La simple idée de voir, à nouveau, Andrew Myers en maillot de bain tout en étant inaccessible suffit pour lui donner chaud. Trop chaud. Il ne se rend pas compte de la bombe qu’il a lancée mais… Lisa se souvient parfaitement de ce que ça fait que d’être auprès d’Andy dans une piscine, son épiderme à quelques centimètres seulement, sans pouvoir s’autoriser à le toucher. Dieu sait pourtant qu’elle l’a imaginé un nombre incalculable de fois, cette après-midi là et que tout son corps s’est raidi chaque fois qu’il la prenait dans ses bras pour la soutenir après les évènements du matin. Son corps contre le sien, trop brièvement, les reliefs de celui-ci contre son propre corps… Lisa visualise très bien le spectacle, trop bien même, au point que l’après-midi à venir l’inquiète. La peur d’être découverte lui tiraille l’estomac alors qu’elle songe qu’Andy ne voudra peut-être plus lui parler lorsqu’il comprendra quelles sont ses réelles intentions à son égard. Aayden a beau dire que Myers n’est pas insensible à la patineuse… Lisa en doute fort. Très fort, en fait, n’y croyant même pas une seconde. S’ils sont proches, ce n’est que par amitié. Pas parce qu’Andy aimerait plus avec elle. Elle le sait, elle l’a d’autant plus compris dans cette piscine la dernière fois parce que… Même si Andy a toujours été un garçon respectueux, elle songe qu’un mec amoureux aurait au moins tenté un rapprochement physique. Un baiser. Quelque chose.

Il caresse son dos gentiment en essayant de la soutenir, la réconforter, en même temps que Lisa panique. Elle visualise trop bien le contrôle dont elle va avoir besoin pour que ses émotions, son admiration, ne transparaissent pas sur son visage et elle ne sait pas si elle en aura la force. Elle ne sait pas si elle sera vraiment capable de supporter cette vision trop longtemps, surtout. Et en même temps… En même temps, il y a cette petite partie d’elle qui se réjouit de pouvoir passer un peu de temps avec le jeune homme et qui espère justement que la journée sera bien longue, pour passer un maximum de temps avec lui. Contradiction.

”- Oui.” elle concède. Oui, ça lui fait plaisir. Mais elle n’en est pas moins livide pour autant. ”Et… je flippe.” elle avoue. ”Tu sais pas c’que c’est toi, d’le voir en maillot de bain il…” elle déglutit. ”Il est juste parfait et…” elle se frotte les tempes. ”J’suis juste moi.”

Sa confiance en elle qui se fait la malle, ça faisait longtemps. Aayden sait comment elle fonctionne, comment elle pense. Il sait ce traumatisme ancré en elle et contre lequel il lutte si fort, lui permettant d'avoir bien avancé ces dernières années, sans pourtant le pourfendre tout à fait. Il sait que, par moment, ce manque de confiance refait surface. Que Lisa flippe de ne pas être assez bien, de ne pas être assez tout court. Elle ne l'a pas été pour son père, après tout.

Tu souris doucement alors que tu restes un peu là, à lui caresser le dos. Tu sais très bien pourquoi elle est comme ça. À la fois, parce qu’elle est certaine d’une vérité qui n’est visible que de son point de vue à elle et parce qu’elle souffre indéniablement, encore, de ce traumatisme d’enfance, que tu connais que trop bien. Pendant votre séjour, il y a eu quelques insomnies. Soit de ta part, parce que ton cerveau malade n’arrivait pas à dé-focus, ressassant encore et encore des scénarios de ta vie désagréable, soit d’elle parce que ses démons, ses cauchemars et ses peurs s’étaient réveillés soudainement.

Oh, tu étais habitué à cela. Trop habitué, malheureusement. La prendre dans tes bras, roulés en boule dans le lit, la berçant doucement, fredonnant sa comptine favorite ou juste lui caresser les cheveux pour lui montrer ta présence, espérer qu’elle retrouve le sommeil. Lui parler, la rassurer. Lui faire oublier l’homme originel de ses crises. Tenter. Recommencer. C’était devenu comme une habitude, ancrée dans ton ADN désormais. Des réflexes que tu avais créé à force de rester avec la rouquine le soir. À force de l’écouter parler, la laisser s’exprimer, comprendre ses soucis, ses craintes… Peut-être que c’est ça aussi qui n’aide pas les gens de votre âge qui tentaient d’approcher Lisa…

Trop protecteur avec elle, sachant très bien qu’il fallait avoir les épaules solides pour combler les peurs de ta meilleure amie. Myers pourra le faire ? Tu ne le sais pas. Tu l’espères. Tu le guideras, pour le bien de la jeune fille. Tu souris.

- Hey… Pour c’qui est d’voir son crush en petite tenue, j’te rassure, j’ai jamais été aussi rapide à détourner l’regard, l’soir.

Que tu dis doucement, te souvenant de ces fois là où tu avais fermé rapidement tes rideaux, craignant de voir la brune en face en t-shirt et culotte ou sous-vêtement. Au début, par rejet, maintenant par pudeur et pour lui faire comprendre que tu n’étais pas un voyeur.

- Aller… Respire. J’suis sûr qu’ça se passera bien.

Tu redresses un peu la tête en entendant les annonces et grimaces.

- On va bientôt devoir y aller.

Forcément, pour elle, la perspective de voir son crush en maillot de bain, presque dans le plus simple appareil, la met un peu mal à l'aise. La jeune femme sait très bien l'effet qu'il lui fait et... tout ce qu'il provoque en elle quand elle le voit mais alors si en plus elle le voit comme ça... Cette simple idée lui a fait perdre au moins deux teintes, elle en est sûre. Et bien sûr, Aayden sait ce que c'est que de voir son crush en petite tenue, puisqu'il habite littéralement en face du sien. Bien sûr, Cornelia n'enfile pas de maillot de bain pour bronze sur son balcon mais ça ne veut pas dire qu'Aayden n'a jamais eu à détourner rapidement le regard par le passé, comme il le lui révèle. Et elle veut bien croire que ce soit vrai mais...

"- Toi t'es dans ta chambre et elle dans la sienne." objecte Lisa en secouant la tête, grimaçant légèrement.

Elle a peur, peur que son corps la trahisse pas toutes les réactions qu'elle a forcément en présence du jeune Myers. D'habitude, ce n'est pas très grave. Sauf qu'en maillot de bain... Elle a bien vu, la dernière fois. D'autant plus que le jeune homme est tactile par moment et elle voit déjà la scène d'ici, en fait. Est-ce qu'encore une fois elle peut secrètement espérer qu'il pensera qu'elle a seulement froid ? Elle n'en est pas sûre.

Il est sûr que ça se passera bien et elle, elle panique, tout simplement. Elle panique vraiment. Elle sait plus vraiment quoi faire avec Andy. Elle ose pas lui dire, trop effrayée à l'idée de ce qu'il pourrait dire et en même temps... En même temps ne rien dire, c'est encore pire. Devoir cacher ce qu'elle ressent c'est... De moins en moins possible. Elle a l'impression qu'elle va finir par se griller auprès de lui et ça ne la rassure pas vraiment. Elle a peur de ne rien contrôler dans cette situation. Peur de souffrir, surtout. Peur de le voir s'éloigner. Peur de le voir l'abandonner. C'est une angoisse contre laquelle elle ne peut rien, une angoisse qu'elle nourrit au quotidien, pas seulement avec lui mais avec tout le monde.

"- Ah ? Ouai..."

Elle se lève, en mode pilote automatique comme il dit qu'il va falloir y aller, rejoignant alors l'embarquement, présentant leur carte prioritaire. Évidement. Du grand Sachs, encore une fois. S'assurer que son fils embarque en premier et que ses bagages ne finiront pas en soute. C'est tout à fait lui. Lisa, elle, se contente de suivre Aayden, passant les derniers contrôles avant de monter dans l'avion, suivant Den jusqu'à leur place, dans laquelle elle se laisse tomber. Pour une fois, elle remercie toutefois Sachs d'être l'horrible type qu'il est. Elle préfère n'être qu'avec Den pour ce voyage, côte à côte dans cet espace, plutôt que serrée entre son meilleur ami et des inconnus.

"- Je... J'sais pas comment lui dire." finit-elle par avouer. "Imagine si... s'il l'apprend et qu'il... et qu'il..."

- Toi t'es dans ta chambre et elle dans la sienne.

Tu grimaces parce que techniquement… Bah, ce n'était pas faux. Techniquement, tu n’étais jamais à côté d’elle, à presque effleurer ses bras du bout des doigts, à croire que tu pouvais être assez proche pour tendre la main et attraper la sienne ou déposer des baisers chastes dans le cou. Non. Tu t’imaginais bien le faire un jour, dans une autre vie. Autre que celle-ci. Quelques fois, tu rêves juste de balader avec elle, main dans la main, sur le bord d’un lac, d’une rivière ou de la plage. Tu rêves de la prendre dans tes bras, poser un baiser sur son front, la rassurer avant une compétition.

Mais tu sais que c’est impossible, que jamais cela pourrait se réaliser. Alors pour le moment, tu te contentes de quelques fois l’observer à travers cette fenêtre, ce vide qui vous sépare. Peut-être qu’un jour, tu la verras quitter sa maison au bras d’un patineur, souriante. Tu ne pourras rien faire ce jour-là, sauf espérer qu’il soit le bon pour elle, croire qu’elle sera plus heureuse ainsi. Ça te brisera le cœur, mais ce sera toujours mieux que de continuer à lui faire du mal sans raison. Et en y pensant, doucement, vous avancez, Lisa et toi, vers ce dernier obstacle avant de pouvoir vous poser dans ses fauteuils hors de prix.

Tu ranges les bagages à cabine dans les endroits dédiés avant de vérifier que ta meilleure amie ait tout ce dont elle avait besoin pour le voyage. Tu te poses à côté, toi aussi avec tes affaires et attends de voir si elle continuera d’apposer ses arguments pour la venue de Myers chez toi. Tu souris un peu.

- Écoute… Dit lui… Qu’est-ce qu’tu risques ? C’est pas toi qui m’disais que sans savoir, l’ non, tu l’avais déjà ?

Qu'est-ce qu'elle risque à dire à Andy ce qu'elle ressent, demande son meilleur ami. Bien sûr, elle lui a dit en parlant de Cornelia que, sans en parler, sans oser, alors il n'y a pas de non, parce qu'on l'a déjà. C'est facile de dire ça pour Aayden. Parce que c'est vrai dans son cas, parce que ça marche comme ça. Parce qu'il faut de toute façon qu'il se bouge pour l'avoir, parce qu'il part de trop loin. Il faut forcément qu'il se lance. Mais elle... Elle... Elle, ce n'est pas un non qu'elle redoute. C'est au-delà, c'est encore pire, c'est une fuite. Elle ne redoute pas qu'il dise non, elle redoute qu'il l'abandonne. Elle redoute qu'il ne veuille plus la voir, plus lui parler. Elle a peur de perdre ce qu'elle a, pas peur de perdre ce qu'elle n'a de toute façon jamais eu et... et dans son esprit c'est là toute la différence. Une différence qui lui fait pousser un soupir.

"- Tu sais bien c'qui m'fait peur." souffle Lisa en perdant son regard pas le hublot, son cœur s'emballant dans sa poitrine. "C'est... C'est toujours pareil." murmure encore la demoiselle, les larmes aux yeux tandis qu'elle perd son regard sur la piste de décollage qui s'étale sous ses yeux.

Elle ferme les yeux quelques secondes et pose finalement sa tête sur l'épaule de son meilleur ami après avoir abaissé la séparation amovible entre leurs sièges pour pouvoir être au plus près de lui. Elle en vient à regretter, maintenant, d'être installée dans ce fauteuil qui ne lui permet pas de se blottir contre l'homme autant qu'elle le voudrait, autant que, dans l'immédiat, elle en aurait besoin.

"- Est-ce que..." elle cherche ses mots. "Est-ce que tu crois qu'un jour, il me laissera en paix ?" murmure-t-elle alors qu'une larme glisse le long de sa joue. "Ou est-ce que son fantôme sera toujours là, quelque part ?"

Il sait de quoi elle parle, bien sûr, ou plutôt de qui. Il sait qui est le grand responsable de ses larmes, des plus grosses crises qu'il ait put lui voir. Il sait que sans le nommer, c'est de son paternel qu'elle parle, l'homme qui devait l'aimer plus que tout au monde, plus que n'importe quel autre et qui l'a abandonné sans même se retourner, laissant ce rôle à Aayden, sans que Lisa ne puisse jamais vraiment s'en relever tout à fait. Aayden l'avait sauvé, sans aucun doute, d'elle-même comme de ses ténèbres mais il subsistait en elle ces peurs qu'aujourd'hui encore, onze ans plus tard, il s'employait à calmer.

Oui.

Bien sûr que tu sais ce qui effraye réellement ton amie. Tu sais ce qui est la vraie raison de ne pas vouloir se dévoiler au brun. Tu approches un peu ton visage vers elle, voyant bien qu’elle commençait à laisser ses émotions prendre le dessus. Tu serres les dents, n’aimant pas la voir ainsi. Tu passes ta main dans son cou pour la ramener vers toi autant que la séparation des fauteuils vous en donne la possibilité et l’embrasse sur le front. Tu poses ensuite le tient contre le sien, ta main libre prenant la sienne pour la réconforter comme tu pouvais.

Elle aura sûrement besoin de faire comme toi et dormir pendant ce vol, tu le sais. Pas sûr qu’elle y arrive et pas sûr que tu dormes correctement non plus, trop anxieux de louper une crise d’angoisse de sa part. Tu l’écoutes attentivement. Tu souris, silencieux, attendant qu’elle finisse sa phrase, qu’elle s’ouvre et soupires un peu avant de lui caresser la joue, comme un grand frère présent pour elle.

- Peut-être.. Peut-être pas.. J’sais pas c’que tu vis, tu l’sais bien, mais j’sais que t’es assez forte pour t’dire qu’il faut vivre avec et tant pis.

Tu serres sa main dans la tienne, lui caressant le dos de la main de ton pouce.

- Peut-être qu’un jour, tu auras des réponses, peut-être que non. Qu’importe. J’s’rais là.. J’t’l’ai promis… Repose-toi un peu..

Que tu dis, l’embrassant une nouvelle fois sur le front, tâchant d’essuyer ses larmes silencieuses et sourit doucement, alors que lentement, très lentement, l’avion bouge, commençant alors son voyage pour retourner à la maison.

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Vous étiez rentré, c’est sûr. Mais la journée n’avait pas été de tout repos. Tu avais téléphoné à Julia, pour l’avertir que sa fille allait bien, que tu la kidnappais chez toi et que tu la rendrais en échange des lasagnes faites maison. Tu avais prévenu tes parents que tu étais rentré. Arthur avait salué Lisa rapidement, sans faire un commentaire, vous conduisant à la maison avant de disparaître on ne sait où.. Tu avais pris rapidement ta douche et tu avais laissé Lisa prendre la tienne… Puis, seul, dans ta chambre… Tu avais levé les yeux. Elle n’était pas là… Et pourtant, tu étais en train de lui parler par téléphone… Mais c’était avant de te retrouver figé… Sans avoir le courage de lui demander : "Et toi ? Je te fais peur ?".

Mais non. Tu avais préféré fuir et posant ton téléphone sur ta table de chevet, tu t’es énervé, sans hurler… Sur le mur le plus proche.. Et tu grognes sur toi-même avant de retirer ton poing, restant figé devant le trou que tu venais de faire.. Tu soupires un peu avant de te tourner vers ton amie qui se montre à l’encadrement de la porte. Tu serres les dents et montres le trou en soupirant.

- J’ai… Je.. J’le couvrirais avec un poster… Ça va ta douche ? Tu veux qu’j’commande pour ce soir ?

Den la rassure, comme toujours, assurant à la perfection un rôle de grand-frère que la vie lui a attribué bien qu'il soit le petit dernier de sa famille et bien qu'en réalité, Lisa soit trois semaine plus vieille que lui. Il la prend contre lui autant que possible, essuie ses larmes, essaie d'apaiser ses doutes, de réconforter son âme... Il fait ce qu'il a toujours fait finalement, avec elle. La relever quand elle tombe. La soutenir dans ses faiblesses. Recoller tout ses morceaux d'elle chaque fois qu'elle explose, chaque fois qu'elle sombre. Et elle est reconnaissante pour ça, reconnaissante de l'avoir dans sa vie. Reconnaissante d'avoir trouvé quelqu'un comme lui.

Comme le voyant des ceintures s'éteint, les laissant désormais libre de marcher dans l'avion, Lisa se détache, sans avoir l'intention de se dégourdir les jambes mais bien celle de requérir l'étreinte dont elle a besoin et qui ne saurait attendre cinq heures. Ce ne sera pas l'idéal pour se reposer mais elle se sait incapable de fermer l'œil dans l'immédiat, tout comme elle se doute qu'il ne dormira pas vraiment non plus, trop préoccupé par trop de choses.

Enjambant la séparation entre leurs deux sièges, elle le rejoint en se laissant glisser contre lui, trouvant la chaleur et le réconfort de ses bras, de l'espace entre sa tête et son épaule où elle peut enfouir sa tête et se laisser bercer tant par le rythme des battements de son cœur que par l'odeur rassurante de son parfum, comme un enfant serait rassuré de sentir celui de sa mère chatouiller ses narines dans la nuit.

"- Je t'aime..." souffle-t-elle pour lui, sans ambiguïté, restant lovée contre lui.

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Elle lève un sourcil face au sms d'Andy. Elle n'a pas rêvé. C'est bien un coup dans le mur qu'elle a entendu à peine quelques minutes plus tôt, lorsqu'elle rinçait ses cheveux du shampoing qu'elle avait piqué à Den. Fronçant les sourcils, elle se demande ce qu'il a bien pu vouloir demander à Cornelia avant de se rétracter. Une question qu'il n'a pas formulé, ce qu'elle semble avoir mal prit de son côté mais qui, surtout, perturbe le jeune homme. Echangeant encore quelques SMS avec Andy pendant qu'elle finit de se sécher et de s'habiller, elle range finalement son téléphone dans sa poche, le rejoignant dans sa chambre alors qu'il y tourne comme un fauve en cage.

"- On verra ça après." souffle-t-elle doucement. "Ta main, ça va ?" demande la jeune femme.

Sans vraiment attendre, elle attrape celle-ci pour l'inspecter, à la recherche d'une plaie ou petite égratignure. Rien. Elle aime mieux ça. La relâchant, elle le regarde sérieusement et le prend dans ses bras, dépose un baiser sur sa tempe en se hissant sur la pointe des pieds, essayant de lui transmettre la force et le soutien dont il a besoin. Elle reste ainsi de longues secondes avant de demander.

"- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

Explosion de colère. Encore. Tu essayes de t’expliquer à ta meilleure amie quand elle vient vers toi pour vérifier ta main. Mais dans ta connerie, tu n’avais frappé qu’une seule fois. Assez fort pour déformer ton mur, pas assez pour te blesser toi-même. Tu serres les dents et la laisses faire son inspection avant de fermer les yeux en sentant son baiser réconfortant sur la tempe. Tu baisses la tête, la prenant dans tes bras en retour, reniflant doucement, empêchant ainsi les larmes de rage de couler. Tu prends une grande inspiration avant de reculer grimaçant. Sa question est légitime.

Tu secoues la tête et te poses par terre, utilisant ton lit comme dossier et hausses les épaules.

- J’y arrive pas…

Que tu prononces simplement, te torturant les doigts, comme un enfant qui essaye de dire ce qu’il ressent. Tu serres de nouveau les dents en levant le regard au plafond, les larmes coulant le long de tes joues. Encore cette rage qui bouillonne en toi, qui te ronge et te rend colérique pour quelque chose d’aussi oubliable, anodin. Tu soupires et te tournes vers elle, ton ancre de vie. Ta meilleure amie. Tu te pinces les lèvres.

- Ce… J’ai… J’ai voulu…

Les mots se bloquent dans ta gorge. Tu déglutis et te tournes vers ta fenêtre, vers ce balcon éteint. Elle n’est pas là, la raison de cette colère. Elle n’était pas présente, n’avait pas été encore une fois spectatrice d’un malheureux incident. Tu serres un peu les dents, alors que de nombreuses questions te trottent dans la tête. Tu reviens à Lisa, sachant très bien qu’elle dira la vérité. Blessante, mais sincère.

- Est-ce qu’j’fais peur ? Est-ce que… C’est ça qu’on voit d’moi ? Dehors ? Un espèce de… Monstre ? Est-ce que tu… Est-ce que tu penses que… Que je lui fais peur ?

Tu souris un peu, alors que les yeux se rougissent, ta vision qui se trouble et les mots sortent, entre quelques sanglots éclatés.

- J’ai voulu… le savoir, tu vois ? Savoir si c’est vraiment… Ça qu’elle voyait d’moi… Mais j’ai… J’ai pas réussi… J’ai pas pu… J’ai pas…

Tu baisses le regard.

- J’aurais beau essayer… J’y arrive pas… J’voudrais bien… Mais j’y arrive pas… J’croi sincèrement qu’elle… qu’elle s’ra mieux avec un autre… Au moins… J’pourrais pas lui faire d’mal sans l’vouloir, hein ?

Quand il s’éloigne d’elle, Aayden s’assoit par terre en s’appuyant contre son lit et elle vient faire pareil, s’installant à côté de lui en l’écoutant avouer qu’il n’y arrive pas, ce qui lui fait froncer les sourcils. Qu’est-ce qu’il veut dire par là ? Il n’arrive pas à quoi ? Lisa veut comprendre mais n’ose pas le demander, pas encore, pour ne pas le brusquer. Au lieu de cela, la jeune femme lui laisse le temps de parler, lui laisse le temps de rassembler ses esprits, de penser aux mots qu’il va dire. Elle lui laisse le temps de mettre de l’ordre dans ses idées, sa main venant caresser son dos pour le soutenir, l’encourager, tandis que l’autre enveloppe ses mains pour l’empêcher de se torturer les doigts, comme il vient de commencer à le faire. Elle l’enveloppe autant qu’elle le peut pour qu’il se sente en paix, rassuré, protégé. Qu’il trouve le réconfort et le soutien dont il a besoin. Elle ne demande rien, n’en ayant pas besoin, son regard parlant pour elle, l'encourageant en même temps. Il sait qu’il peut tout lui dire. Il sait qu’elle ne le jugera jamais. Il sait aussi qu’elle sera toujours là pour lui, qu’elle ne le laissera jamais tomber. A la vie à la mort, depuis ce premier jour où il l’a relevée, redressée.

Il pleure et cette vision brise son coeur. Lisa voudrait effacer toutes ces larmes. Elle voudrait ne jamais les voir exister, pouvoir les empêcher de couler. Mais elle n’a pas cette force en elle. Elle n’a pas le pouvoir de l’empêcher d’être triste, seulement celui de lui rendre parfois le sourire. Mais elle essaie, quand-même, déposant une série de baisers sur sa joue tandis que sa main quitte celles du jeune homme pour essuyer ces larmes.

”- Je suis là…” souffle-t-elle pour le rassurer.

Est-ce qu’il fait peur ? Sûrement un peu, à quelques personnes en tout cas. C’est que sa réputation le précède et qu’on le sait capable de briser des os sur la glace. Qu’on le sait capable de la protéger. Mais est-ce que c’est tout ce qu’il renvoie, tout ce que l’on voit de lui ? Lisa espère que non. Elle espère que certains peuvent le voir comme elle le voit, aussi merveilleux qu’elle le sait être. Et ses mots brisent son cœur.

”- Bien sûr que non t’es pas un monstre !” elle s’écrit, son cœur se brisant, une salve de baisers redoublant sur l’épiderme de son meilleur ami, le serrant fort contre elle. ”Mon dieu non !” souffle-t-elle en le berçant tandis qu’il pleure, qu’il évacue tout ce qu’il a sur le cœur, brisant le sien un peu plus à tel point qu’elle sent ses joues être humides de ses propres larmes. ”Denden…” souffle-t-elle. ”Tu es merveilleux. Plein de gens le savent. Je le sais. Maman le sait. Toute ma famille le sait. Ton équipe, ton entraîneur…” elle le berce encore. ”Oui, t’as des problèmes pour gérer ta colère mais… Mais t’es pas un monstre !” elle frissonne. ”Tu seras jamais un monstre.”

Oh bon sang, qu’elle peut donc détester Sachs, précisément en ce moment même, le tenant pour responsable de la douleur de son fils, de toutes ces années qu’il a passé à critiquer Cornelia pour regretter désormais. Elle bouillonne. Elle bouillonne mais elle ne peut pas laisser exploser sa propre colère. Elle doit se focaliser sur lui.

”- Je pense qu’elle est blessée. Je pense… Je pense que tout ça a été très difficile mais… Mais je pense aussi que ça peut changer tu sais ? Elle finira bien par voir qu’elle n’a plus de raison de se méfier de toi, que tu n’es plus ce que ton père a fait de toi. Que tu es passé au-dessus de ces conneries et… Et je pense qu’au fond, elle le sait. Elle sait que… tout ça… c’est pas ta faute.” elle souffle. ”Et t’es pas quelqu’un qui fait du mal aux autres gratuitement Denden. Pas un mec qui frappe les filles. Bon sang j’en suis la preuve et je sais, du plus profond de mon être, que tu ne pourras jamais, jamais, jamais lever la main sur elle, que tu la traiteras comme une princesse parce que…” elle souffle. ”C’est comme ça que tu m’traite.”

Tu n'arrêtes pas de pleurer, en silence, comme si tu te retenais. Les émotions explosent, décuplées, enveloppées de ta sensibilité accrue. L'envie de hurler, de foutre ta chambre en l'air se fait sentir, l'envie de briser quelques chose, de te rouler ensuite en boule pour ne plus voir personne s'en rajoute. Mais tu t'accroches. Savoir Lisa à tes côtés te permet de ne pas sombrer complètement. Au moins le psychiatre n'avait pas tort. Tu es facilement irritable, tu oublies ou tu te focalises sur des choses qui n'ont pas lieu d'être. Tu as du mal à contrôler ton impulsivité naturelle, tu as de la culpabilité en plus … RIEN NE VA.

Tu te masses un peu la nuque après avoir essuyé quelques larmes, écoutant ton amie parler et hoches la tête en souriant en coin. Tu pouffes nerveusement en te frottant un œil.

- Tsss… C'est tout sauf une fille qui s'laisse faire. Elle a plutôt du mordant la Princesse.

Ça pour en avoir, elle en a. Pas forcément en provocation, plus pour se défendre. Tu souris à ton amie et la garde dans tes bras en soupirant, laissant les dernières larmes sécher sur tes joues. Plus calme. Tu grimaces et secoues la tête.

- J'sais pas c'que j'ferais sans toi… J'crois qu'j'aurais fait comme ma soeur peut-être…

À finir dans une ruelle, prit dans les délires et déboires de substance illicites, entre rêves et réalité. Entre la vie et la mort. Tu serres les dents et recules un peu.

- M'enfin… Tant pis pour c'soir… Je… j'm'excuserais après et… j'ai juste envie d'manger gras pour l'moral…

Que tu dis doucement.

- Tu crois qu'Arthur va penser aux pizza ou j'dois l'appeller ?

Que tu te demandes, te disant que ÉVENTUELLEMENT ton frère ferait un effort, comme il en avait fait depuis quelque temps. Mais bon. C'est un Sachs… qui sait …