Olie s’excuse.
Et il la remercie. A plusieurs reprises.

Si au début Kenzie s’est dit qu’elle avait peut-être mal entendu, le doute n’est plus possible. Le Serpentard arrogant des dernières semaines semble avoir disparu et laissé la place à un jeune homme vulnérable, repentant et … reconnaissant. Elle voit dans son regard qu’il est sincère, qu’il souhaite à ce moment-là que les choses aillent mieux entre eux. Et malgré l’épuisement émotionnel dans lequel elle se trouve, elle veut la même chose à cet instant.

Elle pose une main sur celle d’Olie et la presse légèrement pour lui faire passer un message encourageant, puis le lâche rapidement. Elle ne veut pas risquer de le brusquer.

- C’est bon Olie, on fait tous des erreurs et… bon, je comprends et… je te demande pardon aussi. Je réagis toujours trop vite et j’aurais dû… Enfin bref, oublions et tentons de faire mieux à l’avenir ok ? Et ne t’inquiètes pas, on va bientôt rentrer chez nous.

En disant cette phrase, elle se sent soudainement bizarre. Elle a dit à Olie "chez nous". Naturellement.

Cette coloc commence enfin à prendre une image de chez soi. Un chez soi ou on est bien et auquel on aspire à rentrer après une dure journée.

C’est sans doute une bonne chose qu’elle commence à ressentir ça.

Un silence s’installe entre eux, et elle se demande à quoi pense Olie.

Après quelques minutes, Callum entre dans la pièce et se précipite pour enlacer le Serpentard. Kenzie ne manque pas de remarquer les joues rouges du nouvel arrivant quand ils se séparent, et les yeux brillants d’Olie. Elle fronce les sourcils comme si elle essayait de résoudre une énigme compliquée, mais ne dit rien.

Ils ont hâte tous les trois de retourner en Angleterre. Olie lance de nouveau son sort de traduction, et Kenzie relève les épaules et se pare de toute l’assurance dont elle est dotée pour faire comprendre aux médicomages que la santé d’Olie lui permet de quitter l’hôpital sans dommages et qu’elle prend la relève le temps du voyage.  

C’est elle encore qui les fait transplaner au ministère tchèque, Callum étant dans un étrange état de transe, se passant souvent les doigts sur les lèvres, les yeux perdus dans le vide.
Elle espère qu’il n’est pas dans un état de choc à la suite de leur agression sous le pont. Il faudra peut-être qu’il consulte un médicomage, mais cela attendra leur retour.

Au ministère tchèque, leur interlocuteur voulait qu’ils se rendent directement au ministère britannique de la magie, mais elle a protesté avec Olie avec véhémence et ils ont obtenu le droit de rentrer chez eux d’abord et de se rendre au rapport le lendemain.

Heureusement, on leur a aussi procuré un portoloin, parce que sa fatigue ne lui aurait pas permis de les faire transplaner plusieurs fois, sur les différentes aires de transplanage jusqu’à chez eux. Et que les deux garçons ne sont pas en état non plus, pour des raisons différentes.

Enfin arrivés sur le pas de leur porte, elle pousse un soupir de soulagement avant d’entrer dans leur appartement.

Son apaisement est de très courte durée. Tous ses sens sont en alerte quand elle sent une odeur inconnue dans l’air du salon. Immédiatement sur le qui-vive, elle sort sa baguette magique en scrutant les alentours. Son regard se pose sur une paire de chaussure qui n’est à aucun d’eux trois. Elle entend un léger bruit qui lui provient de la direction des chambres, et cette fois elle en est sûre : il y a quelqu’un dans leur appartement.

Est-ce que c’est un piège ? Un danger qui les a suivis de Prague ? Elle n’en sait rien, mais la vigilance s’impose.

Elle se tourne vers les deux jeunes hommes encore en train de discuter sur le pallier, leur fait signe de se taire, puis leur dit le plus silencieusement possible, mais fermement :

- Sortez vos baguettes magiques. On n’est pas seuls.

Puis, s’assurant qu’ils lui ont obéi, elle lance autour d’eux un sortilège de bouclier avant de faire sauter la porte derrière laquelle elle entend une présence.

Enfin. Il s’est enfin trouvé une place au Ministère de la Magie et a pu, dans la foulée, s'installer dans une colocation. Fraichement sortit de l’école, Keran a pris un peu de temps pour lui avant de se lancer dans la recherche d’un emploi, mais là il était grand temps de quitter la maison familiale...  

Ayant eu des notes plus qu’acceptables à ses ASPIC, il n’a pas été trop difficile pour le jeune homme de se trouver un travail qui puisse lui plaire. Il ne s’agit actuellement que d’un poste d’assistant, mais il compte bien monter les échelons rapidement et obtenir un poste plus important...

Mais en attendant, il va devoir mordre sur sa chique, et faire connaissance avec ses trois nouveaux colocataires.  

Il est arrivé la veille, dans un appartement vide de toute présence... Voilà qui commence plutôt bien... Ses parents ont insisté pour qu’il reste chez eux le temps que les autres reviennent, mais Keran a refusé catégoriquement. C’est qu’il s’est habitué à vivre loin de sa famille durant ses études, et cela lui convient plutôt bien...

Il s’est donc installé à son aise, ne sachant pas trop quand les trois autres comptaient rentrer...

L’appartement est plutôt grand. La chambre en elle-même est simplement meublée d’un lit, d’une armoire et d’un bureau. Juste ce qu’il faut comme espace personnel.  

Le jeune homme termine de déballer ses derniers cartons, rangeant une série de livre dans une bibliothèque fraichement acquise. Il n’utilise pas la magie pour ranger. Il aime la sensation de travail accomplis en rangeant lui-même ses affaires. Ainsi, sa baguette est posée sur le bureau et il n’a rien pour se défendre lorsque la porte s’ouvre violement sous le coup d’un sort. Surpris, il lâche la pile de livres qu’il tenait en levant les mains en signe de paix. Les livres lui tombent sur les pieds et il grimace de douleur, sautille jusqu’au lit pour s’y asseoir et se masse les pieds en grommelant.

"Bonjour l’accueil...”

Il relève les yeux pour les poser sur la fille et les deux mecs dans l’encadrement de la porte. Ses nouveaux colocs, probablement...  

Keran affiche un petit sourire crispé en se massant toujours les pieds.

"No stress, je suis juste le nouveau...”

Il se relève, se frotte les mains sur son pantalon et en tend une la fille qui lui fait face.

”Keran Carter, enchanté.”

Voilà ce qu’on appelle une rencontre fracassante...

Les bras de Callum autour de lui, Olie se sent un peu mieux. Il n'est définitivement pas seul dans ce monde, Poudlard est terminé, il peut laisser derrière lui les années compliquées, les années pleines de faux semblant, pleine de masques, de fausses-politesses et de mensonges. Soudain, cet hôpital sordide d'un autre pays paraît un peu plus chaleureux, parce qu'il n'est plus seul.

Ils transplanent, s'éloignent, cherchent à retrouver leur quotidien. Ils sont heureux, ils vont tenter de construire une nouvelle vie, une nouvelle entente, le plus dur et passer, maintenant ils n'ont plus qu'à apprendre à vivre ensemble, à faire des menus efforts pour s'adapter les uns aux autres et... tout vole en éclat à cause de Keran Carter.

Le souffle d'Olie se coupe dans sa gorge, mais il reprend bien vite contenance. Il s'éloigne de Callum, il se redresse, il tient sa baguette bien fermement dans ses mains. En un quart de seconde, par un réflexe hors du commun comme ceux qu'il maîtrise depuis son plus jeune âge, Olie a remis son masque. Celui d'un Serpentard de Sang-Pur, un gars qui sait ce qu'il doit faire et qui il est. Il se déteste d'être aussi faible, d'avoir aussi peur d'un gamin, parce que Keran est plus jeune que lui de quelques mois, parce que Keran n'est même pas le pire de tous les élèves passés par Serpentard, mais qu'il a tout de même une influence sur lui, il fait rentrer la vraie nature d'Olie tout au fond de lui.

Olie fait deux pas en avance, pour serrer la main tendue du garçon. « Olie Selwyn, mais je n'ai pas besoin de me présenter. Voilà Kenzie et Callum, qui se présenteront plus en détail plus tard, j'imagine. » Leur poignée de main est courte, juste une secousse, leur peau se touchant à peine. Le ton de la voix d'Olie est différent aussi, plus posé, comme s'il prenait le soin de détacher toutes les syllabes reprenant une voix plus hautaine, plus sèche. Il ne jette pas un coup d'oeil à ses colocataires.

« Nous revenons d'une mission exténuante, je préférerai me retirer dans ma chambre pour ce soir. » Et, sans plus attendre, il s'éloigne vers le couloir. Jetant juste un coup d'oeil vers Keran, comme s'il voulait le prendre à partie de ne pas rester traîner avec cette racaille là. Olie, le souffle court, sent son coeur se serrer. Il ressent encore la douceur de la main de Kenzie sur la sienne quand elle a accepté ses excuses, la chaleur des bras de Callum autour du sien. Et voilà que Keran vient tout bousculer.