J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
Mélampe camoufla mal sa surprise réprobatrice en observant Malvo donner son pendentif pour récompense. C'était là le trésor inestimable que recevait chaque paladin au départ de sa formation, un bijoux d'alliage noble dont les métaux s'étaient raréfiés, que rien ne pouvait altérer, et qui devait représenter la promesse de foi que les fidèles vouaient à la Flamme. Elle trouvait le sauvetage des palans cher payé, mais puisque cela arrangeait ses propres desseins, ne pipa mot. Il était évident qu'une camaraderie de confiance s'était tissée entre les deux hommes que tout semblait rapprocher - la générosité, la gaillardise, la volonté - et elle fut bien aise de ne pas avoir à plaidoyer.
La soupe n'était pas mauvaise mais Goll, tout généreux qu'il fût, avait pris soin de ne pas verser de viande dans les bols, ce qui était de bonne guerre, d'autant que l'intérêt de la pitance tenait davantage à sa chaleur qu'à son goût. Il observa entre ses doigts le don qui venait de lui être fait, leva vers Malvo un regard entendu et reconnaissant, presqu'ému, d'un air de dire "Je sais quelle personne tu es" et servit à son camarade le même épais breuvage que le précédent client. Il s'en gratifia d'une rasade également et s'assit au comptoir face aux deux visiteurs humains avant de se faire à nouveau plus loquace. On sentait qu'il avait facilité à fidéliser ses visiteurs.
"Alors, comment c'est Anuire ? interjecta-t-il. Il paraît que c'est le chaos depuis la mort de Lanasthël. Mauvaises récoltes, guerres internes, tout un bordel de bêtes nouvelles. Vous me dites qu'il y a des monstres jusque dans les montagnes, c'est pas qu'on ai peur de grand chose, mais on n'a pas besoin de ça. - C'est comme vous dites, prit enfin la parole Mélampe, le chaos."
Elle s'assombrit d'entendre aux frontières de son royaume la décrépitude de ses terres. C'était encore le matin et elle se sentit prise d'une urgence à reprendre la route ; elle avait besoin de renouer avec ses objectifs, elle se disait qu'elle retrouverait confiance en elle et détermination lorsqu'elle en aurait fini des entractes primales, qu'elle aurait rejoint quelque chose qui s'approchait d'une famille. Si sa tante était particulièrement rude et droite, comme un pendant acariâtre de la rectitude de son père et que les deux avaient hérité de leurs propres aïeux, Holt avait pour elle - et elle avait pour lui - une profonde tendresse qui était ce qu'elle avait connu de plus filial. Il avait longtemps été le seul à la traiter pour ce qu'elle était : une enfant.
"En tous cas, conclut-elle, merci pour votre hospitalité ..." Elle regarda par-dessus son épaule la petite escouade s'ébattre dans la chaleur d'un intérieur et s'interroger sur cette maison en pierres qui n'était pas une grotte - pourquoi déplacer et tailler la roche quand on peut simplement se glisser à l'intérieur d'une cavité existante ? "... et le reste. Nous devrions peut-être nous remettre en chemin." Malgré l'affirmative, elle donnait l'air de poser une question à son ami, une légère oeillade implorante à l'appui.
"Bonne route, et repassez par ici au retour !" Et sur le ton de l'humour. "Que je vous les refile si je sais plus quoi en faire !" Il les gratifia d'un rire franc et ce fut le moment de mettre fin à la coopération entre espèces. Mélampe laissa d'abord Malvo échanger sur leur courte rencontre avec Nalin tandis qu'elle s'adressa à Ulwazi, heureux et ému de voir s'annoncer ce nouveau chapitre. Il détourna son attention de son aïeul pour la porter toute lumineuse, avec ces iris noires qu'il avait le secret de faire briller, à l'héritière.
"Finalement, ton peuple a retrouvé son nomadisme. C'est peut-être ce qui aura réveillé ton grand-père. - Je n'en doute pas, s'habilla-t-il de douceur meurtrie. Je suis peiné que le carnage eût été la raison de tout cela. Ca aurait pu être évité. - Si tout se passe bien pour moi, je ferai en sorte que tout se passe bien pour vous. - Je ne sais pas qui tu es mais j'ai confiance en toi. Nous t'en devons une, ainsi qu'à ton ami. - Et je t'en dois une pour être venu avec moi chercher cet ami !"
Le sourire bonhomme qu'ils partagèrent les réchauffèrent et ils partirent d'une accolade joyeuse. Nalin, fidèle à elle-même, était plus sur sa réserve lorsque Mélampe l'approcha. Il semblait surfait à la princesse de complimenter la Mana sur le courage et la volonté qu'elle employait pour guider et protéger son peuple - quoiqu'elle se soit reconnue un peu en elle, et quoiqu'à sa place elle aurait aimé entendre de tels propos. Elle n'en fit donc rien et demeura plus sobre.
"Nous aurons bien des choses politiques à discuter dans quelques temps." Elle l'espérait du moins, car cela signifierait qu'elle serait en position pour le faire. "Merci de m'avoir accueillie dans ton peuple. Je suis navrée que les choses se soient déroulées ainsi." Elle se concentrait sur le deuil que vivaient les palans pour repousser le sien qui s'arc-boutait en elle.
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Lun 18 Sep - 13:32
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
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Malvo profita de son tord-boyaux pour se réchauffer avant de reprendre la route en compagnie de Mélampe. Nalin resterait avec les siens dans cette petite bourgade pour trouver une nouvelle vie aux Palans. C’était probablement ce qu’il pouvait y avoir de mieux pour les petits êtres des montagnes : se mêler aux hommes et travailler ensemble, sur le seuil de leur demeure. Malvo balaya la pièce d’un regard patient pour mémoriser chaque visage sur lequel il pouvait s’attarder. Ces êtres étaient peut-être les derniers de leur race, ou le début d’une nouvelle existence pour le peuple des montagnes. Seul le temps le dirait, après tout.
Au dehors, le froid glacial d’une bourrasque s’engouffra dans la moindre faille des vêtements des pèlerins. La route serait certainement plus agréable jusqu’au domaine du Roi Holt, la descente dans la vallée se poursuivant au-delà de cette étape. Les paysages enneigés cédèrent leur place graduellement à des arbres de plus en plus nombreux et les eaux glaciales à des rivières pleines de poissons. Comme rappel lointain de leurs épreuves passées, des pics impitoyables les toisaient du haut de leur assise. Malvo regarda un moment sa protégée pour y déceler les signes de son agacement. La rudesse des terres palans l’avait atteinte et elle brûlait de voir autre chose. Pourtant, elle n’arborait pas le moindre désespoir, pas la plus fine des déceptions. Elle avait agi, elle avait voyagé et elle avait parlé pour leur permettre de survivre, qu’importe ce qu’elle pouvait en penser. Malvo aurait peut-être pu s’en sortir seul. Mais seul il aurait été à la sortie des montagnes. Mélampe et sa découverte des palans leur avait permis de se retrouver et d’avoir des compagnons de route. Véritablement, la protection de ces petits êtres qui faisaient face à leur propre disparition avaient représenté un défi de taille et un accomplissement thérapeutique. Se prouver que l’on peut atteindre un exploit pareil peut revêtir la même importance que l’idée même de l’accomplir. Grâce soit rendue à la Flamme !
Le paladin marchait en observant les paysages et en quittant couche après couche de ses vêtements pour adapter sa tenue à l’évolution des biomes. Il profita de ces moments pour observer la tenue rudimentaire qu’avait dû adopter Mélampe. Elle n’avait déjà pas une soie, un cachemire ou une étoffe luxueuse sur le dos lorsqu’ils s’étaient rencontrés, mais désormais, elle s’était décharnée de tout prestige pour devenir guère plus qu’une forestière qui chasse pour sa subsistance. L’image avait quelque chose de beau et de tentant : garderait-elle ce souvenir de ce que c’est que vivre dans le bas peuple le jour où elle accéderait au trône ? Si tel était le cas, elle serait une véritable souveraine et non une usurpatrice comme certains pourraient le penser. Avec le soutien du peuple et de la noblesse qui se gèlerait autour de sa légitimité, elle aurait tout ce qui peut être nécessaire pour s’assurer une assise solide au sommet de l’Anuire. Malvo hocha joyeusement de la tête à cette idée mais se fit une note qu’il faudrait surveiller le comportement de la jeune femme pour y déceler les signes que cette leçon la suivrait perpétuellement.
- Crois-tu vraiment que ton oncle te laissera le trône une fois que vous aurez chassé Faramond ? finit-il tout de même par questionner l’héritière. Le risque qu’il souhaite faire de l'Anuire un état vassal de son propre Royaume est grand tout de même. Nombre de Rois y verraient une opportunité facile…
Dans ses mots se dissimulait la peur de ne pouvoir préparer le Royaume à la guerre contre le Chaos. Si Malvo suivait Mélampe, c’était pour l’aider à mener ses propres objectifs à bien après tout. Il voulut s’en persuader pour s’assurer qu’il n’était pas complètement en train de dévier de sa sainte mission. Mélampe n’ayant pas la foi, la crainte qu’elle utilise le nom du paladin uniquement pour asseoir sa légitimité auprès du clergé semblait fondée. Heureusement, Malvo n’avait de réelle peur que cette éventualité soit une réalité mais malgré tout, il paraissait sage de vérifier l’évolution morale de la Princesse au fil du temps pour s’assurer du maintien de leur arrangement tacite.
- Avec l’arrivée de bêtes du chaos dans les montagnes, je réalise que la corruption s’étend bien plus vite que je ne l’avais soupçonné. Espérons que la guerre civile n’entame pas trop lourdement les phalanges royales… soupira-t-il, plus honnêtement. Nous aurons besoin de chaque brave qui est en âge de tenir une lance si nous souhaitons traverser cette épreuve.
Il chercha dans le regard de la jeune femme ses pensées pour avoir le cœur net de ses intentions, quelles qu’elles soient. Son obstination et son pragmatisme s’étaient presque montrés proverbiaux jusqu’ici. Même face à ces créatures, il craignait de la voir ne jamais abandonner ses ambitions qu’importe les conséquences. Une victoire contre Faramond pourrait signer la défaite contre le chaos, et donc l’anéantissement. Mais à la fois, Faramond serait-il capable de remporter une victoire face aux bêtes que le Chaos Originel enverrait bientôt déferler sur ses terres ? Entendrait-il raison si l’on venait susurrer au creux de son oreille des paroles prophétiques ? Il en doutait. Faramond aurait commencé à réunir son Royaume sous une seule bannière, au prix de tous les efforts possibles, pour faire face aux signes que la terre envoyait déjà alors. Non, il n’y avait qu’une seule voie possible, et elle passait par la jeune chasseresse.
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Jo'
Jeu 21 Sep - 16:20
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
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S'ils s'éloignaient tout à fait des vents gelés et blizzards crus, la tempête ne décolérait pas dans l'esprit de Mélampe. Rassurée d'être à nouveau sur les rails de sa mission et débarrassée des Palans qui plus est, elle n'en n'était pas moins torturée par les inconnues qui les attendaient au fort. La stratégie se faisait plus impérieuse qu'ils étaient tout proches - mais seule avec Malvo, l'héritière reprenait un peu de consistance. Elle était moins chahutée par l'étrangeté politique du peuple des montagnes et le climat de ces dernières.
"Crois-tu vraiment que ton oncle te laissera le trône une fois que vous aurez chassé Faramond ? questionna alors le paladin. Le risque qu’il souhaite faire de l'Anuire un état vassal de son propre Royaume est grand tout de même. Nombre de Rois y verraient une opportunité facile…"
S'il semblait scruter sa réaction, elle demeurait égale les yeux rivés vers la direction qu'ils prenaient. Elle n'y avait pour tout dire pas même pensé, convaincue de la fidélité que vouerait Holt à Aymeric et donc à sa descendance légitime, la seule que quiconque ayant connu son père pouvait imaginer. Mais il y avait des arguments plus rationnels qui pouvaient refroidir cet homme : si en effet les rumeurs de l'éveil du Chaos avaient franchi les frontières, alors cela faisait d'Anuire un cadeau empoisonné. L'observation du paladin était ceci dit pertinente et Mélampe décida de l'approcher avec prudence.
"Je vais d'abord tâter le terrain. Holt et mon père étaient amis, et nous sommes déjà unis par le sang, puisque ma tante est la Reine. Il faut qu'elle sache que son frère a été assassiné. Du reste ... j'aviserai. Je dirais que le Roi n'a pas le dispositif politique compétent pour mettre une telle subordination en place, et qu'il le sait. Il est très monocéphale, là où mon Père avait un Conseil plus complet. Un Royaume vassal, c'est du travail et du souci - une alliance, a fortiori familiale, est plus stable et autonome. Nous verrons."
Il surenchérit sur des soucis qui semblaient bien plus lointains à Mélampe.
"Avec l’arrivée de bêtes du chaos dans les montagnes, je réalise que la corruption s’étend bien plus vite que je ne l’avais soupçonné. Espérons que la guerre civile n’entame pas trop lourdement les phalanges royales… soupira Malvo. Nous aurons besoin de chaque brave qui est en âge de tenir une lance si nous souhaitons traverser cette épreuve."
Monolithique, la princesse répondit avec la même neutralité qui cachait mal son amertume en vue de la situation d'Anuire.
"Faramond a déjà entamé nos forces royales. Et je ne sais pas ce qu'il manigance, mais de ce que nous avons appris à Valanne, il a l'air d'entretenir des liens avec les forces du Chaos, en témoignent les essais qu'il a faits sur les soldats de Vergile." Elle retint un soupir, leur conversation rythmée par le son terreux de leurs pas et celui symphonique des oiseaux - les rapaces des hauteurs avaient laissé place aux moineaux et mésanges des forêts. "Je n'ai pas l'intention de mener une guerre contre mes propres hommes Malvo, exposa-t-elle pour le rassurer. Tout l'enjeu de ce putsch, après lequel je suis supposée être considérée légitime et ce malgré la réputation qu'on m'a faite, c'est de prouver que je suis capable." Elle insista sur ce dernier terme. "C'est-à-dire, que j'ai le soutien de nos alliés et de tout ou partie de nos chefs régionaux, que je sais monter et guider des forces armées, que je suis donc parvenue à négocier, et ainsi de suite. En somme, je cherche l'effet de manche qui me rendra convaincante et audible. Mais je suis vouée à la perte si je me lance dans un affrontement à l'ancienne, quelle que soit l'issue de celui-ci, car toutes les pertes seront mes pertes."
Elle prenait la mesure des risques accompagnant ses choix, le regard grave tranchant avec la sûreté de sa voix.
"Pour ce qui est des affrontements surnaturels qui nous pendent au nez, je serai avide de vos conseils en temps voulu." Elle lui sourit pour marquer sa confiance - après tout, lui-même lui offrait toute sa dévotion. "Et puisse la Flamme vous guider pour nous sortir de cela." Elle entonna un regard plus complice.
*
Ils arrivèrent à destination le lendemain soir et en voyant sur le ciel nocturne se découper la silhouette de ce château qu'elle avait si bien connu, Mélampe sentit son estomac se nouer. L'inquiétude s'épaississait autour d'elle, palpable dans tout son être, le visage soucieux et serré dans un mutisme pensif - la laisseraient-ils au moins rentrer ? Ils arrivèrent avant la levée du levis.
"Qui va là ? - Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël."
Elle ne nierait pas le nom de son père dans un pays où une Lanasthël était Reine. Les hommes se regardèrent.
"Quoi, je suis bannie ici aussi ?" Elle semblait faussement imperturbée, constatant à leur désarroi qu'ils n'avaient probablement pas reçu de consignes, personne n'espérant peut-être la voir débarquer, ou préférant ne pas prendre de mesure problématique diplomatiquement (dans quelle mesure se refuser à une ennemie de l'Etat allié si elle fait partie de la famille ?). Par mesure de sécurité, ils firent venir leur supérieur, dont le visage s'illumina à la vue de la jeune femme. Il la reconnut pour avoir souvent accueilli la petite princesse en vacances au pays dans sa caserne, ce afin de lui exposer les armes de guerre qui l'intéressaient tant, et les escadrons avec elles.
"Madame ! On vous reconnaîtrait à peine !" Il fit un salut réglementaire pour lequel Mélampe faillit s'émouvoir - plus rien sinon la furieuse volonté de vaincre ne lui était resté de la noblesse, elle avait été déchue de tout, et cette ultime marque de respect militaire la vrilla au plus profond d'elle-même. Elle ravala le tremblement de sa voix avant de répondre. "Puis-je visiter ma tante ?" Il s'habilla d'une douceur qui toute entière sourit autour de sa moustache. "Je ferai le nécessaire."
*
Il les firent rejoindre un hall principal où d'imposants escaliers en colimaçon coulaient du plafond. La surveillance assidue de la garde poussait les deux comparses au mutisme dans une émotion qui fit durer les minutes des heures. L'héritière n'en revenait pas d'être à nouveau ici, écrasée soudain par toute l'importance de sa caste sous laquelle autrefois elle évoluait sans peine, totalement étrangère à son milieu et dans lequel elle allait pourtant devoir naviguer sitôt le séant sur le trône, mais pas non plus chez elle parmi les aventuriers féroces. Une chose, commune à la Haute et aux survivants cependant : la physicalité.
Cette physicalité qui la rappela bien au réel lorsque, tremblant de pas furieux, la Reine dévala les escaliers et sans préambule asséna une gifle à sa nièce. Elle avait pris soin de retirer son gant dans les marches pour que le son s'en fit fouet, et Mélampe sachant à quoi s'attendre, était restée bien droite - sa tête tournant seule sous la fulgurance du coup. "Ca, c'est pour les problèmes que tu as causés à la famille." Puis elle jugea l'apparence générale de la jeune femme, et une seconde gifle partit toute aussi sonore, sur l'autre joue - à nouveau, le visage valdingua sous l'impulsion. "Ca, c'est pour oser te présenter à ta tante comme une souillon." Elle planta alors ses doigts dans les joues de la princesse, l'analysa sous toutes les coutures, et d'un regard bref perfora le paladin. "Tu es d'une maigreur ! Et c'est qui celui-là ? Tu fais le tapin, mh ?" Elle n'avait pas besoin de hurler pour que son ton fasse trembler les os.
Mélampe s'en vit plus docile que son acolyte ne l'avait jamais vue. "Non tante Ellipe, pardon tante Ellipe." Cette dernière la relâcha. "On va vous faire laver et apprêter, tu m'en diras plus au repas." Et elle repartit du même pas. L'héritière sourit à Malvo. "J'ai dû lui manquer pour qu'elle soit si douce !" Elle n'était pas même ironique.
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Houmous
Dim 24 Sep - 17:48
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
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La nuit qui les séparait du château du Roi Holt vit l’un des rêves fiévreux du paladin avoir lieu à nouveau. La dernière fois que cela s’était produit, il se trouvait entre la vie et la mort, une position avantageuse pour approcher la Flamme. Depuis ce jour, les voix de sa femme et sa fille hantaient ses pensées. Les avoir vu danser dans le brasier, comme un avatar rassurant que sa foi prenait pour lui parler, avait revigoré ce qu’il restait de conviction dans son esprit. Cette expérience avait été suffisante pour le détourner de la damnation. Aujourd’hui, il y retournait à nouveau. Le chemin ne comprenait pas les limbes obscurs, comme son dernier pèlerinage, mais bien un sentier éclairé et vivant. Les plantes, les pierres, l’air, tout était lézardé de veines dans lesquelles s’écoulaient la Flamme. Il observait avec émerveillement ce que représentait l’entité suprême de l’humanité en réalité : chaque chose qui existait. Mais en dehors de ce sentier, du chemin qui était tracé pour lui, n’existaient que des ténèbres impénétrables. Le peu que pouvait en saisir le fidèle était des scènes de destruction, de désolation et de tragédies. Il crut même y lire l’un des futurs possibles où il n’aurait su s’acquitter de sa mission sacrée. Cette femme étendue, dévorée, n’était-elle pas Mélampe ? Et ces petits êtres pendus en guirlandes entre deux chênes, c’étaient les Palans, n’est-ce pas ? Une seule silhouette subsistait, cruellement épargnée pour constater la hauteur de sa faute. Cet homme tenait fermement son épée de son seul bras valide.
Lorsqu’enfin Malvo retira son regard de toutes ces horreurs, il vit se dessiner face à lui le véritable foyer de ce monde : le vivier dans lequel se jetaient inlassablement les âmes des défunts pour renaitre sous une autre forme dans les veines orangées qui traversaient le monde. A nouveau, il lut au milieu de ce processus le sacré et l’immuable. Il s’agenouilla lentement, dignement, et récita lentement une prière pour que le voyage se poursuive sans encombre :
- Simple voyageur sous l’égide bienveillante de la Flamme, je demande votre pardon pour nos errances. Que la vie dont Tu es la source soit sanctifiée, que les ténèbres à jamais soient repoussé et que du Brasier brille éternellement Ta lumière, fit-il en prière.
Apparut face à lui une forme de feu qu’il identifia comme sa femme. Celle-ci l’approcha doucement pour venir caresser son menton et relever sa tête. Elle remarqua et s’intéressa à son moignon, soucieuse. Il lui fit un sourire triste et résigné auquel elle répondit en le frottant lentement. La sensation n’en était pas mauvaise car seul ce qui était déjà mort et acquis au monde se consumait. Lorsqu’elle eut fini de nettoyer, elle se concentra à nouveau sur lui pour lui fermer les yeux en silence. Dans ses paupières se formèrent des images qui gagnaient en précision au fur à mesure. Les visions l’amenaient à découvrir le château de leur futur hôte dans ses moindres détails, à la manière d’un faucon qui volerait paresseusement. Que ce soit la basse ou la haute cour, les quartiers de la garde, des domestiques ou le champ de tir à l’arc, tout se révélait à lui, car il ne faisait maintenant plus qu’un avec la Flamme et, donc, le monde. Après cet instant de flottement, le faucon qui portait les yeux de Malvo se posa sur le rebord d’une fenêtre pour laisser apparaitre clairement une scène qui ne devait pas être rendue publique.
Là, un prêtre de la Flamme, peut-être même un directeur de la foi, parlait avec une aide de temple. Les paroles restaient confuses, l’oiseau ne les comprenant pas lui-même. Mais l’air grave, les regards portés de gauche et de droite ne pouvaient pas avoir d’autre signification qu’une affaire de la plus haute importance. D’abord, Malvo crut y lire un complot, un acte haineux et détestable à l’envie, par envie. Mais finalement, quelque chose d’autre se dessinait dans cette situation. L’odeur de la corruption, cet air âcre et lourd et chargé, s’échappait du haut prêtre. Malvo n’aurait pas pu le confondre avec quoi que ce soit d’autre, l’ayant déjà humé lorsqu’il fallut abattre les bêtes du chaos qu’avaient amené le général de Faramond et ses hommes. Encore une fois, la folie des hommes les menaient à la corruption, la damnation éternelle. Les écrits étaient clairs là-dessus : que ceux qui se détournent retrouvent la lumière, mais s’ils ont marché parmi les ombres, parmi les ombres ils resteront. Pour eux pas de pardon, pas de salut. Voir les ordres, eux-mêmes, atteints dans leurs âmes par le sommet était un choc mais pas une surprise. Il fallait maintenant déraciner le mal pour sauver le Royaume de Holt.
A sa surprise, la Flamme referma les yeux de Malvo lorsqu’il crut avoir vu ce qu’il y avait d’important. La trahison ne se stoppait donc pas là ? Le clerc et sa subordonnée se pressèrent d’ouvrir une porte grillagée et ouvragée derrière l’autel. La Flamme au-dessus d’eux aurait pu faire s’abattre le destin immuable qui était le leur à présent mais Elle s’en empêcha, pour que leur secret puisse intégrer les pensées du paladin. Là, il vit la chose la plus inquiétante qui soit : ils possédaient des fioles aux couleurs éclatantes, le légendaire élixir aux Cinq Soleil. Le sol se dérobait sous le paladin alors que la colère, à nouveau, développait sa subtile emprise sur lui. L’élixir permettait aux paladins les plus valeureux de passer l’Epreuve et de rejoindre les rangs des guerriers tatoués. Depuis des décennies, pareil trésor était réputé disparu à jamais. La formule avait été perdue bien des siècles de cela et les meilleurs hommes de science n’avaient pu réussir à le reproduire sans avoir un échantillon à examiner. Qu’un haut prêtre en conserve en secret était un acte de guerre déclaré à tous les paladins, tous les fidèles et toutes les créatures qui évoluaient sous la bénédiction de la Flamme !
***
Malvo était encore sous le choc de sa découverte alors qu’il finissait d’être apprêté pour diner avec la famille royale. Mélampe était loin de lui, probablement en train de profiter des soins dont sa caste raffolait. Peu lui importait, seule la quête de l’élixir lui importait désormais. Il avait décidé, après y avoir longuement réfléchi, de ne pas la prévenir de sa découverte pour qu’elle puisse paraitre tout à fait ravie de revoir sa famille. Il ne voulait pas que les traitres aient l’occasion de remarquer que leurs actes hérétiques avaient été découverts. Tout ce qu’il fallait, c’était que Mélampe n’ébruite pas auprès du grand prêtre que Malvo faisait parti de l’ordre séculaire des chevaliers de la Sainte Flamme.
Quand il fut le moment de diner, il fut placé en face de cet homme gras et suintant de sa vision. Il n’était pas aux côtés de Mélampe, alors il n’y avait rien qu’il ne puisse faire pour la stopper si elle venait à être trop bavarde à son sujet. Malvo resterait concentré à guetter le moindre signe de surprise sur le visage du clerc.
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Jo'
Dim 8 Oct - 16:48
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
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Dans les humeurs du bain, Mélampe se sentit enfin débarrassée du froid qui collait ses os depuis les pics enneigés. Elle retrouvait un peu de vie en constatant toute l'épaisseur qu'elle avait perdue, amaigrie par les assauts du vent ; ses veines faisaient des noeuds cérulés sous sa peau et ses longueurs emmêlées accouchaient de cheveux morts désolidarisés de sa tête. Sa nudité lui laissait le loisir d'inventorier son étisie alors que des dames de chambre entreprirent de la nouer en tresses alambiquées puis on l'harnacha d'un corset qui remontait douloureusement sa gorge, et la princesse ne pu s'empêcher de se souvenir du cauchemar qu'elle avait fait à Valanne. Elle chassa ses superstitions pour se concentrer sur le dîner.
Elle n'eut pas de peine pour retrouver les codes qui avaient accouché d'elle et rejoignit sa place avec force protocole. Elle remarqua ainsi que Malvo avait été placé en invité et elle, à l'endroit où elle avait toujours été assignée : à la gauche de sa tante, elle-même à gauche du Roi dont le fauteuil régnait en bout de table. Diplomatiquement, le Royaume d'Holt se comportait comme si elle était toujours princesse mais semblait s'efforcer de ne pas l'ébruiter. Face à sa tante, la Main, qui avait été un Général de Guerre puis assigné à la Cour suite à une infirmité de bataille. A côté de lui, le Trésorier et à sa suite encore, Malvo. Face à ce dernier et aux côtés de Mélampe donc, le Prêtre Heïdall, que la jeune femme connaissait de vue.
"Le Roi Holt n'étant pas disposé à présider ce repas, entonna alors la Main, je serai son représentant à votre table. Messieurs, Mesdames, vous pouvez vous asseoir."
Un silence compassé dura tout le service des plats puis, comme l'infirme y allait de se substanter, chacun l'imita - la princesse déploya une force monumentale pour manger avec dignité après ces semaines de ripailles dans la forêts et de disette. Elle manqua cependant de s'étouffer lorsque sa tante entama les hostilités, s'asseyant sur tout protocole qui exigeait que le chef de table choisisse le sujet de l'échange, sous le regard attendu et compréhensif de la Main.
"Vas-tu donc me dire ce qu'il s'est passé, Mélampe ?"
Elle essuya sa bouche avec contenance pour gagner le temps de trouver ses mots - par où commencer ? Si Mélampe fuyait le regard d'Ellipe parce qu'il l'intimidait, celle-ci en faisait de même pour se contenir de la gifler une nouvelle fois.
"Quand, exactement ? Après la mort de mon Père ? L'accession à la régence de Faramond ? Mon bannissement du Royaume ? - Ne sois pas effrontée avec moi ! - Je crains qu'il s'agisse là d'une conversation que je devrais avoir avec vous seule d'abord."
Elle fit irrévérencieusement crisser les pieds de sa chaise en l'orientant en direction de sa nièce.
"Il n'y a rien que ces personnes à table ne puissent pas entendre. Maintenant parle et cesse de nous faire perdre notre temps."
La jeune femme l'imita dans une tension palpable ; ayant été placées côte à côte, elles se faisaient désormais face.
"J'ai toutes les raisons de penser que votre frère n'est pas mort de causes naturelles, ma tante." Elle la détailla avidement. "J'ai toutes les raisons, en fait, de penser que votre frère a été empoisonné par le bon Maréchal qui est désormais à la tête de l'Etat. - Ce sont de graves accusations, Mélampe, commenta la Main."
Mais elles ne relevèrent pas - elles étaient enfermées l'une et l'autre ailleurs, très loin. Ellipe était comme sclérosée, le visage bouffi de la rancoeur de ceux à qui on rouvre les plaies parce qu'elles guérissent mal.
"Laisse Aymeric en dehors de tes volontés putschistes ! - Comment ?" Mélampe eût un mouvement de recul dans le dossier de sa chaise, et du même temps, sa tante se pencha sur la sienne comme pour mordre.
"Tu penses que les rumeurs s'arrêtent aux frontières ? Tu crois qu'on ne sait pas que tu as attaqué Faramond lorsqu'il a voulu te priver de la régence ? Qu'on raconte que t'es rapprochée de Vergile, de Bastes et j'en passe pour fomenter quelque chose ?"
L'héritière persifla, amère. "Et les rumeurs selon lesquelles le Maréchal dépeuple les clans belliqueux, fait des guerres contre sa propre population, et fabrique des monstruosités sans nom en se servant de soldats, où se sont-elles arrêtées, tante Ellipe, mh ?" Elle ne laissa pas Ellipe riposter du revers de sa main et se leva pour mieux la toiser. Cette fois, c'était l'aînée qui avait un léger train de retard sur la domination, mais elle la seconda de la même façon, et murmura presque entre ses dents.
"Qu'essaies-tu de faire à remuer ainsi le souvenir de ton père, petite pisseuse, hein ? - J'essaie d'honorer sa volonté et de protéger le Royaume qu'il voulait me voir présider. - Mesdames, il suffit, intervint la Main."
Ellipe prit congé de la tablée et s'en retira. Mélampe flotta dans un entre-deux qu'elle comprenait mal. Rien ne s'était produit comme elle l'aurait imaginé - elle n'aurait pas souhaité parler des circonstances de la mort de son père devant un public, fût-ce des hommes qui l'avaient vu grandir, et elle ne s'était pas imaginée perdre ainsi patience et faillir à délivrer un message correct et convainquant. Elle tira sa chaise et se réinstalla convenablement, visiblement chamboulée - une domestique rangea le siège de la Reine sous la table. La princesse sentait tous les regards sur elle avec confusion et elle tenta de reprendre une consistance. Elle avait la voix trouble.
"... Comment cela se fait-il qu'Holt ne soit pas parmi nous ce soir ?"
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Houmous
Sam 4 Nov - 21:56
Malvo
J'ai 39 ans et je vis en Anuire. Dans la vie, je suis au service de la Flamme et je m'en sors bien. Je suis un protecteur qui trouve du sens.
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Malvo s’était contenté de s’attaquer à son assiette pendant que la Reine Ellipe et la princesse Mélampe prenaient le temps d’échanger les courtoisies d’usage dans une situation pareille. Leur plaie commune cicatrisait de manière fort différente. Loin de lui l’idée de juger l’impatiente tante, mais le paladin devait reconnaitre qu’elle manquait au moins un peu de lucidité concernant la situation en Anuire. Heureusement, la cadette savait y faire pour présenter vigoureusement ses opinions et son récit. Alors, quand la Reine s’excusa et quitta la table, cela ne fit pas une grande différence. Changer d’avis est un processus coûteux et lent. Mais surtout, pour qu’une influence puisse conquérir de nouveaux fidèles, l’esprit doit rester libre d’une compétition adverse.
Le prêtre Heïdall, en particulier, prit le temps de dire quelques mots en vue du maintien du statu quo pour le bien du Royaume de Holt. Malvo n’écoutait guère ce qu’il disait mais se focalisait sur ses mimiques. Il était pareil à un prédateur tapis dans les hautes herbes qui observerait les mouvements de sa proie. Qu’importe sa vitesse tant que la trajectoire en est connue. Qu’importe la qualité des arguments tant que l’opinion générale est visible. Le malaise s’installa quand son regard de fer et son intention inflexible capta peu à peu de l’attention.
- En tous cas, Sa majesté, le Roi Holt, n’a pas eu le temps de venir se joindre à nous, déclara simplement la Main. Les affaires du Royaume ont demandé toute son attention et il devra se sustenter plus tardivement, dans le calme. Un nouveau transport de vivres s’est perdu dans les montagnes et une garnison de plus a été mise en place dans un avant-poste mais il semblerait qu’elle tarde à envoyer ses premiers rapports. Ces informations ne doivent pas quitter les murs de cette salle, pour le moment, bien entendu, ajouta-t-il finalement en guise de directive pour les convives attablés et, plus encore, pour le paladin.
- Mmh… Ainsi, les chasses des raksis ne se résument pas au petit peuple des montagnes, remarqua Malvo aussitôt.
Des regards curieux lui parvinrent tandis qu’il continuait à manger. En guise de seul éclaircissement, il jeta un coup d’œil vers Mélampe. Il voulait s’assurer d’avoir son assentiment en ce qui concerne ce sujet, avant de l’aborder pleinement. Comme elle semblait n’avoir pas d’avis réprobateur, il poursuivit en expliquant dans les grandes lignes leur aventure et la traversée à partir d’Anuire, avec un intérêt particulier pour ce qu’ils avaient pu constater des raksis.
- Excusez-moi mais cela me semble très improbable, fit le prêtre qui sentait le vent tourner doucement, alerte. Un manchot vient vous régaler d’une histoire de guerre contre des créatures jamais vues auparavant ? Maestre trésorier, n’avez-vous pas commissionné des experts montagnards qui vous ont assuré que les avalanches seraient plus nombreuses cet hiver ? Vous aussi, Sire Hector, qui êtes la main, vous ne pouvez pas croire en ces sornettes certainement ? Qui est donc cet homme pour prétendre à pareilles exploits ?
Dans les jeux de regards, les rapports de force et les intérêts se dessinaient. Bien que le langage châtié du prêtre laisse la part belle aux oligarques du Royaume, il ne faisait aucun doute qu’il avait l’ascendant sur bon nombre des nobles attablés. Ici, comme en Anuire, l’Eglise du Feu avait un poids important en politique. Et il était regrettable de voir un prêtre corrompu s’imposer comme un intriguant de bas étage. Malvo fulminait intérieurement. La nature animale et furieuse de son expression commençait à se remarquer, même de ceux qui ne le connaissaient pas autant que Mélampe. Mais contrairement à ce qui aurait pu être attendu, il lâcha sa serviette et se balança plus en arrière.
- Je ne suis pas un homme, Monseigneur Heïdall, contrairement à ce que vous pouvez prétendre. Je suis le porteur de la Flamme et de sa volonté. Je sers la justice et la lumière là où l’obscurité s’abat. Je n’ai pas fui Anuire, tout comme la Princesse héritière. Je suis venu glaner la force des fidèles pour grossir les rangs de nos armées et écraser la tâche d’encre qui se répand sur notre monde, déclara-t-il avec conviction. Mon nom est Malvo, je suis le paladin que l’Ordre a rejeté sous des prétextes falacieux pour dissimuler ses fautes. Et tout comme sa Seigneurie, je suis bien décidé à prendre ce qui me revient de droit.
A la simple mention de son nom, le prêtre sentit un linge glacé lui frictionner le dos sous les regards interrogatifs des autres puissants. Il y avait fort à parier que les affaires de l’Ordre aient eu un retentissement restreint aux sphères les plus hautes de l’Eglise. Tout faisait sens dans l’esprit du ministre de la foi : les regards, la conviction, l’aplomb et la connaissance des Bêtes du chaos. Son bras amputé n’était plus une faiblesse notable mais bien le signe d’une volonté écrasante de vaincre dans les situations les plus désespérées. Ses cheveux longs et mal entretenus n’étaient plus une preuve de son manque de savoir vivre mais des mois passés sur la route, en traque. Et cette fureur dans le regard ne se prêtait plus à des obédiences humaines faillibles mais à une intention divine.
- Les fidèles du Royaume de Holt ne doivent rien à un paladin excommunié… bredouilla-t-il en espérant recueillir le soutien de ses pairs, en vain.
- La Flamme ne demande pas, elle exige ! frappa-t-il du poing sur la table avec vigueur la chaleur grimpant dans ses tempes. Elle prend et elle dispose et nul homme n’a le pouvoir de l’en priver. Je vous ai vu dans le Bucher, fit-il en l’accusant de son seul index. La Pureté des Puretés m’a laissé à voir vos cachoteries, petit moine de pacotille ! Apportez-moi l’Elixir et nous prierons pour le salut de votre âme immortelle : il n’est pas trop tard !
Tous autour de la table observaient la scène avec intérêt sans savoir comment réagir ou se placer. Le confesseur se liquéfiait sous le coup des accusations du moine-guerrier.
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Jo'
Jeu 16 Nov - 19:39
Mélampe Hildegarde Gertrud de Lanasthël
J'ai 24 ans et je vis où je peux, dans l'Anuire. Dans la vie, je suis fille aînée d'Aymeric Mosse Gawen de Lanasthël, Roi d'Anuire décédé d'une crise cardiaque et je m'en sors bannie du Royaume puisque j'ai convoité le trône.
Valla (Diablo) (c) Kyrie
Elle dévisageait les deux hommes de foi, impuissante, ainsi que ses compères : l'assurance et la pompe de Malvo - toutes légitimes qu'elles fussent - perturbaient intensément ces fonctionnaires engoncés dans l'exercice de leur fonction. L'héritière sclérosée voyait s'étioler ses espoirs d'une alliance avec les accusations de son partenaire mais à sa différence, elle ne parvint pas à briser les protocoles qui s'imposaient à cette table pour intervenir. Cela lui rappela détestablement que Malvo suivait envers et contre tout son propre dessein. Lorsque la princesse se trouvait marcher dans la même direction, il l'aidait, mais il lui sembla qu'il n'hésiterait pas à laisser ses convictions dépasser le sort de la jeune femme. Il le lui avait dit à Erüne : il demeurait homme libre.
Elle craignait l'incident diplomatique qu'impliquait l'invocation de pareilles accusations et poings sur la table. Si chacun était impressionné par la personne du paladin, tous avaient probablement une part convenable de cynisme pour le détester et repousser ses soupçons. "J'en aurais fais autant", nota la princesse pour elle-même ; il était parfaitement raisonnable de prendre ce nouvel arrivant pour un ennemi. La Main eût une réaction salutaire pour la bonne tenue du repas, et Mélampe reconnut là les méthodes sages de son oncle par alliance.
"Messieurs, descendons d'un ton." Puis à l'intention de Malvo. "Il est très malvenu d'avoir l'outrecuidance d'exiger et d'accuser à une table où vous ne devriez pas même être reçu, étant donnée votre situation politique. Ces accusations très graves doivent être traitées correctement, pas entre le sanglier et la volaille. - J'ai fini, asséna Mélampe."
Elle témoigna une révérence de respect aux hommes dont le protocole l'exigeait, puis traîna un regard appuyé sur Malvo.
"Voudriez-vous bien m'accompagner ?"
Il y consentit dans un air de pas-assez brûlant, se remémorant peut-être les inquiétudes qu'elle lui avait témoignées sur sa sécurité ici avant leur départ.
*
Mélampe connaissait le domaine par coeur - elle emmena le paladin dans un dédale de marches puis l'attira par sa main valide dans le renfoncement d'un couloir. Ils se retrouvèrent dans la salle de couvertures, où des toisons nourries de lièvre et renards cousues ensemble donnaient concurrence à des peaux bovines. Le camaïeu crème sentait quelque chose du souffre et de la poussière, mais d'une manière agréable. De grands baquets s'éventraient sur des édredons bourrés de duvet, taies de lin fortement nouées par des fils épais comme de la couenne. Après un instant à écouter les sons du couloir, soucieuse, paranoïaque, l'héritière assaillit son ami.
"Que se passe-t-il, au juste ? questionna-t-elle entre ses dents. Que sont ces histoires de cachoteries ? Qu'avez-vous vu ?"
Et comme elle n'abandonnait jamais les questions et préférait tout comprendre avant de décider si elle devait lui en vouloir, elle surenchérit.
"Pourquoi ne m'avoir rien dit ? Nous aurions dû décider ensemble d'aborder le sujet, et de la façon de le faire. Moi aussi j'ai des enjeux à jouer, et je vous rappelle qu'il va être compliqué de s'organiser face au Chaos dans un Royaume désuni et contrit avec ses alliés !"
Sa réaction tenait-elle de la peur, ou de la vexation de ne pas avoir eu le contrôle du repas ? Difficile à déterminer. Elle se mit d'ailleurs à songer à sa conversation avec sa tante, et l'agressivité contenue de ses remontrances la quittèrent.
"... quel fiasco ... Il faut qu'on récupère ça mais on ne va y arriver que si on fait équipe." Puis plus assurée, cherchant à lui inspirer confiance. "Je défendrai vos intérêts aussi."
De toutes manières, ne convergeaient-ils pas ?
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