Si à une époque, Matt et Nate s’étaient accordés pour ne plus parler de certains sujets, c’était pour une bonne raison. Nate n’était à vrai dire pas tout à fait à l’aise avec Matt pour parler de ses problèmes. Quand bien même il était le seul avec qui il pouvait le faire, il était le seul qu’il pouvait faire souffrir aussi avec ses histoires. Alors il avait décidé de changer de sujet, sa parade ultime pour ne jamais avoir à parler de lui. C’était peut-être aussi sa façon de mentir le moins possible. Quoi qu’il en soit, c’était presque un réflexe et il était un peu soulagé que Matt prenne la perche qu’il lui tendait plutôt qu’il cherche à approfondir. « Eh bien, ce sont les cachets qui te font parler comme ça ? Quel grand romantique tu es… » qu’il avait souri, complice, avant de retrouver furtivement ses lèvres le temps d’un rapide baiser. C’était si peu habituel que Nate avait bien été obligé de le souligner. Et c’était agréable, aussi. Avec le temps, Nate avait appris à déchiffrer Matt et même si ça le touchait, il n’avait pas besoin de ses paroles pour savoir qu’il tenait à lui. Il le savait, c’est tout. C’était bien la seule raison qui pouvait les pousser à supporter de vivre comme ça. S’ils ne s’aimaient, ils n’auraient jamais tenu tout ce temps. « Tout un mois… Avec quelques coupures, c’est vrai, mais tout un mois quand même. C’était pas arrivé depuis l’été où on s’est rencontré, tu te rends compte ? » Un sourire mélancolique était passé sur le visage de Nate. Il avait adoré cet été-là et, des fois, ça lui paraissait terriblement loin. Il n’avait probablement jamais été aussi heureux. Tout avait été si compliqué après ça. Nate secoua doucement la tête quand Matt revint à la charge. Il aurait du s’en douter. Il allait pas laisser tomber l’affaire comme ça. ll ne pouvait pas lui en vouloir, il aurait été tout aussi insistant à sa place. « Crois-moi, il y a des choses que tu n’as vraiment pas envie de savoir. » Il s’était pincé les lèvres. Il n’allait quand même pas lui raconter qu’il n’arrivait plus à coucher avec sa femme, non ? Ça allait avant… avec l’alcool, Nate arrivait à suffisamment délirer pour s’imaginer Matt mais il était évidemment hors de question qu’il lui avoue une énormité pareille. « C’est pas contre toi. J’apprécie… Vraiment. T’essayes de me soutenir et c’est vraiment gentil de ta part mais je peux pas. » qu’il avait conclut en serrant sa main dans la sienne, espérant que cette part de secret dont il le préservait n’allait pas le froisser.

Et il évitait encore le sujet. Il était là tout souriant, tout attentionné et tendre pendant que je lui parlais. Mais je n'étais pas dupe. Je n'allais pas changer de sujet aussi facilement. Je savais que c'était dans les sujets tabou. Je savais aussi à quel point ça pouvait être douloureux pour moi de l'entendre me parler de sa femme. Mais je voulais savoir. Je voyais bien que ça lui plombait le moral. Ca lui avait fait du mal au point où il avait fini par sombrer dans l'alcool. Je ne voulais pas le voir continuer de souffrir ainsi sans rien avoir fait pour l'aider.

- Arrêtes Nate, vraiment. Je ne suis pas une petite chose fragile que tu dois protéger. Je ne suis pas complètement con non plus, je vois bien que tu ne vas pas bien.

Je le fixais un peu durement, du moins sérieusement. Ce n'était pas le moment pour se papouiller et sourire comme deux idiots fou l'un de l'autre, heureux à l'idée de passer du temps ensemble. Oui tout ça c'était vrai et je serais ravi de pouvoir me replonger dans cet état d'esprit. Mais là je voulais parler sérieusement. Je voulais crever l'abcès, qu'il puisse vider son sac. Il n'y avait que comme ça que je pourrais l'aider à aller mieux. Je ne voulais pas qu'il continue de faire semblant d'être heureux au quotidien, prendre une petite bouffée d'oxygène en ma présence avant de replonger dans la merde.

- Je ne veux pas être là juste pour baiser une fois de temps en temps, que tu viennes échapper à ton quotidien pour un week end de plaisir à deux avant de retourner là bas. Nous deux c'est plus que ça. Tu es venu pour m'aider et me soutenir et ça me touche. Alors laisse moi faire la même chose pour toi. Parle moi, je peux l'encaisser. Je peux entendre parler de ta femme et de votre vie à deux. Ca va. Mais toi ça ne va pas alors parle moi. Je ne te lâcherais pas tant que je ne saurais pas.

Changer de sujet, dévier l’attention des autres, c’était le meilleur mécanisme de défense de Nate. Et puisque personne ne s’intéressait à qui il était vraiment, ça marchait en général plutôt bien. Mais avec Matt… ça ne prenait pas. Et c’était pénible car Nate n’avait absolument aucune envie de se confier. Enfin, à vrai dire… Si. Il aurait aimé avoir quelqu’un avec qui en parler mais ce quelqu’un ne pouvait pas être Matt. Il ne se voyait tout simplement pas lui parler de sa vie sexuelle avec sa femme. Ou plutôt de son absence de vie sexuelle. Il avait tenu bon quand Matt lui avait dit qu’il n’était pas une petite chose fragile, feignant de ne pas comprendre ce qu’il voulait dire. Mais il comprenait. C’était bien le problème, il comprenait… Seulement il espérait qu’en faisant profil bas il comprendrait et passerait à autre chose. Il s’était trompé. Le sourire sur son visage s’était évanoui et Nate s’était écarté pour aller chercher ses cigarettes dans sa veste. Il interrogea du regard Matt qui lui attendait une réponse de sa part. Tout devait toujours être si compliqué alors ? Nate soupira après avoir expiré sa première bouffée de cigarette. « Ok. Très bien. Je t’aurais prévenu mais… Ok. » Et si déjà il devait lui dire, quels mots devait-il employer ? Nate n’était sûr de rien et il ne voyait aucune option où il ne serait pas susceptible de blesser Matt. Ça le tuait. Il n’a jamais voulu lui faire du mal. Comme il n’a jamais voulu faire de mal à Alison. Mais il en faisait pourtant et c’était difficilement supportable. « Depuis que je suis sobre… » qu’il avait commencé en restant debout dans le salon. Il n’arrivait pas à croire qu’il allait dire tout haut un truc pareil. « Le devoir conjugal, c’est plus possible. Jusque-là, Alison ne m’avait jamais rien dit… Mais faut croire qu’avoir quitté la maison précipitamment, ça la fait cogiter. » Ça faisait du bien de parler, effectivement. Mais pas que. La culpabilité lui avait fait détourner le regard. « Avant, j’étais toujours bourré tu vois alors… Je pensais à autre chose. » Il avait haussé les épaules. Il ne disait toujours pas toute la vérité et maintenant qu’il avait commencé à se confier, il n’arrivait plus à s’arrêter à mi-chemin entre la vérité et le mensonge. « Je pensais à toi. » qu’il avait finalement révélé d’une voix plus grave. Il souffla. « Maintenant que je suis sobre, je vois vraiment pas comment faire. C’est juste… juste pas possible. Je sais même pas quoi lui raconter pour expliquer ça. » Et elle était là, la vérité toute crue.

Il avait fini par accepter de parler. Je savais que ce qui allait suivre allait être difficile à entendre mais je devais le faire pour lui. Je pris une cigarette en même temps que lui. Ca m'avait beaucoup trop manqué de pouvoir fumer pendant ces quelques jours à l'hôpital. Je le laissais prendre son temps avant de se lancer. Je savais que c'était encore plus dur pour lui que pour moi.

Et ça avait même été beaucoup plus facile à entendre que ce que j'avais cru. J'avais même envie de sourire en me disant qu'il ne la touchait pas, plus depuis qu'il était sobre en tout cas. Il n'y avait que moi dans son lit. Elle portait peut être le nom d'épouse. Elle vivait peut être avec lui mais c'était tout. C'était dans mon lit qu'il venait, dans mes bras qu'il se laissait aller. J'étais dans son coeur et dans son lit, moi et surtout pas elle. Et j'étais terriblement soulagé d'entendre ça.

La suite me mit un peu mal à l'aise, même si je comprenais, ça allait dans le sens du reste. Il n'était qu'à moi. J'étais le seul dans sa tête et son coeur. Si il n'y avait pas l'alcool pour lui brouiller l'esprit et lui permettre de ne penser qu'à moi, il ne pouvait pas être avec elle.

Je tirais une autre bouffée de ma cigarette, réfléchissant à tout ce qu'il avait dit mais surtout à quoi lui répondre. Je ne voulais pas le faire souffrir. Il souffrait déjà assez comme ça tout seul. Il était prisonnier dans un mariage où il n'y avait aucun amour, aucune passion, aucune tendresse. Et sa femme était entrain de se rendre compte de tout ça. Elle n'arrivait plus à vivre dans sa petite bulle comme je l'avais vu à la naissance du bébé. Elle voyait bien qu'elle perdait son mari, qu'il n'était pas à elle mais à quelqu'un d'autre. J'avais pitié pour elle... et évidemment de la peine pour Nate.

- Et bien... je pense que ça dépend de ce que tu veux faire. Est ce que tu veux conserver ce mariage coute que coute? Dans ce cas là... la vérité n'est pas à dire. Tu peux continuer de lui mentir, lui dire que tu es pris par ton travail et que c'est pour ça que tu n'arrives plus à... accomplir ton devoir. Tenter de la rassurer en lui offrant une soirée en amoureux, lui donner un peu de tendresse à défaut de pouvoir lui donner le reste.

Continuer de la faire vivre dans le mensonge en espérant qu'elle soit dupe et que cet ersatz de relation puisse suffire à son bonheur. Ce n'était pas la meilleure option pour Alison, mais c'était certainement la meilleure pour leur fille.

- Ou alors... tu finis par lui avouer la vérité, que votre mariage est voué à l'échec. Que tu n'as plus de sentiments pour elle depuis longtemps mais que tu la respectes trop et que tu aimes trop votre fille pour les abandonner. Et tu la laisses faire son choix...

Le quitter et devenir une mère célibataire comme ma voisine, qui galérera à s'en sortir seul avec un enfant. Ou une femme malheureuse avec un mari qui ne l'aime pas mais un père présent. Le choix leur appartenait à tous les deux. Moi je ne pouvais rien y faire.

L’éventualité d’être rejeté par Matt terrifiait Nate. Il n’y était pas préparé. A vrai dire, leur relation avait évolué dans le bon sens et un retour en arrière, quelqu’il soit, lui ferait du mal. Il aimait les choses telles qu’elles étaient. Ça aurait pu être mieux, c’est vrai, mais ce compromis lui allait. Il survivait. En rentrant chez lui il se mettait en apnée et il respirait enfin à chaque fois qu’il retournait auprès de Matt. La cigarette qu’il avait entre les lèvres se consumait à vitesse grand V. C’était un vice dont il n’était pas sûr de se débarrasser de sitôt même s’il ne s’était jamais imaginé fumer un jour. C’était bien la première fois que Nate parlait de sa vie intime avec sa femme. Jamais il n’aurait cru se laisser aller à une telle confidence. Et pourtant, c’était dit, et tout ce qu’il espérait maintenant c’est que ça ne dégoute pas Matt. Il n’avait pas été dégouté. En tout cas, il n’en avait pas l’air. Par contre, et Nate ne l’avait pas vu venir, il n’avait pas fait qu’écouter… Il le conseillait. Nate avait dans un premier temps écarquillé les yeux. Est-ce qu’il lui conseillait de continuer de mentir ? Ou alors d’amorcer un divorce ? Lui-même ne voyait que ces deux éventualités mais, honnêtement, il ne savait pas s’il avait la force d’accomplir l’un comme l’autre. Il pouvait aussi bien attendre que ça continue de s’envenimer. Alison pourraient bien prendre une décision à un moment donné ? Nate réalisa que c’était peut-être ce qu’il attendait depuis le début : qu’elle parte d’elle-même. Nate avait écrasé sa cigarette dans le cendrier et s’était frotté l’arrière de la nuque avant de se rassoir. « Je sais pas. » Et c’était la vérité, il était totalement perdu. Il se voulait sans faille Nate, résistant. Il n’avait de plus aucune envie de faire parler de lui en annonçant un divorce. « Ça parait simple dit comme ça mais… Je sais pas. » Dieu sait que s’il n’y avait pas Penny, ça aurait été du vite vu. Leur mariage n’aurait jamais tenu autant de temps sans elle. « Je suis désolé de ramener tout ça ici… Mais il y a Penny… Et j’aurais jamais d’autres enfants. Je suis déjà pas un père terrible mais si je divorce de sa mère ? J’ai beaucoup plus besoin d’elle qu’elle n’a besoin de moi. » Et c’était sincèrement comment Nate voyait les choses. Il n’était peut-être pas prêt à faire le deuil d’une famille, ou plutôt du semblant de famille qu’il avait. Toutes les options qui se présentaient à lui comportaient de toute façon leurs lots d’avantages et d’inconvénients. « Elle est si petite encore. » qu’il précisa en levant les yeux au plafond.

Ce n'était pas les révélations sur sa vie sexuelle avec son épouse qui m'avait fait le plus mal. C'était ce qu'il avait le plus redouté de me dire qui m'avait fait limite plaisir. Parce que je me disais dans ces moments là qu'il était à moi, que j'étais le seul dans son coeur et qu'elle n'était rien pour lui. Puis quelques secondes plus tard je me pris la douche froide. Il ne pensait certainement pas qu'il m'avait fait du mal, pour lui c'était innocent, il répondait juste à mon conseil. Mais la vérité était là, il ne quitterait jamais sa femme, pas pour elle, pas pour les apparences, juste parce qu'il y avait sa fille. J'étais une distraction pour l'aider à supporter son quotidien mais je n'étais pas la première personne dans son coeur, c'était sa fille qui tenait cette place et je ne pourrais jamais rivaliser avec elle, quoi que je fasse.

- Alors tu as ta réponse.... essaie d'arranger les choses avec sa mère. Essaie de lui faire comprendre que votre famille est importante pour toi et que tu ne veux pas les laisser. Même si tu le fais pour votre fille, elle a besoin d'entendre ça. Si tu ne le fais pas, tu risques de la perdre et de perdre ta fille avec.

Et ça ne pouvait pas arriver. Il venait de le dire, il ne pouvait pas vivre sans elle. Nous ce n'était pas la même chose, il vivait déjà sans moi. On savait très bien qu'on ne pouvait pas vivre ensemble et que ça n'arriverait jamais. Je devais oublier l'espoir que j'avais eu pendant quelques secondes en l'entendant parler comme ça de son mariage. Son mariage n'en avait jamais été un, ça c'était vrai. Mais la famille qu'il avait construit, ça existait bel et bien, quoi que j'en dise.

Je tirais sur ma cigarette, évacuant doucement la fumée, le regard fixé sur le mur en face de moi et surtout pas sur lui.

- Tu devrais aller les retrouver d'ailleurs. Je te l'ai dit je peux me débrouiller. Mais vas y. Avant que ta femme ne te mette à la porte et que tu ne vois plus ta fille. Je ne veux pas être le responsable de ça...

Je ne voulais pas détruire ce qu'il y avait entre sa fille et lui. Je n'en avais pas le droit...

Ce qui avait suivit, Nate ne l’avait pas vu venir. Entendre Matt lui dire mot pour mot de recoller les morceaux avec sa femme lui avait fait un drôle d’effet et pas vraiment un bon. Ça l’avait totalement soufflé. Il n’avait absolument pas su quoi dire. Il avait bien bougé les lèvres une fois ou deux mais aucun mot n’était sorti. Pourquoi ça faisait si mal ? Il palpa sa poitrine, endroit où il avait l’impression de manquer d’air et de suffoquer. Il avait alors tiré sur sa chemise et, péniblement, il avait recommencé à respirer correctement. Ça ne pouvait pas être vrai, il était en train de rêver là, non ? « C’est ce que tu veux ? » qu’il avait demandé d’une voix claire malgré son trouble intérieur. Et la question était sérieuse. Nate prendrait évidemment son avis en compte. Quelque chose lui échappait et Nate n’arrivait pas à savoir quoi. Il avait eu l’impression qu’il réagissait plutôt bien et il n’en était plus si sûr maintenant. Maintenant que Nate cherchait le regard de Matt, c’était à son tour de le fuir. « Non. » qu’il avait directement répondu, sans appel, quand Matt lui avait dit de rentrer chez lui. C’était hors de question. Déjà parce qu’il avait déjà prévenu et préparé son absence. Ensuite parce qu’il n’avait aucune envie d’être ailleurs. Près de Matt, c’était là sa place… Famille ou pas. « T’es responsable de rien du tout, Matt. Rien. » Il soupira. Il attrapa timidement sa main, espérant pouvoir capter son regard grâce à ce contact. « J’ai pas eu besoin de toi pour prendre de mauvaises décisions dans la vie. » Et ces dernières années, des mauvaises décisions, il en avait prises. « Si Alison me quitte un jour c’est uniquement parce qu’on a jamais rien eu à faire ensemble au départ. » Nate avait juste su faire semblant, aptitude qui s’était étiolée avec le temps. Il avait haussé les épaules et elles lui avaient semblé bien lourdes, écrasées par un poids invisible. « Et je préfère le divorce que de partir quand t’as le plus besoin de moi. Peu importe les conséquences. Je peux probablement tout affronter… Mais te perdre… » Un frisson l’avait parcouru. « Ça, non, je crois pas. Tu ne vas pas bien. Je suis là. C’est tout. » qu’il avait rajouté en espérant clore le débat cette fois.

Il y avait du vrai dans ce qu'il disait. Je le savais. Il avait fait pas mal de mauvais choix dans sa vie. Il avait voulu m'en rendre responsable à une époque mais maintenant il avouait enfin la vérité. Je n'y étais pour rien dans le fait qu'il ait épousé sa femme. Si ils étaient tous les deux malheureux dans leur mariage c'était de leur faute, pas de la mienne.

Je savais aussi qu'il ne voulait pas me perdre. Malgré nos problèmes, nos disputes beaucoup trop fréquentes, on était toujours revenu ensemble. On ne pouvait pas se passer l'un de l'autre, ça c'était un fait. Mais je savais encore une chose... et c'était ça qui faisait le plus mal. Il ne quitterait jamais sa femme pour moi. Il ne partirait que si elle le foutait à la porte. Il resterait. Il s'accrocherait tant qu'elle voudrait bien le tolérer parce qu'il y avait leur fille. Jamais il ne partirait de sa propre initiative pour vivre avec moi et je savais que je ne le lui demanderais jamais. J'avais peut être peur de l'entendre de sa bouche, qu'il me confirme que je ne serais jamais la priorité dans sa vie, qu'elle passerait toujours avant. Mais ça n'empêchait pas que je savais que c'était la vérité.

- Je vais bien Nate arrête avec ça. Je suis parfaitement capable de m'occuper de moi tout seul. Et j'ai ma voisine qui sera là pour m'aider, me faire mes courses, veiller à ce que je mange correctement.

Je soupirais, serrant doucement sa main dans la mienne. Ca faisait mal mais ça m'aidait aussi à prendre ma décision. Je devrais partir. Il était hors de question que je reste disponible, obligé de vivre dans une situation de merde, pour un homme pour lequel je ne serais jamais la priorité. Je devais penser à moi. Je devais partir de ce trou qui ne m'avait que trop fait souffrir.

- Retourne auprès de ta famille. Bien sur que j'aurais adoré que tu restes, pouvoir passer tout mon temps avec toi. Mais ta fille passe avant moi... tu ne dois pas la perdre pour ça.

Voilà je l'avais dit. Je l'avais reconnu à haute voix même si lui ne le faisait pas. Sa fille passait avant tout.

Quoi qu’il fasse, Nate avait l’impression qu’ils en revenaient toujours au même point : Matt qui lui demandait de partir. C’était usant. Et il essayait de bien réagir, de s’en protéger, mais la vérité c’est que ça faisait un mal de chien. Il faisait vraiment tout son possible pour tout concilier. Son amant, sa femme, sa fille, son travail, les alcooliques anonymes. Vraiment, tout ça, c’était beaucoup d’efforts et, comme à chaque fois, ce n’était pas assez. Ce n’était jamais assez. « Bien sûr que tu peux te débrouiller seul et je suis certain que ta voisine est une sainte. Je veux juste être là pour toi, c’est quand même pas si incroyable ? » Et il avait soupiré pour calmer ses nerfs, pour s’empêcher de s’énerver parce que créer une dispute inutile avec Matt c’était bien la dernière chose qu’il voulait. Du bout des doigts, il s’était frotté l’arcade sourcilière, signe d’une grande nervosité qu’il essayait tant bien que mal de contenir. Il n’avait aucune envie de partir, aucune envie d’aller régler quoi que ce soit dans son foyer. Il se sentait parfaitement à sa place ici et, pourtant, Matt lui rappelait qu’il ne l’était pas. « C’est marrant, je me souviens, après l’enterrement de ton père… Je t’ai dit que je pouvais toujours divorcer et t’as pas voulu. Pour Penny. Et là tu veux pas que je reste… Pour Penny. Et au final, je comprends même plus ce que tu veux ou ce que tu veux pas. » A nouveau, il avait cherché son regard du sien. Il avait joué cartes sur table et c’était peut-être au tour de Matt de faire de même. « Et si tu m’expliquais pourquoi j’arrive pas à comprendre ? A moins qu’il faille que je parte dans la minute… » Nate avait lâché un soupir à se fendre l’âme cette fois. Il n’arrivait pas à camoufler à quel point ça le peinait d’être repoussé de la sorte. « Je te redemande, Matt, une dernière fois… Qu’est-ce que tu veux, toi ? » Et s’il avait l’air déterminé à comprendre, il n’avait pas lâché sa main. Il s’y accrochait un peu désespérément, comme si leur relation ne tenait qu’à cette main enlacée dans la sienne.

Ce que je voulais... c'était pourtant terriblement simple. Je le lui avais dit un certain nombre de fois dans le passé. J'aurais voulu qu'il me choisisse moi, pas Alison. J'aurais voulu qu'il garde sa fichue queue dans son pantalon et qui ne la sorte pas pour mettre cette fille enceinte. J'aurais voulu qu'il n'y ait jamais de mariage, qu'il n'y ait jamais d'Alison et encore moins de Penny. J'aurais aimé qu'il soit prêt à affronter sa mère pour moi, comme je l'avais fait avec mon père. Si il avait fait tout ça, nous aurions pu fuir ensemble un jour. Il nous suffisait d'être patient, d'attendre que le monde évolue. J'avais eu tord sur ce coup là, le monde était bien entrain d'évoluer. Il y avait des gens qui nous comprenaient, qui trouvaient normal que deux hommes puissent être ensemble. Ils n'étaient pas au fin fond du Texas ces gens mais ils existaient bel et bien. Voilà ce que j'aurais voulu... mais ça n'arriverait jamais. Il y aurait toujours Alison et surtout Penny dans le tableau, quoi qu'on fasse tous les deux. Elle serait toujours là entre nous.

- Ce que je veux n'a aucune importance Nate, parce que tu as déjà fait tes choix. Tu l'as épousé, tu as eu ta fille. Ca sera toujours entre nous.

Je soupirais doucement. Je faisais tout mon possible pour qu'on ne se dispute pas mais je voyais bien qu'il commençait à s'énerver. J'arrivais à voir les signes de nervosité chez lui, les gestes qu'il faisait pour tenter de se calmer et de ne pas exploser.

- Je ne te dis pas de me quitter. Je t'ai promis que je ne le ferais plus. Je serais toujours là pour toi. Je te le promets mais... toi tu as ta famille, ta fille. Elle passe avant moi. C'est pas un reproche, c'est un fait. Alors, à moins que tu n'ai décidé de quitter ta femme pour vivre avec moi, tu devrais aller les retrouver avant de les perdre. J'ai peur que si tu ne restes avec moi pendant tout le mois, ça ne soit la goutte de trop pour Alison. Et si tu n'es pas prêt à les perdre, tu ne devrais pas rester.

C'était à lui de décider, de faire son choix une nouvelle fois. Moi je ne contrôlais rien dans cette histoire.