Peut-être qu'un jour, ses parents accepteraient pleinement sa relation avec Abel. Peut-être qu'un jour, elle se réveillera le matin, Lily, en se disant "ce midi, on mange chez mes parents avec Abel", un scénario où ils parleraient de tout et de rien autour d'une même table, comme n'importe quel tableau idyllique. Mais pour aujourd'hui, Lily devrait se contenter d'espoirs, et d'une poignée de main entre son père et son petit ami avant de quitter la maison. A peine la porte fut-elle fermée que la brune entendait déjà sa mère hurler sur son père. Mais elle ne se retourna pas. Elle se contenta de tenir la main d'Abel jusqu'à sa voiture, où elle remonta côté conducteur. Elle ne fit même pas attention aux chaussures d'Abel, à vraie dire. Elle l'écoutait d'une oreille, encore sous le choc de tout ce qui venait de se produire, et hocha la tête à ses paroles. « A vraie dire... Je suis d'accord. » Avant même de savoir les intentions d'Abel, rien qu'en venant chez ses parents, elle était presque sûre de repartir en colère, après une dispute bien houleuse. Au final... Ca n'aura été qu'à moitié le cas, sa mère ayant tout de même énervé Lily. C'est seulement lorsque Abel utilise le mot magique que Lily tourne la tête vers lui en ralentissant à un feu rouge. « Pizza ? » Le choix semble être tout fait dans la tête de la belle, qui mentionne tout de même : « On pourrait manger des sushis au Japon... » Ca y est, elle se voit déjà apprendre à maitriser des baguettes japonaises. Elle jette un oeil à l'heure, pour constater que celle-ci est bien avancée. Puis elle sourit, Lily, le plus simplement du monde en écoutant Abel chantonner sur une chanson de Calum Scott. Qui aurait cru qu'il connaisse ce genre de musique ? Une main sur le volant, elle tapote du bout des doigts en rythme sur la musique. Elle se détend, Lily. Et elle rit en entendant Abel qui ne se remettait toujours pas de sa récente acquisition. « Ca fait quel effet de devenir soudain un gosse de riche ? Tu vas commencer à porter des polos ? » Elle le taquine en riant de plus belle, fredonne même un peu avec lui sur Dancing on my own, jusqu'à ce que le brun reprenne la parole. Doucement, le silence retombe du côté de Lily. Tom. Elle n'a jamais osé aller le voir, même après son réveil, même après avoir retrouvé ses souvenirs. « Bien sûr.. y a pas de problème. » dit-elle la gorge nouée, plongée dans ses pensées. Elle voit la résidence se dessiner non loin, quand finalement elle ajoute : « Peut-être que je viendrais avec toi. Si... ça te dérange pas. » Elle tend une main pour la poser sur la jambe d'Abel, doucement. Peut-être qu'avec lui, elle aurait la force de lui dire qu'elle ne lui en veut pas pour ce qu'il a fait ?

Trois semaines plus tard.

Le quotidien de Lily et Abel s’était rythmé autour de leur grand départ. Chaque jour différent passait lentement mais avec une intensité nouvelle, comme si enfin, Abel voyait le bout de quelque chose. Il découvrait Lily un peu plus, parlant avec elle pendant des heures, la caressant et la touchant autant qu’il put, avec la douceur et l’amour qu’il était capable de lui donner. Il s’était désinscrit de la fac, et avant rassembler toutes ses affaires. Il avait fait un tri monstrueux pour prendre le nécessaire. Et puis… il était riche. Il pourrait acheter des habits dans chaque pays qu’ils avaient prévu de visiter. C’était le plus beau projet de sa vie, et il le concrétisait avec Lily. Pendant longtemps, il s’était pensé remplaçable, voire cassable. Il s’était cru inutile, et il pensait donner de la noirceur aux autres dans son quotidien. Abel, c’était le genre de garçon avec des tatouages sur le corps qui décrivaient des périodes de sa vie, des clopes dans la bouche et au bec, parfois des pilules sur le bout de la langue et souvent des nanas entre ses jambes. Il n’avait jamais cru être à la hauteur d’une femme aussi belle et sérieuse que Lily. Il avait changé à ses côtés. Il était devenu un autre homme, quelqu’un de beaucoup plus sûr de lui et qui se donnait enfin des objectifs de vie.

Mais aujourd’hui, il devait aller rendre visite à Tom avec Lily, et c’était un moment très angoissant pour lui. « Tu sais où se trouve ma paire de pompe, bé’ ? » Il se brossait les dents vivement, en passant une main dans ses cheveux. Lily venait de la coiffer, et heureusement, parce qu’ils n’auraient pas eu une aussi belle qualité. Abel récupéra une enveloppe dans laquelle il avait mis un peu de liquide dedans pour le donner à Tom parce qu’il savait que ce dernier manquait d’argent. Il enfila sa veste, toujours en chaussette. Il vint embrasser sa petite-amie sur la tempe. Il se rappela ce petit moment intime la veille avec Lily, dans la salle de bain, où elle jouissait à nouveau sur ses doigts et à quel point il avait été rendu dingue par ses doigts qui devenaient de plus en plus entreprenants et experts. Il sourit à ces pensées obscènes et il se dirigea vers la porte quand Lily lui donna enfin sa paire. Elle savait toujours tout, c’était impressionnant.

Dans la voiture, il grimpa côté conducteur car Abel connaissait par cœur le chemin de la maison. Cette maison dans laquelle il avait échangé le premier baiser du reste de sa vie. Le trajet était silencieux, ponctué par le son de la main d’Abel qui caressait la cuisse de Lily pour se détendre. Il se garait dans la ruelle, et coupa le contact. « Prête ? »

Lily était angoissée. Bien trop angoissée. Elle avait peur d'oublier quelque chose, et chaque jour elle faisait une nouvelle liste de choses "à ne surtout pas oublier de faire", qu'elle attachait à son bureau, en prévision du grand départ. Jamais elle n'avait fait les choses de façon si spontanée. Arrêter la fac. Dire à Mackenzie qu'elle quittait la ville pour voyager. Voyager avec Abel. Sa meilleure amie n'avait pas tout compris, mais elle l'a soutenue, en lui faisant jurer sur sa tête de l'appeler et de lui envoyer des vidéos de chaque pays. Et aujourd'hui, Abel et Lily, ils allaient voir Tom. Sa tension était à son comble. Et pourtant, elle semblait presque détendue alors qu'elle attachait ses cheveux bruns en une queue de cheval haute, ne laissant s'en échapper que quelques mèches indisciplinées. Au contact d'Abel, Lily apprenait à se tempérer. A être moins sur le qui vive, à calmer ses angoisses et son obsession pour l'ordre. Difficile de rester parfaitement calme, quand ton petit ami repousse sans arrêt tes limites. La veille encore, le brun était venu la rejoindre sous la douche sans prévenir, et ce qui devait être une simple douche rapide avant de dormir s'était transformé en soupirs perdus contre la paroi de la douche. Le moins qu'on puisse dire, c'est que depuis trois semaines, Lily, elle dormait bien. Abel mettait un point d'honneur à l'épuiser, et surtout, à repousser les limites de la jeune fille qui, lentement mais sûrement, gagnait en assurance à ses côtés.

« Je crois, bouge pas. » Thank god Abel s'était acheté une nouvelle paire de chaussures. De toutes façons, Lily l'avait menacé de jeter les autres il y a une semaine, les trouvant non seulement moches, mais aussi bien trop usées. Elle esquisse un sourire lorsqu'il embrasse sa tempe, et Lily file jusque sous son bureau, où elle attrape les chaussures qu'elle vient donner à son petit ami, pour finalement enfiler les siennes, ainsi qu'une veste. Le temps se rafraichissait, à San Francisco. Et bientôt, ils allaient partir.

Elle laissa Abe conduire jusque la maison de Tom, installée côté passager, le regard tourné vers la fenêtre. Seule la main du brun posé contre sa cuisse la ramenait sur terre et lui évitait de plonger dans ses pensées. Des pensées ponctuées de crissement de pneus, de phares éblouissants. Quand il coupa le contact, elle se risqua enfin à tourner les yeux vers la maison. Cette même maison où tout avait commencé. Se mordant la lèvre inférieure, Lily hocha la tête. « Prête. » Et pour s'assurer elle-même d'être réellement prête, elle n'attendit pas pour ouvrir la portière, et rejoindre Abel pour lui prendre timidement la main. Son regard tourné vers l'entrée, elle était paralysée, Lily. Sans lui, elle ne serait probablement jamais venue jusqu'ici.

La nervosité se lisait sur les doigts d’Abel qu’il bougeait nerveusement. Comme d’habitude. Il avait du mal avec ce genre de chose, la démonstration de sentiment, et seul Lily y avait y eut droit. Mais là, c’était envers Tom, son meilleur ami et jamais il n’avait eu ce genre de relation. Il serra sa main dans la sienne, récupéra l’enveloppe qu’il mit dans la poche arrière de son jean, caché par son pull qui était un peu long. Il tapa plusieurs coups à la porte de la maison immense qui se dressait devant eux. Il trépignait, Abel. Puis une femme un peu forte vint ouvrir la portière du lieu familial. « Abel, mon chéri ! » Elle s’approcha de lui et vint le serrer fort dans ses bras. Avec un grand sourire, Abel lui rendit son accolade. « Grace, comment vas-tu ? » « Oh bien, mon chéri, bien… Tu as pris quelques kilos, ça te donne meilleur mine ! » dit-elle en lui pinçant la joue fortement. Il grimaça légèrement, et se décala sur le côté. L'amour fait prendre du poids, apparemment. « Je te présente ma petite-amie, Grace. Lily Abernathy. » Il serrait les dents parce qu’il attendait une réaction de la part de la mère de son meilleur ami. Elle devait avoir connaissance de l’existence de Lily, et elle ouvrit les yeux en grand quand elle vit la jeune femme. « Oh… Oh ! Bonjour, Lily, bonjour. Je suis Grace, la maman de… enfin… la propriétaire de la maison. » Elle semblait gênée, et tendit une main timide à Lily. Elle n’osait pas lui faire une accolade, alors que connaissant Grace, elle aurait été ravie d’entendre une nouvelle comme celle-ci. Puis elle les invita à entrer dans le salon. « Asseyez-vous les chéris, je vais vous servir à boire. Une bière, mon chéri ? Et toi Lily » Abel acquiesça d’une hochement de tête, et elle s’éclipsa une seconde. « Grace, il est où Tom ? » « Il va arriver, il est au travail. » Elle amena un plateau avec une bière et ce que Lily avait demandé. Elle s’assit juste en face.

« Lily je… » Grace ne trouvait pas ses mots. Voulait-elle s’excuser de l’acte de son fils ? Voulait-elle s’excuser de ne pas être venu la voir avant ? C’était une bonne femme de maison, à la tête d’une fratrie de cinq enfants. Elle aimait ses gosses par-dessus tout, mais elle les élevait seule, avec l’argent de l’assurance vie du décès de son mari. Chacun de ses enfants avaient ses tares, ses mauvaises consciences, mais Tom était le plus dépravé de tous. « Grace, s’il te plait. C’est de la faute de ton fils, c’est un petit con. Je l’adore mais c’est lui a décidé de prendre le volant, pas toi. Puis… j’ai quelque chose d’important à lui dire. » Il prit sur lui, s’humidifia les lèvres et but une longue gorgée de sa bière. « Lily, mon fils il est… » Elle n’y arrivait pas Grace. Les mots voulaient sortir, mais n’atterrissaient pas. C’était bien trop douloureux pour elle. Elle jouait avec ses doigts pour s’apaiser et Abel se pencha vers elle. « Calme-toi, on est pas venu pour foutre le bordel. » Il caressait le dos de sa main en lui souriant. Puis il tourna la tête en entendant la porte se déverrouiller, et Tom s’arrêta net en voyant Abel, accompagné de Lily. Il devint immédiatement blême dans son bleu de travail, taché de partout par la terre et le plâtre. Il devait être dans le bâtiment. Abel se leva vivement, sans trop savoir quoi faire. « Euh… salut Tom… »

Si elle pouvait se cacher comme une enfant derrière Abel, elle l'aurait probablement fait. La femme qui ouvrit la porte sembla enchantée de voir son petit ami. Lily devina sans mal qu'il s'agissait de la mère de Tom. D'autant plus lorsque son regard s'arrêta sur Lily, qu'Abel présenta. Tant mieux, parce que Lily, elle avait la gorge si sèche qu'elle n'était pas sûre d'être capable d'aligner deux mots. Pourtant, quand elle tendit la main à Lily, elle eut tant de peine de voir la culpabilité dans le regard de cette femme qu'elle lui tendit directement sa main en retour, avec un sourire maladroit. « Enchantée, madame. » Elle n'arrivait pas à en dire plus. Sa main libre serra fort celle d'Abel, comme si elle cherchait désespérément une force qui lui faisait défaut. Et discrètement, elle suivit son petit ami jusqu'au salon. C'est si étrange, de revoir cette maison sans qu'elle soit remplie d'étudiants, de verres d'alcool, la musique résonnant dans chaque pièce. Quand Grace demanda à Lily ce qu'elle voulait boire, elle fit encore un sourire léger. « Un verre d'eau ou un jus de fruit, si vous avez s'il vous plait. » Elle n'était pas sûre de réussir à boire quoique ce soit. Mais sait-on jamais. Rapidement, Grace revint avec une bière pour Abel, un jus d'ananas pour Lily qui la remercia d'un petit hochement de tête. Elle n'arrivait pas à articuler le moindre mot. Ses mains tremblaient, alors elle les serrait sur ses genoux pour tenter de les stabiliser.

Elle leva les yeux quand Grace prononça à nouveau son prénom. Le coeur battant, Lily leva les yeux vers elle. Elle semblait... Bouleversée. Et Lily s'en voulu immédiatement d'être venue ici. De faire intrusion dans cette famille, alors que cette femme n'était en rien responsable de l'accident survenu il y a plus d'un an. Abel ne manqua pas de le dire. Mais ça ne semblait pas suffire. Lily la fixait sans parvenir à parler. Et c'est ce moment que choisit Tom pour débarquer. La dernière fois qu'elle l'a vu, elle avait bu, lui aussi, et elle était simplement passée devant lui en quittant cette même maison. Jusqu'à ce qu'il tente de la rattraper. Ivre. Abel se redressa d'un air gêné, et il fallut quelques longues secondes à Lily pour faire de même. « Salut... » Clairement, Tom était surpris. Pas par la présence d'Abel, non. Son regard était rivé sur Lily, et Lily, elle en faisait tout autant. Elle voulait disparaître. Mais elle a dit à Abel qu'elle voulait venir. Elle le voulait, et elle ne partirait pas tant qu'elle n'avait pas dit ce qu'elle avait à dire. « Salut, Tom... » se décida enfin à dire la brune, d'une voix enrouée. « Je m'attendais pas à vous voir. Désolé, je rentre du boulot. » Traduction : il ne s'attendait pas à la voir. Et il ne savait pas quoi dire. Avant de laisser Abel parler, Lily rassembla son courage, et éclaircit sa voix. « Abel voulait venir te voir, et j'ai demandé à venir avec lui. » Elle laissa couler un silence gênant, au cours duquel elle sentit tous les regards peser sur elle. Elle voulait à nouveau prendre la main d'Abel, mais elle prit sur elle, et souffla. « Je sais que mes parents vous on mené la vie dure. Et je sais que les choses ont probablement été... éprouvantes pour vous au cours de l'année passée. » Elle attendit quelques nouvelles secondes, observant tour à trois les trois personnes dans la pièce, avant de dire en regardant principalement Tom : « Je suis venue pour te dire que je n'ai pas de rancoeur. Je vais pas mentir en disant que c'est oublié, mais... je suis là, et c'est le plus important. » Ses mots moururent dans sa gorge nouée. Elle ne trouvait pas les mots. Alors elle se contenta de dire « Je t'en veux pas, Tom. » Pour elle, tout ça appartenait à un passé qu'elle voulait laisser derrière elle.

Abel était comme paralysé. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas vu Tom, et ce dernier semblait tout maigre, comme s’il n’avait pas mangé depuis plusieurs jours. Et il se rappelait soudain beaucoup de chose. Il se rappelait soudain les quelques parloirs qu’ils avaient pu avoir où Tom pleurait, sanglotait comme un enfant, se rendant compte de l’erreur monstrueuse qu’il avait commis, mais il se rappelait aussi la douleur qu’il avait éprouvé en pensant Lily morte. Il se rappelait aussi ce baiser, un étage au-dessus qui avait marqué le début de l’histoire la plus incroyable de sa vie, mais la façon dont on avait déchiré la page. Il n’arrivait pas à prononcer un mot, alors qu’il avait tant à lui dire. Voulait-il réellement lui pardonner, ou faisait-il ça pour sa conscience ? Mais Lily prit la parole, et elle sut trouver les mots qu’Abel cachait au fond de son crâne. Elle avait ce don de comprendre les pensées des gens sans qu’ils les disent, et encore une fois, Lily venait de l’aider. Il prit une grande inspiration et quand elle eut fini de parler, Tom eut les épaules qui retombaient. Il avait les yeux remplis de larmes, ne s’attendant pas à pareil tirade, aujourd’hui. « Assis-toi, Tom... » dit Abel quand Lily eut terminé. Le meilleur ami se tourna vers sa mère pour lui demander de les laisser seuls, et elle se fit discrète en se dirigeant vers l’extérieur, dans le jardin. Abel lui proposa sa propre bière et Tom l’accepta sans dire merci. Comme s’ils avaient besoin de ce genre de choses depuis toutes ces années… Abel se rasseyait en même temps que Lily et se pressa légèrement contre son corps, une main dans le bas de son dos. Tom les regardaient comme deux extra-terrestres, comme si leur relation n’était que le fruit de son imagination. « Je sais Tom que tu te ronges parce que tu penses que t’as tout foutu en l’air... Je te connais par coeur, regarde ta main, tu l'as creusé en la grattant jusqu'au sang. » Tom se cacha vivement la main en la mettant derrière sa tête. C'était son tic de stress de se gratter jusqu'au sang. Discrètement, Grace revint avec une seconde bière qu’elle déposa sur la table et dans un sourire sincère, Abel la remercia. « Merci, Grace. » Il ouvrit sa bière avec les clefs de sa voiture et but une longue gorgée. C’était trop compliqué ce qu’il se passait là et il avait besoin de courage liquide, même pour une bière. Elle repartit alors dans le jardin les laissant dans leur intimité.

Tout n’était que pudeur entre Tom et Abel. Jamais ils ne s’étaient laissé aller à des mots d’amitié, même les plus légers qu’ils soient. Pour eux, ils étaient des hommes, et les hommes, ça ne montre pas ses sentiments. Abel brisa le silence qui se faisait pesant. « Malgré tes merdes, t’as réussi à faire en sorte que Lily et moi, on puisse se… découvrir. » Il frottait ses mains à nouveau, nerveux. « T’es un con, mais j’ai grandi avec toi, et il n’y a qu’un con pour grandir avec un autre. » Il lui fit un sourire en coin. C’était sa façon de lui dire qu’il l’aimait comme un frère. Abel but une longue gorgée de sa bière. Tom se tourna vers Lily, le regard aussi clair que de l’eau. « Lily, j’suis désolé. J’suis sincèrement désolé, j’m’en veux tellement si tu savais... » Tom ne lâchait pas Lily du regard. Abel pensait sincèrement qu’il devait avoir peur qu’elle n’accepte pas ses excuses. Puis Abel reprit la parole. « Je suis aussi venu te dire qu’on s’en va, avec Lily. On va voyager. Et… tiens. » Il sortit de sa poche arrière une enveloppe blanche, avec écrit en lettres majuscules FRERE parce qu’ils avaient l’habitude de se surnommer comme ça. Il tendit la liasse vers lui, en la déposant sur la table basse. « Avec ça, t’as de quoi démarrer une nouvelle vie. Monte ta boîte de ferronnier d’art, je t’ai toujours dis que tu viendrais faire un jour mon portail… enfin notre portail. » Et il serrait la main de Lily dans la sienne. « Frère, t’es sérieux là ? Tu le sors d’où tout ce fric ? » Et Abel lui expliqua rapidement tout ce qu’il s’était passé. Il ne voulait pas s’étaler sur sa relation amoureuse avec Lily, elle était bien trop précieuse et bien trop récente pour la priver de toute sa pudeur. Quelques mots échangés plus tard, des refus de Tom, mais d’une insistance féroce du couple en face de lui, ils finirent par se lever pour partir. Et en tendant la main à Tom pour lui dire au revoir, ce dernier prit Abel dans ses bras. Le serrant fort. « Faites nous les plus beaux gosses au monde. » Abel sourit timidement. Abel ne savait même pas s'il était prêt à être un père un jour, mais il hocha la tête. « Tu seras le parrain, mon frère. » Et il lui rendit son accolade. L’embrassade du pardon.

Lily et Abel fit le même geste que lorsqu’ils quittèrent les parents de la fille. Ils allèrent vers la voiture pour rentrer chez eux. D’ici cinq jours, ils seraient à l’aéroport sans destination précise.

Elle sut qu'elle avait frappé juste au moment même où elle finit de parler. Quand elle lève les yeux vers Tom, Lily, il a le regard brillant, tel qu'elle ne l'a jamais vu. Rongé par la peine, elle l'a toujours vu si fort, si vantard aux côtés d'Abel en cours, qu'elle n'a jamais pensé à combien cet accident pouvait l'avoir détruit. Lui qui se fichait de tout et de tout le monde, il a été rongé par cette histoire, des mois durant. Et Lily elle était lasse. Elle voulait vivre, être heureuse, et que les autres soient heureux. Elle n'a pas l'égoïsme de vouloir repartir à zéro en laissant derrière elle les autres en détresse. Quand elle s'asseoit à nouveau, la pression légère d'Abel contre le bas de son dos la rassure, la détend légèrement. Et elle laisse les deux garçons discuter, sait très bien que c'est un des moments où elle est très bien à écouter, et non pas parler. Grace semblait soulagée, elle aussi. Quand elle revint dans le salon, ses traits semblaient plus détendus, et Lily en fut soulagée. Et malgré l'échange des deux hommes, ce fut à Lily que Tom s'adressa, s'excusant. La brune pince les lèvres, et hoche doucement la tête. « C'est du passé, Tom. Je pense que t'as... largement si ce n'est trop payé pour cet accident. » Elle espérait juste que tout ça lui servirait de leçon, et que plus jamais il ne prendrait le volant après avoir bu, même un peu. Elle esquissa un sourire maladroit, mais néanmoins sincère. « Je ne t'en veux plus. » Et elle se demande même si elle lui en a voulu un jour. Peut-être un temps, pendant le coma d'Abel. Dans les pires jours, elle en venait non seulement à s'en vouloir, mais aussi à blâmer Tom, car sans cet accident, elle n'aurait jamais été dans le coma. Mais aussi, sa relation avec Abel aurait probablement été entièrement différente...

Encore une fois, elle laissa les deux garçons parler, et le loisir à Abel d'expliquer à Tom qu'ils partaient. Lily demeura spectatrice silencieuse lorsque Abel tendit une enveloppe à Tom, et ne put retenir un rire discret devant l'air abassourdi de celui-ci. C'est compréhensible, quand on sait qu'Abel n'a jamais roulé sur l'or. Encore une fois, Lily ne s'imposa pas plus que ça. Du coin de l'oeil, elle remarqua Grace, qui observait la scène avec émotion. Alors, discrètement, la brune se redressa pour récupérer les verres vides, le plateau, et les lui ramener. « Les mots me manquent pour vous remercier tous les deux. » Tout en déposant le plateau dans la cuisine, elle se tourna vers Grace et secoua la tête avec un sourire sincère. « Si un jour Tom est à nouveau pris de remords, rappelez lui que je n'ai pas de colère à son encontre. Dites lui que je serais heureuse, avec son meilleur ami, dans un pays loin d'ici. Et que cet accident n'est plus qu'un lointain souvenir. » Cette fois, Grace s'avança, et après une brève hésitation pour jauger la réaction de Lily, elle prit celle-ci dans ses bras. « Je sais maintenant pourquoi Abel a délaissé ses habitudes de Don Juan. A quoi bon cueillir les fleurs du jardin, quand on peu avoir une si belle rose. » Et Lily l'étreint en retour, sans un mot. Parfois, les mots étaient superflus.

Quand le couple quitta la maison pour rejoindre la voiture, Lily s'arrêta un instant, sa main dans celle d'Abel. Elle se retourna une dernière fois vers la maison, tête levée. Vers un balcon qui aura connu les premières minutes de la plus belle histoire de sa vie. Le coeur plus léger qu'il ne l'a jamais été en un an, elle retourna alors dans la voiture, décidant de conduire puisque Abel avait bu. Bientôt, l'avenir et le monde leur tendrait les bras.