Ah si seulement il existait un manuel pour mieux gérer cette situation. Nate se sentait dépassé. C’était trop nouveau, trop troublant, et Matt pouvait être si… compliqué. Il avait fini par comprendre ce qu’il lui reprochait. Mais il n’avait absolument pas su trouver les mots pour le calmer. Dans sa tête, c’était un peu plus clair mais dans son discours, on ne voyait que la confusion. Est-ce que c’était une dispute ? Une scène de ménage ? Devaient-ils se considérer comme tels ? Tout un tas de nouvelles questions émergeaient dans l’esprit de Nate et tout ce qu’il savait avec certitude c’est qu’il avait envie que cette querelle s’arrête. Il voulait retrouver Matt comme avant, profiter de la chaleur de ses bras et de la tendresse de ses baisers lors des deux mois qui lui restaient. Rien d’autre ne comptait plus que ça. Alors il faisait des efforts pour ne pas se montrer trop atteint, pour ne pas se laisser gagner par la tristesse qu’il commençait à ressentir. « Je… » Nate essayait de parler mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Il était le spectateur impuissant d’un Matt qui se consumait sous ses yeux. Si seulement il n’avait pas rigolé… Bordel. C’était juste un réflexe gêné. Pourquoi est-ce qu’il le prenait aussi mal ? Est-ce qu’il perdait déjà pied dans ce qu’ils étaient en train de se fabriquer ici, à l’abri des regards, au milieu de nulle part ? « Je suis désolé. » Et il n’avait rien de plus vrai. S’il avait vraiment fait quelque chose qui puisse le blesser, ça n’avait jamais été dans son intention. Il se sentait évidemment mal de lui avoir fait cet effet. Matt aurait bien des cours de communication à prendre mais ça, il s’était gardé de le dire. « C’est pas ça… » Oh non, ce n’était pas ça. Mais quoi alors ? Et comment lui dire ? Nate s’était frotté le front, sa main était descendue ensuite sur ses yeux, comme s’il cherchait à se concentrer. Il devait faire attention à chaque mot qu’il allait dire maintenant, il n’était plus question de faire de mal à Matt. Il avait un mal de chien à s’exprimer correctement. Tout son être craignait de ne pas assez en dire et par dessus tout… d’en dire trop. « Je pensais pas que tu l’envisagerais sérieusement, je l’ai dit comme ça… Sans vraiment y réfléchir. » Il avait relevé les yeux sur Matt chez qui le bleu électrique de son regard trahissait sa rage. « J’aurais jamais cru que ça puisse t’intéresser de… Enfin je pensais que ça t’allait comme ça. Si j’avais su… Peut-être que j’aurais pris le temps d’étudier la question. » Etudier la question ? Et donc, s’imaginer à la place de Matt durant leurs ébats ? Nate avait un peu de mal, ça paraissait totalement abstrait. Et s’il n’en était juste pas capable ? Naturellement, ça ne s’était pas fait… Mais cela voulait-il forcément dire que ça ne devait pas se faire ? Les certitudes de Nate s’ébranlaient. « Ecoute, c’est nouveau pour tous les deux… On se cherche. C’est pas grave. Ça veut pas dire qu’on est foutu, je suis sûr que ça ira. » Et cette fois, Nate tentait un peu désespérément de se montrer rassurant. « Tu sais, je suis pas sûr non plus que tu sortes de ma tête un jour… Peut-être même jamais. » Et son coeur s’était serré, plus conscient que jamais de la souffrance que lui infligera leur future séparation.  

Je sentais la colère s'envoler petit à petit. On était deux idiots, moi peut être le plus grand de nous deux. J'étais ridicule. Je ne devrais même pas m'emporter parce qu'il avait ri. Et je devais apprendre à faire la différence entre ses rires francs et ses rires nerveux. Ca en avait été un sûrement. Il était peut être stressé à l'idée de passer de... de ce côté là de nos rapports. Je ne l'avais pas vu. J'étais certainement le plus gêné de nous deux à l'idée que ça se passe comme ça. Je commençais à peine à être à l'aise à l'idée de coucher avec lui alors de le faire dans ce sens là... mais ça ne voulait pas dire que ce serait un non définitif.

- Soit pas désolé.... je suis nul pour les relations humaines je te l'ai dit. Et je le prouve encore une fois.

Je soupirais, détournant le regard un instant. J'avais du mal à le regarder sans m'en vouloir une nouvelle fois.

- C'est nouveau et... je cherche encore à savoir comment je pourrais faire pour encaisser ce qu'il se passe. Je dis pas que je le ferais maintenant mais un jour peut être. Parce que si... si on doit profiter à fond de ce qu'on vit là pendant ces deux mois je veux... je veux essayer.

Nouveau soupir alors que je m'apprêtais à continuer de parler. Je risquais de le blesser en disant ça mais c'était ce que je ressentais et je ne pouvais pas aller contre ça.

- Mais j'ai peur... peur de rester.... rester comme ça, de ne pas être normal.

Je me rapprochais doucement, timidement presque. J'avais envie de l'embrasser, pour m'excuser, pour effacer un peu tout ce qui venait de se passer entre nous. Mais j'avais peur encore une fois, peur qu'il me rejette...

- Je suis désolé. D'être un rustre pas doué.

Je lui souris doucement, levant la main pour effleurer légèrement sa joue, espérant me faire pardonner un peu.

Sous l’oeil soulagé de Nate, Matt semblait se radoucir. Nate se sentait plus léger d’un coup. C’était moins une. L’espace de cet instant, Nate avait eu peur de le perdre. Il savait que ce serait inévitable… Mais pas maintenant. Pas tout de suite. Il n’y était pas prêt. Et son soulagement se concrétisa quand Matt reprit la parole pour lui dire qu’il était nul en relations humaines. C’était un doux euphémisme. Nate savait tellement mieux s’y prendre… Mais, étrangement, il n’arrivait absolument pas à lui en vouloir. Nate était déjà au dessus de ça. Il était prêt à passer à autre chose, ça n’avait jamais été quelqu’un de rancunier. Qualité qu’il ne partageait sûrement pas avec son collègue. Il n’en savait encore rien mais il l’imaginait plutôt très rancunier. « C’est rien. » qu’il avait dit du bout des lèvres, lesquelles avaient retrouvé leur sourire habituel. Nate marqua un temps d’arrêt quand Matt lui apprit qu’il tenait à essayer. C’était si surprenant. Une douce chaleur avait saisit ses entrailles. Flatté d’être sollicité de cette manière mais pas certain d’être à la hauteur pour autant, Nate ne s’était pas défait de son sourire. « D’accord… C’est noté. » qu’il avait articulé en retenant un autre rire nerveux, pas question de recommencer ce fiasco. Il avait passé sa main dans ses cheveux, seul signe de sa nervosité. Matt s’approchait. Doucement. Mais il s’approchait et Nate était plus que sensible à ce changement. « Tu n’as jamais été normal de toute façon. » Nate avait haussé les épaules. Pour le moment, il ne ressentait pas cette peur de l’après. Il lui suffisait de ne pas y penser pour en faire presque totalement abstraction. « Mais je crois bien que c’est ce que j’aime chez toi. » Et Nate s’était pincé les lèvres, un peu contrarié de s’être ainsi dévoilé. Sont arrivées ensuite les excuses plus qu’appréciées de Matt. Sa main sur sa joue acheva de faire oublier ce triste événement à Nate. Ce dernier avait franchit les quelques centimètres qui les séparaient pour venir retrouver les lèvres de son amant. C’était ce qu’il voulait, plus de dispute. Il profitait alors du baiser qu’il avait initié, savourant ce moment de quiétude après cette petite tempête. « Ça va je t’ai dit… » Et il était sincère Nate, il ne lui en tenait pas rigueur. Ceci dit, Nate n’avait jamais toléré autant de difficultés dans une relation. S’il ne s’agissait pas de Matt, si c’était une fille parmi une autre, Nate aurait déjà interrompu leur relation depuis belle lurette. Mais il était là, prêt à pardonner et supporter les ronchonneries de son amant. « Tu sais… Tu peux me faire confiance. » qu’il avait rajouté, pas certain que Matt ait un jour fait confiance à quelqu’un.  

Je hochais doucement la tête à ses paroles. Je savais que je pouvais lui faire confiance. Il était le genre de mec sur qui on pouvait compter. Le mec bien sous tout rapport qui était toujours gentil, toujours là pour les autres. C'était d'autant plus surprenant qu'il ait tourné comme ça. Les mecs bien ne faisaient pas ce genre de choses. Moi c'était plus logique. Je n'avais jamais été normal, il l'avait bien dit. Mon père le disait depuis que j'étais gamin. Je les avais tous largement mérité ces coups de ceinturon qu'il m'avait mis. Je n'étais pas normal mais lui il était beaucoup mieux que moi.

Je me laissais faire alors qu'il m'embrassait, savourant ce léger baiser. C'était toujours aussi, toujours aussi perturbant aussi mais je ne voulais pas que ça s'arrête. Alors je venais me coller contre lui, reprenant ses lèvres pour un nouveau baiser.

- Tu es beaucoup trop bien pour être vrai tu le sais ça?

Je lui souris doucement avant de prendre sa main pour l'entrainer vers la maison. Mon ventre commençait à crier famine après la journée qu'on avait passé. Je le laissais aller se mettre en cuisine. Je le laissais gérer ça. Comme tout le reste il gérait beaucoup trop bien. Je me contentais de mettre la table pendant ce temps, m'occupant de ranger un peu la maison, faire un petit peu de ménage pendant qu'il préparait le diner.

Je m'installais ensuite à table avec lui. Je profitais du repas, restant silencieux un moment. Je me rendais compte que maintenant je me devais de faire un minimum d'efforts. Je ne pouvais pas rester l'ours que j'étais habituellement, maintenant qu'on avait accepté de.... de faire plus.

- C'est ta mère qui t'a appris à cuisiner comme ça? C'est toujours bon. J'aimerais savoir cuisiner comme toi...

Oui bon je faisais des efforts. Je n'avais jamais dit que j'étais doué pour ça. Je n'étais pas doué pour grand chose à part de m'occuper des animaux.

Nate se demandait dans quelle mesure il pouvait faire confiance à Matt. N’était-il pas susceptible de tout envoyer balader à tout moment ? De s’énerver pour un mot voire même un regard de travers ? Le gentil cowboy savait qu’il marchait sur des oeufs. C’était déstabilisant. Mais ça valait le coup puisqu’il était récompensé par ses baisers. Il avait rigolé doucement quand Matt lui avait dit qu’il était trop bien. C’était insensé à ses yeux. Nate avait plutôt l’impression de n’être jamais assez bien. Il mettait toujours la barre plus haut, il aspirait sans cesse à être meilleur. Sa mère le poussait toujours à chercher à s’améliorer, comme si elle voulait un super héros et pas un simple fils. Des fois, c’était beaucoup de pression pour Nate mais, globalement, il a toujours rendu sa chère maman fière. « Tu dis ça parce que tu me connais pas assez… Pas encore. » Et en plus d’être bien sous tout rapport, Nate était humble. Ceci dit, il y avait une vérité dans ses propos : ils se connaissaient peu. Est-ce qu’ils auraient assez de deux mois pour mieux se connaitre ?
La journée avait repris son cours, comme s’il n’y avait jamais eu d’incident entre eux. Nate était parti en cuisine pour préparer le repas. Plus le temps passait, plus il aimait passer du temps à préparer à manger à son collègue. A sa façon, il prenait soin de lui. Matt s’occupait du reste. Le ménage, mettre la table… L’air de rien, ils commençaient à être bien rodés. Le sourire ultra blanc de Nate ne l’avait plus quitté. Il était heureux. Tout simplement heureux. C’est en sifflotant qu’il s’était mis à table, la tête libre de tous les questionnements que sa relation avec Matt était capable de lui infliger. Matt était assez silencieux mais d’une certaine façon, Nate s’y était habitué. C’est donc relativement surpris qu’il écouta sa question, arquant un sourcil amusé en sa direction. Il faisait donc des efforts. Pour s’intéresser à lui. « A vrai dire, je l’ai plus regardé faire qu’elle ne m’a appris… » Nate revoyait toutes ces fois où il avait observé sa mère cuisiner, languissant de se remplir la panse. Au fur et à mesure, il avait mémorisé un paquet de choses. « Je pourrais t’apprendre, c’est pas bien compliqué. » Nate profita du fait que Matt se sentait d’humeur causante pour demander : « Tu m’as dit que tu vivais avec ton père… Mais ta mère à toi, elle est partie ? » Et par partie, il entendait morte. Ce serait un bien funeste point commun qu’ils auraient si c’était le cas.  

Il avait beau prétendre le contraire, la cuisine ça me semblait quand même terriblement compliqué. J'avais regardé ma mère faire de nombreuses fois moi aussi mais je n'avais jamais réussi à reproduire ce qu'elle faisait pour autant. Il y avait toujours eu quelque chose d'incroyable dans le fait qu'elle parvienne à tirer quelque chose de délicieux de simples aliments. Ca restait pour moi un mystère que je n'avais jamais réussi à résoudre.

- Ouais... une saloperie de cancer y'a quelques années...

Il avait tout balayé en l'espace de quelques mois. On n'avait pas vraiment les moyens de la faire soigner correctement à l'hôpital et même si ça avait été le cas mon père n'aurait jamais voulu. Il était persuadé que Dieu ne lui aurait jamais envoyé d'épreuves qu'elle ne puisse supporter. Si elle avait été assez forte, si elle avait prié avec assez de sincérité elle ne serait pas morte selon lui. Alors il lui en voulait, de ne pas avoir su vaincre avec l'amour de Dieu cette saloperie. Et moi j'en voulais à son Dieu de m'avoir privé de la seule personne qui m'aimait sincèrement, qui avait toujours été là pour moi. Je ne l'avais dit à mon père qu'une fois, que je haïssais son Dieu de s'être montré si cruel avec nous. Je ne l'avais plus jamais refait.

- Et toi ton père? Il s'est passé quoi?

Puisqu'il était là pour protéger sa mère, je me doutais que son père à lui ne devait plus être là non plus. Il y avait deux options, soit il était mort, leur donnant un point commun plutôt déprimant, soit il s'était barré avec une autre abandonnant sa famille comme un parfait connard. Je penchais plutôt pour la première option. Je ne voyais pas comment un tel connard aurait pu réussir à élever un fils comme Nate. A moins qu'il soit parti quand il était gamin et qu'il n'ait été élevé que par sa mère. Il en était devenu le parfait fils aimant, le gendre idéal.

Je continuais de manger en attendant qu'il réponde, perdu dans mes pensées et dans les souvenirs douloureux. C'était pour ça aussi que je n'aimais pas parler en général aux autres. Ca remuait une merde dont je ne voulais plus.

Nate avait envie de mieux connaitre Matt, de percer le mystère. Il y avait bien des raisons qui le poussaient à être si solitaire et si au contact de Nate il se faisait de moins en moins farouche, Nate sentait bien que c’était quelqu’un de torturé. Etait-ce à cause de sa mère disparue trop tôt ? Nate écouta d’une oreille compatissante Matt qui lui apprenait qu’elle était morte d’un cancer. « Oh, je suis désolé. » qu’il prononça en cherchant son regard du sien. Il cherchait à y voir une émotion. De la peine, peut-être ? Et c’est ce qu’il crut y déceler alors il attrapa sa main pour la serrer dans la sienne. Il se voulait réconfortant. En grand sensible, il était touché par cette confidence. D’autant plus qu’ils partageaient effectivement ce point commun. Matt lui retourna la question, en lui demandant ce qui était arrivé à son père. Il l’avait à peine connu, ses souvenirs le concernant étaient flous. Avec son métier, il n’était pas très présent de toute façon. « Il était colonel. Ma mère me parle toujours de lui comme si c’était Superman. » A cette pensée, Nate avait sourit mais c’était loin d’être un sujet léger pour lui pour autant. Il avait grandit dans l’ombre de ce père dont on vantait la bravoure et le mérite, il ne s’était jamais senti à la hauteur de cet homme qu’il n’avait pas connu. « Moi j’en sais rien… Je m’en souviens à peine. Il est mort à la guerre quand j’étais tout gosse. » Comme tant d’autres hommes. La guerre provoquait tant de souffrances et ce sur des générations. En pensant à son père, Nate ne pouvait s’empêcher de penser qu’il ne supporterait pas ce que son fils était en train de fabriquer ici. Mais il n’était pas là… Il ne saurait jamais, il pouvait bien se retourner dans sa tombe. « Je suis seul avec ma mère depuis. » Nate haussa les épaules, ils avaient une vie bien rangée avec sa mère. C’était sans doute bien loin de ce que Matt vivait avec son père qui avait l’air… moins tendre. En tout cas du peu que Nate avait déjà appris. « T’as des frères et soeurs toi ? » Nate avait toujours regretté son statut de fils unique. Peut-être que s’ils avaient été plus nombreux, il n’aurait pas autant de pression sur les épaules. Il avait à lui tout seul le devoir de faire perdurer le nom de la famille et ça faisait beaucoup… C’était même énorme compte tenu de ses nouveaux penchants.  

Je ne m'étais pas vraiment trompé. Son père n'avait jamais été présent dans sa vie. Il avait été élevé par sa mère. Mais c'était encore plus dur que ce que je pensais. Elle l'avait élevé avec l'ombre du père parfait, héros de la nation, planant au dessus de lui. Il se devait d'être parfait, irréprochable, comme l'avait été son père absent. Il y était arrivé d'après moi. Je ne connaissais pas son père, mais je pensais qu'il avait même réussi à le dépasser. Lui au moins il avait été là pour sa mère. Il était là pour les autres. Il donnait de lui même sans jamais rien demander en retour, sans jamais se défaire de son sourire parfait. Et tout d'un coup me vint une envie, celle de prendre soin de lui pour une fois, pour changer de ce dont il devait avoir l'habitude.

- Trois grandes soeurs. Elles sont toutes parties avec leurs maris. Aucun d'eux n'a voulu reprendre la fermer. Aucun d'eux n'est fermier d'ailleurs. Ce sont tous des bureaucrates mais chacun dans leur domaine.

Autant dire que je ne m'entendais pas du tout avec mes beaux frères. J'étais trop étrange pour eux, beaucoup trop renfermé et sauvage. Eux ils avaient quasiment tous le sourire visé à la bouche, mais pas le sourire sincère de Nate, non eux ils avaient le sourire hypocrite du mec prêt à tout pour te vendre quelque chose. Ils ne m'aimaient pas et je ne les aimais pas, au moins on était quittes.

Je me levais à la fin du repas pour aller débarrasser la table. J'allais ensuite le rejoindre devant le feu que j'avais allumé, rejoignant notre petit lit à deux.

- Viens par là et enlève ta chemise... s'il te plait.

Je n'avais rien de sexuel en tête. Je voulais juste, lui faire un peu de bien. Je le laissais se déshabiller avant d'aller me mettre derrière lui. Je posais mes mains sur ses épaules et essayais de le masser du mieux possible pour détendre ses muscles contractés. Après une longue journée de travail c'était normal.

- Laisse moi deviner... t'es du genre à toujours être là pour tout le monde? Un vrai superman, beaucoup plus que ton père.

Nate adorait en apprendre plus sur son acolyte. Apprendre à le connaitre, c’était bien plus passionnant qu’il ne l’aurait pensé en le voyant pour la première fois. Nate mémorisait chaque information et chaque chose qu’il apprenait lui permettait de mieux comprendre qui il avait en face de lui. Et il apprenait donc ainsi que Matt était le petit dernier d’une fratrie composé de lui et de trois soeurs. Toutes plus âgées et toutes déjà parties du foyer. Un peu songeur, Nate s’était demandé s’il avait des neveux et nièces et si oui, comment il se comportait avec. Nate aimait bien les enfants. Il avait un contact assez facile avec eux et n’avait aucun mal à se mettre à leur niveau pour jouer ou rigoler. Etait-ce le cas de Matt ? Nate l’imaginait moins à l’aise que lui sur ce point et peut-être qu’il se trompait. « Alors c’est toi qui reprends la ferme ? T’as jamais eu envie de faire autre chose ? » Parce que Nate, lui, s’était imaginé faire tout un tas de choses. S’il pouvait effectuer n’importe quelle tâche sans sourciller, il s’était souvent imaginé un avenir moins… salissant. Et financièrement plus intéressant. Seulement ça paraissait totalement hors de portée pour le moment. Il n’avait de toute évidence pas les bagages nécessaires. Et comme s’il étaient déjà bien rodés, Matt avait débarrassé la table comme il le faisait d’habitude et Nate était parti s’installer près du feu. Mine de rien, ils avaient pris leurs marques. C’était une autre vie ici. Tout ça, ça allait lui manquer quand ce serait terminé. Mieux valait ne pas y penser pour le moment. Nate fut rapidement distrait par Matt qui lui demandait d’enlever sa chemise. Intrigué mais amusé, Nate s’était exécuté. Quand Matt avait posé ses mains sur les épaules de Nate, ce dernier avait frissonné. Il ne s’attendait pas à ça. A vrai dire, il n’attendait de personne qu’on soit prévoyant et attentionné avec lui. Il avait pris l’habitude de donner… sans rien recevoir en retour, ou presque. Pour le coup, il devait bien avouer que c’était agréable. Il avait fermé les yeux pour mieux apprécier la pression des doigts de Matt sur son dos, un peu plus et il se mettait à ronronner. « Rien n’arrive à la cheville d’un homme qui s’est battu pour son pays… Surtout s’il est mort, crois-moi. » Nate avait l’impression qu’il aurait beau faire ce qu’il veut, il ne changerait jamais ce fait. Il étira sa nuque sur la gauche, comme pour inviter Matt à venir passer ses mains à cet endroit. « Mais… C’est gentil, merci. Personne ne m’a jamais rien dit d’aussi gentil. » Et personne ne s’était jamais occupé de lui, à vrai dire. Nate n’avait pas le souvenir d’avoir déjà été massé.  

Je haussais vaguement les épaules en l'entendant parler. Je continuais de le masser, concentré sur ce que je faisais. Je n'avais jamais massé personne et je ne voulais pas mal m'y prendre. Je voulais lui faire du bien et ne pas le faire souffrir davantage.

- Pour moi rien ne vaut un homme qui est là pour ceux qu'il aime.

Mon père avait toujours fait passer son dieu avant tout le monde, même avant ma mère. Il n'avait eu que lui à la bouche et c'était encore pareil aujourd'hui. Il ne cessait de m'en parler à longueur de journée. Je n'étais pas un homme dont il pouvait être fier. Je n'étais pas un homme comme Dieu les avait créé. Et je ne pouvais pas vraiment lui donner tord quand je voyais ce qui était entrain de se passer entre nous.

Mais sa mère... elle avait de toute évidence idéalisé l'homme qu'elle avait épousé. Il avait du partir assez vite à la guerre, pendant que leur couple en était encore à leur période lune de miel. Il était mort, figeant dans le temps le souvenir d'un homme parfait qui s'était sacrifié pour les autres. Dans le fond on vivait un peu la même chose, on avait tous les deux l'impression de ne jamais être à la hauteur de ce qu'attendaient nos parents de nous. Pourtant j'étais certain que si quelqu'un l'était, ce devait être Nate.

Je laissais mes mains descendre un peu plus bas au bout d'un moment. Je venais me coller contre son dos. Je me penchais en avant, me laissant guider par mon envie, par ses pulsions que je ressentais et que je n'avais pas envie de freiner. J'allais embrasser doucement son cou. J'avais passé mes mains sur son torse, le serrant contre moi alors que mes lèvres s'affairaient sur sa peau.

J'avais encore envie de lui. Je n'arrivais pas à me le sortir de la tête...