La conscience de Reena flottait dans un état de semi-conscience, se raccrochant à des fragments de souvenirs confus. Des bruits étouffés, des voix lointaines, et une odeur astringente. Puis, la sensation d'être allongée, immobile, dans un lieu inconnu. Les sons se rapprochèrent peu à peu, et elle perçut des paroles murmurées, des pas feutrés. Elle tenta d'ouvrir les yeux, mais ses paupières semblaient pesantes, comme si elle était plongée dans un rêve flou.

Peu à peu, sa vision s'éclaircit, dévoilant les contours blancs d'une chambre d'hôpital. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour chasser le brouillard, sentant que son corps était lourd et engourdi. La jeune femme réalisa alors qu'elle était attachée à une multitude de tubes et de câbles, et la panique la submergea. Elle tenta de bouger, mais sa faiblesse la trahit, et la douleur qui parcourut son corps la fit grimacer. Son esprit était trouble, comme si un brouillard épais enveloppait ses pensées. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises, tentant de dissiper la brume qui l'entourait. Où était-elle ? Que s'était-il passé ?

Ses prunelles s'ancrèrent finalement sur la silhouette familière debout à côté de son lit d'hôpital. Ses souvenirs commencèrent à resurgir peu à peu, comme des pièces d'un puzzle se remettant en place. Elle se souvint de Monsieur Allen, de sa présence dans la bijouterie, et du sentiment de danger qui l'avait envahie. Mais pourquoi était-elle ici ? Et pourquoi Vango Ponti était-il avec elle ?

Reena fixa l'homme, hébétée, sa voix tremblante et enraillée lorsqu'elle commença à parler. « Monsieur Ponti ?... Je... je ne comprends pas. Que m'est-il arrivé ? Pourquoi suis-je ici ? » Son regard s'attarda sur le visage de Vango, et un trouble inexplicable s'empara d'elle. Une sensation fugace la renvoya presque dans cette bijouterie, revoyant l'homme aux prunelles d'or, un souvenir étrange qui s'évanouit aussitôt. Elle secoua légèrement la tête, se réprimandant mentalement. Ce ne pouvait pas être la même personne, c'était impossible.

Ses gestes étaient entravés par les tubes et les câbles qui semblaient la retenir prisonnière de la même manière qu'elle était entravée la veille. Malgré cela, une détermination farouche naquit en elle. « Monsieur Ponti, je vous assure que je vais bien. Je dois sortir d'ici. » Sa voix était faible mais résolue, ses yeux fixés sur lui. Elle voulait des réponses, elle avait besoin de comprendre ce qui lui était arrivé, et pourquoi cet homme était là. Ses souvenirs la rattrapaient peu à peu, les pièces du puzzle s'assemblant pour former un tableau plus clair. Les événements à la bijouterie, le sentiment de menace, et le désir de protéger quelque chose d'important. Quelqu'un. Oona. Mais tout cela était encore flou, comme si elle tentait de démêler un fil dans sa tête. Malgré la confusion qui la tourmentait, Reena était toutefois déterminée à retrouver sa clarté d'esprit. Elle voulait retrouver le contrôle de la situation, sortir de cette obscurité mentale qui l'emprisonnait.

Son regard croisa de nouveau celui de Vango, et cette fois-ci, elle écarta les pensées étranges qui avaient surgi plus tôt. Elle se concentra sur la réalité de la situation, sur sa propre résolution à aller de l'avant, mais aussi sur la profondeur de ces iris la sondant, la détaillant comme si elle était soudainement devenu un sujet d'étude, une étrangeté inexplicable. « Il va y avoir une autre attaque. Et si vous laissez celle-ci se produire, je craint qu'on ne puisse plus l'arrêter. » Elle a conscience de l'absurdité de ses paroles envers quelqu'un qui ne sait rien, qui est étranger à ce monde, et elle ne comprend pas elle-même les raisons la poussant à lui dire ces mots. Elle fronce les sourcils, visage crispé, paume écrasée contre sa tempe. Un autre homme entre dans la chambre, elle croit l'avoir déjà vu, mais presque aussitôt, elle se referme, les lèvres scellées, comme si elle était de nouveau inconsciente, et l'espace d'un temps, sans doute est-ce ce qu'il croit également. « Mac vient d'appeler, ils n'ont pas eu besoin de retrouver la gamine Allen, elle s'est présentée toute seule devant nous. » Un élan de panique la traverse, au point d'en faire sursauter l'homme quand elle se redresse dans une grimace. Oona. « Il va s'en prendre à elle ! Il faut que-- » Je la protège. Mais tout ce qu'elle parvient à faire, c'est s'épuiser, tirer sur les fils de sa perfusion, et manquer de tomber du lit. C'est sur, il voudra en faire la prochaine, la dernière.

Les souvenirs et la conscience de Reena continuent de se reconstituer comme des morceaux de verre brisé, lentement réassemblés. Les voix autour d'elle deviennent plus claires, et surtout, la panique initiale se mue en une détermination farouche, nourrie par l'urgence de la situation. Elle ne veut pas être en sécurité, elle veut pouvoir sauver son amie du danger imminent qui la guette. Sa respiration se fait plus rapide alors qu'elle rassemble ses forces, les mains tremblantes. La douleur et l'épuisement semblent s'évaporer sous l'effet de l'adrénaline, et elle se force à calmer son esprit, prenant de profondes inspirations pour réguler son rythme cardiaque. « Je vous assure que je vais bien, tout cela n'est- n'est pas nécessaire... » Et pourtant, il martèle qu'elle a besoin de repos, et effectivement, son corps tout entier semble le lui réclamer. Des appels qu'elle ignore sciemment. Alors que Vango tente de la rassurer, lui expliquant qu'elle a été exposée à une substance toxique, Reena se débat intérieurement avec des fragments de souvenirs. Les événements de la nuit lui reviennent par à-coups, mais une part de son esprit reste fixée sur l’image de l’homme aux prunelles d’or qu’elle avait brièvement perçu avant de perdre conscience. Où elle se cache. Les mots apaisent, sans qu'il ne le sache. Parce qu'Oona est partie, et que grâce à ça, elle pourrait être un peu plus en sécurité. Elle pourrait gagner du temps. Elle serre les lèvres, retient ses mots. Vous ne pourriez pas la protéger. Il n'y a que moi pour le faire. Mais comment dire une telle chose sans paraître diablement prétentieuse, voire grossière ?

C'est l'intervention de son collègue qui interrompt le fil de la discussion. Oona, qu'as-tu fait ? Elle sait au fond d'elle-même qu'il ne reste que peu de temps avant que le père d'Oona ne frappe à nouveau. Et sa présence en ville la plaçait en tête des personnes en danger. Je dois y aller. Dans sa grande naïveté, elle bondit, comme si elle allait pouvoir échapper à ceux qui s'imposent presque comme une garde rapprochée pour elle. Sa tentative de se lever échoue, ses jambes se dérobent sous elle, et elle manque de tomber du lit, jusqu'à ce que des mains fermes la rattrapent, la replaçant doucement sur le matelas. Les fils et les tubes tirent désagréablement sur sa peau, mais elle continue de lutter contre la panique qui l'envahit. « Il... il sait sans doute où elle est. Il va la trouver. Vous devez la protéger. Vous devez... » Ses paroles sont entrecoupées de halètements alors qu'elle cherche désespérément à se faire comprendre. « Oona... elle ne sait pas. Elle ne se doute de rien. » Et vous non plus.

L’entrée de l’infirmière dans la chambre ajoute à la confusion. Reena observe la professionnelle réinstaller les tubes, puis tourne un regard désespéré vers Vango. Depuis ce lit, elle ne serait d'aucune utilité. Et pourtant... pourtant son corps semble drainé de toute énergie. L'infirmière, concentrée sur ses tâches, lève à peine les yeux vers Reena, pensant sans doute qu'elle délire sous l'effet des médicaments ou de la fatigue, incapable de saisir cette certitude qui l'étreint, d'une nouvelle attaque planant sur la ville comme une ombre sinistre. La tête lui tourne légèrement alors qu'elle tente de se redresser à nouveau, repoussant les mains de l'infirmière avec une vigueur inattendue. « Écoutez-moi ! » Sa voix monte en intensité, un cri de détresse teinté de rage. « Vous devez... prévenir tout le monde. Dites-leur qu'il est encore en ville. Dites-leur... » Sa vision se brouille brièvement, mais elle refuse de céder à la faiblesse qui menace de l'envahir. Elle ne peut pas se permettre de perdre connaissance à nouveau, pas maintenant, et elle se raccroche à cette détermination comme à une bouée de sauvetage dans un océan de confusion.

« Je dois la protéger... » murmure-t-elle plus pour elle-même, ses yeux se fermant un instant alors que la fatigue la rattrape déjà. Mais malgré tout, elle sait qu'elle doit rester éveillée, alerte. Chaque seconde passée à cet endroit est une seconde perdue pour sauver son amie. Elle tente de se concentrer sur les bruits environnants, les voix, les pas, cherchant désespérément un signe, un indice qui pourrait lui indiquer que les autres prenaient sa détresse au sérieux. « Monsieur Ponti... » murmure-t-elle faiblement, luttant contre le voile de fatigue qui obscurcit sa vision. Elle tend la main, cherche la sienne, les mots qui s'échappent comme une prière : « Vous devez la trouver... avant lui. Avec le dernier… rituel... » Son esprit oscillant entre lucidité et confusion, une chose restait claire : elle ne pouvait pas abandonner. Pas maintenant. Pas tant que son amie était en danger. Tout comme il est clair qu'elle doit reprendre des forces, sera incapable de faire face à Allen (et l'entité qui le contrôle) dans cet état.