Un rire plutôt semblable à un grincement résonna dans la pièce. Lucille était tout de même très étrange, sans montrer aucune animosité, au contraire. Ses tics, sa manière de penser, ses airs innocents faisaient penser à Arsène des réactions qu’il connaissait bien, mais dont il n’avait pas forcément envie de se rappeler.
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On peut voir ça comme ça, si tu veux absolument mettre un terme sur ce repas médiocre. J’aurais plutôt tendance à dire qu’on s’en fout, mais bon, finit-il en haussant les épaules.
Un repas d’équipe réduite, finalement il n’y avait pas de définition plus proche de la réalité actuelle. Même si dans d’autres circonstances il aurait préféré une équipe encore plus réduite que celle-ci, il faisait avec. Il l’observa d’un œil hagard lorsqu’elle se leva une fois son repas terminé, le sommeil l’attrapant peu à peu. Sa blessure lui faisait mal, les mouvements qu’il avait fait en mâchant et déglutissant s’étaient répercutés sur tout son corps, et essentiellement son abdomen où trônait sa plaie. Il tenait le coup, cela dit. Ce n’était pas la première fois qu’il connaissait pareille douleur, mais il se serait bien passé de la retrouver. Il savait que son sommeil allait être lourd, c’était déjà ça de gagner, il en avait fort besoin ces derniers temps.
Lucille revint avec la cuillère lavée au maximum avec un gant stérile par-dessus. Qu’est-ce que c’était encore que ces conneries… pensa-t-il, un sourcil surpris en l’air. Il la prit sans savoir trop quoi en faire et l’écouta patiemment. Il haussa les épaules, néanmoins étonné de l’attention certaine que lui portait la jeune femme.
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Bah, j’en ai connu d’autres tu sais, c’est pas une infection qui me tuera. Pour ne pas la brusquer, il rangea la cuillère stérilisée dans son sac. Ce n’était pas une si mauvaise idée finalement. Arsène n’avait jamais vraiment pensé à prendre de la vaisselle en passant dans les cuisines des maisons abandonnées. Il s’en fichait, tout était transparent à ses yeux, seules la nourriture et les armes l’importaient. Jamais encore il n’avait pensé s’encombrer avec un tiroir à vaisselle dans son sac à dos.
Il entendait sans écouter ses marmonnements, la somnolence le prenant de plus en plus.
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Mmmh, dit-il en réponse, sans avoir la moindre idée de ce qu’elle avait dit.
Il ne lui fallut que quelques secondes de plus pour tomber dans un sommeil profond, restant dans le fauteuil bourré de déchirures et tâchés d’on-ne-savait quel fluide.
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Le réveil fut douloureux. Arsène n’avait aucune idée de l’heure qu’il était et à vrai dire, tout ce qui lui importait à cet instant était de soulager sa douleur. Il avait l’impression qu’on lui mâchait les tripes et il ouvrit les paupières d’un coup, souhaitant confirmer que ce n’était qu’une impression.
Il fallait qu’ils se remettent en route, malgré sa blessure. Un anti-douleur ou un antibiotique et c’était reparti. Il se leva en grognant, mais des fourmis dans tout le corps le mirent genoux à terre. Il avait vu Lucille enfourner tout un tas de médicaments dans son sac, il savait qu’il trouverait quelque chose, peu importe. Même de l’alcool ferait l’affaire. Il empoigna le sac et fouilla à l’intérieur, tiraillé par sa plaie. Il en sortit une petite boîte orange de gélules sur laquelle il lut « anti-douleur ». Parfait. Il en prit trois et s’apprêta à les ingurgiter.