Jiraya observe l’homme totalement nu en face de lui. Il n’a jamais été intéressé par les hommes, et le vieux rachitique ne change très clairement pas ce point de vue. Jiraya l’a entendu parler depuis le poste de commandement de Konoha. Le village caché de la feuille est le seul avant-poste contre la fin du monde encore debout, et depuis la dernière attaque d’Orochimaru, la muraille s’étiole. Les moins pessimistes disent qu’il y a encore de l’espoir. Les plus clairvoyants savent qu’il n’y en a plus. Et Rachid est arrivé. Nu. Au milieu de la pièce qui leur sert de base militaire. Il ne restait plus grand monde.

- Rokudaime, vous ne pouvez pas l’écouter ! Ce type est très clairement fou.

Jiraya frissonne. Depuis la mort de Tsunade, celle de Kakashi et celle des différents autres kages, il est devenu non seulement le sixième hogake, mais aussi le seul qui est une influence sur les forces terrestres restantes. Il n’aime pas ça. Il n’a jamais aimé ça. Quand on lui avait proposé le poste pour être le cinquième, il avait couru rechercher Tsunade. Quand on l’a supplié de devenir le sixième, il n’y avait plus personne de plus qualifié pour la place, ce qui atteste de la catastrophe en cours. Sur son cœur, il avait toujours le collier de Tsunade, qu’il a récupéré sur son corps meurtrie et mouvant par la sorcellerie de Orochimaru. Devoir mettre le feu à la femme que l’on aime, quand bien même elle utilise son chakra vicié pour pouvoir le transformer en monstre, ça a le don de changer les perspectives d’un monde.

- Laissez-le parler.

Ibiki fait un pas en arrière. Lui aussi n’a plus que peu d’espoir. Il se demande simplement si laisser son kage mourir pour une utopie ne fait pas de lui un traître à la nation. Certes, il ne reste plus grand monde à protéger de la mort et de la désolation, mais il reste toujours cet avant-poste. Ils sont toujours debout.

- Explique-moi ton plan. Et mets un pantalon.

On donne un drap à l’homme qui se le passe comme une toge avant de reprendre son explication alambiqué. En gros, il pense qu’en envoyant l’hokage dans un autre univers avec le virus créer, mais « stabiliser », ils pourraient trouver un l’antidote. L’antidote pourra revenir par le futur, mais pas la personne partie. Cette sorcellerie fonctionne sous l’idée d’un échange de matière. A condition que la matière envoyé ne soit pas déjà présente, d’ailleurs, ce qui fait, selon le vieux fou, de Jiraya le seul capable d’y être envoyé. Ouais, il a rien compris lui non plus.

- Et que prendrez-vous dans cet autre monde, contre mon arrivé ?

Le vieux chaman hausse les épaules. Il parle d’un arbre, d’un panneau, ou qu’importe. Une chose inanimée. Les débats commencent tout de suite à fuser et Jiraya fait un geste de la main pour dire de le faire partir de sa vue. Ce genre d’idée, il en a déjà reçu des dizaines. Certaines, il a accepté de les essayer. Qui ne tente rien… mais aucune n’à fonctionner pour le moment. Jiraya ne peut pas décider d’abandonner les survivants à leur sort pour un hypothétique sauvetage. Cela ne ferait pas de lui un homme digne de sa place. Il se lève et rejoint Ibiki. Malgré la chaleur, ils portent tous les deux une tenue de guerrier, moins bien propres que celles d’ordinaire. La guerre fait rage entre les morts envoyés par Orochimaru et eux.

- Tsunade-sama pourrait trouver un remède.
- Tsunade est morte, rappelle Jiraya alors que sur le bureau tronait encore des notes qu’elle avait prise avant de devenir elle-même une morte qui continuent de bouger.
- Celle chez nous est morte. Pas celle d’un autre univers, insiste Ibiki.

Jiraya attrape à nouveau le collier qui ne lui appartenait pas. Tout le monde est mort. Pas seulement ses amis, mais une grosse partie de la population. Temari, qui était avant une ninja de Suna avant de faire parti des survivantes, approche elle aussi du duo.

- Peut-être que ça vaut le coup d’essayer encore une fois.
- Si je pars, que j’échange ma place avec un arbre ou un poteau, qui sera la pour vous sauver ? Pour vous donner l’occasion de survivre. Je ne peux pas vous laisser.
- Nous sommes déjà tous condamné, fit remarqué Temari. Shikamaru a fait des calculs avant de devenir lui-même un des patins d’Orochimaru. Je ne crois pas que vous pourriez sauver cet univers.

Jiraya sursaute à ses paroles, il tourne les yeux vers cette alliée particulièrement atypique qu’il a trouvé depuis deux ans.

- Pourquoi m’envoyer alors ? Pourquoi partir d’ici ?
- Parce que cet autre univers mérite d’être sauver. S’il a le même virus que nous qui traine, il finira par sortir et donner une fin précoce à leur monde. Le chamane a dit qu’il ne pourrait faire le transfert de nous vers l’autre univers qu’une fois…. Et qu’on doit être mort dans cet autre univers. Cela signifie que dans celui que vous sauverait, j’existe encore… et Shikamaru aussi.
- Ou Inari, mon petit frère, précise Ibiki.

Ils ne sont plus que trois ninjas confirmer, mais Jiraya remarque alors leurs cernes qui tombent sur leur joue et les strient qui les composent. Il n’y a plus d’espoir.

- Rappelez le vieux fou. Je vais essayer.


Il déambule dans les rues. Une femme vient lui parler. Il sourit sans la moindre hésitation alors que les seins de la jeune femme se collent à son bras. Il sourit d’une façon perverse. Cela fait si longtemps qu’il n’a pas vue d’effervescence comme ça. Il a l’impression de vivre dans le passé. Il rit encore plus quand on l’accoste encore pour lui proposer des services sexuels. Pourtant, il est à Konoha. C’est sa ville, mais au lieu d’être totalement morte et sans espoir, elle se retrouve pleine d’amour et de bonne humeur. Il adore ça.

Plusieurs personnes l’ont arrêté. Plus de Rokudaime entre leurs lèvres. Non. Il y a du « grand héro » et des O de personnes étonnés de le voir. Il ne sait pas trop pourquoi. Le vieux chamane lui a bien dit qu’ici il doit être mort pour pouvoir y être envoyé. Il est mort. Que cela est drôle. Il s’en amuse. Ici tout le monde est en vie et il n’est plus de ce monde. Parfois, on le regarde étrangement à cause de son accoutrement. Un habit de survivant de tempête, pas de ninja. Il n’a plus aucun bandeau, juste son épaulette et son sabre dans le dos. Il a une grosse cicatrice, souvenir de Naruto, sur son torse. Il continue de marcher. Et d’un coup, il remarque le corps qu’il connait si bien.

- Tsunade ?

Il est surpris de la voir. Même si le but est de vivre à nouveau, savoir qu’elle se trouve devant lui le surprend. Il n’était pas prêt. Et pourtant, il voit la jeune femme, -pour lui elle sera toujours jeune- et il sait qu’il est là pour elle. Il voit qu’elle tangue mais ne bouge pas. Pas au début. Puis, il arrive. Il attrape son bras et la retient avant qu’elle ne tombe.

- Tsunade, fait attention !

Alors qu’il la remonte, il remarque que leurs colliers se rapprochent d’une couleur bleuté étrange. Il se recule et passe le collier au-dessus de sa tête pour le mettre dans une poche de son pantalon. Il la soutient encore et l’aide à s’approcher d’un banc. Il la pose et s’assit à côté.

- Tsunade, souffle-t-il en enlevant des cheveux de devant son visage, tu as trop bu, je te ramène chez toi dès que tu as repris ton souffle.

« et si belle », mais ça, il n’a jamais pu lui dire. Ses lèvres sont toujours scellées pour les compliments, préférant les commentaires graveleux et tout à fait mal habile pour qu’elle le repousse. Parce que Tsunade, bien qu’il l’aime, ne voudra jamais de lui. Alors il a toujours mieux valu pour  lui qu’elle le repousse sans savoir la véritable teneur de ses sentiments.

HRP – J’adore ta prose je suis fascinée !
Il la regarde. Il l’a toujours regardé. Il sait voir dans les traits de son visage. Parfois, on lui fait remarquer que Tsunade ne vieillit pas, qu’elle est intemporelle et éternellement jeune. C’est faux. Jiraya connait la moindre ride qui barre son visage, le moindre pli qui se forme quand elle pense. Dire qu’il la connait par cœur serait encore en dessous de la vérité. La Tsunade avec qui il a vécu est la même que celle qu’il a en face de lui. Cette femme si forte qui englobe sa tristesse pour en faire un rempart contre le monde. Cette femme si forte qui décide de s’oublier pour les autres. Jusqu’à même oublier qu’elle est une femme.

Oh. Il se doute qu’elle ne l’a pas attendu pour trouver un homme. Elle a eu Dan et Jiraya ne pense pas qu’elle soit resté fidèle à ce fantôme… mais il sait aussi qu’elle ne se considère plus comme une femme à part entière. Est-ce qu’elle considère simplement son cœur ? Il ne pourrait le dire. Elle n’a jamais voulu avouer ce qu’elle pensait réellement, au fond de son cœur. Il sourit quand elle dit ne pas avoir besoin d’aide.

- Je ne te propose pas mon aide, je te l’impose, réponds-t-il en espérant qu’elle ne se réveille pas de l’étrange transe dans laquelle l’alcool l’a plongé.

Il sait, évidemment, que si elle avait été sobre, la jeune femme n’aurait pas réagit ainsi à son retour. Elle l’aurait pris pour un imposteur ou alors elle l’aurait combattu en pensant à un zombie… ou alors elle l’aurait battu à mort pour ne pas avoir prévenu qu’il est encore en vie. Il s’en doute. Il la connait, encore… Il la connait même mieux que ce qu’il ne se connait lui-même. Pour preuve, celui qui est devenu le sixième hokage dans un autre univers a totalement sous-estimé l’impact qu’aurait le retour de Tsunade dans sa vie. Il continue de garder son visage libérer de toutes mèches. Il continue de profiter de son épiderme sous la pulpe de ses doigts. Il est heureux de remarquer que le vieux chamane ne s’est pas trompé. Elle est là.

Quand elle le provoque, il s’étonne mais se rappelle que pour elle, il n’est qu’une construction de son esprit. Il a toujours voulu la mettre dans son lit. Pas qu’une nuit, pour toutes les nuits. Il aurait voulu découvrir l’éventail de possibilité sexuelle avec elle. Il a eu de nombreuses relations, plus ou moins perverses, mais il a toujours su que le sexe avec la jeune femme aurait un goût de première fois. Même un baiser, avec elle, serait unique et ne ressemblerait en rien à tout ce qu’il a connu. Alors, il sourit et secoue la tête.

- Tsunade, tu m’as toujours dis que tu me couperais mes précieux si j’osais t’imaginer à la place de mes personnages dans mes romans, n’essaie pas de me provoquer.

Surtout qu’il est gentil, mais elle n’aura pas plusieurs essais pour le tenter. Elle est peut-être bourrée, mais Jiraya sait voir une opportunité quand il en voit une. Il ne lui ferait peut-être pas l’amour, mais la voir nue… pourquoi pas ? Si c’est elle qui se déshabille et qu’il fait rien pour l’arrêter, ça ne serait pas sa faute. Bien sûr, il pense et dit ça, mais il sait aussi qu’il ne ferait absolument pas ça. Il se mord la lèvre, passe sa langue pour apaiser le feu.

- On parlera demain de ma mortalité, quand tu auras un peu dormi, préfére-t-il répondre en se levant.

D’un mouvement, il attrape la main de la jeune femme pour la mettre dans ses bras. Elle n’a que rarement accepté qu’il la traite comme une princesse. La jeune femme a toujours eu un esprit indépendant et… puissant, intense, terriblement séduisant. Mais aujourd’hui fait office d’exception. Et puis… il vaut mieux pour lui qu’ils soient dans un appartement avec des gens qui vivent autour quand elle commencera à comprendre qu’il est bien plus réel que ce qu’elle ne pense. Il la garde dans ses bras. Elle semble vulnérable ainsi, à se tenir contre lui, les yeux larmoyants. Il l’écoute et comprends qu’il a du faire un acte héroïque… au moins dans ce monde n’est-il pas un survivant qui ne peut sauver son pays. Il a fait quelque chose d’important ? Il l’ignore… Mais la jeune femme ne semble pas lui avoir pardonné, tout comme lui n’a pas pardonné à celle de son monde d’avoir sacrifié sa vie pour lui.

- J’y suis allé pour toi, souffle-t-il en la tenant dans ses bras. Parce qu’un monde où tu es protégé sera toujours plus important que ma simple vie. Mais si ça te fait du bien de pleurer, je promet de ne jamais réveiller ton secret.

Lui ? Il a pleuré toutes les larmes de son corps à en avoir mal aux joues quand il a accepté la mort de Tsunade. Il a essayé de se retenir le plus longtemps possible. Il la tient et se déplace dans la ville. Personne ne l’arrête. Il saute plusieurs fois mais sans laisser à la femme les secousses de ses déplacements jusqu’à arriver devant son appartement. Il ouvre et se laisse aller à l’intérieur. Il ferme la porte d’un coup de pied. L’appartement est froid. Il pose la jeune femme dans le lit, il s’accroupit à son niveau et continue de toucher ses joues.

- Je serais là demain, ma Tsunade, alors ne me tue pas en me voyant, d’accord ?