Je me force à faire un premier pas vers Brown. Parce que , au fond de moi , je n'ai clairement plus l'énergie de supporter des querelles incessantes en permanence , au boulot. Ma santé mental est déjà suffisament basse comme cela , pour ne pas en rajouter.
Cela dit , je n'ai toujours pas envie de faire ami-amie , de devenir ultra proche d'elle ou que sais-je encore. Il y a des limites à respecter. Mais , elle a l'air d'avoir l'œil pour ce boulot , ses déductions de la veille me l'ont confirmé , alors je prendrais sur moi et je l'écouterais , et essaierait de tenir compte de ses avis.

C'est seulement après avoir posé mes différentes questions , que je me rend compte qu'elle m'avait apporté un café. Noir. Parfait. Je déteste les sucrés . J'ai un instant de doute , me demandant stupidement pourquoi elle a pris la peine de faire ça, alors que j'étais si désagréable la veille. Enfin , de son point de vue j'imagine, parce que pour moi , j'étais comme d'habitude.

"Merci...pour le café." , je dis avant de prendre une gorgée , en l'observant à la dérobé lire les fiches. Ça fait des lustres que je n'ai pas sincèrement remercié quelqu'un pour un geste aussi simple , et les mots ont sonné étrangement à mes oreilles , à mon moi intérieur.
Au moins , elle est d'accord pour ne pas chercher à renforcer inutilement nos relations. "Parfait dans ce cas. Notre collaboration n'en sera que plus performante." , ça c'est que la nuit m'a aidé à comprendre , à réfléchir.

Enfin , il ne va pas falloir attendre que je me musele pour madame non plus . Quand j'ai quelque à dire , je ne vais pas me gêner , quand bien même ça pourrait lui être désagréable ou frustrant. J'ai d'autres préoccupations. Mais , faire un effort , pour avancer dans l'enquête et éviter de perdre mon poste , ça c'est tout à fait envisageable.

Je lâche d'ailleurs un petit rire en buvant mon café , quand elle me fait remarquer ce dont mes questions manquent. Je ne me moque pas d'elle , non , c'est juste que...c'est un peu un rire jaune , en fait. Car , il y a quelques années , on m'aurait dit tout le contraire.

"Ça ne m'étonne pas ! Fais donc. Je te les ai bien montré dans ce but. Je te fais confiance pour ça ." , je lâche en rangeant les derniers documents qui restaient sur la table , ainsi qu'en rentrant quelques informations sur mon ordinateur. "Oh , et tutoyons nous. Je dois avouer que je ne t'ai pas demandé ton avis , mais je ne suis pas trop adepte de ce genre de convenances. Ça n'a rien à voir avec la proximité , mais ça n'a jamais été naturel chez moi. À moins que ca ne te dérange ?" , j'ajoute en relevant le regard vers elle , assez neutre. Même si une réponse contraire à mon opinion me soulerait. Ça rajouterait un compromis.
Fut une époque où j'étais proche de tout à chacun. Si j'ai gardé l'habitude du tutoiement pour éviter les barrières inutiles , je me suis construis quantité de murs...

"Bien...si tout est réglé nous pouvons y aller. Je dois avouer avoir hâte de mettre ce moment derrière nous. Vous montez avec moi ou vous prenez votre moto ?" , je demande , n'ayant pas oublié le détail que j'ai noté la veille en la voyant repartir. Des machines de morts ces engins. Aucune protection , au moindre choc , des entrailles se déversent sur le sol.

Elle voit le doute sur les traits de Liam et son hésitation à prendre le café qu’elle vient de lui offrir, peut-être qu’il s’imagine qu’elle a mis du laxatif dans son gobelet. Pas son genre de faire des trucs comme ça, on peut même dire que ça n’aurait pas été très adulte. Ça n’empêche pas la rouquine de noter l’idée dans un coin de sa tête, sait-on jamais si un jour son supérieur lui fait une méga grâce. En revanche son merci l’a surprend pas mal, Hannah lui jette un regard qui en dit sans doute trop long, mais elle ne dit rien et se contente de lire les fiches. Bah ça, peut-être bien qu’elle va lui rapporter régulièrement du café, ou peut-être pas, c’est pas le genre de type qui risque de la chambrer justement pour ça ? Difficile à dire, elle connaît Liam depuis même pas vingt-quatre heures. En tout cas c’est plutôt top, puisque son supérieur est sur la même longueur d’onde qu’elle, rien d’étonnant à ça de toute façon. C’est le contraire qui aurait été étrange.

Mais enfin, ça va lui faire un peu étrange cette distance avec son coéquipier, dans son ancien petit poste de police de quartier, les flics étaient pratiquement tous en bon termes. Peut-être pas au point d’être les meilleurs amis du monde, mais ils se retrouvaient parfois pour boire un coup, ou manger, ou les deux en même temps. Bref, ses états d’âme vont devoir attendre qu’elle soit rentrée chez elle, en attendant, elle se concentre plutôt sur les questions rédigées par Evans. Et brrrr ça manque cruellement de chaleur, fait que la rouquine lui fait savoir et il prend ça à la rigole. Il se paie sa tronche ou bien ?

— Merci de me faire confiance pour ça, répond-elle tranquillement avec un mince sourire.

Oui par contre , elle se paie bel et bien sa tronche, mais rien de méchant c’est même plus taquin qu’autre chose. Brown commence donc à reformuler les questions manquant un peu trop de chaleur et d’empathie, soit quatre vingt pour cent de la feuille en somme. Mais tout n’est pas perdu pour son supérieur, il reste vingt pour cent d’espoir qu’il y ait un cœur qui bat sous sa peau. Ah, ah !

— Je vois, je vois, ceci expliquant cela. Je dois dire que votre tutoiement d’hier m’a beaucoup étonnée, dit-elle sans relever le nez de ses feuilles. Honnêtement, je n’ai pas l’habitude de tutoyer un supérieur d’entrée de jeu, mais je veux bien essayer. Par contre je ne vous promets pas que ça va fonctionner à tous les coups.

Comme là maintenant par exemple, mais elle fera l’effort, s’est dire à quel point elle souhaite que leur rapport pro se déroule dans trop d’accrocs. Corrections effectuées Hannah fourre les questions dans son sac, parce que vu le niveau d’amabilité de Liam, il vaut sans doute mieux que ce soit elle qui gère ça.

— On peux y aller ensemble à moto, il fait beau en plus autant en profiter, puis j’ai ce qu’il faut pour un passager.

Ne se doutant pas que son supérieur a comparé les motos à des engins de mort, Hannah rejoint tranquillement le parking se disant qu’il ne fait aucun doute qu’il va la suivre.

Mouais...

Est-ce que je lui fais confiance ? Hum. Pour la tâche que je viens d'accepter de lui confier , oui. Pour me reste...Je crois que j'ai encore besoin de l'observer quelque peu. Tout comme j'ai un instant de doute quant au fait d'accepter le café qu'elle m'offre. On ne sait jamais...mais là , je sombre dans la paranoïa. Elle ne veut sûrement qu'améliorer nos relations, et refuser cette main tendue ne m'aidera pas à avancer.
Certes , son attitude un brin moqueuse me fait hausser les sourcils , mais je me contiens pour ne pas répondre de manière directe.

Je lui explique ensuite mon point de vue sur le tutoiement. C'est vrai que ça peut paraître contradictoire , quand on sait que je ne veux pas de relations plus amicales que nécessaire , mais disons que c'est une convention que j'ai toujours trouvé ridicule , et c'est resté.
Elle ne me regarde pas , mais sa réponse me convient. De sa part , je ne m'attendais pas à une réplique enthousiaste ou totalement coopérative.

"Ce n'est pas un problème si tu te trompe de temps en temps sur ça." , je dis simplement en réponse , rassemblant mes dernières affaires nécessaires pour aller interroger la famille , tandis que l'on se met d'accord sur les différentes questions.

Je dois avouer que j'ai un sacré beug à sa proposition , alors qu'elle n'attend pas ma réponse d'ailleurs.
Bonjour , le respect.

"En moto ?" , je répète en prenant sa suite pour ne pas me laisser distancer.

Bon...Je ne suis pas dans un bon choix clairement. Si j'accepte , je risque de me faire tuer au moindre dérapage. Non que je doute de ses capacités à conduire , quoique c'est bien une femme , ou de sa prudence sur les routes mais...oui les deux roues me font flipper. Peut être , car au début de ma carrière , je suis intervenu sur trop d'accidents. Ça fait des années désormais , mais les images abominables de dégâts sur les corps , ne quitteront jamais mon esprit. Et , je n'ai pas envie de finir dans le même état , quand bien même ma vie peut être chiante, parfois.
Le hic , c'est que si je refuse , je vais en entendre parler pendant longtemps. Hannah a l'air typique de celle qui va me chambrer pendant des mois , sans oublier nos débuts déjà peu cordiaux...et je n'ai pas spécialement envie de passer pour un trouillard...

Bon dieu...Je la rejoins d'un bon pas , masquant du mieux que je peux l'anxiété qui s'installe en moi à l'idée de monter sur ce cercueil sur roues. Je l'examine d'un coup d'oeil, la moto pas Hannah , simplement pour vérifier l'état des pneus. Je prie déjà pour que le trajet soit rapide...mais pas trop non plus.

"Tu as tout ce qu'il faut pour moi , alors ?" , je lui demande bien que ce soit ce qu'elle ai affirmé toute à l'heure. "Car , c'est hors de question pour moi de monter là-dessus sans casque." , phrase qui pourrait être typique d'un flic mais qui traduit surtout mon stress , en espérant qu'elle ne le perçoive pas. "Tu roules en moto depuis longtemps ?" , j'enchaîne pour paraître détendu.

Waouh sa seigneurie Evans accepte donc dans son immense bonté qu’elle puisse se tromper. Certes, c’est juste sur la question du tutoiement et du vouvoiement, comme elle n’a pas trop l’habitude de ça avec un supérieur. Aussi relou soit ledit supérieur, cependant, il vaut mieux qu’elle voit cela sous un angle positif. Ouais, il y a peut-être un petit peu de progrès, même s’il est microscopique, il est quand même bel et bien là. Hannah lui jette un regard qui doit en dire long, secoue doucement la tête avec un mince sourire et en termine avec la reformulation des questions. Viens ensuite une autre interrogation, de quelle façon vont-ils se rendre jusqu’à chez les Kane. Miss Brown propose naturellement qu’ils y aillent en moto, c’est d’ailleurs tellement normal pour la jeune femme de se déplacer de cette façon, qu’elle n’attends pas l’avis de Liam. Heureusement le flic la suit.

— Bah oui en moto, comme je viens de vous… Enfin de te le dire.

Nan cette histoire de tutoiement, ça ne va pas franchement devenir naturel tout de suite. Toujours est-il que la rouquine se demande si le brun n’aurait pas besoin d’aller faire réviser ses oreilles ou de se les laver, au choix. Parce que quand même, ce n'est pas comme si elle le lui avait proposé à l’autre bout du commissariat. Arrivant à son splendide bolide, la jeune femme enfile sa veste pour la moto, pendant que Liam arrive lui aussi et ne commence à examiner son engin. Soit il apprécie aussi les grosses cylindrés, soit il appréhende de monter dessus. Elle a souvent vu ce genre de réaction, regarder, poser des questions pour retarder le grand moment.

— Bien sûr que j’ai tout ce qu’il faut, répond elle tranquillement en lui tendant une seconde veste. J’ai même un second casque, je suis une motarde prudente t’sais.

Non il ne peut pas le savoir, mais il va vite découvrir qu’elle ne fait pas de folie sur les routes. Enfin pas quand il y a quelqu’un avec elle, parce que oui parfois, quand elle est seule en campagne peut-être qu’elle explose un peu les limitations de vitesse. Mais juste un peu.

— Oui ça va faire bientôt six ans que je roule en moto et si ça peut te rassurer, j’ai même fait des stages sur la conduite à moto quand j’étais en école de police.

Hannah lui tend ensuite l’autre casque, puis monte sur son engin avant de faire rugir le moteur. Ce bruit est absolument grisant.

— Je sais bien que tu dois pas avoir l’habitude d’être derrière mais….

La fliquette éclate de rire, c’était absolument beauf comme phrase.

— Oublie ce que je viens de dire, je t’assure que ça va aller.

Visiblement , c'est dur pour Hannah d'arriver à me tutoyer. Dans un sens , ça m'amuse de la voir galèrer.
Par contre , la moto ça me fait tout de suite moins rigoler. Des engins de mort , c'est tout ce que ça représente pour moi. Aucune protection , un choc et tu te retrouve à la morgue.
Bon ok, j'exagère peut être... :

"Ravi de savoir que tu es prudente ou que tu suis la loi...", je réplique un peu ironique en enfilant la veste qu'elle me tend. À vrai dire, la loi impose un certain équipement. Le casque bien sûr , mais certains vêtements aussi selon les pays.

Même si , soyons honnêtes, ce n'est pas une petite veste en cuir qui va te sauver la vie si tu es éjecté de la moto à 90km/h. Là tu finis en bouillie et voilà.
Donc ouais , j'ai peur. Mais étant donné que j'ai ma fierté, je fais de mon mieux pour ne pas le montrer.
Je ne sais pas si je suis spécialement rassuré par le fait qu'elle pilote depuis 6 ans , et encore plus dans la police.
Ok , elle sait ce qu'elle fait, mais qu'elle ne prenne pas trop la confiance...du moins pas quand je suis derrière elle.

"Tu as eu l'occasion d'intervenir en moto ?" , je demande , non pas ironique cette fois , mais sincèrement curieux.

Si je suis dans la police depuis suffisamment longtemps , pour savoir que les courses poursuites ne sont pas comme dans les films , j'aime bien l'imaginer rouler à fond dans les rues de Londres...
Loin de moi , encore une fois.

Je mets le casque sur ma tête, mais ça ne m'empêche pas de lever les yeux au ciel à sa phrase que je ne suis pas sûr de savoir comment interpréter. Bien que je décide de le prendre avec plus...d'amusement que ce dont j'ai l'habitude.

"Ne juge pas mon égo....je ne vais rien dire de plus." , j'ajoute en prenant place derrière elle , sentant mes tripes se nouer au ronronnement du moteur. "Je n'ai pas trop le choix de te faire confiance finalement....En espérant que tu profite pas de ce trajet pour me dégager."

Bien qu'hésitant au début, je sais que je n'ai pas trop le choix , alors je mets mes bras autour de sa taille pour m'accrocher , anticipant les pousses d'accélération à venir.

Hannah hausse un sourcil face à la réplique ironique de son supérieur. Bien sûr qu’elle est prudente, sinon elle ne pourrait sans plus rouler parce qu’on lui aurait retiré son permis, ce qui n’est franchement pas top pour une flic. Mais pire que ça, elle pourrait simplement être morte d’avoir joué à la conne sur la route. C'est qu’elle tient à la vie tout de même.

— Vous me prenez pour....

Non décidément, quand ça veut pas, ça veut pas.

— Enfin je voulais dire, tu me prends pour qui, je suis policière, pas une délinquante, en plus de ça je respecte trop l’uniforme pour faire n’importe quoi.

Venant d’une famille travaillant dans l’ordre et la justice, maman et la grande sœur aux barreau et papa et les deux frangins chez les policiers. Miss Brown baigne là-dedans depuis qu’elle est gamine, avoir du respect pour l’habit d’avocat ou de flic, c’est quelque chose de parfaitement naturel pour elle. Même si elle a voulu s’écarter de tout ça pour suivre sa propre voix, sans que ça n’aboutisse, la rouquine veut quand même rendre fière sa petite famille. Revenant sur terre quand Liam reprend la parole, la jeune femme mets les autres Brown de côté dans sa tête.

— J’ai quelques patrouilles à moto dans l’ancien poste de police ou j’étais, j'espère qu’on me donnera l’occasion d’en faire de même ici. En plus de ça je suis toujours revenue entière, c’est fou non ?

L’officier fait aller ses sourcils de haut en bas en souriant, encore une fois, elle se paie sa tête, mais vraiment rien de méchant. Après coup, elle monte sur sa moto avant de démarrer le moteur, puis de lancer une phrase un peu limite à son supérieur. Heureusement, il semble le prendre à la rigolade. Incroyable n’est-ce pas ?!

— Je ne me permettrais pas de le juger, dit-elle simplement.

Elle a un sourire jusqu’aux oreilles, mais avec le casque et en plus étant dos à Liam, il ne peut pas le voir, mais il peut toujours s’en douter en revanche.

— J’ai des techniques bien plus subtiles pour ça, que de vous dégager directement sur la route.

En revanche, Hannah ne s'attendait pas à ce que sentir les bras d’Evans autour de sa taille, lui procure un sentiment plutôt étrange. Cependant, elle éjecte ça loin de ses pensées, ce n’est pas le moment, ni maintenant, ni jamais. L’officier fait vrombir plus fort le moteur et c’est parti. Concentrée sur la route et surtout la circulation, la jeune femme n’ouvre plus la bouche, c’est seulement à la moitié du chemin et à un feu rouge qu’elle reprend la parole.

— Ça va bien derrière ?

Faut avouer que je la prends un peu de haut , quand je lui lance que c'est encore heureux qu'elle sois prudente. Petite sourire en coin.
Pour qui je te prends ? Ah bah...Tiens , revoilà le tutoiement parfait.
Je me contente de sourire quand elle affirme être une policière non une délinquante. Après tout , certains cachent bien leur jeu...

Il en reste que je me la ramène un peu moins quand il s'agit de devoir monter sur sa moto. J'ai peur, mais hors de question de l'admettre. Tout mais pas ça . Je dévie donc le sujet pour savoir si elle a eu l'occasion d'intervenir en deux roues. J'apprends qu'elle a simplement fait quelques patrouilles , mais c'est suffisant pour avoir de l'expérience.
Je dois me convaincre qu'elle va me ramener en un seul morceau.

"Incroyablement fou , même."

Curieusement , je choisis de prendre à la rigolade sa dernière pique alors que je m'assois derrière elle , casque sur le crâne , mains qui commencent à trembler. Je me vengerais plus tard . Même si ce qu'elle ajoute ensuite me pique davantage , et que je dois me contenir. Je serre rapidement les poings avant de répondre :

"Je saurais te démasquer avant."

Je mets mes bras autours de sa taille avec réticence. Mon cœur s'accélère quand le moteur gronde. Allez Liam...calme toi. Tout va bien. Mon ventre se soulève quand on prend la route. J'ai envie de vomir et je ressere mes mains. Aveux de faiblesse qui me donne encore plus envie de vomir.
C'est quand elle s'arrête au feu rouge que je prends conscience que je respire à peine , tant je suis crispé :

"Ouais...ouais ça va super..." , je marmonne. "Nous sommes encore loin ?"

Je n'ai qu'une hâte : que ce soit fini. Et ça ne tient pas tant à sa conduite , mais plus à mon angoisse inexpliquée.

Selon l’officier Brown, s’ils se chambrent c’est que cela est plutôt bon signe, mais aussi que Liam n’est pas dénué d’humour. Ce qui est plutôt rassurant. Cependant, la jeune femme garde en tête que son supérieur ne souhaite pas faire ami-ami avec elle. En revanche, rien ne les empêche d’avoir des rapports pros détendus à défaut d’autres choses. De cette façon, ils seront en plus ou moins bons termes et leur collaboration n’en sera que meilleure, ce qui les fera sans aucun doute bien avancer cette enquête ou les prochaines qu’on leur confiera. Enfin se vanner c’est bien amusant, mais ils ont un meurtre à résoudre et ce n’est pas en restant au parking du commissariat que leur affaire va avancer. Hannah démarre donc sa superbe Kawasaki pour se rendre au domicile des parents de la victime. Si la route se passe bien pour le moment, il va tout de même falloir que Liam arrête de la serrer aussi fort, elle va finir par étouffer. La rouquine lui demande s’il va bien, parce qu’il lui semble drôlement crispé.

— Non, dans cinq minutes on arrive à destination. Courage lieutenant Evans.

Heureusement qu’il ne peut pas voir son sourire moqueur, sûr qu’il aurait la gueule après ça. Comme promis, ils arrivent à l’adresse de la famille et en entier en plus. Son supérieur est blanc comme un linge quand il retire le casque, mais Hannah ne lui fait aucune remarque, elle se contente juste de sourire. Pas sûr que ce soit mieux ceci dit. Enfin, elle redevient sérieuse quand ils pénètrent dans la maison des Kane, la situation ne prête en aucun cas à rire. La famille est vraiment très aimable et coopérative avec eux, cependant, en dehors des adresses de certains des amis de la victime, ils font choux blanc avec leur questionnaire. Maintenant ils vont devoir attendre les résultats du labo et peut-être bien ressortir les anciens dossiers liés à l’affaire.

En attendant, le duo en a fini avec sa semaine de travail, le week-end leur tend les bras. Hannah ne sait pas trop ce que son coéquipier compte faire, mais elle, elle va aller en boite de nuit avec ses amis/ies pour faire la fête. En dehors de passer des bons moments avec eux, miss Brown adore danser jusqu’au bout de la nuit. Hélas manque de bol pour elle, la fille qui conduisait à l’aller et bien trop ivre pour le retour et Hannah qui a un sacré coup dans le nez, ne se voit pas appeler un taxi pour rentrer seule chez elle. Heureusement qu’elle a des frères à Londres, elle envoie donc un sms à son aîné puis retourne danser en l’attendant…

Elle se fout de moi , ma parole.
Courage...
Je vais t'en donner du courage, moi. À faire la maligne sur ton engin de mort...
Désolé d'être le type responsable et toi l'inconsciente.
Désolé de pas avoir envie de rendre mon repas à cause de la vitesse ,ou pire de rendre boyaux et sang sur la chaussée parce que tu as mal géré ton interfile.

Ouais, paie ton courage.

J'ai vu ton petit sourire. Je sais que ça t'amuse de voir que mon visage a perdu toute couleurs.
Moi , ça ne me fait pas rire. Encore moins avant d'aller interroger une famille endeuillée. Mais , je prends sur moi. Car il est hors de question de se prendre la tête maintenant, qu'il en va de ma carrière. Je ne laisserais pas Brown me mettre en rogne et m'ejecter.

L'interrogatoire est inutile. Encore une perte de temps. Faut dire que je n'ai pas grande envie de m'attarder sur cet échec. Je m'éclipse rapidement après avoir souhaité, pour la forme , bon week-end à Brown. Je relis quelques dossiers, histoire de trouver des pistes sur un coup de chance, avant de rentrer chez moi bien après 21 heures.

Ma soirée n'aura rien de bien excitante. Je me réchauffe un plat de pâte avec de la sauce tomate, avant de prendre un bon bain chaud ,pour tenter d'oublier les images du meurtres , et le visage peiné des parents.

Rien d'intéressant à la télévision. Comme toujours. Je feuilleté un livre, avant de mettre de la musique dans l'appartement. Une compilation de musique, entre classique et style ambiant. Fatigué, je somnole sur mon canapé...

Je suis réveillé vers les 2h du matin par la vibration de mon portable qui est encore en charge. L'esprit encore embrouillé, je détaché le fil du chargeur ,et ouvre le message.
Qu'est ce que ma coéquipière m'envoie un SMS à cette heure ? Elle croit que j'ai que ça à faire de bavarder tard dans la nuit ? Je ne suis pas son psy.

Au début , je ne comprends rien de son message. Je me lève, éteint la musique qui marchait encore depuis des heures et me serre un verre d'eau, et allume la lumière du salon en me frottant les yeux. Enfin , un brin réveillé, je relis le message.

OK...
Elle me fait une blague c'est ça ?

Je réponds qu'elle a dû se tromper. Et je l'espère. Je ne pense tout même pas qu'elle est conne au point de penser que ce soit une bonne idée de m'envoyer ça. Même en étant bourrée.
Ça se sent qu'elle s'est trompée.

J'avoue ne pas être tranquille.
C'est ridicule.
Mais si elle ne se rend pas compte de s'être trompée et prend le volant dans cet état ?
C'est pas mon problème...
Enfin...

Et merde. Impossible de me rendormir , maintenant.
Agacé, autant par moi que par Hannah , je cherche rapidement l'adresse du devils lair sur internet , avant de prendre mes clés et de sortir de l'appartement que je verrouille derrière moi. C'est sur que j'adore sortir en pleine nuit pour conduire au centre ville de Londres.

Et je hais les boîtes de nuit.
En sortant de ma voiture sur le parking, j'entends déjà les basses et la musique assourdissante.
Mon dieu.
Comment on peut s'amuser là-dedans ?
J'hésite à envoyer un SMS à Hannah pour lui dire de sortir mais vu qu'elle n'a pas répondue aux derniers , enfin pas sérieusement...Je vais devoir entrer dans la jungle.

Heureusement pour moi , il ne me faut que quelques minutes pour repérer la jeune femme en train de se déhancher sur la piste de danse. Enfin , ça se sent qu'elle n'est plus très claire, et un peu fatiguée. D'ailleurs, il semblerait que la boîte va bientôt fermée et le gérant demande aux clients de s'activer vers la sortie.

Une fois que je suis certain qu'il s'agit bien d'Hannah , je m'approche d'elle, laissant malgré moi mon regard s'attarder sur ses formes l'espace de quelques secondes.
Je pose une main sur son épaules :

"Brown. C'est le lieutenant Evans. C'est à moi que tu as envoyé ton fouttu message. Si tu veux toujours que je te ramène, bouge toi qu'on sorte d'ici. J'en peux déjà plus de cet endroit." , j'attends quelques secondes avant de continuer. "Et ne t'avise pas de me refaire un coup pareil. Ça va tu comprends ce que je dis ,ou ta encore besoin de décuver ?", je râle le ton agressif.

Je n'ai plus d'inquiétude depuis que j'ai constaté qu'elle n'avait pas bougé du devils lair. Maintenant, je suis plus énervé qu'elle m'ai privé de ma nuit de sommeil , surtout pour une connerie pareille.

Franchement, il y avait une chance sur combien pour que Miss Brown se trompe de numéro ? En plus de ça, ce n’est pas la première fois qu’elle envoie un sms à l’un de ses frères. Hélas, une fois n’est pas coutume, elle s’est planté, au fond c’était peut-être bien un acte manqué. Juste histoire de pouvoir casser les pieds à Mr Liam Ronchon Evans, qui ne l’aura pas volé soit dit en passant. Toujours est-il que même si les réponses de son frère lui semblent un peu étranges, mais dans son esprit embrumé, la rouquine se dit qu’il fait ça pour l’embêter. Bah elle empoche son portable et retourne se déhancher avec ses potes sur la piste de danse. Il ne lui faut pas plus de quelques minutes pour être de nouveau ambiancé par la musique et se laisser aller à cette dernière. De temps en temps ça fait du bien de lâcher prise et de ne plus penser à rien.

Hannah ne sait pas trop combien de temps il se passe, un peu comme si elle était entrée en transe en dansant, ou une connerie du genre. Mais elle finit par arrêter de gigoter, lorsqu’une main se pose sur son épaule et quelle ne fut pas sa surprise en découvrant son supérieur. Cependant, elle ne sait pas trop si c’est de bonne au mauvaise augure. L’officier à beau réfléchir de toutes ses forces, merci l’alcool, elle se demande ce qu’il trafique ici, mais aussi pourquoi son frère n’est pas là. Il met moins de temps d'habitude… Enfin, la jeune femme finit par comprendre le pourquoi du comment, lorsque Liam lui explique que c’est à lui qu’elle a envoyé le message. D'où la non présence de son frère.

— J’ai pas fait exprès, bougonne la jeune femme en se frottant les yeux. Et oui je comprends ce que tu dis, je suis beurrée, pas débile !

Putain, elle doit déjà se farcir sa mauvaise humeur au travail, ce n’était pas la peine d’en rajouter dans sa vie perso. Hannah pousse un soupir comme un gros bébé, puis va saluer ses amis, avant d’enfiler maladroitement sa veste et de rejoindre son supérieur.

— On peux y aller, qu’elle marmonne en prenant son bras, histoire de ne pas tomber. Et je suis désolé, je voulais pas t’embêter, me suis pas rendu compte.

La rouquine se frotte encore les yeux, avançant comme elle peut en compagnie du brun. Bon sang qu’est-ce qu’elle est crevée, heureusement que l’autre chiant est venu, même s’il râle beaucoup il ne l’a pas laissé en plan.

— Tu t’es inquiété pour moi ? questionne la rousse dont le visage est maintenant collé au bras de son coéquipier. Même si t’es pas content, c’est gentil de pas m’avoir laissé.

Une fois à la voiture d’Evans, Miss Brown manque de s’écrouler dedans en voulant prendre place du côté passager, mais plus de peur que de mal. Puis elle a beau être ronde, elle n’en oublie pas moins de mettre sa ceinture, elle sourit d’ailleurs à Liam l’air de dire : “T’as vu, j’ai pas oublié”.

— J’ai faim, dit-elle soudainement. On prend un truc sur le chemin ? Je te paie un m’nu si tu veux !