Elizabeth n'avait pas forcément envie de danser ou de s'amuser, mes Belzébuth avaient raison. Si elle voulait que les choses se passent bien, elle devait montrer à son peuple que tout était comme il se devait d'être. Ce qui venait de se passer ne devait pas avoir d'influence et de toute façon, cet homme avait longtemps cherché les problèmes. Elle ne lui aurait pas fait subir un tel sort spontanément, mais elle n'allait pas pleurer celui qui n'avait même pas su obéir à son roi et à sa princesse. Il y avait cet ordre qui avait été donné de ne pas intervenir et ce n'était pas le premier auquel il contrevenait.

Pour le moment, Belzébuth souhaitait que l'heure soit à la fête et il fallait bien qu'elle montre l'exemple. Elle s’efforçait d'être forte, et également humble et obéissante pour qu’il ne se sente pas provoqué, mais rien de ce qu'elle pouvait dire ou faire ou des efforts qu'elles semblaient mettre en œuvre ne paraissaient satisfaire le maître suprême des démons. Elle ignorait complètement comment réagir avec elle, mais il avait belle allure et danser en sa compagnie ne la faisait pas sentir si désespérée qu'elle l'aurait craint au départ. Elle se laissa aller dans la musique en essayant d'oublier ce qui venait de se passer.

Elle sursauta néanmoins en entendant la voix de Dantalion dans sa tête. Elle ne s'attendait pas à cela. ce n'était pas aussi invasif qu'on aurait pu le croire, d'autant qu'il semblait demander une permission plutôt que de la prendre directement. Elle décida de simplement hocher la tête discrètement pour lui faire comprendre qu'il pouvait poursuivre. Ce qu’il lui expliquait lui donner un léger espoir d'amélioration. Mais elle ne savait pas si elle devait vraiment croire ce démon ou s'il était en train de jouer avec lui avec la complicité de son cher maître. Elle appartenait peut-être à tous les démons finalement, et pas seulement à Belzébuth.

« Merci » tenta-t-elle de penser sans savoir s'il allait l'entendre.

Mais au fond, elle était quand-même curieuse de savoir s'il avait entendu en son remerciement et si elle pouvait communiquer avec lui de la même façon. Elle n'était pas télépathe, mais peut-être qu'il suffisait à l'autre de l'être pour pouvoir communiquer ainsi. Si tel était le cas alors il allait peut-être pouvoir l'entendre. Sinon, elle serait condamnée à parler en sachant qu'elle ne pourrait donc lui demander conseil à moins de s'isoler avec lui. Ce ne serait sûrement pas quelque chose de bien vu et elle n'avait pas davantage besoin de se mettre son époux à dos.

« pouvez-vous m'entendre également ? » tenta t-elle de demander par son esprit.

La jeune femme dans les bras de Dantalion s'était légèrement crispée. Il avait senti qu'une sorte de tremblement l'avait saisi. Cela ressemblait à ça, lorsque l'on découvrait la capacité télépathique du duc infernal. Une fois la surprise passée, ses interlocuteurs se montraient curieux, mais embarrassés à la fois. À quel point Dantalion pouvait-il s'immiscer dans leurs pensées ?

Elizabeth hocha la tête. Dantalion la rassura vaguement. Un sourire étira les lèvres du démon en un sourire amusé.

~ Soyez forte, répéta-t-il comme un mantra pour lui donner un peu d'espoir.

Ils tournoyaient ensemble au milieu de la salle et d'autres couples s'étaient joints à eux. Plutôt des humains, parfois invités par des démons pour dynamiser la soirée.

~ Bien sûr que je vous entends, répondit Dantalion. À la condition que mon attention soit toute focalisée sur vous, ce qui est le cas en cet instat, je n'aurais aucun mal à découvrir la moindre pensée que parcourt votre esprit...

Et comme s'il voulait joindre le geste à la parole, Dantalion usa de son pouvoir sur elle. C'était comme si d'une main chaude et invisible, il avait caressé l'esprit de sa partenaire de danse. Il jeta vers elle un regard en biais, affichant un sourire en coin discret. Pour sûr, elle l'avait senti et cela avait dû être très étrange, mais pas désagréable.
La nature joueuse et plaisante de Dantalion chercha à convaincre la nouvelle reine des divertissements dont il était capable. Il lui renvoya des fausses perceptions : un souffle qui se perd dans sa nuque, un doigt qui frôle son épaule nue, une bouche qui s'aventure sur son décolleté. Aux yeux d'Elizabeth, cela paraîtrait réel. Pourtant, personne ne l'aurait touchée.

~ Je peux même vous procurez des sensations sans même vous toucher... Exaltant, n'est-ce pas ? dit-il en laissant un rire grave emplir leurs pensées partagées.
~ Vous appréciez ? demanda-t-il. Voulez-vous que je recommence ? J'adore ces jeux-là...


(Un tout grand désolé pour cet énorme retard ! )

Danser avec un démon était étourdissant en soi, mais cela n'avait rien de comparable avec la sensation que c'était de se rendre compte de son pouvoir, en particulier quand il s'agissait de l'entendre à l'intérieur de soi-même. Elle en connaissait si peu sur les démons qu'elle ne savait pas du tout qu'ils étaient capables de télépathie. Pour autant, elle comprit soudain pourquoi Dantalion était tellement silencieux. Il n'avait pas besoin de parler avec son maître pour se faire comprendre. Il était évident que son nouveau mari et le second de celui-ci communiquaient essentiellement par télépathie. Elizabeth en prenait seulement conscience.

Forte, elle avait bien l'intention de le rester, mais il y avait cette part d'horreur dans le fait qu'elle allait devoir supporter les habitudes perturbantes de son époux et les traditions certainement teintées de violence et de cruauté de sa cour. Elle ne regrettait pas d'avoir sauvé son peuple, mais elle ressentait une certaine forme de crainte à la simple idée de ce qui allait advenir de son quotidien. Elle ne savait même pas à quel point elle le ressentirait comme quelque chose d'étouffant ou d'inexorable. Elle préféra se concentrer sur son étonnement, qu’elle pensait moins déroutant que la crainte du futur.

Mais comme elle se trompait. La sensation d'une caresse impromptue lui donna envie de se retourner, mais elle comprit instinctivement que c'était lui qui lui avait donné ces sensations là et elle ne comprenait même pas comment il faisait. Elle n'avait pas vraiment besoin de comprendre pour ressentir, même si elle se sentit aussitôt gênée et à la chaleur que dégageaient ses joues, elle avait dû rougir de l'audace du démon. Il n'était pas que le maître qui était capable de s'amuser avec elle et pourtant, elle avait tout de même ce sentiment qu'il avait été sincère en ce qui concernait les propos rassurants qu'il avait tenus.

« Je… », bredouilla-t-elle à voix haute avant de se dire que penser était sans doute un meilleur moyen de se montrer discrète.

Sa nature de jeune fille bien élevée la poussait à penser qu'elle aurait dû répondre que ces attentions si étranges et si troublantes lui déplaisaient au plus haut point. C'est ce qu'elle aurait répondu à un courtisan essayant de profiter de la situation lors d'une danse. Mais elle était dans le monde des démons, à-présent. Si elle n'avait aucune intention de tromper son époux, elle était persuadée que les jeux de cette sorte devaient être monnaie courante. Elle ne savait seulement pas jusqu'où elle pouvait aller. Elle ne tenait pas à mettre plus en colère son époux qu'il ne l'était déjà.

« Ce n'est pas… désagréable », dut-elle bien reconnaître en pensée. « Mais quant à recommencer, je ne voudrais pas déplaire à votre maître, je crains de ne pouvoir en supporter les conséquences. »