsi des deux jeunes gens. En passant près de Misty, la mère de Lewis la foudroya une nouvelle fois du regard, signifiant très clairement que son heure viendra. Plus tard. Après avoir réglé ce différend avec son mari.

— Puis-je savoir ce qu'il te prend ? le questionna-t-elle sans détour en refermant la porte de la cuisine derrière eux.

Sa voix glaciale trahissait sa colère. Elle se tourna vers son mari avec des lueurs presque meurtrières dans ses pupilles.

— De quel droit prends-tu cette décision pour notre fils sans même m'en parler ? lui reprocha-t-elle, venimeuse. Tu penses que, parce que tu es le scientifique de la famille, tu peux te permettre de tout décider à notre place ?


Dans le salon, Lewis avait regardé ses parents s'éclipser avec un très mauvais sentiment. Cela annonçait... quelques mauvaises journées à passer dans la maison. Cette perspective ne l'enchantait guère, mais celle de marier Misty non plus.

Le mâchoire serrée, il se pinça les lèvres avant de regarder Misty.

— Bienvenue chez les Dingos, souffla-t-il avec sarcasme.

Il baissa les yeux, comme s'il en était coupable. Lui-même ne comprenait pas la raison pour laquelle ses parents étaient ensemble.

— J'espère que t'auras les reins suffisamment solides pour les supporter aujourd'hui.

Et il espérait bien qu'il n'y ait pas besoin qu'elle les supporte plus longtemps que cela. Il y avait encore de l'espoir pour que ce mariage ne soit annulé, n'est-ce pas ? Lewis l'espérait, du moins.

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Mer 21 Juin - 8:32

Misty
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J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, USA. Dans la vie, je suis ouvrière et étudiante et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma chance, je suis appelée et je le vis sans aucune idée de ce qui va m'arriver.
Guillian suivit sa femme et l’écouta. Il avait essayé de préparer ce moment de longue date et se doutait que ça ne passerait pas comme une lettre à la poste. Laisser leur fils marier une fille du bas peuple ne plairait pas à Grace. Il avait tourné la question un long moment dans son esprit et avait réfléchi à ce qu’il y avait de mieux pour leur fils, dans son coin. Le cœur ou la raison ? Le hasard ou la base de données ? La laisser choisir ou s’en occuper de son côté ? Il avait l’intuition que s’il en avait parlé à sa femme, elle aurait été formellement opposée à sa position et il n’aurait jamais eu le choix.

 
- Ecoute Grace, commença-t-il à dire une fois qu’elle eut fini son laïus accablant au sujet de la confiance et de l’importance de ce choix pour la vie de leur fils, je n’ai pas fait ce choix à la légère. J’ai choisi de ne pas interférer avec la directive du G.A.M. parce que je pense sincèrement que c’est la meilleure chose à faire ! Les résultats des appariements qu’il calcule sont excellents…
 
Il la vit peu convaincue et probablement trop outrée pour même esquisser une réponse. Elle devait être trop surprise pour même être capable de répondre quoi que ce soit à ce qu’il disait. Il en profita pour étayer son propos au plus tant qu’il en avait l’occasion. Parce qu’une fois qu’elle reprendrait la parole et que sa fureur serait à son paroxysme, il serait incapable de la couper jusqu’à temps qu’elle s’en aille de rage.
 
- Tu connais le taux de divorce dans les arrangements du G.A.M. ? Moins de 5% ! Tu te rends compte de ce que ça représente ? C’est vraiment rien… Les violences conjugales ? poursuivit-il, en faisant de grands gestes pour appuyer ses propos. Seulement 3 cas, et il a été prouvé que c’était des arrangements dans lesquels le personnel avait interféré. Les avortements, il n’y en a eu que deux pour raisons thérapeutiques. Depuis combien de temps les gens de notre caste ne sont plus capables de concevoir entre eux, Grace ? Tout ce que je veux pour notre grand bonhomme, c’est le meilleur ! Je l’aime plus que tout au monde et je t’aime aussi ! Et je pense sincèrement que c’est un mouvement social qu’on ne pourra pas stopper ces mariages intercastes alors autant les embrasser et nous forger une réputation avant-gardiste sur le sujet !
 
Elle le gifla. Il l’avait senti venir… et il l’avait senti tout court à vrai dire. Il voulut la serrer dans ses bras mais elle le repoussa. Elle le gifla à nouveau et partit dans leur chambre en claquant la porte derrière elle. Bon, il l’avait bien cherché après tout…
 
 
Misty crut entendre vaguement que l’engueulade allait durer un moment entre madame et monsieur Harper. Elle sourit vaguement en regardant Lewis et lui tapota l’épaule. Elle savait que son arrivée fracassante dans la vie de cette famille allait casser quelques préconçus et habitudes mais elle se convainquait qu’au moins ça ne durerait pas longtemps. Elle était surtout désolée de s’imposer dans la vie de Lewis et de tout casser malgré elle.
 
- Ecoute, au moins, tu as une famille, c’est déjà ça, fit-elle avec un léger sourire triste. Je pense que je vais y aller. Je suis pas sûr que ça soit très bon pour vous que je reste trop longtemps. Appelle moi si tu as besoin de quelque chose pour un papier et je viendrai d’une manière ou d’une autre. Sinon, je te souhaite une bonne journée.
 

Elle sortit simplement, se voulant claire sur le fait qu’elle le laisser sans avoir besoin d’aide pour rentrer chez elle. Marcher un peu et prendre quelques clichés l’aiderait à décompresser de cette situation pourrie. Elle s’était dit dans un premier temps que prendre des photos des quartiers riches la ferait rêver mais elle comprit bien vite aux regards en biais que c’était une démarche mal comprise. L’image de jeune femme tatouée convoquait l’imaginaire d’une criminelle et donc d’une voleuse. Elle rangea son téléphone. De toutes manières, tout se ressemblait par ici et rien n’avait vraiment d’âme. A quoi bon avoir autant de moyens si c’est pour faire quelque chose d’aussi fade, soupira-t-elle.


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Dim 23 Juil - 21:42

Lewis
Harper

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, en Amérique. Dans la vie, je suis étudiant en biochimie et je m'en sors  heureusement très bien grâce à mes parents, notamment mon père.

Rationnel, doux mais un brin rêveur, Lewis pense être né au mauvais endroit, à la mauvaise époque. Il rêve et aspire à plus de libertés, celui de pouvoir faire ses propres choix dans une vie qui lui a toujours dicté le moindre chemin à prendre. Désormais passé la vingtaine, le voici propulsé vers un mariage inéluctable. Son énième prison, ou bien peut-être, la chance de pouvoir être enfin libre ?

fc. Julio Peña Fernández
Madame Harper était effectivement au paroxysme de la fureur. Les deux claques étaient parties d'elles-mêmes, sans qu'elle ne pense plus loin. Son propre mariage, Grace ne l'avait guère voulu. Guillian n'avait jamais été l'homme de ses rêves, et sa bourde le prouvait encore. La seule raison pour laquelle elle avait accepté de se marier avec lui, c'était pour faire plaisir à son père, sa famille et de bénéficier d'une vie aisée avec l'argent que gagnait Guillian. Certes, avec les années, Grace avait pu s'attacher un peu à Guillian, mais il ne s'agissait jamais que d'une amitié, le reste, elle le faisait essentiellement par devoir. Et encore régulièrement, il lui arrivait de se poser la question de comment sa vie aurait évolué si elle ne l'avait pas épousé... Son plus grand soulagement avait été d'avoir donné naissance à Lewis, à qui elle avait donné tout son amour. Et savoir que Lewis allait maintenant vivre le même supplice qu'elle la rendait folle de rage.

La porte de la cuisine avait claqué fort et Grace était passée par le corridor pour s'isoler dans leur chambre. Ses pas sur les escaliers avaient résonné avec une telle intensité qu'on eut dit qu'un éléphant traversait la maison.

Le sourire pincé et gêné, Lewis avait regardé Misty. La honte le gagnait à l'idée que la jeune femme découvre sa famille aussi déchirée. Alors il détourna le visage quand Misty tapota son épaule. Il souffla du nez, un peu désabusé... Si on pouvait appeler ça une famille.

Le jeune homme acquiesça mollement. Elle avait probablement raison de partir. Rien de bon n'allait sortir de cette discussion entre ses parents, alors autant qu'elle ne gâche pas son temps à attendre que la tempête passe. Dire qu'elle était venue expressément pour qu'ils parlent et voilà que le plan initial avait volé en éclats.

— Ouais... D'accord, souffla Lewis.

Il accompagna tout de même la jeune femme jusqu'au pas de la porte pour la regarder marcher dans l'allée du jardin. À voir sa chevelure se balancer sur ses épaules, il se demanda s'il s'imaginait vraiment vivre avec elle. Et si finalement il n'échappait pas à ce contrat ? Parviendraient-ils à s'entendre mieux que ses parents ?

***

— Bon, c'est quand que tu vas cracher le morceau ?

Maintenant que leurs amis en commun venaient de quitter la table, Jake et Lewis se retrouvaient seuls. Le garçon à la peau légèrement basanée se rapprocha de Lewis pour se pencher vers lui.

— Alors ? Cette fille ?

Lewis eut bien envie de nier en bloc, mais il était vrai qu'il n'avait encore donné aucune explication à son ami. Comment justifier qu'ils étaient partis chercher une fille sur Comly Street ?

— Garde ça pour toi mais... C'est la fille que le GAM m'a assignée comme probable future épouse...
— Wooh ! Tu vas bientôt avoir la bague au doigt alors ?

Jake semblait en partie impressionné et en partie compatissant, car il voyait bien que son pote ne le voyait pas avec autant de joie.

— T'emballe pas. Ma mère va tout faire pour essayer de capoter le mariage.
— Pourquoi ? demanda Jake qui ne comprenait pas où était le problème dans l'histoire.

Lewis leva les yeux vers lui d'un air entendu.

— Ben... Hum... Tu te rappelles où on a été la chercher ? dit Lewis comme première allusion.

Jake fronça les sourcils.

— Ben... C'est pas quelqu'un comme nous ici, continua Lewis en jetant un regard tout autour de lui.

L'université comptait pratiquement que des gens de la haute société, ceux qui avaient encore les moyens de payer des études poussées et « sérieuses » à leur enfant.

L'expression de Jake continua de s'assombrir.

— Juste parce qu'elle n'est pas riche ? reprocha Jake.
— Chuut ! souffla Lewis pour qu'il reste discret avec le monde autour d'eux dans la cafétéria.

Le basané ne broncha pas. Son regard restait fixé sur Harper. Ce dernier soupira.

— C'est ma mère que ça indigne... Elle ne conçoit pas que... je me marie avec quelqu'un qui... faisait partie... d'une caste inférieure... Même si... ça change pas grand chose, au final, non ?

Jake faisait partie d'une caste inférieure il y a encore une dizaine d'années d'ici. Ses parents, par un gros coup de chance, avaient réussi à passer le cap de s'intégrer dans une sphère plus haute. Avec difficultés, certes, mais ils avaient réussi. De fait, Jake était moins à cheval sur ces principes d'une époque qui se voulait révolue, mais qui restait encore bien ancrée dans les moeurs, surtout pour les riches qui ne désiraient pas se mêler à la basse population... Basse population dont faisait partie Misty.

Lewis avait beau se dire qu'il n'y faisait guère attention... Les réflexions de sa mère, ses critiques régulières sur les autres l'avaient pourtant un peu façonné à penser de la même manière. Il ne voulait pas se l'avouer, pas devant Jake. Alors qu'il savait pourtant bien que tous ses autres amis, riches de naissance et de génération en générations, abonderaient probablement dans le même sens que lui ou sa mère. Être ami avec quelqu'un d'une sous-couche était encore tolérable, surtout qu'ils pouvaient parfois plus facilement leur procurer des substances illicites sympas pour les soirées... Mais alors se marier avec l'un d'entre eux ? Même si c'était le GAM qui l'avait décidé... L'accepter sans rechigner était inimaginable.

Le jeune homme se sentit tiraillé. Jake ne pouvait peut-être pas comprendre qu'un riche ne veuille pas se mêler aux castes inférieurs, puisqu'il en faisait anciennement partie et que ces castes n'étaient désormais plus. De manière officielle du moins, mais dans l'esprit des gens... Pour autant, Jake était celui qui ne le jugerait pas là-dessus, pas sur le fait que Misty puisse venir de Comly Street. Lewis savait qu'il pourrait garder cette information secrète.

Jake, dubitatif, fronça encore un peu les sourcils. Il devait deviner que Lewis n'était pas entièrement sincère.

— Même si je la connais pas, j'espère que tu te comporteras pas comme un con de riche avec elle, répondit Jake avec amertume.

Lewis se contenta de fixer son assiette presque vide, alors que son ami se leva pour partir et le laisser seul avec ses réflexions.

Idiot... se reprocha Lewis qui se sentait plus tiraillé que jamais d'avoir osé penser comme ça.

Il se souvint alors de son rendez-vous dans deux heures.

— Jake ! héla-t-il son ami pour qu'il l'entende malgré la distance qui les séparait.

Son pote se retourna vers lui avec une expression blasée.

— Je vais devoir m'absenter cet aprem... Tu pourras... me couvrir ? Et me partager tes notes ?

Jake haussa les épaules avant de partir.

— Merci, mon pote... murmura Lewis pour lui-même.

Il rangea son plateau repas. Il suivit encore un cours avant de s'éclipser pour aller dans l'un des centres du GAM où il devait retrouver Misty. Le GAM voulait leur faire suivre une première séance de « thérapie de couple ». Le message que Lewis avait reçu indiquait d'ailleurs clairement qu'il s'agissait d'un rendez-vous obligatoire auquel un manquement ou une absence donnerait suite à une très grosse amende.

Lewis n'avait guère envie d'y aller, mais il s'y retrouvait contraint et forcé. En arrivant dans le centre, plusieurs flèches indiquaient le chemin pour le premier rendez-vous. Un bon nombre de personnes attendaient devant la porte, comme des étudiants attendraient leur professeur devant l'auditoire. Lewis balaya rapidement le groupe, sans pouvoir retrouver Misty. Mais à défaut de repérer la blonde, il reconnut deux amis d'enfance. Il se demanda alors quelle marche suivre ? Faire semblant de ne pas les avoir vus et reconnus ? Ou aller les retrouver et mentir sur la probable identité de celle qu'on lui avait désignée ? Mais dans les deux cas, les deux tourtereaux finiraient forcément par le reconnaître, non ?

D'ailleurs, ils ne le loupèrent pas.

— Hey ! Lewis ?

Lewis qui s'était tourné vers la sortie, le temps de réfléchir et dans l'espoir qu'ils ne lui mettent pas le grappin dessus, feignit l'indifférence en leur faisant à nouveau face.

— Hey ! Jimmy ! Comme ça fait longtemps ! dit-il avec une voix qui se voulait enjouée.

Pourvu que ça se passe bien...
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Jeu 17 Aoû - 10:08

Misty
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J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, USA. Dans la vie, je suis ouvrière et étudiante et je m'en sors comme je peux. Sinon, grâce à ma chance, je suis appelée et je le vis sans aucune idée de ce qui va m'arriver.
Misty avait voulu faire la fière en tenant à rentrer seule mais au final, la route était bien plus longue qu’elle ne l’aurait cru. Elle avait marché longuement avant de se résigner à prendre le bus. Dans l’attente, elle regarda un peu les alentours. Le contraste entre le quartier boisé et les grosses maisons de la banlieue de Lewis et le centre-ville et son quartier populaire se faisait sentir avec de moins en moins de subtilité à mesure qu’elle s’y intéressait. Elle eut le sentiment d’être sur le seuil entre deux mondes, à une frontière tacite. Elle monta tranquillement s’installer lorsqu’enfin le bus s’arrêta devant elle. Elle regarda son téléphone et ses messages pour voir que ses colocs l’attendaient pour payer le loyer. Ok, elle fit des virements entre son épargne et son compte courant. Elle n’avait pas encore reçu sa paie alors il fallait bien faire comme ça…

Elle remarqua ensuite le message qui annonçait le rendez-vous avec le psychologue pour la thérapie de couple la semaine suivante. Elle ne prit même pas le temps de considérer ses options : elle irait. Elle repensa un peu à la famille de Lewis, le regard dans le vague tandis que les rues passaient, la ramenant inlassablement plus proche de chez elle. Elle avait un soutien inespéré en la personne du père et un adversaire vraiment hostile dans sa mère. Elle ne savait pas trop quoi en penser finalement. Ces gens-là ne sont pas supposés être capables d’annuler un mariage de la GAM ? Personnellement, elle avait le sentiment de ne pas être trop mal tombée avec Lewis mais lui, qu’en pensait-il ? Commençait-il à caresser l’idée qu’ils seraient bientôt mariés et que ce serait définitif ? Un mariage sans amour et construit uniquement sur le besoin de sauver la société du « péril gris »… Elle voyait le truc arriver d’avance : elle jouerait à la bourgeoise aveugle tandis que Lewis irait avoir des aventures avec qui il voudrait. Elle serait seule et enfermée dans une grande maison vide comme celle des Harper dès que les enfants seraient partis… Elle frémit à cette idée. Qui voudrait faire des gosses pour faire des gosses ?

***

- Moi, je lui ferais cinq gosses s’il veut ! s’écria Becky. Non mais tu te rends compte ? Tu vas pouvoir vivre la grande vie ! Quitter Comly Street ! La vie de riche, ça doit être trop cool, imagine : tu peux glander toute la journée et si tu te fais trop chier, tu vas voir un doc et il te file des médocs pour triper !

Misty était mal à l’aise que Becky exprime les choses de cette manière mais elle voyait où elle voulait en venir. Elle se voyait mal prendre les médicaments qu’elle avait travaillé à emballer pendant des années. Elle but un peu dans son verre sans trop répondre, le regard se perdant dans les reflets rougeâtres de son verre de vin. Chaque fois qu’elles avaient fini le mois, elles fêtaient leur survie dans la jungle urbaine chez Giorgio’s Pizze. Le vin bon marché coulait pour leur donner des impressions de richesses, un pif immonde qui était à deux doigts d’avoir un goût d’alcool à brûler. Misty grimaça lorsque le brevage lui perça le palet, pratiquement à en toussoter. Damia passa un bras dans son dos pour la soutenir et la laisser poser sa tête contre son épaule.

- C’est triste à dire mais au moins, tu n’as pas le choix. Et Becky n’a pas entièrement tort, ça n’aura pas que des mauvais côtés. Tu vas pouvoir être tranquille et prendre tes photos sans t’inquiéter de rien, la rassura-t-elle en faisant les gros yeux à leur coloc.
- Je sais que ça sera bien pour moi mais je sais pas, il me fait de la peine quoi… On dirait qu’il va au bagne, soupira-t-elle. Je veux dire, ça me met le moral à zéro. Je suis pas assez bien pour lui. Et sa mère le sait.

Les deux colocs essayèrent de la réconforter tant bien que mal en commençant à manger la margherita qui arrivait. Le vieux Giorgio, qui écoutait toujours un peu ce qui se racontait, surtout parmi ses habituées, s’arrêta un peu à leur table. Il s’essuya un peu la farine des mains sur son tablier.

- Mais tu es merveilleuse, mon coeur, rajouta-t-il. Si j’avais vingt ans de moins-
- Trente ans même ! corrigea Becky en éclatant de rire.
- C’est vrai ! concéda-t-il en riant à son tour. Tu es superbe petite Misterella, j’aurais eu de la chance en ayant une femme comme toi !

Le Don Juan se fit rabrouer par sa femme en cuisine. C’était pour ce genre de moments qu’elles persistaient à venir dans la pizzeria. D’une manière ou d’une autre, elles riaient toujours en oubliant leurs soucis. Misty en avait une paire mais elle n’était pas la seule. Habituellement, elle était plus du genre à les garder pour elle. Mais la curiosité de scruter les processus de la GAM avait poussé ses amies à lui tirer les vers du nez. Au final, même pour elle, c’était plus un sujet de discussion qu’un vrai problème qui lui prenait la tête en permanence quand elle avait en tête son frère à l’hôpital. Elle se jura de trouver du temps pour lui rendre visite sous peu. Elle avait besoin de le savoir en bonne santé pour pouvoir continuer à avancer.

***

- Rah mais tu vas l’avancer ta caisse, bordel ! beugla le conducteur du bus par la fenêtre.

Misty s’était élancée dès qu’elle avait pu. Le centre de thérapie de couple n’était pas tellement proche de chez elle non plus et la faire passer à l’heure de pointe n’était pas l’idée la plus fine qu’avait eu la GAM. Aussi, elle était encore une fois à la bourre. Ils allaient finir par croire que c’était une habitude venant de sa part. Bon, peut-être qu’il y avait un fond de vérité là-dedans, mais ce n’était pas complètement volontaire ! Elle avait bien l’obligation de continuer son boulot pour le moment non ? Le superviseur ne voulait pas la lâcher de toutes façons…

Elle perdit haleine à arriver au plus vite pour pousser les portes du centre. Par chance, elle n’était pas tant en retard que la séance précédente. Leurs regards se croisèrent avec Lewis. Elle ne savait pas trop quelle expression elle devait y lire mais elle s’approcha tout de même de lui en le saluant le plus naturellement du monde. Ses copines lui avaient conseillé d’arrêter de se demander si elle avait le droit à cette vie et de juste en tirer parti pour en faire le meilleur.

- Salut Lewis ! Ca va ? fit-elle entre deux halètements. Je suis pas à la bourre cette fois-ci !

Elle se pencha un peu et se laissa tomber sans cérémonie dans un banc pour finir de reprendre son souffle. Elle remarqua alors que les deux personnes à côté de Lewis étaient en train de parler avec lui et non juste en train d’attendre pour une séance avec le conseiller de couple. Elle s’excusa un peu en s’essuyant le front de sa manche.
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Ven 1 Sep - 14:56

Lewis
Harper

J'ai 20 ans et je vis à Philadelphie, en Amérique. Dans la vie, je suis étudiant en biochimie et je m'en sors  heureusement très bien grâce à mes parents, notamment mon père.

Rationnel, doux mais un brin rêveur, Lewis pense être né au mauvais endroit, à la mauvaise époque. Il rêve et aspire à plus de libertés, celui de pouvoir faire ses propres choix dans une vie qui lui a toujours dicté le moindre chemin à prendre. Désormais passé la vingtaine, le voici propulsé vers un mariage inéluctable. Son énième prison, ou bien peut-être, la chance de pouvoir être enfin libre ?

fc. Julio Peña Fernández
Pris comme un rat. Lewis se demandait bien quelle carte jouer. Être ici voulait forcément dire qu'il allait bientôt se marier. Tout comme ses deux amis... Comment allait-il pouvoir faire semblant de quoi que ce soit ? Il l'ignorait encore. Il devrait peut-être feindre que Misty n'était pas celle qu'elle avait l'air d'être... Mais l'accepterait-elle ? Jouerait-elle le jeu ? Non.. Il espérait surtout qu'elle ne viendrait pas, ou qu'elle ne vienne pas directement vers lui, feindre qu'ils ne se connaissaient tout simplement pas (il y avait une part de vrai là-dedans aussi, non?).

La voix de Jimmy l'avait hélé, d'abord avec hésitation, sans être certain que c'était lui. Lewis pesta contre lui-même. Il aurait pu faire semblant de ne pas l'avoir entendu... L'expression de Jimmy avait alors changé, il s'était redressé, son oeil pétillait et un sourire franc habillait ses lèvres. Il s'était avancé avec Lydia.

— Ça fait trop plaisir de te revoir ! dit Jimmy en lui faisant une accolade.

Lydia le salua d'un bref mouvement de tête, probablement tout aussi gênée.

— Comment tu vas ? demanda encore Jimmy en inspectant son ami du regard. Toi aussi, tu vas passer le cap ?

Il aurait espéré que non.
Lewis afficha un maigre sourire, un peu gêné et forcé.

— Euh... Oui, je vais bien... et toi ?

Il éluda ainsi la deuxième question de Jimmy, en espérant qu'il ne le remarque pas, avec sa spontanéité légendaire. Lydia leva les yeux vers Lewis et croisa ainsi son regard.

— Et vous deux ? se rattrapa Lewis rapidement pour inclure la petite brune aux boucles indomptables.

Lydia eut un petit sourire, le regard un peu fuyant. Probablement était-elle tout aussi mal à l'aise. D'ailleurs, c'était le cas pour beaucoup d'entre eux. Parmi tous les couples qui attendaient devant l'auditoire, seuls quatre ou cinq couples semblaient discuter et s'apprécier, les autres restaient invariablement mutiques, immobiles ou même dos l'un par rapport à l'autre. Des barrières invisibles étaient érigées entre la plupart des gens.

Jimmy répondit, mais Lewis n'écoutait pas vraiment. Il scrutait la porte. Misty allait-elle venir ? L'heure du rendez-vous était déjà passé. Par chance, la personne qui s'occupait de cette première réunion n'était pas encore arrivé.

Lewis soupira et considéra ces deux anciens amis. Il fronça un peu les sourcils.

— Vous êtes... ensemble ? Du coup ?

Lydia croisa les bras sur sa poitrine en se pinçant les lèvres.

— Oui, on est ensemble ! répondit Jimmy du tac au tac.

D'ailleurs, avec beaucoup de joie... Qui ne semblait pas forcément partagée.

Ce fut à ce moment que Misty décida d'apparaître. Lewis la vit venir du coin de l'oeil. Il fit mine de ne pas la voir, jusqu'à ce qu'il fut clair qu'elle s'approchait vers eux, sans l'ombre d'un doute. Le jeune homme la regarda, puis vérifia vers ses amis. Il se racla la gorge en baissant les yeux.

Elle l'avait appelée. Lewis. Il ne pouvait guère nier que c'était lui.

— Salut, dit-il sans conviction.

Il afficha un sourire contrit. Heureusement, ou malheureusement, Jimmy prit la les devants dans la conversation, tel le bavard qu'il était.

— Salut ! Tu t'appelles comment ? demanda Jimmy avec un léger froncement de sourcils.

Lewis aurait bien eu envie de s'enterrer six pieds sous terre.

— Bien le bonjour !

La silhouette d'un homme en costume apparut dans le couloir, petite valisette en main. Le groupe de jeunes couples se mit en branle à son arrivée. Le psychologue s'approcha de l'entrée, inséra le clé dans la serrure de la porte et l'ouvrit pour laisser entrer ses « patients ».

— Veuillez vous installez par deux. Je vous laisse bien évidemment deviner votre partenaire du jour, dit-il avec une pointe de dérision.

Lewis regarda Misty, pendant que son couple d'amis entrait devant eux. Il ne savait pas vraiment quoi lui dire, quoi faire. Alors il préféra être silencieux, comme la plupart des futurs mariés autour d'eux.

— Ne vous faites pas priés, installez-vous. Je vais rapidement faire les présences et nous pourrons entamer la séance, expliqua l'animateur en refermant la porte derrière tout le monde.
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