L’incompréhension t’emplit de frustration. Elle te fait perdre toute patience, accompagnée de la fatigue et de la gueule de bois qui ne font qu’accroître ton piteux état. Tes lèvres tremblent. Tes yeux se mouillent de larmes. Les réprimer devient difficile. Difficile au point que l’une d’entre elles décide de se perdre sur ton visage, roulant maladroitement et à toute vitesse sur ta joue rebondie. L’écho de ta propre voix résonne contre les quatre murs de ta chambre. Elle te surprend autant qu’elle surprend le jeune homme installé sur le siège près de toi, face à toi. Tu n’as pas su faire taire tes émotions. Elles ont pris le dessus. Elles ont effacé le mot patience de ton dictionnaire pour le remplacer par les termes « perte de contrôle ». Cette larme sur ta peau te rappelle à quel point tu es fragile, à quel point tu prends tout beaucoup trop à cœur. D’un revers de la main, tu écrases la goutte sur ton épiderme. Ton regard s’ancre dans le sien. Sherlock te dévisage. Il doit te prendre pour un fou, mais cela n’effleure même pas ta conscience. Sa voix s’éteint avant même que sa phrase ne soit terminée. Qu’importe. Qu’importe ce qu’il peut penser de toi, ce qu’il peut avoir envie de dire, cela n’a pas la moindre importance à tes yeux. Cela n’en aura probablement jamais. Les poings serrés le long de ton corps, tu l’observes quitter ta chambre. Ton corps se met alors à trembler. Tu écoutes ses pas dans les escaliers, tu entends la porte se refermer derrière lui. Il est parti. S. Sherlock. Ils sont partis tous les deux, te lassant seul avec un goût amer dans la bouche.

Le courant d’air ébouriffe ta chevelure blonde. Tes mains cherchent les prises dans le mur. Tes phalanges blanchissent sous l’effort que représente l’escalade de la façade. Le vide ne t’effraie plus depuis longtemps. Tu joues avec lui depuis bien trop longtemps. Il est devenu comme un vieil ami que tu salues chaque jour qui passe. La gravité ne se moque plus de toi comme elle pouvait le faire auparavant. Elle se contente de te guetter, d’attendre impatiemment le jour où tu feras un faux mouvement, le jour où elle viendra se moquer de toi, alors que tu ne seras que gisant sur le bitume de la route, quelques mètres plus bas.

Distraction. Ce mot résonne dans ta tête. Il te tourmente. Il te blesse. Comment peut-il croire qu’il n’est rien d’autre qu’une distraction ? Comment peut-il songer un seul instant que c’est tout ce qu’il représente à tes yeux. Assis sur les tuiles de ton pauvre toit, tu ramènes tes genoux contre ton torse et niches ton visage entre tes bras. Ici, tu peux libérer toute la souffrance qui ébranle ton âme. Ici, tu ne crains pas les larmes. Ici, elles ne te rendent pas faible. Ici, elles sont libérées, pour te rendre plus fort lorsque tu retrouves ta chambre, les rues de la ville, lorsque tu dois affronter le regard des autres. Le vent glacial te donne la chair de poule, mais tu es bien trop mal pour t’en formaliser. Tu peux attraper froid, contracter un virus, être victime d’une pneumonie, peu t’importe, puisqu’il pense que t’es comme les autres. Puisqu’il souhaite couper le contact. Puisqu’il pense n’être qu’une distraction.