Oui, il avait dû en passer du temps devant la salle commune des Gryffondors à attendre Lily. D’ailleurs, c’était peut-être parce qu’elle en avait marre de le voir là que la Grosse Dame s’était montrée particulièrement agaçante. Du moins c’est ce qu’en déduisait Mary aux paroles du serpentard. Mais la vraie question c’était : est-ce que la Grosse Dame pouvait réellement être plus pénible qu’elle ne l’était déjà ? En sept ans de vie à Poudlard, la Rouge et Or en avait vu et entendu des choses venant d’elle. Et qu’est-ce qu’elle avait pu rêver qu’elle devienne aphone... S’il était parfois amusant d’assister à ses récitals et de voir le visage des nouveaux se décomposer d’horreur en l’entendant pour la première fois, il fallait bien avouer que la majorité du temps, son côté excentrique était épuisant. Surtout lorsqu’on souhaitait juste aller se coucher après une journée difficile et qu’elle refusait de s’ouvrir tant qu’elle n’aurait pas démontré ses talents (inexistants) pour l’opéra. Sa présence avait au moins le mérite de faire gagner en patience les Gryffondors... ou de les rendre psychopathes avant la fin de leurs études, c’était au choix. Mais qui sait ? Peut-être avait-elle aussi été choisie pour faire fuir les élèves des autres maisons et là, on pouvait dire c’était réussi. Même les Rouge et Or craignaient d’y aller lorsqu’elle était en voix et heureuse de chanter. Souvent, donc. Alors ça n’étonna pas vraiment Mary que Severus finisse par avoir un mal de tête et décide prudemment d’attendre Lily ailleurs. Même si, pour ça, elle avait dû se le trainer avec elle le long des escaliers. Néanmoins, cette discussion inattendue avait eu le mérite d’obliger la lionne à s’interroger sur les qualités du serpentard. Différent de ce à quoi elle s’attendait, elle commençait légèrement à entrevoir pourquoi Lily et lui avaient été si proches autrefois, et pourquoi il faisait tout pour se racheter. Peut-être n’était-il pas dans la maison Serpentard à cause de sa fourberie, mais plutôt pour son ambition à vouloir devenir quelqu’un ? Qui sait, elle pourrait poser la question à Lily si d’ici-là, sa rencontre avec Rogue la titillait encore.

« Tu te rends compte que j'ai dû dormir sous cet horrible tableau ? Elle ronfle d'ailleurs, je n'avais encore jamais entendu ça, je ne savais même pas que c'était possible. » Mary eut un sourire en coin. Elle imaginait parfaitement la Grosse Dame en train de ronfler tout son saoul. D’ailleurs elle le savait déjà puisqu’il lui arrivait parfois d’ignorer le couvre-feu pour se glisser en dehors du château. Et puis une évidence lui vint. « Tu dois vraiment beaucoup aimer Lily pour t’infliger ça. » Son ton n’avait rien de provoquant ou d’indiscret. Elle n’insinuait rien non plus. C’était une simple constatation. Après de là à savoir si Mary parlait d’amour ou d’amitié, personne n’aurait pu le dire avec certitude. Elle non plus d’ailleurs. Elle savait simplement que, dans un cas comme dans l'autre, c'était probablement trop tard pour lui. Mais elle préféra se taire. Ça ne la regardait pas.

Ils arrivèrent finalement au quatrième étage où se situait la bibliothèque, et en gryffondor qui tenait parole, elle tenta d’ouvrir une des grandes fenêtres de la tour pour aider son camarade à atteindre plus rapidement sa salle commune. Hélas, elles étaient impossibles à ouvrir. Manifestement ils n’étaient pas les premiers à avoir eu cette idée, ou alors les fondateurs avaient été très prévoyants en érigeant cette école. Dans tous les cas, son idée tombait à plat. « Je n'ai pas les mots... Ma journée est encore plus gâchée que je ne le croyais, je vais avoir besoin de temps pour m'en remettre. » Son ironie la fit sourire. « Je peux toujours te faire un croche-pied pour te faire tomber dans les escaliers si ça peut te soulager. Je m'en voudrais de ne pas t'aider à passer une belle journée ! » s’esclaffa-t-elle, jamais à court d’idée et pleinement amusée par la situation et la réaction du serpentard. Il lui avait toujours paru distant, insipide et rabat-joie. Mais désormais elle le découvrait sous un autre jour, et ça la distrayait beaucoup. Lily avait peut-être de bonnes raisons de l’apprécier, finalement.

Puis ce fut le moment de se quitter pour que chacun retourne à ses occupations mais... étrangement, il y eut comme un flottement entre eux, tandis qu’ils ne savaient pas comment s’y prendre. Devaient-ils le faire de manière plutôt froide, oubliant cet échange amusant qu’il venait d’avoir et retournant à leur conflit inter-maison ? Ou devaient-ils se montrer un peu plus chaleureux et accepter de se laisser une éventuelle autre chance de se parler plus tard ? Mystère. Ce fut Rogue qui prit l’initiative, alors que Mary allait simplement se sauver. « Tu n'es pas comme les autres lionnes tu sais... Pas en mal, hein... Mais mis à part Lily, c'est bien la première fois que je parle aussi longtemps avec une lionne sans me prendre la tête. » La lionne en question ne sut comment réagir. Dire merci lui paraissait étrange, même si le fait qu’il ait remarqué qu’elle n’était pas une jeune fille courant après les garçons en gloussant était louable. « Eh bien, tu n’es pas comme la majorité des Serpentards que j’ai croisée et je dois dire que je t’avais mal jugé. Lily a peut-être raison lorsqu’elle affirme que tu n’es pas aussi austère qu’on peut le croire. » répondit-elle à sa remarque, une façon de lui retourner la politesse sans trop en faire. « Bon... on se reverra en cours et peut-être avant. Qui sait ? » S’il avait été d’une autre maison, sans doute Mary l’aurait-elle invité à venir faire leurs devoirs ensemble. Mais voilà, c’était un serpentard et, surtout, c’était l’ami dont Lily ne voulait plus, et elle ne savait pas trop comment elle était censée gérer ça. Hors de question que sa meilleure-amie lui saute dessus pour lui demander ce qu’elle était en train de manigancer, alors qu’ils avaient juste sympathisé l'espace d'un instant, sans même le chercher. Car si elle écoutait les confidences de Lily, elle n’avait pas trop envie de se mêler de leurs affaires, à elle et à Severus. C’était une histoire épineuse qui pourrait facilement lui péter au visage. Et c’était d’autant plus vrai avec les maraudeurs dans les parages.

Une lueur passa dans son regard lorsque la gryffondor énonça le fait que Rogue devait vraiment tenir à son amie pour passer autant de temps à essayer de la croiser. Peu de gens, même parmi les plus courageux de sa maison, auraient la patience de supporter la Grosse Dame. Déjà, elle parlait trop et tout le temps. Mary avait horreur de ça ! Elle avait toujours aimé qu’on aille droit au but, parce qu’elle détestait perdre son temps. Et les personnes qui bavardaient l’ennuyaient profondément. Sans doute était-ce dû à son tempérament profondément solitaire. Il faut dire que si certains enfants uniques recherchaient constamment la compagnie des autres pour se sentir moins seuls, ce n’était clairement pas son cas. Car en plus d’être fille unique, ses parents avaient toujours été très pris par leur travail. Donc la jeune fille qu’elle était avait dû apprendre à s’occuper très vite. Aventurière et curieuse, son enfance ne l’avait pas dérangée. Au contraire, elle aimait sa liberté, et ce n’était pas le règlement intérieur de Poudlard qui allait la faire changer. Non, la jolie blonde continuait de sortir en douce lorsque le cœur lui en disait. De fait, une question fugace lui traversa l’esprit. Est-ce que le serpentard serait du genre à défier les lois ? De ce qu’elle savait par l’intermédiaire de Lily, sa vie était difficile et il n’était pas heureux chez lui. En revanche il excellait en cours de potions. Alors peut-être qu’une part de lui serait capable d’utiliser ses préparations pour se protéger ? Peut-être même se venger... Car si la gryffondor devait en croire les préjugés – et c’était clairement un de ses défauts – alors il ne serait guère étonnant que l’adolescent en face d’elle soit capable d’aller jusque-là. Entre une famille qui ne tenait pas la route (pour ne pas dire pire), le comportement des maraudeurs envers lui, sa propre maison qui n’avait pas spécialement l’air de l’apprécier plus que cela et sa meilleure amie qui refusait désormais de lui parler après toutes ces années car il avait été trop loin dans ses propos, il y avait quoi partir en vrille. A moins que Mary ne pense cela à cause de son caractère impulsif qui la faisait (très) souvent agir avant de réfléchir ? « Lily est ma meilleure amie... Même avant qu'on ne rentre à Poudlard, nous étions amis. » lâcha-t-il finalement, entre tristesse et colère. Et à part lui dire qu’elle était désolée pour lui ou, au contraire, lui balancer méchamment qu’il n’avait eu que ce qu’il méritait, Mary ne voyait pas bien ce qu’elle pourrait ajouter à cette déclaration. A la place, elle le considéra simplement tandis que son visage témoignait lui-même de sa sympathie envers lui. Certes, elle ne pouvait qu’imaginer à quel point ça devait être douloureux de perdre une amitié aussi longue et profonde. Cependant, ça ne l’empêchait pas de savoir faire preuve de compassion et, en l’occurrence, il était clair que la situation affectait réellement le serpentard. Mary en était la première surprise. Elle n’avait jamais connu un tel attachement avec qui que ce soit. Ou peut-être que si ? A vrai dire, elle ne savait pas vraiment. Si elle avait le souvenir d’autres enfants dans son enfance, elle n’avait jamais créé un lien semblable avec eux. Avec Lily en revanche, elles s’entendaient parfaitement. Alors comment réagirait-elle si, demain, cette dernière refusait de lui adresser la parole ? Difficile à dire... Encore que son ego – un autre de ses défauts – l’empêcherait sûrement de chercher à rétablir le contact, certaine d’avoir raison et d’être dans son bon droit. Clairement, elle ne ferait pas autant d’efforts que le serpentard. Lui, en dépit de sa maison, faisait preuve d’une incroyable loyauté envers Lily après avoir laissé déborder ses émotions.

Les fenêtres verrouillées et en réponse aux paroles de Rogue, Mary lui proposa de l’aider à tomber dans les escaliers, ce qui ne manquerait de le faire atteindre les cachots plus rapidement qu’en les descendant normalement. Un sourire en coin, elle était curieuse de voir jusqu’où le serpentad était joueur. Après tout, il prétendait qu’il était triste de ne pas faire le grand plongeon et Mary était toute disposée à lui filer un coup de main pour qu’il passe une agréable journée en dépit du fait qu’il n’ait toujours pas réussi à croiser Lily pour s’excuser. « Hum... bof. Après je vais finir à l'infirmerie, et je vais rater mes examens. Je vais plutôt m'infliger des devoirs. » répliqua le Vert et Argent, après avoir fait mine de réfléchir sérieusement à sa proposition. Le regard de la gryffon s’éclaira d’une lueur amusée et curieuse. Après cet échange, Mary avait bien envie d’en découvrir davantage sur lui, alors même qu’elle l’avait toujours évité et ignoré. Une journée vraiment étonnante ! Autant pour lui que pour elle, la jolie blonde en était persuadée. « C’est vrai que c’est une sacrée punition ça... Je vais d’ailleurs m’infliger la même mais à la bibliothèque. » Il aurait pu l’accompagner. Ils auraient pu faire leurs longueurs de parchemin ensemble. Mais une règle tacite de rivalité exacerbée entre leur maison les en empêchait. De toute façon, Mary n’était pas douée pour nouer des relations durables alors c’était peut-être aussi bien comme ça. En tout cas, ça n’enlevait rien au fait que finalement, sa meilleure amie avait raison sur le compte du serpentard. Il n’était pas aussi froid et arrogant qu’il ne le laissait paraître. « Ouais... Peut-être... » fit-il, manifestement surpris par les propos de la septième année. Oui, même si leur groupe de filles ne parlaient pas non-stop des garçons et par extension, de Severus qui était le meilleur ami de Lily, ça n’empêchait pas Mary d’entendre tout ce que celle-ci disait sur le serpentard pour le défendre contre les préjugés persistants de sa maison. Et aujourd’hui, après des années, elle en avait enfin un aperçu en acceptant de transiger avec ses propres convictions. Bien qu’elle ne se l’avouerait jamais, la lionne dissidente s’en félicitait. Elle qui aimait découvrir de nouveaux mystères, elle avait manifestement de quoi faire avec lui. Mais le devait-elle ? Le futur le dira, mais en attendant ils devaient reprendre chacun leur route. « Oui, on se reverra en cours. J'ai comme l'impression que les professeurs aiment voir une guerre entre serpentard et gryffondor en direct. » Mary afficha un petit sourire tout en hochant la tête. Il n’avait pas tort sur ce point-là. Chaque directeur de maison veillait sur ses élèves et les utilisaient comme argument pour prouver la valeur de ladite maison. « Alors à nous de décider si on veut leur donner raison... ou pas. » fit-elle, souriante et espiègle, avant de se retourner pour de bon et d’entrer dans la bibliothèque.