Soren affichait un air songeur tout en tirant sur sa clope, après s'être entretenu avec son père. Il était encore tôt mais Lars, le chef des Hell's, avait tenu à le voir pour lui parler des récents évènements qui avaient durement touchés le MC...ou plutôt les familles des membres du club. Ça avait été effroyable, c'était le deuxième gosse  qu'on enterrait en quelques semaines et plus tôt et avant, c'était une femme qui avait été assassinée. Même modus operandis comme diraient les flics...une exécution ni plus ni moins. On voulait faire payer aux Hell's leur appétit féroce.

Les victimes innocentes, étaient des membres des familles évoluant au sein du MC et cela poussa Lars Nielsen à vouloir protéger sa propre famille ou plutôt, le membre le plus vulnérable: Sa fille et la soeur jumelle de Soren. Ecrasant sa clope dans un cendrier non loin d'une table de billard, Soren entendait encore les paroles de son paternel raisonner dans sa tête "Envois quelqu'un pour récupérer Ciara, je t'aurais bien envoyé mais j'ai besoin de toi pour enquêter sur ceux qui nous veulent du mal. On doit mettre les familles de nos gars à l'abri. Débusque ces enfants de putains en somme."

Son père n'avait pas tort. Ciara était loin d'eux et donc extrêmement vulnérable. Parfois s'éloigner de la source du "mal" ne vous protégeait pas pour autant. Saisissant son portable, Soren chercha dans ses contacts la fenêtre de discussion sur laquelle il communiquait avec Mikkel puis lui envoya un sms stipulant qu'il souhaitait le voir pour une affaire de la plus haute importance. Connaissant son meilleur pote, ce dernier devait certainement être encore en train de pioncer. En attendant que Mikkel se pointe, il réfléchissait à toute cette merde. Visiblement, ces fils de lâches ne s'en prenaient pas aux membres du MC mais à leur famille qui étaient plus vulnérables. Ciara, sa soeur jumelle qu'il n'avait pas vu depuis quatre ans, vivait sa vie de son côté à l'autre bout de Copenhague...revenir ici n'allait certainement pas lui faire plaisir. Pas après ce qu'il s'était passé avec leur mère et avec lui et Mikkel.

Ok, ça pue. Søren n’utilise presque pas le prénom de son père pour l’appeler. Du moins, pas quand l’urgence est placée au-delà des normes sur l’échelle habituelle. Tu avais bien senti le stress en lisant les mots de ton meilleur ami en te levant le matin. Tu avais même dû dégager la fille avait qui tu avais passé la nuit. Enfin, fille… Une des filles que tu avais payée et qui appartenait de toute façon aux gangs, donc… Une petite envie d'avoir de la compagnie et d'éviter encore une fois de faire une mauvaise nuit. Puis vu le bordel qui pointait le bout de son nez…

Tu avais bien fait. Mais peut-être que c’était un mal pour un bien. Après tout, un verre de café chaud, noir, sans sucre t’attendait et potentiellement une mission assez importante pour te donner ton cuir. Même si, connaissant un peu Lars depuis le temps, ça voudrait dire faire ça dans la souffrance et la violence. Pas que cela te dérange en général, tu aimes bien te défouler, pour oublier, pour éviter d’avoir des pensées parasites qui t’envahissent la cervelle quand tu essayes de te poser au calme. Donc, tu avais hâte, mais si c’était lié aux soucis qu’à le gang en ce moment… Ça puait aussi.

Tu avais donc payé et dégagé la fille de ton appartement, tu avais pris une bonne cigarette avant une douche chaude, tu t’étais changé et avais pris ta moto pour rejoindre le garage. Tu te gares rapidement, salues quelques membres avant de rejoindre ton meilleur ami qui semble… Ah ouais. Même ses yeux sont plutôt sombres et Dieu sait que c’est pourtant des billes bleus à en faire tomber plus d’une. Tu baisses la tête, essayant de croiser son regard pour faire comprendre que tu étais arrivé et fait un petit coucou de la main.

- Ouah… Tu zones là, Sø’… C’est quoi la douille… Si grave qu’ça ?

Tu récupères ton paquet de cigarette en lui tendant en premier. Il va en avoir besoin, tu le sens.

- Tient. Y s’passe quoi ? Tu commences à m’faire flipper, mec...

Le temps que Mikkel arrive au garage, Soren avait eu le temps de faire les cent pas dans leur salle de repos. Il n'était pas du genre à se faire un cent d'encre pour quoi que ce soit mais lorsque ça touchait la famille et les potes, c'était différent. Qui plus est, sur un "sujet" si sensible que celui concernant sa soeurette. Soren avait une coeur jumelle née quelques minutes après lui. Jusqu'à il y a quatre ans, elle et lui étaient inséparables.

Tout comme avec Mikkel d'ailleurs. Ils avaient pendant longtemps formés un trio inséparable. Mais ça s'était avant...avant que Ciara décide de voler de ses propres ailes. C'était une manière assez poétique de dire qu'elle avait carrément tourné le dos à sa famille et aux autres membres du gang pour s'éloigner définitivement du MC. Pas que son père ou même lui avaient tenu à ce qu'elle trempe dans leurs sales affaires loin de là. Mais jamais ils n'avaient voulu que les choses se passent comme ça. Sa soeur s'était carrément enfuit et coupé complètement les ponts.

Il avait mal vécu ce qui était arrivé. Tous l'avaient plus ou moins mal vécu et Mikkel également. Il se rappelait de sa réaction quand elle l'avait engueulé pour avoir suivit son frère pour devenir un Chien, il se rappelait également de sa réaction quant il lui avait dit que Ciara s'était tiré. Faut dire qu'elle avait beaucoup apporté à son pote quand il avait débarqué dans leur vie. Comment est-ce que Soren allait lui annoncer qu'il allait devoir aller la chercher? Comment est-ce qu'il pouvait imposer ça à Ciara alors qu'elle voulait juste faire sa vie? Bordel de merde, pensait-il alors qu'il tirait sur sa clope. Au loin, il entendait le moteur de la bécane de Mikkel vrombir en entrant au garage.

"Salut Mik', désolé d'te tirer du lit comme ça."

Rapidement il se saisit d'une clope et se l'allume en prenant soin dans un premier temps, de ne pas répondre à Mikkel. Il cherchait encore comment lui annoncer la nouvelle. Gagnant du temps, il alla remplir de café noir, une tasse et l'amena telle quelle à son pote.

"Lars veut...t'sais, le meurtre des gamins et de la femme de Torben, on est d'accord, c'est pour nous faire passer un message, celui que dorénavant, nos familles seront plus à l'abri."

Soren avait conscience de tourner autour du pot puis décida de se lancer.

"Lars veut que tu ramènes Ciara ici le plus tôt possible. Avec ce qu'il s'est passé, il a peur qu'on s'en prenne à elle et ça il le supportera pas. Tu connais mon père, il a laissé Ciara vivre sa vie mais là ça pue...alors il veut qu'elle revienne. Tu comprends pourquoi je t'ai demandé de radiner rapidement?"

- Y a pas. T’avais dit urgence.

Que tu réponds quand il te dit qu’il est désolé que tu sois obligé de te lever aussi tôt, qu’il t’ai tiré du lit à une heure pareil. Tu ne prends pas de cigarette, contrairement à lui, rangeant le paquet dans ta poche, prenant la tasse en souriant. Tu souffles un peu dessus pour commencer à le boire alors qu’il commence à parler, te dire ce qui se passe réellement. Ok, il recommence à appeler son propre père par son prénom. Tu fronces les sourcils, à moitié caché par la tasse et l’écoute sans l’interrompre. Tu hoches la tête, juste pour dire que tu vois où il veut en venir avec Torben.

Un truc moche ça aussi. Une histoire de vengeance, sûrement. Mais tu ne pouvais rien dire, tu n’avais pas encore le cuir, tu ne pouvais pas participer aux réunions. Donc tu ne connaissais que les détails qu’on pouvait te filer à la sortie… Ou que Soren se sentait de te partager. Tu comprends le message qui est sous-entendu par le connard qui fait ça, bien sûr. Te concernant, ta seule famille encore en vie sont les Nielsen, donc… Si tu venais à disparaître, personne ne serait au courant à part eux. Triste vérité. Tu continues de boire, trop content d’avoir ta dose de caféine dans le fond de la gorge.

Mais tu aurais dû reposer la tasse. Tu te tournes rapidement pour cracher ta gorgée plus loin. Il a dit quoi ? Tu tousses comme un tuberculeux, posant la tasse sur la table plus loin et te baisses pour cracher tes poumons, tes mains sur tes genoux. Il… Tu secoues la tête avant de te redresser.

- QUOI ?!

Que tu hurles, croisant son regard, espérant une blague de très mauvais goût. Mais non. Tu le connais assez bien pour voir à quel point il est sérieux. Tu passes une main sur ton visage, profitant d’essuyer tes lèvres du revers de la manche par la même occasion.

- So’… Pourquoi moi ?! Elle voudra jamais ! Y a dix mille fois plus d’chance qu’elle me plombe l’cul avec une carabine cachée qu’elle me suive. Pourquoi t’y vas pas toi ?

Que tu demandes, conscient qu’éventuellement, il était demandé ailleurs… Ou qu’il avait autant peur que toi, tant à la réaction de la jeune femme en vous voyant de retour dans sa vie. Mais tu espérais qu’elle réagirait moins violemment en voyant son jumeau que toi.

- … J’peux pas … Pas elle.. J’veux dire...

Pas comme ça. Tu ne peux pas non plus lui dire pourquoi, là, c’est lui qui te plomberait le cul. Tu déglutis et baisses la tête en grimaçant.

- Laisse-moi d’viner… J’ai quasiment pas l’choix en fait.. C’est ça la douille ?

Soren eut juste le temps d'esquiver la gerbe de café provenant de la grande bouche de son pote. Un "Merde...dégueu" sortie de la sienne tandis qu'il s'assurait qu'il n'était pas dégueulassé puis revint au sujet principal de cette entrevue. Comme il s'y attendait, Mikkel réagit très mal à cette nouvelle. Ca n'avait rien d'étonnant et ses craintes étaient justifiées. Car bien qu'elle ait décidé de vivre sa vie loin du gang, Ciara avait été élevé à la même enseigne que lui.

"T'as pas le choix mec. J'aurai préféré m'en occuper mais Lars me veut sur une autre mission."

Søren soupira grandement, recrachant un grand nuage de fumée. Il essaya de calmer son pote qui partait dans les tours, tout en le laissant s'exprimer.

"T'as pas le choix mec. Je sais que...bah que ça c'est mal passé entre vous quand t'as décidé de me suivre et j'ôte jure sur mon cuir que j'aurai préféré y aller à ta place mais j'peux pas. Lars veut sur j'aille enquêter sur le gang qui s'en prend à nos familles."

Il administra une frappe amicale mais virile sur l'épaule de Mikkel pour lui donner de la force.

"Faut que tu réussisses à la ramener peu importe la façon dont tu t'y prends. Elle pourrait se faire tuer. Qui sait peut-être qu'elle a changé? Et...tu l'auras mérité ton cuir quand tu rentreras avec elle. Penses-tu mec!"

Il lui tendit ensuite une liste sur lesquelles étaient notées trois adresses.

"Tiens, les gars ont réussit à avoir ces trois adresses. Là où elle crèche, là où elle bosse et là où elle étudie."

Soren examina son pote, ne comprenant pas pourquoi est-ce que Mikkel réagissait de manière si épidermique. Il savait que Ciara avait très mal réagit quand Mikkel avait choisit le gang plutôt que de poursuivre ses études. Surtout après le suicide de leur mère.

Pas le choix. Il te confirme que tu n’as pas le choix, que tu es au pied du mur, comme lui. Il aurait aimé le faire, qu’il te dit. Il aurait aimé se foutre dans la gueule du loup pour aller la chercher, t’éviter de subir ça, mais… Les règles sont les règles. Le père le veut ailleurs, le veut sur quelque chose de plus important, apparemment. Alors pourquoi toi ? Tu gardes la tête baissée alors qu’il te dit ses arguments, le pourquoi du comment et que tu as quasiment carte blanche pour la ramener. Quasiment, parce que l’idée de la kidnapper dans ton coffre pour la ramener n'est sûrement pas la bonne façon de le faire.

Elle te tuerait, Soren aussi, t’achevant pour que ton âme ne revienne pas sur terre et Lars donnerait ton corps aux cochons pour finaliser tout ça. Tu le sais. Ou alors tu finiras dans un four en finissant en petit tas de cendres. Tu sors un peu de tes pensées quand tu sens la tapes sur l’épaule. Tu soupires et regardes ton café que tu n’as pas envie de finir, vu l’ambiance de la discussion. Tu notes aussi que oui, si tu réussis, tu auras ton cuir. Mais pour le moment, c’est vraiment le dernier de tes soucis.

Tu. N’as. Pas. Envie. De. La. Revoir.

Tu lèves un peu la tête quand il te tend la liste des adresses et tu lis ça rapidement… Enfin, rapidement…. Tu plisses les yeux pour voir comment les lettres sont alignées et soupires un peu en mettant le papier dans une des poches de ta veste. Tu verras plus tard. Tu grognes un peu.

- Hum… J’vais… J’vais voir...

Que tu dis simplement en cherchant ton paquet de cigarette, nerveux. Tu secoues la tête, fusillant un peu ton ami du regard.

- J’promets rien ok ? J’promets que dalle…

Que tu souffles…

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Tu avais fait chou-blanc avec son appartement. C’était en week-end, donc ça servait à rien d’aller à l’université. Il ne manquait plus que l’hôpital. Et Dieu sait que tu détestes les hôpitaux. Tu inspires doucement, le temps de finir ta cigarette. Tu grimaces et vois les ambulances qui passent, les brancards, les gens en fauteuil et le personnel qui baladent tranquillement. Tu serres les dents et jettes le mégot avant d’entrer doucement dans l’endroit qui te donne déjà envie de vomir. Tu grimaces, essayes de balayer l’endroit du regard. Tu n’as pas de plan, mais tu vas essayer d’improviser hein ? Tu approches de l’accueil et attends ton tour en soupirant avant d’arriver devant l’infirmière en chef et tapote le comptoir.

- Hey… B’jour… Heu…. Ciara Nielsen bosse ici, nan ?

Que tu demandes. Tu as peur de la réponse. Et tu appréhendes de la voir… Vraiment… Ta jambe qui tremble le prouve.

Ciara enchaînait les heures de boulot, que ce soit à l'hôpital de Copenhague où elle était interne ou encore au bar dans lequel elle travaillait pour payer son diplôme ainsi que son loyer. Autant dire que la vie pour elle, était loin d'être "fun". Mais c'était la vie qu'elle avait choisit. En toute connaissance de cause. Souvent on devait payer un lourd tribut pour acquérir sa liberté et ce prix, Ciara s'en acquittait sans se plaindre. Car rien, ô grand jamais rien dans ce monde de merde, ne pourrait lui faire renoncer à celle-ci. Non...elle avait bien trop fait de sacrifices pour cela. Alors qu'importe la fatigue, qu'importe la faim et les privations, Ciara demeurerait libre et ce, jusqu'à sa mort.

L'infirmière en chef leva les yeux du dossier sur lequel elle était plongé. Un patient venu pour une appendicectomie mais qui avait un problème avec sa mutuelle. Lâchant un soupire, l'infirmière qui en était déjà à son cinquième jour de travail, se retrouvait à gérer de la paperasse alors qu'elle avait tous les plannings de son service à gérer. C'est alors qu'elle entendit devant elle, une voix hésitante lui faisant relever les yeux de son dossier épineux. Devant elle se tenait un jeune freluquet avec une de ces coupes propre aux mauvais garçons ou ceux voulant prétendre être un mauvais garçon.

"Ciara Nielsen? Oui elle travaille bien ici effectivement. J'imagine que vous voulez la voir?"

Cette question n'attendait pas vraiment de réponse de la part du blond. L'infirmière désabusée se tourna alors pour regarder le grand tableau blanc où était inscrit les opérations, le numéro des blocs ainsi que les numéros des chambres qui y était affilié.

"Hum Ciara est actuellement en salle d'opération thoracique au service de cardiologie. Je vous suggère d'aller attendre là-bas en salle d'attente. Et prenez-vous un café, ça peut être long."

Suite à ça, la femme désabusée par les récentes coupes budgétaires, se replongea dans son travail.

Pendant ce temps, au bloc de chirurgie thoracique, Ciara assistait à une réparation de valvules cardiaques. C'était la première fois qu'elle avait le droit de tenir entre ses mains des pinces ainsi que des compresses stériles pour assister un chirurgien. Le rêve pour elle. L'intervention dura deux bonnes heures et se déroula sans encombre. Le patient retourna dans sa chambre et Ciara avait besoin d'une pause bien mérité, d'une bonne dose de caféine. Détachant ses longs cheveux, la jeune femme soupira près de la machine à café alors qu'elle se saisissait de son verre. Malgré ses traits marqués par la fatigue, la jeune étudiante semblait toujours ne pas faire son âge à cause de son visage de petite poupée.

"Ciara? Tu nous rejoints? On va aller manger un morceau et aller réviser nos partiels."

Ciara porta son gobelet de café bon marché à ses lèvres et hocha la tête.


"Allez-y je vous rattrape."

La jeune femme traversa la salle d'attente jusqu'à ce que ses pas s'arrêtent subitement. La jolie étudiante braqua alors ses orbes bleues sur un individu...un individu qu'elle ne connaissait que trop bien, qui avait beaucoup compté pour elle par le passé. Mais à présent ne subsistait qu'amertume et rancoeur à son égard.

"Qu'est-ce que tu fais ici Mikkel?"

Cette question avait été posée d'un ton froid et tranchant comme la lame d'un foutu scalpel. Que LUI soit ici n'était pas le fruit du hasard. Son coeur se serra alors qu'un flot de souvenir douloureux lui revinrent en tête. Qu'un Chien de l'Enfer soit ici, dans cet hôpital, sans CE service n'était pas une coincidence.

C’est fou comment les gens à l’accueil semblent autant désabusés, au point de faire croire qu’on les dérange. Tu hoches doucement la tête en avançant comme tu peux, esquivant le personnel médical qui court dans tous les sens. Tu te poses dans la salle d’attente et soupires, alors que tout te met mal à l’aise. Tout. Les gens malades, les accompagnant, ceux qui te dévisagent. C’est quoi le souci ? Le tatouage aussi visage que ton air perdu ? Ouais peut-être, possible. Tu joins les mains devant toi, bras sur les genoux et tu gardes le regard planté dans le sol.

Elle a dit que ça pourrait durer longtemps, tu ne sais pas ce que ça veut dire, mais ta jambe commence à trembler toute seule. Tu serres les dents, essayant de retenir cette maudite envie de t’en cramer une pour passer le temps. Ce n’était ni le lieu ni le moment de toute façon. Tu pourrais risquer de la perdre, de ne pas la voir si tu partais de suite. Alors tu attends. Tu es là et tu attends. Tu vois à peine ceux qui sont autour de toi qui s’en vont, les nouveaux arrivants qui viennent les remplacer. L’heure tourne…

Puis tu te figes, reconnaissant une voix parmi tant d’autre. Une seule. La sienne. Tu redresses la tête, puis ton torse et la suit du regard. Tu déglutis doucement. Elle est bien là, devant toi, n’ayant pas vraiment changé depuis son départ. Ça te fout le cœur en miette, ça te rappelle tes erreurs et tes regrets. Ça te rappelle aussi pourquoi ça t’avait fait aussi mal qu’elle parte. Tu te lèves, prêt à devoir lui courir après, mais… C’est elle qui s’approche et te toise avec un air glacial. Tu te masses la nuque et soupires. Tu lui dit quoi ? La vérité ? Tu tentes de noyer le poisson ? Tu secoues la tête.

- Hey...

Que tu dis, un peu poli quand même. Tu te pinces les lèvres.

- J’peux… J’peux t’parler… En privé ou…

Ou tu vas devoir attendre qu’elle termine son service, la suivre jusque chez elle pour la coincer et devoir lui gueuler dessus de te suivre pour sa sécurité ? Mais pourquoi tu penses à ça ?

Sa main qui tenait le gobelet de café bon marché, se crispa. Elle s'attendait à tout sauf à voir débarquer dans cet hôpital un Chien de son père. Et pas n'importe qui, c'était Mikkel qui avait fait le voyage. De tous les Hounds, Mikkel est probablement l'un de ceux qu'elle voulait le moins voir, avec son frère jumeau. Cela l'amenait à la question suivante: Que faisait-il ici? Ce n'était pas anodin de le voir débarquer sans prévenir ici.

Ciara l'observa rapidement. Il n'avait pas changé...si elle mettait de côté le fait qu'il était très mal à l'aise il était...égale à lui-même. Quoi que, ses cheveux semblaient avoir beaucoup poussé si on en jugeait par la façon dont ils les attachaient et ses vêtements aussi avaient changé, ces derniers étaient de meilleure qualité visiblement. Ainsi la vie de bandit devait bien payer. Et cette pensée ne pu que la contrarier d'autant plus que cela lui rappelait des mauvais souvenirs.

"T'as dix minutes, ensuite je rentre chez moi."

Son ton était sec mais au moins le futur médecin n'avait pas refusé de s'entretenir avec son ancien meilleur ami. S'il était ici, malgré les avertissements qu'elle leur avait donné concernant sa décision de couper les ponts, c'est que cela devait être important. Elle allait donc l'écouter et ensuite,elle tout comme lui, reprendraient chacun leur route. Ciara emmena alors Mikkel dans un coin reculé, à l'abri des regards indiscrets.

"C'est bon, ici on sera tranquille. D'ailleurs comment t'as su où je bossais? C'est papa qui me fait suivre encore? Alors que j'avais dis que je voulais plus entendre parler de vous?"

Lars n'avait jamais cessé de veiller de loin sur sa fille. Jamais. Mais il avait fait en sorte de ne pas intervenir dans sa vie même s'il connaissait les difficultés quotidiennes que Ciara traversait. C'était son choix et elle devait l'assumer.

"Je t'écoutes? Tu voulais me dire quelque chose?" s'impatientait la jeune femme tandis qu'elle croisait les bras contre sa blouse verte de bloc opératoire.