Matt avait mis du temps à répondre mais, quand enfin il l’avait fait, Nate n’avait pas su retenir sa stupéfaction. Ok ? Il capitulait donc aussi facilement ? L’étonnement arracha un petite rire de surprise à Nate. D’habitude, ils passaient un certain temps à argumenter. Là, Nate n’avait eu qu’à lui exposer son plan pour qu’il accepte. C’était beaucoup trop facile. Ils étaient tellement têtus en temps normal… Il fallait croire que Matt avait dépassé Nate dans l’art de se montrer raisonnable. Si c’était surprenant, c’était aussi et surtout une très bonne surprise qui eut le don de réchauffer le coeur de Nate. « Mais qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de l’homme que j’aime ? » L’homme qu’il aime… Nate ne lui disait pas souvent mais il l’aimait. C’était bien la seule raison qui l’avait poussé à tout plaquer pour se précipiter à son chevet. Quand il le disait, c’était toujours imprévu. Nate l’avait pensé un million de fois sans jamais le dire tout haut… Tout simplement parce que ce n’était pas des choses qu’ils se disaient alors, quand ça sortait, c’était toujours par mégarde plus que par réelle envie de se dévoiler. Il avait rapidement changé de sujet. « T’occupes pas de ça. Crois-moi, ça peut pas être pire que ça ne l’est déjà. » C’est vrai, après tout, il risquait quoi ? Le divorce ? Des fois, Nate se disait qu’elle leur rendrait un sacré service si elle décidait de le quitter. Et d’autres fois, il pensait à Penny et il trouvait la force en lui de faire des efforts. Seulement, cette deuxième option arrivait de moins en moins à mesure que le temps passait. Ils venaient de se garer, Nate était soulagé d’être arrivé. Il était fatigué. Ça avait été beaucoup d’émotions et se poser un peu lui ferait le plus grand bien. Nate avait jeté son mégot par la fenêtre avec qu’un sourire franc s’installe sur ses lèvres. « Je le suis aussi… Dommage qu’il ait fallu attendre que tu te blesses comme ça pour avoir une telle occasion. » Maintenant que Nate s’était à peu près remis de ses émotions, il mourrait d’envie de le saluer convenablement en l’embrassant. Mais pas ici, pas avec tous ces gens qui pouvaient les surprendre. Nate allait devoir patienter que Matt parvienne à monter jusque chez lui. « J’adorerais pouvoir te porter mais ça me parait difficilement réalisable. » qu’il avait répondu alors que son ours grognon s’était mis à ronchonner. Il l’avait aidé du mieux qu’il le pouvait mais évidemment, ils avaient mis un temps fou à monter jusqu’à l’appartement. A peine la porte passée, Nate le fit s’installer sur le canapé. « Ok, tu bouges plus. Si t’as besoin de quoi que ce soit, tu me siffles, je ferai ce que tu veux mais d’abord… » Nate s’était agenouillé pour approcher son visage du sien et enfin l’embrasser. « Bonjour. Pour de vrai cette fois. » Une caresse sur la joue plus tard, il s’était redressé. « Tu m’as vraiment fait peur. » Et il s’était dirigé vers le frigo pour en admirer le contenu, anticipant les courses qu’il devrait faire et les repas qu’il pouvait déjà préparer. Dès la première heure demain matin, il faudra qu’il appelle Alison mais pour l’instant, il allait se consacrer tout entier à Matt.  

L'homme que j'aime.... ça me faisait toujours tout drôle d'entendre ça. Une partie de moi se sentait bien, avait envie de rougir de plaisir, mais une autre se sentait mal de ne pas pouvoir lui dire la même chose. J'en étais incapable. Je n'arrivais même pas à me le dire à moi alors le lui dire à lui, c'était mission impossible. Mais j'aimais ça... et je décidais de le savourer.

Ce fut une longue et pénible traversée que de monter les escaliers. Je m'étais arrêté à un instant pour le foudroyer du regard après qu'il ait parlé du fait de me porter.

- Essaye même pas de me porter sinon je te mets un coup de béquille.

J'étais déjà assez handicapé comme ça. Je n'avais aucune envie d'être obligé de me faire porter dans les escaliers. Hors de question que je m'affiche comme ça en plus devant tout le monde. Je voulais garder encore un minimum de fierté.

Je me laissais finalement tomber dans le canapé avec un soupir de soulagement. Je m'installais tant bien que mal, posant ma jambe sur la table basse, un petit coussin calé en dessous. Je souris en sentant enfin ses lèvres venir trouver les miennes. J'avais attendu ce moment depuis que je l'avais vu. Ca avait été une torture que de rester à côté de lui sans pouvoir le faire. Heureusement qu'on avait fui cet hôpital de malheur.

- Je voulais pas te faire peur, juste te prévenir. Je l'aurais fait plus tôt si je n'avais pas été dans le coltar avec toutes les drogues qu'ils m'ont filé.

Ca avait eu le mérite d'être efficace au moins. Les premiers jours je n'avais quasiment pas senti la douleur. Je n'avais pas senti grand chose à vrai dire. Je me retournais en le voyant ouvrir le frigo, trop tard il n'avait pas mangé de voir son contenu. Je soupirais alors qu'il se retrouvait devant un frigo composé uniquement de quelques bières. Habituellement je les terminais avant qu'il ne vienne passer le week end. Je faisais aussi en sorte que le frigo soit un minimum plein ainsi que les placards. Là actuellement, à part quelques boites d'haricots et un vieux reste de saucisses dans le congélateur, il n'y avait rien.

- Jette les c'est pas grave. Et... il voudrait mieux que tu ailles faire les courses, si tu veux bien me prendre mes médocs en passant aussi.

Parce que je commençais vraiment à avoir un mal de chien à cette jambe. J'aurais bien besoin des merdes qu'ils m'avaient filé jusqu'à présent. Mais pour le moment j'étais inquiet de voir la réaction qu'il aurait en voyant l'alcool. Je ne voulais pas qu'il boive tant qu'il était avec moi et surtout pas qu'il ait la moindre tentation.

Nate s’était mis à rire de bon coeur quand Matt l’avait menacé de lui flanquer un coup de béquille. Ça ne l’impressionnait plus, ce côté sulfureux. Avec le temps, il s’y était habitué. Mieux que ça encore, il l’appréciait et arrivait même à s’en amuser. Même dans ces circonstances particulières, Nate retrouvait bien plus vite sa bonne humeur que lorsqu’il était chez lui. Penny lui permettait bien quelques moments de bonheur, c’est vrai… Mais ça n’avait rien à voir avec ce qu’il vivait ici. Le poids du mensonge ne pesant plus sur ses épaules, Nate savourait autrement la vie. Ils étaient enfin rentrés et ici, à l’abri de tous les regards, Nate se sentait enfin complet. « T’as bien fait de missionner ton patron pour m’appeler. J’aurais jamais pu attendre un mois d’avoir de tes nouvelles. » Machinalement, Nate s’était dirigé vers le frigo pour en inspecter le contenu… et se retrouver devant rien d’autre que des bières. Il ferma les yeux un instant, se remémorant tout le chemin qu’il avait fait depuis la dernière fois qu’il avait touché à une bière. Il soupira. Plus jamais, plus une seule goutte. Il serait condamné à rechuter autrement, il avait appris ça aux alcooliques anonymes. Pourtant, quand Matt n’avait pas répondu au téléphone ces deux soirs-là, il y avait inévitablement pensé. Mais il avait résisté. Il secoua la tête et referma la porte du réfrigérateur. « Je ferai les courses oui… Et je passerais à la pharmacie. » Il attrapa son sac duquel il sortit un jeton. Pas n’importe quel jeton. Celui des alcooliques anonymes, celui des six mois. Nate n’était plus très loin de l’année pleine de sobriété et aussi futile que cela puisse paraitre, il aimait la symbolique de ces jetons. Il le brandit sous le nez de Matt. « Ça, c’est celui des six mois et six mois… C’est pas beaucoup. Je vise celui des un an alors dors sur tes deux oreilles, c’est pas trois bières dans ton frigo qui m’en détourneront. » En théorie, en tout cas. Nate ne se risquait pas à détenir de l'alcool chez lui. Il n'en savait au final pas grand chose à part qu'il était motivé. Il rangea la précieuse médaille dans la poche de son jeans. « Par contre, je suis pas sûr que tu puisses en boire non plus toi, avec tous tes cachets. » Nate n’avait pas le souvenir que le médecin en avait fait mention mais il demandera directement à la pharmacie. Il rassembla les quelques affaires qu’il lui fallait pour repartir se réapprovisionner. « T’as besoin que je te serve quelque chose avant de partir ? » Nate avait déjà enfilé sa veste, il voyait par moment le visage de Matt se tordre de douleur et ça ne lui donnait que plus envie de vite agir. « Je crois que je vais passer à la pharmacie d’abord. Je te déposerais les médocs et je repartirais faire les courses ensuite. » qu’il avait dit en fronçant les sourcils. Et dire qu’il avait prévu de se débrouiller seul… Nate ne regrettait pas son choix.  

Je souris largement en le voyant me tendre fièrement son jeton des six mois. Je savais le chemin qu'il avait parcouru pour l'avoir ce jeton. Il était passé par des moments difficiles. Je l'avais eu au téléphone plus d'une fois dans ces moments là. Je tentais de le soutenir du mieux possible mais c'était dur en étant à distance. Je regrettais dans ces moments là de ne pas pouvoir être avec lui, le prendre dans mes bras pour le soutenir. Mais il s'en était sorti et ce jeton il le méritait entièrement.

- Je suis fier de toi. Tu n'as qu'à les balancer dans l'évier avant de partir.

Je n'en avais pas besoin mais surtout je ne voulais pas qu'il se sente mal à cause de ça. Je pouvais très bien vivre sans alcool mais je ne pouvais pas vivre sans lui.

Je tentais de m'installer tant bien que mal sur le canapé, grimaçant à chaque mouvement douloureux. Je secouais doucement la tête en l'entendant parler.

- Hmm? Non ce n'est pas la peine. Je ne vais pas les prendre maintenant. Ca a tendance à me faire dormir et je n'ai pas envie. J'ai assez dormi comme ça ces derniers jours.

Je voulais profiter de lui. On ne s'était pas vu depuis un moment. Ca me faisait ça à chaque fois. J'étais en manque de lui. Alors je ne voulais pas tout gâcher en prenant des cachets qui me feraient dormir comme une masse jusqu'à demain matin.

- Prends ton temps. Moi je ne bouge pas d'ici.

Je lui souris, tentant de faire une petite blague. Je me sentais mal de l'avoir mis dans cette situation, de s'être retrouvé face à face avec mes bières. Il allait rester avec moi un moment. On n'était pas resté autant de temps ensemble depuis cet été à la ferme. Il me semblait que c'était il y a une éternité. Je voulais juste que tout se passe bien entre nous.

Je lui fis un petit signe avant de prendre l'un de mes magazines pour passer le temps.

Matt était fier de lui et ça arracha un petit sourire à Nate. Chez lui, en dehors des alcooliques anonymes, personne ne savait qu’il luttait contre l’addiction. Si Alison avait bien du remarquer qu’il ne buvait plus, elle n’avait jamais rien demandé pour autant. Elle n’avait probablement jamais pris en compte l’ampleur du problème. Elle avait été si douée pour se voiler la face. Aujourd’hui cependant, elle déchantait. « Ok. » qu’il s’était contenté de dire avec bonne humeur en retournant au frigo pour vider les dites bières dans l’évier. Il avait dit qu’il serait à son service alors, visiblement, ça commençait par ça. Neutraliser tout l’alcool qui se trouvait ici, c’était peut-être pas plus mal. Ça faisait pas si longtemps qu’il avait arrêté de boire et il était sans doute préférable de s’éviter toute tentation. « Matt… » qu’il avait commencé en soupirant en retournant à ses côtés. « Tu as mal. Ce sont des antidouleurs… Tu me suis ? » Le ton était léger, Nate savait pertinemment qu’il se ferait envoyer bouler. Il n’aurait aucun moyen de faire avaler de force ses cachets à Matt. « C’est rien si tu dors, tu sais. T’en as besoin. Je serai là. » qu’il tenta de le rassurer en déposant un baiser sur le sommet de son crâne avant de se rapprocher de la porte d’entrée. « Je reviens vite. » Et il était parti.
Il avait fait au plus vite, pas très rassuré à l’idée de laisser seul Matt. Le passage à la pharmacie avait été laborieux, Nate avait pris des notes rapidement pour être sûr de ne rien oublier. Sur le chemin du retour, il n’avait pas su attendre et s’était arrêté à une cabine téléphone depuis laquelle il avait composé le numéro de chez lui. Alison avait décroché, la voix faible et tremblante, comme s’il avait passé du temps à pleurer. Nate inspira à la recherche de courage… Il allait en avoir besoin. « C’est moi… Nate. Ecoute, je suis désolé d’être parti comme ça. » Aucune réponse à l’autre bout du fil, Nate avait continué : « Je vais pas pouvoir rentrer tout de suite… Matt s’est blessé, il peut pas rester seul. » Un nouveau silence, Nate s’apprêtait à continuer mais Alison lui avait coupé la parole : « Puisque Matt s’est fait mal alors. La terre peut bien arrêter de tourner, n’est-ce pas ? » Elle était si mauvaise que Nate mit un certains temps à assimiler la dureté de ses propos. « C’est mon meilleur ami Alison. Il ferait pareil pour moi. » Soupir des deux côtés. "Meilleur ami". Quelles foutaises. « Non, Nate, il ferait pas la même chose pour toi. Il est venu combien de fois chez nous, hein ? Tu passes des week-end entier chez lui mais lui… Non, il ne vient jamais. Et t’aurais pas eu besoin de lui parce que t’as une femme qui s’occupe de toi à la maison. Je… Je te crois plus, Nate. Dis-moi… » Nate ferma les yeux et se frotta le front. « Te dire quoi ? » Il s’attendait au pire. « Il y a une autre femme, c’est ça ? C’est forcément ça… On dirait que tu ne me vois même plus, tu me touches plus. » Et il était vraiment pas prêt à ça. C’était la première fois qu’elle lui confiait des doutes pareils. « Non. Pas d’autre femme, Ali. Aucune. Matt s’est blessé. Je l’aide. C’est tout. » Pour le coup, ce n’était même pas un mensonge. « Je reviendrais pour le week-end. Dis à Penny que je pense à elle. » Nate n’entendait que le silence à l’autre bout du fil et pourtant, il lui semblait discerner des larmes. Il ne serait d’aucun réconfort puisqu’il était à l’origine de ses maux et, après un au revoir à peine murmuré, il avait raccroché. L’esprit tourmenté, il était retourné auprès de Matt avec ses provisions. Il avait posé les médicaments en évidence sur la table basse devant lui et s’était affairé à vider les courses dans le frigo. En silence, trop préoccupé par la conversation qu’il venait d’avoir.

Il pouvait dire ce qu'il voulait je ne prendrais pas ces putains de cachets avant d'aller dormir. Je voulais profiter avec lui, qu'on passe un peu de temps ensemble. Je pouvais supporter la douleur, ce n'était pas grand chose et le fait de pouvoir le voir, être avec lui surpassait tout le reste. Ca me faisait oublier la douleur.

Je le laissais partir avec un petit pincement au coeur. J'avais hâte qu'il revienne, pouvoir passer tout mon temps avec lui. Je préférais ne pas penser encore au week end qui arriverait bien trop vite et où je devrais le laisser partir. Mais c'était drôle, comme les choses s'étaient inversées. Le week end passait toujours beaucoup trop vite et bien vite je devrais le laisser. Là le week end me semblerait long avant que je ne puisse le retrouver. Mais j'aurais toute la semaine avec lui, tellement de temps à profiter ensemble.

Je profitais qu'il ne soit pas là pour consulter mes magazines. Je faisais mes recherches, réfléchissant à l'endroit où je pourrais aller vivre quand je quitterais le Texas. Mon projet était de plus en plus clair dans ma tête. Je n'allais pas rester ici mais je ne savais pas encore comment j'allais pouvoir l'annoncer à Nate. C'était déjà compliqué de se voir alors qu'on n'était qu'à quelques heures de route, ça serait encore pire quand on aurait deux voir trois fois plus d'heures de route à faire pour se voir. Mais je devais prendre une décision, penser un instant à moi. Je ne pourrais pas rester ici, pas maintenant que mon patron suspectait que je sois gay. Je me demandais même si je n'allais pas me faire virer. Mais dans tous les cas je ne pouvais pas continuer ce boulot.

Il finit par rentrer et je relevais les yeux pour le regarder en souriant. Sourire qu'il ne me rendit pas. Je voyais bien que ça n'allait pas. Il était perdu dans ses pensées, rangeant les courses en silence. Je soupirais en le voyant comme ça. Je n'aimais pas quand il était mal. C'était ridicule et terriblement irréalisable mais j'aurais aimé le voir me sourire tous les jours.

J'avais volontairement ignoré les cachets qu'il avait posé sur la table à côté de ma jambe. J'avais attendu qu'il finisse de tout ranger pour parler.

- Viens là Nate...

Je soupirais en voyant qu'il hésitait à bouger.

- S'il te plait je ne peux pas bouger alors viens.

J'attendis qu'il accepte finalement de venir se mettre à côté de moi. Je tendis les bras avant de venir le serrer contre moi, tendrement. Je caressais doucement son dos, ses cheveux, essayant de l'apaiser.

- Qu'est ce qui se passe?

Perdu dans la tumulte de ses pensées, Nate n’avait pas aligné un mot depuis qu’il était rentré. Il se torturait les méninges à réfléchir au problème épineux auquel il ferait face ce week-end et, franchement, il n’en avait aucune envie. Plus le temps passait, plus ce mariage était devenu difficile à supporter. C’était un véritable désastre et il savait que la personne qui en souffrirait le plus, c’était sa fille. Il avait de la peine pour elle, beaucoup plus qu’il n’en avait pour Alison. Avec le temps, la culpabilité que Nate ressentait à l’égard de sa femme s’était atténuée. Pour ce qui est de Penny… C’était tous les jours plus étouffant encore. Il n’arrivait pas à la protéger de ça et il la laissait avec une mère qui était à juste titre atteinte par la situation. Bref, rien n’allait vraiment et pour le coup, il en avait presque oublié qu’il n’était pas seul. Il avait tout rangé méticuleusement et, Dieu merci, les bières étaient loin dans l’évier parce que Nate sentait qu’il aurait été incapable d’y résister cette fois. Et puis Matt avait parlé, le sortant de ses pensées en lui demandant de le rejoindre. Nate avait soupiré, hésitant. Il savait déjà que ses états d’âme ne lui avait pas échappé et il n’avait aucune envie de l’embêter avec ses petits problèmes. Matt avait insisté et Nate était venu quand même. Il s’était fait cajoler, rassurer, et il avait fermé les yeux pour mieux apprécier. « C’est moi qui devrais te câliner. » qu’il avait murmuré, la tête contre son épaule. Peu importe les épreuves qu’il vivait chez lui, ça valait le coup. Matt en valait le coup. En entendant sa question, il avait rouvert les yeux. « Rien. » Et c’était absolument ridicule d’essayer de lui cacher qu’il était préoccupé parce que Matt l’avait évidemment déjà vu. Il ne lui poserait pas la question autrement. Une nouvelle fois, Nate avait soupiré. « J’ai appelé chez moi sur le trajet du retour et c’est compliqué. Alison pense que je vois une autre femme et, Seigneur, une femme c’est déjà assez… Mais ça ira. Elle digérera. » qu’il avait dit plus pour se convaincre lui-même que par réelle conviction. Elle avait raison, il ne la touchait plus. Sans l’alcool, c’était devenu mission impossible et il n’était pas certain de réussir à la rassurer de ce côté-là. Quand on rajoutait ça ses absences et leurs engueulades régulières, il était difficile de voir autre chose qu’un mariage sur le déclin.

Je voyais bien qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Je le connaissais par coeur. Je pouvais lire sur son visage quand ça allait et quand ça n'allait pas. Je n'aimais pas le voir comme ça. Alors je l'avais serré dans mes bras avec plaisir. Même s'il se sentait mal moi ça me faisait un bien fou de l'avoir comme ça contre moi. J'en avais eu tellement besoin depuis qu'il était entré dans cette chambre d'hôpital. C'était trop cruel. Si on avait été un couple hétéro ça n'aurait posé problème à personne qu'on soit enlacé tous les deux comme ça à la vue de tout le monde.

Je l'écoutais parler, continuant de le caliner doucement. J'avais deviné. Il s'était passé quelque chose chez lui. C'était la seule chose que je voyais qu'il puisse le contrarier à ce point. Son mariage lui avait toujours pourri la vie. C'était à cause de ça qu'il avait commencé à sombrer dans l'alcool. Je voyais bien comment il était à chaque fois qu'il partait le week end. Il était mal de me laisser, mal de devoir retourner dans cette ambiance. Je savais qu'il ne restait que pour sa fille. Si elle n'avait pas été là, peut être qu'il aurait divorcé depuis longtemps et qu'on aurait pu être ensemble. Je préférais ne pas penser à tout ça en général, faire comme si il n'y avait pas tout ça qui nous bloquait.

- Pourquoi elle s'imagine ça? Elle croit que tu m'utilises comme excuse pour aller voir ta maitresse?

La vérité était plus simple. Il venait réellement me voir. C'était moi l'autre femme dans la vie de Nate. C'était moi qui rendait cette pauvre femme cocue.

Je le gardais contre moi, embrassant doucement son front. Cette situation n'était agréable pour personne et je ne savais pas comment faire pour nous sortir de là.

- Dans un sens elle n'a pas vraiment tord. Tu pars bien pour voir quelqu'un d'autre.

C'était juste que cet autre personne n'était pas une femme. Dans un sens, ce serait certainement pire pour elle de savoir ça.

Si ça continuait, c’était Nate qui allait finir par bouffer les médicaments de Matt. Ça lui ferait pas du mal de se vider la tête et de dormir un peu. Mais pour le moment, le réconfort de ses bras lui suffisait amplement. Des fois, il aimerait simplement ne jamais avoir à retourner chez lui. Rester ici, avec Matt, trouver une solution à deux pour vivre ensemble et être enfin un peu heureux. Penny pourrait venir pour les week-end… Mais c’était une illusion. Une beau rêve qui semblait inatteignable. C’était rare mais Nate se confiait sur la situation désastreuse de son mariage à Matt. C’était toujours délicat d’en parler, Nate n’avait aucune envie de le froisser mais ça faisait du bien aussi. Il était le seul à qui Nate pouvait parler sans craindre le jugement. C’était le seul à le connaitre vraiment. D’ailleurs, Nate ne se confiait à personne. Il écoutait beaucoup les autres et ne parlait jamais de lui. Dès qu’on s’intéressait rien qu’un tout petit peu à lui, il inversait la tendance en posant plein de questions et en déviant au passage la conversation de sa personne. Et ça marchait bien. Les gens l’appréciaient pour ces raisons-là. Les gens aimaient parler et Nate savait écouter. « Oui. Enfin… » Nate se remémorait très précisément les mots d’Alison. S’il rentrait pour choyer sa femme et passer des nuits d’amour extraordinaires avec elle, il n’en serait peut-être pas là. Nate la fuyait et ça ne lui avait pas échappé. « Y’a pas que ça. C’est compliqué. » Il avait haussé les épaules. Est-ce que c’était vraiment si compliqué ? L’ennui, c’est qu’il ne l’aimait pas et qu’il ne l’avait jamais aimé. Même s’il avait eu très envie de l’aimer, il en était parfaitement incapable. « C’est elle l’autre personne. » Nate avait toujours été catégorique à ce sujet-là : son premier et son seul amour, c’était Matt. Alison ressemblait beaucoup plus à une erreur de parcours qu’à une véritable histoire d’amour. Matt avait été là avant et s’ils avaient la possibilité de se voir plus souvent avant, Nate ne l’aurait probablement pas épousé. Et si Penny n’était pas là… Il aurait divorcé probablement dès la mort du père de Matt. « Comment tu te sens ? » qu’il avait enchainé, changeant totalement de sujet. Changer de sujet, détourner l’attention… La grande spécialité de Nate.

Je savais que dans l'esprit de Nate j'avais toujours été le seul à compter. Il ne voyait pas sa femme comme l'amour de sa vie. C'était moi. Et pour lui c'était moi qu'il trompait avec elle. Mais il était bien le seul de l'histoire à voir les choses ainsi. Pour sa femme, elle était la seule unique. Il l'avait épousé. Ils étaient mariés désormais, mari et femme. Toutes les autres fréquentations qu'il aurait pu avoir ne comptaient pas, c'était ELLE sa femme. Et je partageais son opinion. Aux yeux de tous c'était elle sa femme. Ils étaient un couple. Quant à moi... moi j'étais caché. Je vivais de l'ombre, honteux secret qu'il ne fallait surtout pas que quelqu'un découvre. J'étais l'autre... celui qu'il allait voir en cachette, l'amant.

Et le voilà qui changeait de sujet. Est ce qu'il employait souvent cette méthode? Avec moi je savais qu'il ne le faisait que quand il voulait éviter de parler des sujets tabous, la petite liste de sujet qu'on s'était fait et dont on évitait de parler lors de nos week end. Mais je m'interrogeais, le faisait il tout le temps? Est ce que j'étais le seul à qui il évitait de parler ainsi, préférant tout garder pour lui plutôt que de confier ce qu'il avait sur le coeur? Ca me faisait mal de penser ça. Je ne pouvais pas le laisser continuer, surtout pas alors qu'il avait tout planté pour venir me soutenir pendant ma convalescence.

- Et bien... ça serait terriblement fleur bleue si je disais que j'étais heureux que tu sois là et que je me sentais bien avec toi. Mais c'est un peu la vérité.

Je lui fis un sourire, caressant doucement sa joue. C'était lui d'ordinaire qui sortait ce genre de réplique, moi j'étais plus réservé dans mes paroles, ne confiant que rarement mes sentiments. Mais je voulais l'aider, le faire se sentir bien ici, en confiance, protégé...

- Tu sais même si c'est compliqué je pense être capable de le comprendre. Alors s'il te plait Nate parle moi. Dis moi ce qui ne va pas.