Je crois que je hurle, enfin non, j'en suis sûr, mais omg, toutes ces pensées en même temps dans ma tête, la joie de la savoir en vie, la joie de la savoir là. Et pire, qu'elle accepte de me parler, qu'elle m'écoute d'abord, puis qu'elle parle. Et là j'écoute. Attentivement tout ce qu'elle dit, j'écoute chaque mot et j'adore. Le début du moins, quand elle me dit qu'elle m'aime, et puis la suite aussi, mais à ce moment-là je suis plutôt en état de choc.

Je ne suis pas sûre de comprendre tout ce qu'elle veut dire, et en même temps, oh lala, elle met les mots au bon endroit, elle dit tout d'une traite, sans s'arrêter, sans respirer, et j'ai peur qu'elle manque d'air, mais je suis incapable de la couper, incapable de l'arrêter. Alors j'écoute.

Et mon coeur bat à mille à l'heure, mon coeur s'enflamme. Je tremble, mais je crois que c'est de joie, parce que bon sang, cette meuf est incroyable ? Vous avez vu qui j'ai pour meilleure amie ? Déso pas déso les gars, c'moi qui ait chopé le gros lot.

Par contre, quand elle commence à s'autodéprécier, j'ai envie de hurler à nouveau. De lui hurler dessus, de lui dire qu'elle cesse, mais j'attends qu'elle se taise, elle a bien fait pareil, elle, Ariel m'a laissée parler, alors je note tout dans ma petite tête pour répondre point par point.

Quand enfin le silence est là, je fais gaffe à ne pas le faire durer.

- Mais t'es une ouf toi ! Attends, je renbobine, tu te rappelles pas quand on a fait le pacte de l'amitié derrière les toilettes et qu'on s'est échangé les bracelets en bonbon ? T'as cru que c'était pas pour la vie ? C'est mort, ma cocote, je ne te lâche plus jamais hein ! Et c'est pas un peu de morve, d'ailleurs, désolé mais c'était un peu drôle quand même. Bref, je disais quoi ? Ah oui, je t'adore espèce de capybara.

Sérieusement ? Je viens de la traiter de Capybara, aka ce rongeur qui en a rien à foutre du monde ? Il est si incroyable en même temps.

- Bref, Ariel, je veux plus jamais entendre ça. T'es pas moins bien, putain, t'es tellement géniale ! Tu captes pas la chance que j'ai de t'avoir et je m'en fiche de tes problèmes, enfin non, n'importe quoi, je m'en fiche pas, je veux dire que ça rentre pas dans l'équation, par contre, wahou, j'suis méga fière de toi de t'en occuper comme ça, d'essayer de faire en sorte que t'ailles mieux, parce que bah je refuse que tu sois pas ma cops, j'ai trop besoin de toi. J'en reviens pas, tu pensais que je t'en voulais ??? Alors que j'avais l'impression que je t'avais tuée et que tu voudrais plus me parler.

Merde, je me suis enroulé le doigt si fort dans les cheveux que j'ai plus de sang. Bon, je m'occupe de ça avant de reprendre;

- Attends, deux secondes, je me suis coincé dans les doigts dans les cheveux euh.. je suis débile bouge pas, je reviens.

C'est idiot, je ne pars nul part et elle non plus. Mais t'as compris. Je respire mieux, je secoue la main pour faire revenir dans le sang et je reprends, les esprits un poil plus clair.

- Je... merci d'avoir deviné, j'avais peur, parce que je savais pas trop tu vois ? J'avais peur de ... pas de ton jugement, je sais que t'es méga cool, j'avais peur de l'admettre tu vois ? De moi. C'est qui que je suis ? J'aime personne en plus, mais je suppose, enfin je sais, enfin j'ai fait quatorze test en ligne. Et... je ravale mes larmes Le blog d'Alice est génial ouais. Je suis contente qu'on le suive toutes les deux, et désolé de ne pas avoir osé en parler avant, je... j'avais peur, c'était pas toi. C'était de moi même et de ma confiance. Whaa, c'est dur.

pile Je veux m'adosser au siège, mais en fait je me suis mal mise et je me casse la gueule par terre. Je m'explose le genou, mais je me mets à pleurer de rire.
face Je m'adosse sur le siège et soupire de soulagement.


- Merde, je viens de tomber, attend, je vais chercher des pansements. Ouais non, flemme, je vais juste mettre un mouchoir.

Je veux pas rater une seule seconde de cet appel, mon coeur bat trop de vite.

- Je suis un peu punie, mais pas trop ça va, je dois juste cuisiner pour mes parents pendant un mois, j'crois qu'ils ont pas trop compris le principe des punitions ou alors ils veulent mourir, qu'importe. Est-ce que tu penses qu'on peut se voir bientôt ?

Genre bientôt dans dix minutes de préférence.

Ouhlàlà. Ouhlà. Euh. Ok. En fait c'est tellement bête comme situation, je comprends pas ? Avec Sue on se voit tous les jours ou presque, et là, là on parle et on se dit des trucs avec le débit et l'intensité comme si on se voyait que tous les 5 mois. Et puis je sais pas, ça ressemble à une scène d'une comédie romantique débile qu'on regarderait en se moquant un samedi soir en se faisant des moustaches avec des fils de bonbons, parce qu'on trouve ça trop cringe les grandes déclarations d'amour grandiloquentes, et que d'abord ça arrive jamais en vrai des trucs comme ça.

En fait, peut-être que si. Ou alors, à force de regarder ces films nazes, on est devenues des actrices sans s'en rendre compte. Franchement, il manquerait plus qu'on sorte se dire des mots d'amour sous la pluie sans parapluie et sans chaussures.

Je suis déjà pas loin de rire quand j'imagine cette scène, avec les cameramen autour et le mec qui tient le tuyau arroseur pour la pluie. Puis elle sort le mot capybara, j'essaie de rester sérieuse car je veux pas la couper. Après, elle me parle de ses cheveux avec ses doigts coincés dedans ? Je me retiens, je me retiens, je crois que j'ai aussi envie de pisser oh noooon.

J'entends un bruit bizarre, elle s'est cognée ?

Bon ok, laisse tomber. Je finis par éclater de rire, elle aussi, ouf. Hé, attends, ça aussi c'est comme dans les films, non ?

- Je suis un peu punie, mais pas trop ça va, je dois juste cuisiner pour mes parents pendant un mois, j'crois qu'ils ont pas trop compris le principe des punitions ou alors ils veulent mourir, qu'importe. Est-ce que tu penses qu'on peut se voir bientôt ?

Meeeerde, je sais pas. Je sais pas quoi répondre, je sais pas si je suis punie ou pas. Mais j'ai tellement envie de la serrer dans mes bras. Et puis... et puis, je sais pas. J'ai pas tout dit, enfin j'ai pas réussi. Je sais pas si elle a bien compris, je suis pas sûre de me comprendre moi-même déjà.

En fait à ce stade, bon, soit mes parents me tuent, soit ça changera rien à ma punition, non ?

- OUAIS CARREMENT, tu viens STP !!! Maintenant ! Je m'arrangerai avec mes parents, t'inquiète, euh, enfin on verra. Tu viens, dis ? Tu viens ? Je crois qu'il me reste des bonbons dans un tiroir. Oh, et on pourra regarder euh... Love Actually ? Non, on l'a déjà vu. Attends, une autre comédie romantique. HAN JE SAIS. Un téléfilm de Noël !!!

Advienne que pourra. J'espère que ça va bien se passer.



J'AI TELLEMENT HÂTE, et peur, ET HÂTE, j'ai envie de rire et de pleurer, et là, la sonnette de la maison retentit !
Je pleure et je ris à la fois, heureusement entre temps je suis allée faire pipi... !


PILE
J'entrouvre la porte de ma chambre... J'entends ma mère, j'entends Sue... OUUUUUF, ma mère a l'air ok, elle dit bonjour... elles montent...

FACE
J'entrouvre la porte de ma chambre... Je n'entends pas grand chose... J'entends pas Sue, c'était pas Sue ? Mais si, c'était elle, c'est sûr. Elle est repartie ? Elle arrive ? Je sais pas. J'espère que ma mère l'a pas rembarrée...
J'entends des pas lourds qui montent.

- ARIEL ! s'exclame ma mère. Tu ne crois pas que tu exagères un peu ??? Inviter Sue, sans demander l'autorisation ?!

OUPS.

La tension s'éloigne enfin quand on se met à rire ensemble. Soudain je me rends compte qu'on est parties trop loin, mais que c'était ce qu'il nous fallait. On a eu besoin de tout ça pour enfin retrouver notre souffle. Je me sens mieux, entière, il y a plus de secrets, plus de barrières entre nous. C'était idiot de vouloir en mettre, mais j'avais si peur. C'était nouveau pour moi de mettre des mots là-dessus, d'admettre que, peut être, j'étais pas comme tout le monde. Et pourtant, je sais que je suis pas toute seule, que le monde entier n'est pas hétéro, mais c'était quand même dur. Surtout... bah en fait, j'ai jamais eu d'amoureux ou d'amoureuse, alors je me sens pas trop légitime, mon but c'est pas de convertir le monde et... je sens que je m'éloigne dans mes pensées que je pars trop loin.

Je rembobine.

Je respire. Je ris. Je suis avec Ariel au téléphone : tout va bien.

Je crois que j'en pleure aussi, mais des larmes de soulagements, d'un rire tellement fort et tellement expulsé loin que ça fait sortir des larmes, parmi celles qui font le plus de bien.

- Noël, parfait.

Voilà ce que je conclus en raccrochant. Pendant quelques secondes, je reste immobile, le téléphone sur mon coeur. Ma meilleure amie est une personne formidable. Je n'ai jamais douté d'elle, mais qu'est-ce que ça fait du bien d'en avoir la preuve, de le comprendre à nouveau, d'espérer à ce point-là. Vraiment, cette fille est fantastique. Je l'aime si fort.

Puis, je descends demander la permission à mes parents, je leur promets de demander à la mère d'Ariel de me passer une recette incroyable pour leur faire un super repas la semaine prochaine. Je vois mon père froncer les sourcils avant de se rappeler la punition. Comment a-t-il pu déjà oublier ? Mais quels sont ces êtres adultes que j'ai en face de moi ? Tant pis, je m'en fiche, je cours, je vole vers chez Ariel.

La vie m'attend. La joie aussi. Et un téléfilm cliché au possible de Noël qui remplit mon coeur d'un bonheur intense. C'est enfin la période adéquate ! Depuis le temps que j'attends ça !

La porte s'ouvre sur la mère d'Ariel qui n'a aucun sourire pour moi.

- Bonjour Madame First, commençai-je d'une petite voix mal assurée.

Elle grogne. Je n'ai pas vu d'adulte grogner. Qu'est-ce que j'ai fait de mal.

- C'est Ariel que je venais voir, c'est à dire que... elle tend une main pour arrêter le flot de parole. Je ne voulais pas vous déranger, je pensais juste que...  Elle lève les yeux au ciel et je me tais rapidement, ne voulant pas trop envenimer la situation.

- Sue, deux minutes.

Ma respiration se coince dans ma gorge, je vais m'étouffer, comme une idiot. Puis je trouve une idée de génie.

- En fait, mes parents m'ont punie et je dois leur faire à manger pendant un mois, donc j'avais besoin de votre meilleur recette du monde pour tenter de la cuisiner pour eux, non parce que j'ai découvert les mac'n'cheese américain, c'était paaaas trop mal, mais quand même, c'était pas le meilleur repas du monde. Et donc je voulais savoir quelle recette vous vouliez bien me prêter, enfin j'ai mon téléphone avec moi hein, je peux juste la prendre en photo, et euh voilà.

J'ai tout débiter à une vitesse folle, mais à la fin, j'ai plus vraiment rien à dire.

pile Je vois tout de même un sourire se dessiner sur les lèvres de la mère d'Ariel. A-t-elle eu pitié de moi et m'a trouvé drôle à mon insu ? Je prends tout, qu'importe, il faut juste qu'elle me laisse entrer.

face Elle lève les yeux au ciel, semblant pas du tout impressionnée par mon baratin. Ce n'est pas drôle Sue, tu sais bien ce qui vient de se passer, il aurait fallu...  Elle soupire.

Et moi je me fais toute petite, j'attends la sentance.

- Je monte voir Ariel, ne bouge pas.

Bon, au moins elle ne m'a pas renvoyée chez moi. Je me fais toute petite pendant que la porte se referme sur moi. Et bon sang, les minutes sont si looooongues. J'ai l'impression de rester des heures sur le bord du perron, à regarder les maisons toutes identiques de la rue. Je me force pourtant à noter les différences pour ne pas stresser de la suite de l'entrevue.

- Allez monte, mais tu ne restes pas trop longtemps.

Je ne sais pas ce qui s'est dit en haut, mais j'ai le droit de monter. Je souris, pleine d'espoir et d'amour, mais juste avant de grimper je lance.

- C'était vraiment pas une blague, il me faut votre recette, je l'ai promise à mes parents.

Et j'ai au moins le mérite d'avoir l'air gênée parce que je sens mes joues se colorer de rose. Puis je grimpe deux à deux les marches jusqu'à Ariel. Je lui fonce dans les bras, comme si je ne l'avais pas vu depuis des millénaires - c'est à peu près ça en plus - puis m'assois sur son lit, après avoir enlevé mes chaussures à l'entrée de sa chambre.

- Bon, alors, on lance quel film de Noël ?

Je crois que j'ai trop parlé de mes émotions et autres dingueries pour la journée, il faut que je me pose ainsi que mon cerveau et ma bouche. Enfin pas trop, parce que j'aurai beaucoup de choses à dire sur les clichés qui nous attendent, mais une histoire d'amour sous la neige, n'est-ce pas fantastique ?

- ARIEL ! s'exclame ma mère. Tu ne crois pas que tu exagères un peu ??? Inviter Sue, sans demander l'autorisation ?!

OUPS.

Je... je... panique. AH ! Mais non, c'est le SEUL truc que j'ai vraiment pas le droit de faire ! D'ailleurs... c'est marrant, non, je ne panique pas vraiment. C'est donc à ça que servent les médicaments qu'ils me filent ? Paniquer intérieurement, mais pas physiquement ? Wow. Je ne sais pas si c'est l'invention la plus incroyable ou la plus stupide du monde. Je veux dire, tant qu'à faire, on ne pourrait pas supprimer la panique tout court ?

- Ariel, tu... oh, tu as bonne mine.

J'ai bonne mine ? Yes, bien sûr que j'ai bonne mine. J'ai bien dormi, je suis trop contente de voir Sue, je ne parviens pas à paniquer (un concept nouveau).

Je souris à ma mère, un sourire bête sans doute. Elle s'approche, d'un air curieux. Et je... je lui ouvre les bras en grand. Sans blague, j'étais sensée faire quoi ? Elle m'enlace et m'embrasse. Oh, ok, ok. Je crois que je ne panique plus, même euh, en concept.

- Maman, ça va ?

Elle me regarde toujours comme si je n'étais pas vraiment sa fille, ou euh, pas la même qu'avant. C'est euh, intéressant. J'aime bien.

- Oui, et toi ?

- Ben, oui, moi ça va. Super. Je peux voir Sue ?

J'hésite à glisser un bobard, genre, non pas du tout j'ai pas invité Sue, elle s'est invitée toute seule, ça pourrait passer. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Ma mère fronce les sourcils, défronce les sourcils, sourit, sourit en fronçant les sourcils, puis soupire. Ok, bon, peut-être nécessaire, je me lance.

- Tu sais...

- Ok, Sue peut monter.

- Hein ? Je, quoi ?

- Pas trop longtemps. Tu m'appelles si besoin. Fou rire interdit, ce n'est PAS reposant. Tu lui DIS si elle te fatigue. Tu dois poser des limites, Ariel.

Ok, oui, peut-être, je ne sais pas ? On dirait que Sue m'a envoyée aux urgences en me faisant marcher trop vite dans la rue, ou euh, en me kidnappant pour sécher les cours contre mon gré. Ou alors juste en parlant trop vite (ça, c'est plutôt crédible venant d'elle). Je ne prends pas sa défense, je préfère que ma mère ne revienne pas sur sa décision, donc je hoche la tête en me mordant les lèvres, en souriant comme une banane (oui, la banane est un fruit très souriant. Non mais sérieusement, elle a la FORME d'un sourire).

MAIS JE RÊVE, OU TOUT SE PASSE COMME DANS UN RÊVE ?


Sue monte les escaliers en courant - oui, je vois où ma mère voulait en venir sur la question du rythme de marche (attends, non, elle a rien dit de tel) - et débarque les joues rouges mais froides (oui elle colle son nez humide sur ma joue, la traitresse).

- Bon, alors, on lance quel film de Noël ?

Je n'ai ABSOLUMENT pas eu le temps de réfléchir au sujet, mais bon j'ai mon ordi et puis. Et puis j'ai, ah oui, une liste de films de Noël que je voulais voir cette année.

PILE

Je me râcle la gorge.

- Ahem. Tu as euh, entendu parler de ce film il est sorti il y a pas longtemps. Il y a, euh, Kristen Stewart dedans.

Je fais une petite recherche internet, et je lui montre l'affiche de "Ma belle-famille, Noël et moi". J'attends de voir sa réaction.

FACE

Ben, euh, je sais pas. Un truc reposant ? Un truc ordinaire ? Maman j'ai raté l'avion, comme quand on était petites ? Ou euh, OUAIS MIEUX.

- Tiens, celui-là, tu te rappelles comme on s'était marrées ?


Je fais une petite recherche internet, et je lui montre l'affiche de "Santa et Cie". Voilà. Simple, direct, efficace.


Attention, cette fois-ci, le PILE ou FACE, c'est toi qui choisis