Univers fétiche : Dystopique, fantastique, mythologie, etc.
Préférence de jeu : Les deux
Asma
Dim 26 Fév - 16:16
Le contexte du RP
Mise en situation
La situation
Julia et Zee'. Deux personnes dont les chemins n'auraient jamais dû se croiser, se sont percutées, l'espace d'un drôle d'instant, avant de se séparer de nouveau. Après mis à jour un complot susceptible de mener l'humanité. Après avoir cru pouvoir y faire face. Mais la farce a vite pris fin face à la puissance des corporations. En est-ce vraiment fini pour autant ?
Univers fétiche : Dystopique, fantastique, mythologie, etc.
Préférence de jeu : Les deux
Asma
Dim 26 Fév - 16:21
Julia Anderson
J'ai 36 ans - mais l'apparence de 10 ans de moins - et je vis à Anchorage, Ex-Alaska, maintenant zone administrée par ANDRA-Corp. Dans la vie, j'étaispolicière, pilote de drone d'une unité tactique mais je suis désormais au chômage, même si je ne souffre d'aucun problème financier. Héritière désignée de la moitié du conglomérat ANDRA Corp, je suis rentrée à Anchorage après avoir abandonné mon ancienne vie à Anadyr. En savoir plus.
L’abîme t’attire. Il t’aspire. Il happe toutes tes pensées. Toute ta lucidité est engloutie dans ses tréfonds. Tu pousses un hurlement. Primaire. Primordial. De rage. De dépit. De t’être fait si sottement piéger. Ton cri se réverbère contre les parois de béton glacé que tu sens au bout de tes doigts. Les ténèbres finissent par en étouffer l’écho. Comment as-tu pu être aussi bête ? Tu frappes du poing contre le mur. La seule chose que tu en retires est une douleur qui pulse le long du bord de ta main. Tu n’es parvenue qu’à t’écorcher, bien inutilement. Un nouveau hurlement purgatif quitte tes lèvres et vide tes poumons. Est-ce vraiment ainsi que se termine ta vie ? Seule et à mille lieux de tout ? Les ténèbres se referment autour de toi.
*****
Anchorage Avril 2090
Intenses, parfois dissonantes, cathartiques, les notes envahissent l’espace, comblent chaque centimètre carré de la pièce, font vibrer les murs au rythme de leurs envolées et de leurs explosions. Elles rebondissent pour mieux la traverser et l’envahir, saturent ses tympans et son cortex. Les lieux tremblent d’une violence d’émotions qu’elle ne parvient plus à ressentir par elle-même.
Sa tête est vide. Son cœur aussi. La terre tourne. Elle ne se meut pas. Elle ne s’émeut pas. Son absence emplit l’espace d’une force immanente. Le vide comble tous les interstices et sature ses sens de son néant. La force invisible qui occupait chaque centimètre carré de la demeure familiale semble s’être dissipée. Elle offre sa main à la flamme, qui lèche la chair nue de sa paume. Elle entend le crépitement sous ses doigts. Une odeur de chair brûlée envahit l’air. L’espace d’un moment, elle ne réalise pas que cette odeur est la sienne. Elle cherche désespérément au fond d’elle-même une sensation, une émotion. Elle voudrait ressentir quelque chose. N’importe quoi.
- Qu’est-ce que tu fais ? S’exclame une voix masculine.
Elle ne détourne pas le regard de la flamme lancinante. La pièce est plongée dans la pénombre, et éclaire son visage d’une inquiétante aura rougeoyante. Il lui saisit brusquement la main et la retire. La peau a cloqué et s’est fendue, suintant de la lymphe et du sang par endroits. Combien de temps a-t-elle passé dans cette position ? L’homme l’accompagne jusqu’à un évier et tend sa main sous un filet d’eau fraîche. Ses sourcils sont froncés. Son regard est manifestement désapprobateur, mais il s’abstient de prendre la parole. Elle hausse les épaules. De toute façon, d’ici quelques minutes, voire quelques heures, il n’y paraîtra plus. Comme neuf. Sera-t-elle ainsi dans la tombe, elle ? Fraîche comme une fleur du matin ? Les nanorobots cessent-ils leur travail de reconstruction une fois leur hôte décédé ? Dans quelle mesure sont-ils capables de préserver des cellules qui ne sont plus alimentées par ailleurs ? Les larmes commencent à dévaler silencieusement ses joues.
Ses jambes finissent par céder sous le poids de la douleur qui l’atteint enfin, la saisit par la nuque et la plaque au sol, de toute sa puissance. Violente. Rugissante. Il ne s’agit pourtant pas de tristesse. Sa mère n’a jamais été un parangon d’affection. Plutôt tout le contraire. Elle ne pleure pas tant la perte de ce qu’elle n’aura jamais partagé avec sa mère que les secrets qu’elle emporte avec elle dans la tombe. Frustration. Colère. Du vide qu’une personne pourtant si peu présente dans sa vie est parvenue à laisser derrière elle. Les non-dits et les secrets. Comment deux personnes rencontrées aux hasards des confins de la Frange connaissaient la femme qui a vécu toutes ces années comme un fantôme dans ces murs.
Depuis quelques mois, la vie de Julia était devenue un abîme de désœuvrement. Depuis le décès de sa mère, très exactement. Ses funérailles avaient été « l’évènement » du mois, avant de disparaître dans le bruit de fond de la vie mondaine des bonnes gens d’Anchorage. Un cocktail, un vernissage, un enterrement, une exposition, une soirée caritative. Rien ne changeait dans cet univers.
Anchorage était à Anadyr ce qu’un majestueux sequoia était à une brindille desséchée. Elle était la vitrine à l’arrière-boutique crasseuse. Immense cité verticale à la pointe de la technologie. Lovée au fond du golfe de Cook, la ville s’était alanguie de part et d’autre du Knik. Les plus riches parmi les riches avaient colonisé et privatisé Fire Island, pour en faire une « destination d’exception », un « havre de paix écoresponsable ». Tous les grands noms du conglomérat résidaient sur l’île. Au rang des plus belles demeures se trouvait la résidence familiale des Anderson. Demeure imposante s’il en était. Tout aussi élégante qu’oppressante. Surtout depuis que son père errait, seul, entre ses murs. Pour cette raison, Julia avait préféré s’installer dans le penthouse en centre-ville.
Qu’était-elle parvenue à accomplir, depuis son retour ? Rien. En quittant sa vie à Anadyr, elle avait perdu la seule chose qui donnait encore du sens à son existence. Son travail. Il ne lui avait néanmoins pas été possible de retourner au district. Son identité avait fini par être compromise. La presse s’était régalée du récit de la petite princesse de l’empire Andra qui avait cru pouvoir jouer à la policière et s’était faite kidnappée par des terroristes qui souhaitaient faire chanter papa et maman corpo. Elle se demandait encore à qui elle devait un tel récit, si loin de la vérité de ce qui lui était arrivé. De retour à Anadyr, Bergman n’avait eu d’autre choix, bien qu’à contrecœur, de la congédier. Son identité était devenue un fardeau pour le service, qu’il n’avait pas la carrure d’encaisser. Il y avait eu quelque chose de cocasse d’entendre ces propos de la bouche de l’ours monumental qu’était son chef d’unité. « Appelle-ça un congé sabbatique », avait-il alors conclu, manifestement navré. Julia s’était contentée de hausser les épaules et, son sac à l’épaule, elle avait quitté le Central de la division 6890 sans se retourner.
Elle avait retrouvé sa place « parmi les siens », comme l’avait titré la presse locale, dont elle avait été l’attraction pendant quelques temps à son « retour ». Pas tout à fait. La jeune femme vivait globalement recluse, à l’écart de la bonne société. Grigoriy lui rendait régulièrement visite. Il n’avait pas été du voyage qui l’avait ramenée à Anadyr, mais elle l’avait retrouvé à l’occasion des funérailles de sa mère, à Anchorage. Elle pouvait l’écouter parler pendant des heures. Sa voix avait quelque chose d’hypnotique et de magnétisant.
- Rien n’arrive par hasard. L’univers a un plan pour toi, Ioulotchka. Ce monde est pourri à la moelle. Même les guerres n’ont eu raison de la vermine. Ta place n’était pas celle du simple pion que tu étais, là-bas. Tu n’as pas non plus cédé aux sirènes de ce monde de luxure de plus en plus déconnecté des réalités. Cette ville, qui se veut le fer de lance de ce que les corporations ont à offrir, est le symbole même de notre décadence. Toi. Moi. Nous sommes au-dessus de tout ça. Au-dessus de la fange. Au-dessus même des corporations et de leurs guerres intestines. Au-dessus de ceux qui n’ont pas compris que l’enjeu n’est pas économique ou financier. Nous sommes là pour accomplir une mission qui nous transcende. Ce monde peut devenir véritablement meilleur. Nous pouvons le faire devenir meilleur. Nous devons le faire devenir meilleur.
Ivan aussi venait, parfois. Elle l’avait accueilli, d’abord froidement, puis plus civilement. Elle en avait gardé l’image de ce golden boy au perpétuel sourire artificiel qui le lui rendait insupportable. Il lui semblait changé. Plus sérieux. Plus posé. Plus grave, peut-être. Peut-être s’était-elle trompée sur son compte, finalement. Tous ses repères avaient été chamboulés. Il était peut-être temps de s’offrir une opportunité de tout réexaminer sous un jour nouveau. Un matin, la porte s’était ouverte sur une étrange vision. Celle du grand brun au regard d’onyx en compagnie de celui qu’elle pensait ne plus revoir.
- Kodiak !
Malgré son grand âge, le vieux husky battit frénétiquement de la queue, comme un jeune chiot. Convaincue de retourner à Anadyr peu après l’enterrement, malgré le fait qu’elle n’y ait plus de travail, la jeune femme avait confié son plus vieil ami au concierge de son immeuble. Elle n’avait plus eu le courage de retourner le chercher et l’avait lâchement laissé là-bas, préférant souffrir de son absence que de réaffronter la cité qu’elle avait quittée. Une telle lâcheté était indigne d’elle. Alors elle s’abstenait d’y penser.
- Je me suis dit que tu apprécierais la compagnie.
Elle savait l’animal désormais incapable de se redresser pour poser ses pattes sur ses épaules. Il souffrait d’une arthrose qu’il tolérait sans peine grâce aux traitements dont il bénéficiait, mais qui ne rétrocédait pas et le rendait progressivement de moins en moins mobile. Elle se laissa tomber à ses côtés et enfouit son visage dans la fourrure de son cou en le serrant fort contre elle. Le chien la gratifia de quelques léchouilles avant de disparaître dans l’appartement, museau en l’air, en quête de quelque nourriture ou recoin confortable ou s’installer.
Ainsi Ivan trouva-t-il grâce à ses yeux, en ramenant auprès de Julia l’être qui lui était le plus cher. Une drôle de routine s’installa alors, comme pour meubler la vacuité de son existence. Les sermons et les homélies de Grigoriy, la présence silencieuse et de plus en plus régulière d’Ivan. Subrepticement, graduellement, les deux Razamanov, l’oncle et le neveu, s’installèrent dans sa vie, dans ses jours et dans ses nuits. Visionnaires, tous deux. L’un, parce qu’il lui dépeignait un autre monde pour eux. Un monde à venir. Un monde meilleur. L’autre, parce qu’il lui avait prédit qu’ils ne se quitteraient que pour mieux se retrouver.
Avec un léger sourire indéchiffrable, elle considéra la silhouette endormie à ses côtés, dont les mèches d’ébène retombaient sur son visage. Elle se glissa du plus silencieusement qu’elle put hors du lit et se dirigea vers la cuisine. Accoudée au plan de travail de marbre blanc, elle traça un arc de cercle sur son bras gauche et écarta son pouce et son index. Un halo lumineux emplit l’espace entre ses doigts. Un visage familier parût enfin sur l’écran.
Vêtue en tout et pour tout d’un long sweat informe, sur lequel dégoulinaient ses longs cheveux d’albâtre, fraîchement lavés et encore détrempés, Julia se dirigea vers la porte, serviette à la main. Kodiak leva à peine un regard curieux vers sa maîtresse. Ivan était parti tôt ce matin et Grigoriy était reparti pour l’Est, quelques jours auparavant. Il lui avait annoncé qu’il serait de retour pour la fin du mois. Sur le pas de la porte, visiblement mal à l’aise, piétinait Alexei. Julia le dévisagea froidement. Son cou sembla s’enfoncer dans le col de son épais pull. Lèvres pincées, il plissa des yeux en regardant derrière elle. Elle savait ce qu’il avait vu. Sur l’un de ses dossiers de chaise trônait une veste d’homme. Les yeux de son ancien camarade ne manquaient jamais rien. Il n’en dit pourtant rien. Il appuya sur quelques boutons et un transpalette, chargé d’une caisse en bois d’un autre âge, lévita tranquillement à l’intérieur de l’appartement. Julia s’écarta de l’encadrure de la porte pour lui céder le passage. L’appareil fut suivi maladroitement de son pilote, qui hésita un instant avant de passer le seuil. La jeune femme s’approcha et passa un bras autour du cou de son camarade. Elle l’attira à elle et le serra brièvement mais fermement avant de relâcher son étreinte.
- Je suis désolé, Jul’. - Histoire ancienne, marmonna la jeune femme pour toute réponse.
Elle ne souhaitait pas voir Alexei s’épancher sur tout ce qui s’était passé. Il lui avait menti. S’il voulait se faire pardonner, elle n’attendait pas de lui des mots mais des gestes.
- Tu as de la compagnie ? - Pas tes oignons, rétorqua-t-elle plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu. Pas pour l’instant, corrigea-t-elle plus affablement. Tu as ce que je t’ai demandé ?
Le garçon lui tendit un écran d’un autre âge. Une véritable antiquité. Il souleva le couvercle de la caisse en bois. Un nuage de poussière s’en éleva, aussitôt aspiré par le système de circulation et de renouvellement d’air de l’appartement. Dedans se trouvaient des drones de génération gamma. Des années qu’elle n’en avait pas vu des comme ça. Depuis « l’école », pour Julia. Pourtant, elle en aurait pleuré. Ils étaient certes vieux, d’un autre âge, mais ils étaient d’une robustesse et d’une efficacité redoutables. Avec un regard ému, elle enfila le gant et pianota quelques instants sur son bracelet. Les drones s’élevèrent dans le plus léger des bruissements d’ailes, comme une volée de papillons. Elle enfila le casque. Il était plus lourd que sur les modèles plus récents. Ce n’était pas le modèle de la police, il ne disposait pas du même panel de caméras embarquées. Mais il s’agissait de la version militaire, qui compensait par d’autres équipements. Elle l’en savait capable, c’était certain, mais comment Alexei avait réussi à mettre la main sur cette tech restait un mystère. Elle préférait ne pas savoir. Il valait mieux ne pas trop poser de questions.
L’appartement disparut autour d’elle. Alexei. Ivan. Le vide de son existence. Les bruits de la ville. Plus rien. Plus rien que Julia et ses drones. L’extension d’elle-même, au bout de ses doigts et de ses yeux, dans laquelle elle avait l’impression de projeter une partie de son énergie vitale. Elle doutât que personne ne comprenne ce qu’elle ressentait à ce moment-là. Les interactions humaines au placard. La complexité des sentiments humains à la trappe. Son cœur, enfermé dans un tiroir à double-tour. Rien que de la rationalité pure. Sa conscience, projetée dans ces bijoux parfaits de technologie, aussi ancestraux fussent-ils.
Julia souleva la visière et leva les yeux vers Alexei., ses yeux pétillant d’une lueur vive et d’un bonheur à la fois viscéral et infantile. Quoi qu’il se passe à partir de cet instant, elle était heureuse. Elle était de nouveau dans son élément, le vrai. La voix de son ancien collègue la ramena à la réalité.
- Qu’est-ce que tu comptes faire de…
Julia se contenta de faire non de la tête. Elle ne comptait pas répondre à la question. Elle n’était pas encore prête à franchir ce pas. A la place, la jeune femme répondit :
- Alex, j’ai encore un service à te demander. - Tout ce que tu voudras. - J’ai besoin que tu retrouves quelqu’un pour moi.
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Mar 7 Mar - 13:29
Kaësha
J'ai 29 ans et je vis en nomade... Dans la vie, je suis mutante, pirate de l'air. Ou plutôt Dhäji, fille du vent. Autrefois j'étais Zee', fille du dédale d'Anadyr issue des plus basses castes au sein des société corporatistes toutes puissantes. Mon père, un Koriak fut le fondateur des pyros, un groupe rebelle et armé luttant contre les Méga-corporations. Ma mère, russe était guerisseuse, mais une vie de souffrance l'a laissée aux prises avec les cyber drogue où elle à perdu toute volonté et toute parcelles d'humanité. J'ai subit une cérémonie puissante au sein des tribus du vent et j'y ai acquis dans le processus de transformation qui en résulte un corps torturé mais aux réflexes foudroyants et aux sens affûtés. Ainsi que mes yeux dorés de félins... Phosphorescents. Mes yeux de lune, ou Moon-Eyes convoité par tant de chasseurs de mutants...
Une ombre s'approche. Métallique. Elle vibre d'une energie sombre et pleine d'une violence contenue. Et soudain elle fond sur elle, et lui transperce le coeur...
Kaësha se redresse en sursaut. La dague à la main, elle scrute les environs de tous ses sens, si affûtés désormais. Haletante et le corps en sueur malgré le froid glacial, elle laisse s'effilocher les dernières sensations du cauchemar derrière elle. Toujours le même. Récurent depuis sa rencontre avec son frère, Darkhô. Ou plutôt Kyo Jîn, son nom Jaréen... désormais. Elle le pensait mort. Transformé en cyborg vidé de sa personalité par les terribles Légions Mercenaires Jaréennes. Le souvenir en appelle un autre, plus ancien encore quoi qu'il ne doit pas daté de plus d'un an. Suite a sa fuite d'Anadyr. Est ce bien elle d'ailleurs ? Elle a vécu tant de choses, elle est passé par tant de stade emmotionnels durant le laps de temps qui l'a vu s'enfuir du continent eurasiatique jusqu'à maintenant, où elle y repose le pieds pour la première fois depuis presque un an. Elle ne sais même plus si Zee', la rebelle squatteuse d'Anadyr ou Ziarka de son nom de naissance, fille d'un guerrier Koriak et d'une guerisseuse Russe existe encore vraiment. Humaine elle était. En partie. Humaine elle se sent toujours, pourtant. Les mutations, amorcées dés l'enfance par une vie passée dans un environnement ravagé par les guerres bactériologiques et nucléaire, sont le lot de nombreux humains sur cette planète, aujourd'hui. La plupart du temps elles sont aléatoires et handicapent lourdement le "mutant". Dans tous les cas elles sont mal vues et regardées avec au mieux de la suspicion, au pire avec la plus effroyable des répulsions voire une haine atroce. Beaucoup les corrigent par l'utilisation de prothèses cybernétiques, ou autres ajouts technologiques permettant de compenser les effets débilisant des mutations. Les cyber-augmentés sont ils pour autant plus humains que les mutants ? Certains cyborgs ont pourtant un pourcentage devenu ridicule de cellules organiques en proportion des cyber-cellules. Le fait est qu'ils sont mieux intégrés à la société, tant citadine que "Hors-villes". Et hors des villes justement, les experts en cybernétiques sont une denrée rare, voir considérée comme de puissant et dangereux sorciers. Et les gens doivent supporter de vivre avec leurs douleurs et malformations. Certaines mutations sont presque indécelables. D'autres ont des conséquences visibles, d'une manière ou d'une autre. Beaucoup en meurt. D'autre survivent avec, jour après jours. Certains y perdent réellement toute humanité et partent rejoindre la nouvelle faune étranges qui peuples désormais les zones retournées à l'état sauvage. Une minorité choisissent d'assumer pleinement leurs mutations et se sont erigés en peuple indépendant, hors des lois humaines. Tous cependant sont traités comme une infection. Des abérations à nettoyer. Les autres humains les chassent à vue, comme du gibier de choix. Le prix des yeux de mutants varie d'un endroit à l'autre, mais globalement son court est plus élevé que celui du cuivre, presque autant que le cours de l'argent. Alors les "Dhäjis" ainsi qu'ils se nomment eux même, ou "La Mort Fille du Ciel", devinrent les terribles prédateurs aériens qu'ils sont aujourd'hui du point de vue de toutes les compagnies de transports aérienne. Tombant tels des éclairs de fureur, en orages court mais meurtriers sur les stations isolées, les barges de transport transcontinentales et autres cibles aux soutes pleines de marchandises. Puis disparaissant dans les nuages, toujours environnés de brumes. Au fil des décenies leurs bandes féroces de pirates celestes ont développé une culture réelle et riche, association étonnante d'animisme ancien et d'esprit libertaire des pirates du 18eme siècle. Ils sont connus sous bien des appellations mais on en parle souvent comme des "tribus du vent" ou encore plus péjorativement comme les "Moon-eyes", en références à leurs pupille rétractiles et leurs iris bleues, ambrées ou violettes, mais toujours brillants d'un éclat vif comme la lune. Ses "Moon-Eyes" qui possèdent une telle valeurs pécunière. Une de leur cérémonie, la plus importante, consiste en l'absorption du Bëo'Ji un pollen mutant se récoltant seulement à très haute altitudes, issu de lichens ne se développant que dans les nuages. C'est au court de cette cérémonie que Zee' a disparu pour laisser Kaësha renaître de ses cendres. Neuf jours plongée dans une transe-coma profonde, neuf jours où son corps disparu, pris dans un cocon étrange, rendu à l'état de bouillie universelle pour se refondre, se reformer, se réincarner en ce qu'elle est maintenant : Kaësha, une Dhäji... fille des tribus du vents. Et ce fut une véritable révélation pour la jeune femme. Comme si toute sa vie n'avait eu pour seul but que d'en arriver à cette transformation, cette métamorphose en sa véritable nature. Une deuxième naissance.
Pourtant rien ne l'y avait préparée. Elle se remémore ce jour terrible sur l'île de Kiska. Une petite ville franche, membre de la Confédération Libre et donc théoriquement hors de contrôle de l'ANDRA. Il neigeait. Plus d'un mètre par jour. Dehors le blizzard faisait rage mais nous étions tous à l'abri dans un bouge puant de la basse ville. Réunion pyros, avec des invités pour le moins atypiques. Trois membres éminents des tribus des vents. Première rencontre. Le temps d'un orage... Comment savoir ? Comment les Jaréens avaient ils pu être avertis de la tenue de ce rassemblement ? L'ANDRA avait vendu la mèche ? Un sale micro-corporatiste crasseux de la Confédération ? Ou encore un traître parmi les pyros ? Ou les propres services de renseignement des Légions ? Toujours est il que leurs cyborgs surarmés et dénués de volonté propre avaient surgis de partout avant même que l'assemblée puisse commencer, commandés par des guerriers augmentés d'implants et aux réactions fulgurantes. Le combat avait été bref mais féroce. Pris par surprise et sous armés, les Pyros et les Dhäjis furent presque tous massacrés ou faits prisonniers. Dharkô, le frère de Kaësha a fait parti des captifs tandis qu'elle fut emmenée de force par un vieil homme au visage couturé de cicatrices et au regards intense, bleu luminescent... Kheïshan, un pirate respecté des tribus des vents.
Elle avait vécu près d'un moi prostrée, au sein d'un équipage de navire volant écumant les cieux de tout le pacifique. Mais le jour où elle décida d'en terminer une bonne fois pour toute en sautant par dessus bord, Eekyä, la compagne et amie du vieux Kheïshan la rattrapa fermement par son poignet métalique, et la gifla. La fille plongea ses yeux larmoyant dans ceux terribles de la femme pirate, aux pupilles fendues. Ce fut comme un choc. Zee', ainsi qu'on l'appellait encore, fut mise de force à l'entrainement : manoeuvre des voiles et du navire, entretient des pièces et équipements, combat rapproché, art du bluff et de l'illusion,... tout ce qu'un ou une pirate doit savoir pour survivre en l'air. Mais aussi les rites accompagnant le quotidien des Dhäjis. Peu à peu, la culture rude mais sereine des tribus du vent s'impregna en elle. Ces gens, bien que mutants à un degré qu'elle n'avait jusqu'ici jamais rencontré, faisait preuve d'une humanité intense dans les moindres instants de leurs vies souvent courtes. Leurs rapports étaient libres d'entraves. Ils ne se réunissaient que par affinités et refusaient toute hiérarchie. Chaque équipage, voir chaque tribus (car il en existait ne vivant pas en l'air, mais sur terre, dans les zones des plus hautes montagnes, aux creux de vallées encaissées, ou encore très au nord, dans les terres sauvages et inaccéssibles à la plupart des humains), vivait selon ses propres us et coutumes mais deux choses les unissait au sein d'une même culture : un respect profond pour chaque chose, vivante ou non. Et un allergie féroce à toute autorité. Ainsi après plusieurs mois de vie au sein de leurs tribus, Zee' solicita l'honneur suprême de passer la cérémonie d'aspiration aux voies du Dhäji. Assumer ses mutations infimes. Revenir à la chaire et canaliser ces forces de mutation en une nouvelle volonté de vivre. Kaësha se souvient... Cette période fut comme un rêve brumeux, intense mais curieusement abstrait en même temps. Comme si son esprit s'était détaché de son corps, le temps d'en refondre un nouveau. Plus vif. Plus réactif et avide de vivre. Un corps de mutant. Un corps Dhäji...
Kaësha observe ses mains, ses ongles devenus griffes et sa peau gris-brune et pleine de cicatrices. Eh ! Pourtant on y distingue les mêmes pores et poils que sur celle d'un humain. Elle suit du regard son avant bras gauche, son bras, son épaule. Tout de chaire. Son horrible moignon, recouvert d'un bras cybernétique de mauvaise qualité a laissé place à un membre fort et agile. Ses oreilles se sont couverte de poils et allongées un peu. Elles sont mobiles, comme celles d'un lynx ou d'un loup. Ses yeux ambrés, jaunes luisants, se rétractent sous l'effet des premiers rayons de soleil qui pointent à l'horizon. Ce sont eux, la cause de ses plus grandes soucis au sein des communauté "humaine". Cacher son corps et ses mains, même ses oreilles, dans d'amples vêtements n'est pas si difficile. En revanche, impossible d'atténuer l'éclat phosphoresent de ses iris dorées. Ni d'empêcher ses pupilles de se rétracter à la manière de celles d'un félin, quand la lumière est intense.
Oh oui, sa vie a pris une tournure totalement imprévue. Et pourtant toutes les questions restent. Qui est elle ? De sa vie passée ne restait que ce cristal-mémoire banal. Ce petit bout de quartz, suspendu telle une amulette à une cordelette de cuir, à son coup. Une véritable encyclopédie consignée par son petit frère adoptif au fil de ses périples, un fils du vent lui aussi. Koï. Le petit sauvage. De temps en temps elle lit ou consulte un extrait des donnés enfermées dans le petit cristal. Sur tel ou tel peuple, tel animal mutant ou autres plante locale. Elle y avait appris quantité de choses et notament que le monde était bien plus vaste qu'elle se l'était toujours imaginé.
Les passages sur la genèse des pyros l'avait plongée dans de sombres tourments. Qui était véritablement son père, le Grand Khan des Pyros ? Lui aussi avait été l'ami des Dhäjis, bien que jamais il ne connu l'honneur de la cérémonie du Bëo'Ji. Qui était elle donc, elle même ?
Peu à peu la curiosité l'avait reprise et lors des raids menés avec ceux qui étaient désormais ses frères et soeurs, elle avait commencé à retracer les grandes lignes de ce qu'elle savait sur son père. Et sur ses ennemis. Au fur et à mesure de son enquête, elle appris que d'importantes données classées secrètes étaient entreposées au sein d'une banque de données située sur une île du pacifique, proche des terres Jaréennes.
Le combriolage s'était très bien passé. Elle était sur le point de terminer le transfert quand elle tomba sur un autre voleur d'informations, plongé dans ses propres recherches... Un Jaréen. Soldat d'élite, plus cyborg qu'humain. Au court d'un bref combat, Kaësha pris le dessus et s'apprêta à abattre son adversaire en hurlant sa haine de la Légion et son amour pour son frère. Et c'est alors que l'autre s'était figé, la fixant de son visage lisse et sans expression. "Zee ?" Sous le choc, Kaësha s'était d'abord révulsée. Bondissant en arrière, elle feula comme un tigre effrayé. "Zee', c'est toi ?" "D... Dharkô ?"
Le cyborg s'était alors repris. D'une roulade il se redressa, analysant tout ce qui l'entourait mais l'air un peu hagard.
"Tu es une Moon-Eye !" "Et toi un... un putain de Jaréen !" "Je..." "J'te croyais mort ! Je pensais qu'ils t'avaient sucer le cerveau, qu'ils t'avaient transformé en robot soldat, en..." "Zee' écoutes, ils m'ont transformé oui, mais ils m'ont également ouvert les yeux : ils sont les seuls capables de s'opposer aux méga-corporations. Les seuls à pouvoirs mettre un terme à leurs sombres projets, crois moi !" "Tu es... avec eux ?!" "Bien sûr ! Tu sais, ce qu'on raconte sur les Légions est en grande partie de la pure propagande Corpo. C'est un peuple raffiné et... ils ont un grand projet. Tu dois..." "Tais toi !"
La jeune mutante fixe son frère, les yeux de plus en plus humides.
"Qu'est ce que tu fous là ? Je t'ai cru disparu à jamais et tu réapparaît là, ici, occupé à fouiller la DataBank comme un vulgaire combrioleur..." "Hum. Je pourrais en dire autant de toi, tu sais." "Je cherche à savoir où ils retiennent Papa. Ou ce qu'ils ont fait de lui. Je retourne dans le nord. Dharkô, tu..." "Je suis Kyo Jîn, désormais. Cyberion de grade Alpha. La Légion est ma famille. Notre... père nous a abandonné Zee', il nous as laissé dans notre merde. Mais aujourd'hui c'est finis. On est plus des mômes. Aujourd'hui j'ai ma place au sein du plus grand des peuples. Ils me respectent Zee' ! Ils me considèrent comme quelqu'un d'important. Et chez eux, être composé de plus de métal que d'organique n'est pas vu comme une horreur. Zee', je... On combats le même ennemi. Tiens. Prends cette clé. Dessus tu verra des informations sur la K-Corp. Ils sont fous... Zee'..." "Hum. Zee' est morte. Appelle moi Kaësha, mon frère, car c'est ainsi que les miens me nomment désormais..." "Zee' ! Tu es... tu es des leurs ? Tu vis vraiment avec ces... abérations génétiques ? Ces animaux cruels et sans lois ? Tu..." "Humph... Redescends Dhark... ou alors, t'es vraiment devenu Jaréen c'est ça ? T'y crois à leur délire eugéniste ? Où est passé le Dharkô qui condamnait toute forme d'opression ? Où est passé mon frère !"
Kaësha a hurlé les derniers mots. L'autre la regarde, ahuris malgré l'absence de traits mobiles sur son visage métalique. La mutante plisse les yeux. Ses pupilles se rétractent malgré le peu de lumière dans la salle baignée par les lueurs rougeâtres des veilleuses.
"Finalement, ils t'ont bel et bien lobotomisé... Kyo Jîn..." "Zee', tu dois m'écouter, je..." "KAËSHA ! Je suis Kaësha maintenant. Et si tu as encore ne serait ce qu'un infime parcelle de cerveau capable de penser de façon autnome, rappelle toi bien celà : Je pars cherché Papa. Et si toi ou les tiens se mettent en travers de mon chemin, je n'aurrai pas plus de pitié que pour fracassé un foutu ordinateur. C'est pigé, mon "frère" ?"
Alors elle avait débranché sa propre clé d'un geste sec et s'était esquivée en balançant plusieurs charges "brouillard", projetant à la fois un nuage opaque de fumées et un champ magnétique puissant capable de brouiller les meilleurs scan et autres capteurs numériques.
C'était il y a deux semaines. A la suite de celà elle avait erré seule, sans réfléchir à une direction précise. Elle avait esquivé des campements miteux. Contourné des villes plus grandes, franches ou affiliées aux corpos. Passant d'îles en îles, vers le nord. Elles avait du plusieurs fois défendre ses yeux contre des bandes minables de chasseurs de mutants. Elle avait aussi croisé quelques réfugiés transis de froids, fuyant les ravages toujours plus horribles de la Horde qui continuait de mettre toute la Mandchourie à feu et à sang. Puis elle avait pris conscience que ses pas la menait vers le Kamchatchka. Vers son passé. Alors elle pris sa décision. Tout d'abord reprendre contact avec les Pyros. Elles avait entendu dire qu'ils l'avaient élue, elle, au titre de Grand Khan ! Jamais elle n'y avait trop porté attention. Ce rôle ne l'interessait pas. Mais elle ne pouvait pas fuir éternellement sa vie. Et trouver son père passais par les pyros. Alors même s'il fallait mettre quelques points sur les "i", voire sur quelques tronches, elle ferait front à tout ce qu'elle avait repoussé jusqu'ici.
Et puis. Quelqu'un d'autre avais sûrrement des réponses à lui fournir... Une fille d'un autre monde.
Le soleil darde maintenant des rayons plus vifs, le printemps arrive à grands pas. En quelques secondes, son bivouac est plié. Elle reprends la route. Au loin apparaissent les premières cîmes des Monts Kamchatchka, sur la pénisule immense où elle a poser le pied hier, cachée dans une soute de cargo aérien. Puis elle s'était faufilée hors du port, enfoncée dans la Taïga qu'elle retrouvait avec bonheur. S'éloigner des humains est maintenant devenu un réflexe. Aujourd'hui est donc un nouveau jour.
Et bon. Comme tout les matins, son estomac gargouille à n'en plus finir... D'abord, trouver un truc à manger. Et puis ensuite, on verra...
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Asma
Mar 7 Mar - 18:54
Julia Anderson
J'ai 36 ans - mais l'apparence de 10 ans de moins - et je vis à Anchorage, Ex-Alaska, maintenant zone administrée par ANDRA-Corp. Dans la vie, j'étaispolicière, pilote de drone d'une unité tactique mais je suis désormais au chômage, même si je ne souffre d'aucun problème financier. Héritière désignée de la moitié du conglomérat ANDRA Corp, je suis rentrée à Anchorage après avoir abandonné mon ancienne vie à Anadyr. En savoir plus.
Julia faisait les cent pas à travers la pièce. Alexei était nonchalamment installé sur la banquette de cuir blanc, sirotant à petites lampées le verre qu’elle lui avait servi. Il se plaisait à faire durer le suspense. Il avait attaqué la conversation en lui donnant des nouvelles du district. Ce n’était pas pour lui déplaire, dans le fond. Elle était heureuse de savoir ce qu’il advenait de ses collègues. Tim avait été muté pour un autre district, avec une belle promotion à la clé. Bergman devenait de plus en plus bourru et aigri depuis son départ, si tant était qu’une telle chose soit possible. Chang était toujours un imbécile. Certains allaient, d’autres venaient. Côté dossiers, c’était « business as usual ». Les mêmes gangs. L’incessant jeu du chat et de la souris. Il y avait eu du mouvement du côté des Pyros. Le gang était un peu moins présent en ville, ce qui ne laissait rien augurer de bons. Les lascars opéraient également autour de la Ceinture. Si leurs activités se recentraient sur l’extérieur, un mauvais coup était probablement en préparation. Cette annonce laissa la jeune femme pensive. Néanmoins, ce n’était pas sa préoccupation du moment. La jeune femme soupira.
- Elle est dure à traquer, ta copine, se décida-t-il enfin à annoncer, pour tout préambule. - Pas ma copine. - Elle est dure à traquer, ta cible, corrigea-t-il. - Tu ne l’as pas trouvée, alors ?
Tout ça pour ça ? Le blond plongea son regard gris acier dans celui de la jeune femme.
- J’ai dit « dure », je n’ai pas dit impossible.
Fier de son effet, il lui tendit une minuscule clé encryptée. Pas plus grosse que le bout de l’ongle de son petit doigt. Julia contourna le canapé, la lui pris des mains et se laissa tomber sur la banquette voisine.
- Tu connais la routine, Jul’. Quand tu l’auras consulté, le contenu se détruira, la clé aussi. Plus de trace ni sur le support ni dans son lecteur. Effacement totalement sécurisé.
Tandis que la jeune femme examinait l’objet, Alexei jeta un coup d’œil furtif autour de lui.
- Il est pas là, ton beau gosse ? - Alec, gronda-t-elle. - Je veux dire… ça fait tout drôle de te voir comme ça. On en aurait presque oublié que t’étais une fille, au district, t’sais.
Elle darda un regard noir sur son ancien collègue.
- Tu vois ce que je veux dire. Y’avait pas d’homme, de femme, juste « les gars ». Alors forcément, c’est un peu bizarre, toi et lui, là. - Alec, gronda-t-elle encore, plus pour la forme que pour autre chose.
Elle comprenait parfaitement ce que voulait dire son collègue, mais elle pressentait où cette conversation allait les emmener, et il était hors de question qu’elle discute des détails de sa vie privée avec lui.
- Quoi, c’était partout dans la presse, au rayon mondanités… - Parce que tu lis la presse mondaine ? Intervint-elle, cynique.
Il poursuivit sans même relever l’interruption de la jeune femme.
- … avec une robe moulante fendue où il faut et des talons de 10 kilomètres. Je t’épargne les commentaires de Johnson. Graveleux à souhait, évidemment. Quand il a parlé de mettre ta photo dans son casier, Bergman a failli lui arracher la tête. T’aurais vu ! La veine de son cou pulsait tellement fort qu’on aurait dit qu’elle allait éclater.
Julia aurait aimé qu’Alexei se taise immédiatement. Le sujet était loin de lui plaire et il n’y avait rien qu’elle puisse lui dire qui lui ferait comprendre sa situation. A bien y réfléchir, elle ne lui devait absolument aucune explication.
- Tu vois ce que je veux dire ? Poursuivit-il sur sa lancée. Tu n’as quand même pas le profil de la poupée trophée au bras du milliardaire. T’es pas comme ces greluches qui veulent leur gratter des thunes. T’as pas besoin de ça. Enfin, je veux dire. On sait que t’es blindée, toi, alors c’est pas pareil. Alors. Qu’est-ce que c’est ? Poursuivit-il, inquisiteur, rictus aux lèvres. C’est un bon coup ou quelque chose comme ça ? - Quelque chose comme ça, s’éleva une voix glaciale dans son dos. - Ivan ! s’exclama Julia.
La silhouette imposante du grand brun se détacha. Il portait un impeccable costume sur mesure qui faisait subtilement saillir sa musculature. L’élégance incarnée. D’un tour de main, la clé disparut dextrement dans le bracelet que portait Julia, tandis que son collègue était occupé à se décomposer sur l’assise de sa banquette de cuir blanc.
- Ivan Razamanov, se présenta sobrement le grand brun, passant une main dans ses cheveux d’ébène parfaitement peignés. - A…a…al… bafouilla le blond. Du haut de son mètre soixante-quinze et de ses soixante-dix kilos tout mouillé, Alexei faisait pale figure à côté du directeur général d’ANDRA-Corp. Un sourire narquois s’étira sur les lèvres de la jeune femme.
- Alexei est un ancien collègue d’Anadyr, répondit-elle à sa place. Il était de passage en ville. On en a profité pour ressasser nos anciennes guerres, sourit-elle encore, l’air de rien.
Le message à destination du blond était clair. Ses affaires privées étaient ses affaires privées. Rien qu’à elle. Pas à Ivan. Par-dessus le dossier du canapé, ce dernier passa un bras protecteur – et surtout très possessif – autour de la jeune femme, allant même jusqu’à poser un léger baiser sur ses lèvres. C’était la première fois qu’elle voyait une telle démonstration d’affection en public de sa part. C’était vieux comme le monde. Une affaire de testostérone. Il marquait son territoire. Julia roula des yeux exaspérés. Alexei se redressa et se pencha vers l’homme en lui tendant une main, qu’Ivan serra d’une poigne particulièrement ferme, à en juger par la grimace de son malheureux collègue.
- Alec’, tu restes avec nous pour dîner ? Poursuivit la jeune femme d’un ton tout aussi léger et désinvolte.
Celui-ci marmonna une autre excuse et finit par prendre congé. Julia le raccompagna jusqu’à la porte. Elle le remercia une nouvelle fois du bout des lèvres. Alors qu’elle finissait de refermer derrière lui, elle sentit deux bras se glisser autour de sa taille, l’envelopper et une tête se poser sur son épaule.
- Alors comme ça, tu es avec moi parce que je suis un bon coup ? Lui souffla-t-il à l’oreille de son haleine chaude. - C’est ce qu’avait l’air de penser ta ribambelle de prétendantes, en tout cas, si je ne m’abuse.
Soudain, Ivan la souleva du sol et l’emmena dans ses bras en direction de la chambre.
- Ce dîner, alors ? Fit mine de protester la jeune femme. - C’est toi, mon dîner.
Julia se glissa hors du lit et traversa l’appartement à pas de loup. La nuit était tombée sur la ville, qui restait néanmoins baignée dans le halo perpétuel de sa propre pollution lumineuse. Elle traversa le salon, passa la cuisine et poursuivit jusqu’à son atelier. Elle contourna le puzzle d’une moto entièrement en pièces détachées, ainsi qu’un ptero dont les ailes papillon avait été déposées. Elle s’installa à son établi, à proximité de la caisse de drones antiques, dont plusieurs d’entre eux étaient posés, partiellement disséqués, sur le comptoir. Elle enfonça la clé dans le lecteur de sa tablette.
Ce que lui avait dégoté Alexei ne faisait aucun sens. La jeune femme fronçait les sourcils en examinant les documents qu’il lui avait rapportés. Comment pouvait-on, dans le monde d’aujourd’hui, disparaître aussi radicalement de la surface de la terre ? Elle s’était attendue à la retrouver dans les fins fonds d’une geôle sibérienne, ou à découvrir qu’elle était morte. Mais là, ça dépassait l’entendement. Sa trace s’arrêtait nette. Puis il y avait ces fichiers, plus incompréhensibles encore, sur une autre personne. Quel était le lien entre les deux ? Est-ce que c’était tout ? Il n’y avait rien de plus dans le dossier ? Julia soupira. Elle pressa un bouton pour faire disparaître l’image.
Lorsqu’il la trouva, quelques heures plus tard, elle était tournevis à la main, en train de triturer les entrailles d’un drone.
- Tu me fais encore des cachotteries ? S’éleva la familière voix grave dans la pénombre. - Je tue le temps. Un luxe de riche désœuvrée. … et l’insomnie, sourit-elle pauvrement. - Les cauchemars, encore ? - Il y a un peu de ça.
La jeune femme posa ce qu’elle tenait à la main et leva les yeux sur son compagnon, plongeant son regard de glace dans celui d’onyx d’Ivan. La glace contre la pierre.
- L’incompréhension, surtout, me travaille. Toutes ces histoires de monde meilleur dont Grigoriy nous rebat les oreilles. J’aimerais le croire. J’aimerais croire qu’il a raison, qu’il existe un autre monde possible pour nous. Un monde meilleur que celui-ci. Y crois-tu, toi aussi ? Il y a de cela plusieurs années maintenant, tu m’avais promis un autre monde pour nous, tu te rappelles ? - Ma promesse tient toujours. - Je te l’ai déjà dit, Ivan, je n’attends rien de ce monde. Je ne veux pas prendre part plus que de nécessaire dans la corporation. C’est ton royaume à toi, et je te le laisse volontiers. - Grigoriy a raison, céda-t-il enfin. Je pense aussi que nous pouvons faire bien mieux que ce monde. Mais je te l’avais dit à l’époque, et je te le redis, j’ai besoin de toi pour ça.
Une pause. Il semblait hésiter.
- Tu le sais, je ne demande qu’une chose en retour.
Le silence se prolongea quelques instants.
- Epouse-moi.
****
Julia resserre le boléro de fourrure blanche autour de ses épaules. Elle détache la traine de la taille de sa combinaison pantalon. Elle a au moins eu la jugeote de ne pas s’encombrer d’une robe comme toutes celles qui continuent à faire perdurer l’illusion désuète de princesses d’un temps bien longtemps révolu. Elle se débarrasse de l’excédent de tissu et le passe comme une cape sur ses épaules. Sa première priorité est de ne pas tomber en hypothermie. La seconde, très rapidement, va être de trouver une issue. Il faut qu’elle sorte d’ici. Ses mains courent le long du béton glacé. Il y a forcément quelque chose qui doit pouvoir l’aider. Quelque chose. N’importe quoi. Elle s’efforce de respirer lentement, calmement. Ne pas céder à la panique. Petit à petit, ses yeux s’habituent à la pénombre, mais par endroits, le noir est si dense qu’elle est condamnée à y rester aveugle. L'abîme la guette. Elle doit survivre.
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3ko
Mer 8 Mar - 23:25
Kaësha
J'ai 29 ans et je vis en nomade... Dans la vie, je suis mutante, pirate de l'air. Ou plutôt Dhäji, fille du vent. Autrefois j'étais Zee', fille du dédale d'Anadyr issue des plus basses castes au sein des société corporatistes toutes puissantes. Mon père, un Koriak fut le fondateur des pyros, un groupe rebelle et armé luttant contre les Méga-corporations. Ma mère, russe était guerisseuse, mais une vie de souffrance l'a laissée aux prises avec les cyber drogue où elle à perdu toute volonté et toute parcelles d'humanité. J'ai subit une cérémonie puissante au sein des tribus du vent et j'y ai acquis dans le processus de transformation qui en résulte un corps torturé mais aux réflexes foudroyants et aux sens affûtés. Ainsi que mes yeux dorés de félins... Phosphorescents. Mes yeux de lune, ou Moon-Eyes convoité par tant de chasseurs de mutants...
L'eau se répand dans sa gorge, bienfaitrice. La source est pure. Autant qu'une source puisse l'être aujourd'hui du moins. Elle vient d'une nappe très profondes, ainsi que de nombreuses autres sources du coins. Certaines sortent encore brûlantes des entrailles des montagnes, géantes de feu assoupis... La neige couvre encore tout d'un lourd manteau en cette saison, et l'eau fraîche qui sort de terre est couverte d'une brume vaporeuse, due à la différence de température notable entre l'air et l'eau de la source. L'endroit est calme. Un vallon boisé, abrité du vent. Kaësha respire à plein poumon. Thérébentine, odeur de chlorophyle. Oui, le printemps arrive. Même ici, au nord. La jeune femme se tends soudain. Une effluve. Puis un craquement. L'air de rien, elle se redresse, une main sur le manche de sa dague d'ivoire. Ses narines reniflent frénétiquement la moindre bourasque. Un mâle. Jeune. Seul, apparement. Hum. La mutante se détends légèrement. L'air naturelle, elle retourne à son feu de camp. La vielle bouilloire en féraille contient un reste de tisane de la veille. Elle y ajoute de l'eau puisée à la source et enfoui la bouilloire dans les braises. Enfin, elle s'esquive comme pour un besoin pressant et se fond dans les bois...
Elle renifle et tends les oreilles, fermant les yeux. L'autre semble se rapprocher, mais comme en hésitant. Un timide. Hum... La fille du vent se hérisse. Peu d'humains sur cette planète ont de bonnes intentions envers les nomades en général. Un nomade seul, d'autant moins. Femme, n'en parlons pas et mutante de surcroit, la question ne se pose même plus dans 99% des cas ! Aller, 98,9%. Faut être réaliste, pense Kaësha.
Se faufilant d'ombre en ombre, elle contourne son chasseur devenu proie. Elle prends le temps de s'assurer que le jeune humain est vraiment seul. Pas traces d'adultes embusqués... Pas non plus de meute de fauves domestiqués, ou autres bizarreries plus exotiques qu'emploient fréquement nombre de chasseurs de mutants. Mouais. Un môme en cavale, quoi...
Elle reviens alors sur ses pas. Pistant le jeune humain. Elle lui tombe dessus alors qu'il épie son campement d'un regard tendu, planqué dans un fourré d'épine. Tel un serpent, Kaësha parvient sans un bruit jusqu'à un pas du gamin. Son manteau à capuche fourré masque ses traits au yeux de la jeune femme, mais la renseigne quand à ses origines. Un koriak. Et un vrai sauvage, apparement ! Ses armes son rudimentaires, et comme elle, sa seule arme de tir semble être son arc... Lors de son voyage, pendant les étapes et au gré des rares conversations, elle avait appris que la région avait subit nombre d'évènements, souvent sombres durant l'année écoulée. Une épidémie brutale et violente s'était abbatue sur les rares populations hors mur. plusieurs cités franches avaient fermées leur portes à tout nouvel arrivants, exigeant des mises en quarantaine surveillée. Quelques cités Corpos de l'ANDRA, avait aussi été inquiétée. Les "réserves indigènes" au sein des murs de leur "Ceinture" mais hors des villes avaient assez vite été contaminées et la maladie étrange et mortelle s'était répandu rapidement jusqu'au dédale de ces cités organisées de façon très proche de celle d'Anadyr... Les citadins, alarmés par les médias, paniquèrent. Des émeutes avaient éclatée et des pharmacies été prises d'assaut. Bien sûr l'ordre avait été rétabli brutalement et éfficacement en quelques heures. Mais ces cités avaient alors fait scellé de nouveau leurs sous sols, condamant de nombreux passage et remettant à l'ordre du jour les contrôle militaires au niveau des galeries d'entretien. Les populations nombreuses et misérables de leurs dédales avaient alors fuit vers l'éxtérieur, affamée et désemparées. Décimées par la maladie, les survivants fuirent alors la ceinture et se perdirent dans l'éxtérieur. Et Kaësha a entendu dire qu'Anadyr, inquiète des informations concernant ses voisines, entends elle aussi faire sceller son sous sol. L'autre n'a encore rien perçu... La mutante, d'un geste devenu fluide avec l'habitude, dégaine son poignard et en dépose délicatement la pointe affutée comme une aiguille sur la gorge de sa proie. Le jeune homme se fige. "Ecoutes je..." Elle enfonce un tout petit peu la pointe. Il déglutit. "Tu vas poser à terre tes armes. L'arc, les flêches. Ton poignard et ton couteau. Et... Ton flingue, aussi." crache t'elle avec une pointe glaciale dans la voix. La poudre. Elle a sentit la poudre. "Bien. Maintenant tu va avancer tout droit devant toi, sans te retourner. Tu va t'assoir gentiment à côté du feu. Et tu va servir deux bols de tisane. Est ce que tu m'as bien comprise ?" La pirate parle calmement. Elle attends l'assentiment de l'autre. Celui ci acquièce nerveusement. "Bien. Vas y !" Et elle rengaine d'un geste son arme d'ivoire. Rudimentaire. Mais rudement efficace. Elle s'empare tout de même du pistolet du môme, modèle standart de la Confédération Libre, légèrement modifié. Le chargeur est quasi vide. Trois balles. Alors seulement elle suit le jeune garçon apeuré et s'accroupit à côté des flammes vives et chaleureuses. Elle tourne vers lui ses yeux d'ambre enflammé. Ses pupilles se rétractent en deux fentes verticales... Et elle lui sourit alors de toutes ses dents. "Bon. Tu vois, c'est du genévrier. Avec du cynoroddon. C'est très bon le cynorddon, plein de vitamine C. Tu sais ce que c'est les vitamine C ?" Devant l'absence manifeste de compréhension du pauvre gamin, Kaësha abandonne l'éloge des vertues de sa tisane pour s'interésser au vif du sujet : "Alors tu vois, y a que deux raison pour lesquels tu me suivrait." Le jeune presque homme, genre à peine seize printemps, la dévisage soudain avec peur, mais néanmoins une lueur de défi ténue. Kaësha continu : "Soit t'es là pour mes beaux yeux..." fait elle en papillonant effrontément des yeux. Troublé, les joues du môme virent aux brun foncé. "Oh non, pas pour ça. Mais tu sais très bien de quoi je parle, n'est ce pas ?" Le brave petit acquièce d'un hochement sec. "Soit..." Elle laisse trainer sa phrase. "Soit t'as un service obscure et j'imagine totalement stupide, à me demander." L'autre baisse le regard. Il se morfond quelques secondes dans un silence buté, puis finit par relever la tête. Il la fixe alors droit dans les yeux pour lui dire. "Les deux." "Quoi les deux ? Tu te fous de moi, petit ?" "Non. Les deux. Les deux raisons. Mais... Ni l'une ni l'autre, tout à fait... Je..." "Bah vas y ! Crache le morceau morveux. C'est quoi le biz ?" Le garçon semble hésiter. Il se décide finalement : "Il y a une semaine, un type est venu ici." "Quoi ici ? Comment ça ici ?" "Nan mais pas ici, là ! Au campement de ma tribu..." "Ah ! Et c'est quoi ta tribu ?" A ces mots le môme se renfrogne. Puis après un court instant d'affliction, il bombe fièrement le torse et m'annonce : "Les anciens peuples n'ont plus de sens ! Mais notre tribus se compose des survivants. Nous sommes des Hors murs, désormais. C'est tout. Les survivants de la peste." La mutante enregistre l'information. Elle ne pensait pas arriver si vite en zone sinistrée... "Bon et alors. Tu fais quoi ici, à me coller au cul ? Le Survivant..." La peur revient dans les yeux du petit... "Eh bien... Le type. S'était pas un... Un survivant, lui. Ca se voyait tout de suite. Propre. Vêtements synthétiques, assez sobres et adapté au froid. Visage carré. Métis. Mais quelque chose chez lui démontrait qu'il venait d'une cité. Il posait des question. Beaucoup de question. Sur une mutante. Il offrait une récompense à quicquonque lui fournirait des renseignement sur elle. Il ne voulait pas de ses yeux..." Le jeune guerrier la regarde avec anxiété. Kaësha ne relève pas. Elle sait pertinament que ses yeux valent presque de l'or... Si le drôle d'inquisiteur ne s'y interesse pas, c'est presque beaucoup plus inquiétant... Ses pupilles se réduisent à un mince filet. "Et donc ?..." "Et donc, personne n'a rien dit. De toute façon, personne n'en savait rien ! Seulement..." "Seulement quoi !" aboit la jeune femme. "Seulement rien ! Ce type m'as pas plu. Et quand tout à l'heure je t'ai aperçue, du haut de la crête, j'ai pas pu m'empêcher de venir voir de plus près, juste pour..." "Juste pour quoi ? Pour filer ensuite prévenir l'autre chelou ? Ou alors donc c'est quoi !" "Mais rien, c'est un service que je te rends c'est tout ! Je voulais te prévenir qu'un type te cherche." Kaësha met un bon moment à accuser le coup. Elle se reprends néanmoins assez vite. "Comment ça me rendre un service ? Qu'est ce que j'ai fais ?" "Rien mais... Je sais pas. Tu es une fille du vent, non ? Une Dhâji..." "Ah. Nous y voilà..." "Ecoutes. Je suis un pyros ! Je hais les corporations et... J'ai tellement entendus parler de vous ! Les raids sur les trains sur-armés des compagnies de transports, les zeppelins, les îles-vents, les... Je veux devenir un pirate !" "STOP !" Les yeux de Kaësha lancent des éclairs terribles. Elle fusille l'autre de son regard de feu et siffle entre ses dents : "C'est bien ce que je disais... Complètement stupide..."
***
Trois jours plus tard, Kaësha a atteint les ultimes montagnes du Kamachatchka. Plus loins se dressent les Monts Koriaks. Et au delà encore, Anadyr... Ici et là quelques signes timides annoncent les beaux jours. Sous les glaciers des rivières de fontes jaillissent, encore contenues par les glaces. La débâcle ne tardera plus... La jeune mutante se retourne, l'air contrariée. " Bon tu te bouges, gamin !" L'autre transpire à grosse gouttes. Il à peiné à la suivre tout le long... M'enfin. C'est pas un mauvais bougre, conclut la pirate. "Si t'es vraiment un pyros, t'as promis de m'enmener à un de leur campement. Et au ryhtme où tu te traîne, on y s'ra pas d'main la veille ! Alors tu vas te bouger le fion, larve de Drags" "Les drags ne font pas de larves. Il ne font ni oeufs, ni petits ni rien, d'ailleurs... ce sont des chimères stériles. Des créations de Gaïllamesh.corp..." "Rabât-joie. Tu ferait mieux d'en profiter pour haleter consciencieusement, le Survivant... On as encore pas mal de chemin à faire."
Kaësha hume l'air avec suspicion... De plus en plus, elle se sent épiée. Très bien. La meilleur manière de dérouter un prédateur. C'est de le prendre en chasse... Elle indique au garçon de poursuivre sa route et qu'elle le rejoindra plus tard. Puis elle disparaît entre les épicéas et les bouleaux.
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Asma
Dim 19 Mar - 18:12
Julia Anderson
J'ai 36 ans - mais l'apparence de 10 ans de moins - et je vis à Anchorage, Ex-Alaska, maintenant zone administrée par ANDRA-Corp. Dans la vie, j'étaispolicière, pilote de drone d'une unité tactique mais je suis désormais au chômage, même si je ne souffre d'aucun problème financier. Héritière désignée de la moitié du conglomérat ANDRA Corp, je suis rentrée à Anchorage après avoir abandonné mon ancienne vie à Anadyr. En savoir plus.
Julia était occupée à attacher les lanières des antiquités qui lui faisaient office de chaussures de randonnée fourrées quand Kodi vint poser sa tête sur ses genoux, la truffe humide. Elle le poussa gentiment pour pouvoir se pencher vers ses pieds. Il insista et vint glisser sa tête dans le creux de sa cuisse. Le husky avait sur la tête le pelage aussi doux que lorsqu’il n’était qu’un chien. Il perdait néanmoins bien plus de poils. Régulièrement, le robot de l’appartement lui courait après pour en aspirer un maximum, au grand désarroi du pauvre animal. Julia tira sur ses lacets et en fit rapidement le nœud.
- Je suis désolée, mon gros, il y a plus d’un kilomètre de dénivelé positif et tu sais que cette vilaine arthrose ne te permet pas de monter autant. Je ne vais pas pouvoir t’emmener avec moi.
La jeune femme papouilla le chien et lui tapota gentiment le ventre. Elle remonta le col de sa veste jusqu’à son nez. Ses vêtements thermorégulateurs étaient fins et légers. Ils n’entravaient aucunement ses mouvements et lui offraient ainsi un maximum de confort. Elle enfonça le bonnet sur ses oreilles et s’empara de son sac à dos. Un bruit de pas se fit entendre derrière elle.
- Toi non plus, lança-t-elle en se levant du canapé sans se retourner, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons.
Un sourire gentiment moqueur pouvait s’entendre dans sa voix. Derrière elle, il ne répondit pas. La jeune femme était d’humeur bien trop guillerette pour essayer d’en tirer quelque conclusion que ce soit et s’en formaliser. Elle était heureuse de sortir enfin, de laisser derrière elle cet appartement, aussi luxueux soit-il, et cette ville pleine de bruit et d’agitation. Il était plus que temps de remettre ses muscles fins au travail.
Après une bonne ascension à travers les bois, le sentier s’éleva au-dessus de la cime des arbres. L’air était vivifiant. Dans la verdure renaissante du jeune printemps, quelques congères, reliquats d’une averse de neige relativement récente, parsemaient le paysage, maintenues par des anfractuosités et des dépressions. Par endroits, la neige avait fondu pour se réduire à de grandes flaques de gadoue qui valait mieux largement contourner pour éviter de s’y engluer. La déclivité s’accrut et la montée se fit plus ardue. Le soleil était haut dans le ciel parfaitement dégagé. En dépit des bourrasques de vent glacé, une fine ligne de sueur se dessina entre les deux tempes de Julia. Elle jubilait. Il y avait bien trop longtemps qu’elle n’avait pas quitté la ville pour s’aérer loin de cet univers ultra-technologique. Elle s’y était encroûtée, à se lamenter depuis le fond de son canapé de la tournure qu’avait pris son existence. A regretter sa petite vie – peu ou prou – tranquille à Anadyr. Il était grand temps de se reprendre en mains. Prendre le temps de profiter de la nature sauvage. Du moins, du peu de nature encore disponible sous ces latitudes pourtant encore quelque peu préservées de l’impact humain. Le jeu en valait la chandelle. Vers l’est, Wolverine Peak offrait un incroyable panorama sur les montagnes Chugach. Dans cette direction, on avait l’impression d’être au milieu de nulle part alors que la ville était toute proche, dans le dos des randonneurs. De l’autre côté, le pic offrait un point de vue imprenable sur Anchorage et ses grandes tours, Fire Island et le golfe de Cook. Plus au loin sur la rive ouest du golfe se terminait la chaîne d’Alaska, où s’étendaient les montagnes Tordrillo. En allant vers le sud débutait celle des Aléoutiennes. Une tasse fumante de thé à la main, Julia admira le coucher de soleil sur l’horizon. Elle avait prévu tout l’équipement nécessaire pour bivouaquer confortablement. S’il y avait bien des années – des décennies, même – qu’il n’y avait plus d’élans dans la région, les premières heures du matin restaient propices à l’observation des oiseaux et d’autres petits mammifères qui avaient su s’adapter encore et toujours au changement climatique. Sous l’effet de ses derniers rayons, les montagnes se couvraient de lave liquide. Les camaïeux de rouges et d’oranges du ciel se reflétaient sur la surface gris métallique de l’eau. Le spectacle méritait amplement l’effort. Elle ne l’aurait jamais apprécié de la même façon si elle était venue par les airs. En contrebas, un halo lumineux bleu-vert enveloppait la ville. La saison des aurores boréales avait touché à son terme. Il s’agissait simplement de l’effet de son éclairage public par bioluminescence, doublé de la pollution lumineuse de ses enseignes diverses et variées. Anchorage se voulait la figure de proue de ce qu’Andra-Corp souhaitait désormais vendre au monde. Sa capacité à se renouveler, à évoluer vers des technologies plus propres, plus vertes. Un splendide exemple de greenwashing, s’il en était, destiné à détourner l’attention de l’autre grande cité sous domination du conglomérat de l’autre côté du détroit de Béring.
Elle entendit le vaisseau approcher derrière elle avant de le voir. Elle sentit le souffle glacé des particules de neige soulevées par la puissance des turbines tandis qu’il descendait lentement pour se poser. Julia rabattit sa capuche sur ses longs cheveux blancs. La parenthèse enchantée n’aurait été que de courte durée. Une silhouette hirsute émergea de l’appareil effilé. Sauvage. Rien à voir avec l’homme d’affaires soigné qu’était son frère. Ni avec le pur fruit corporatiste qu’était son neveu.
- Ivan m’a dit que tu serais là, commença-t-il pour tout préambule.
Julia ne répondit pas. Elle avala une nouvelle gorgée du liquide brûlant, le regard vers l’horizon.
- J’ai quelque chose à te montrer, viens.
La jeune femme soupira. Elle renversa le reste de sa tasse au sol, créant une petite flaque fumante que le sol givré mit quelques instants à engloutir, et la revissa sur son thermos. Elle glissa mécaniquement son couteau de poche dans sa botte et referma son sac à dos. Lentement. Elle n’était pas pressée, après tout. Elle suivit l’homme jusqu’à l’appareil. Il s’agit d’une sorte de plus petite version du Calli. Ses « pattes » arrières étaient plus longues et plus fines et se terminaient sur des patins, à l’image d’un halobate. Il planait plus près du sol que les autres appareils, et pouvait poser ses patins en appui sur des surfaces lisses, comme la neige fraîche, les surfaces de lacs, gelés ou non, ou même la mer lorsqu’elle n’était pas trop agitée. L’appareil ne comptait que deux places. Julia lança le sac à dos à l’arrière. Elle jeta un dernier coup d’œil en arrière vers les montagnes et rabattit la porte papillon.
Prenant appui sur ses patins comme sur un ressort, l’appareil s’éleva rapidement dans les airs. Suivant la pente, il plongea vers la ville qu’il survola néanmoins sans s’y arrêter. Il poursuivit au-dessus des eaux désormais noires du golfe et laissa Fire Island derrière lui. L’appareil bifurqua vers le sud. Julia fronça imperceptiblement les sourcils.
- J’ai cru comprendre que les félicitations étaient de rigueur, s’éleva la voix traînante dans l’habitacle obscur.
La jeune femme, qui n’avait toujours pas desserré les lèvres, émit un petit « mmh » d’approbation. Son regard se posa sur la pierre noire ridiculement démesurée autour de son annulaire, comme si elle prenait soudain conscience de sa présence. Elle avait dit oui. Si on lui avait demandé pourquoi, en cet instant précis, elle aurait été bien en peine de répondre. Pourtant, elle avait dit oui.
- Où va-t-on ? demanda-t-elle à la place.
Cette fois, de fût au tour de Grigoriy de ne pas lui répondre. Son hypnotisant regard azur fixait droit devant lui. Un sourire énigmatique s’étira sur ses lèvres. Sans la regarder, il lui tendit une fine paire de lunettes scotopiques. De sa vision devenue nyctalope, elle discerna plus nettement le contour de la montagne qu’ils approchaient. La voix d’orateur s’éleva à ses côtés.
- « Ainsi, on armera de tous les côtés et l’on ira jusqu’au point où l’un ou l’autre des adversaires dira : « Mieux vaut une fin rapide dans l’horreur qu’une horreur sans fin ». C’est à ce moment-là que viendra la catastrophe. L’Europe entière suivra le tambour et seize à dix-huit millions d’hommes dans leur plus bel âge, la fleur des différentes nations, sortiront équipés des meilleurs instruments d’assassinat. Le crépuscule des dieux approche ».
Il avait tout d’un prophète de l’horreur. Mais les propos qu’ils tenaient n’étaient pas de lui. Il citait certainement quelqu’un mais elle en ignorait l’auteur. La citation était ancienne, pour sûr. Parce que cela faisait maintenant bien longtemps qu’il n’y avait plus d’Europe. Elle détestait sa façon de jouer les oiseaux de mauvais augure. Mais elle savait que c’était sa manière d’introduire le sujet qui l’intéressait. En lieu et place pourtant, Grigoriy enchaîna sur tout autre chose.
- Le Mont Redoubt, reprit-il doctement en indiquant la forme conique massive qui déployait sous ses yeux sa magistrale stature d’un peu plus de 3100 mètres d’altitude, est un stratovolcan actif et le plus haut sommet de la chaîne aléoutienne.
L’appareil s’éleva plus haut dans les airs, se détachant d’autant qu’il pouvait du sol et contourna le sommet encore enneigé du volcan.
- Comme tu le sais sûrement, la chaîne montagneuse relie le Kamchatka à l’Alaska le long de la grande zone de subduction entre les plaques pacifique et nord-américaine. Dans l'Histoire de l’humanité, ce sont les éruptions explosives sur une zone de subduction des volcans qui ont posé le plus grand danger pour les civilisations. Saint Helens, Pinatubo, Vésuve, Unzen…. - On est là pour un cours de géologie ? Le coupa sans cérémonie la jeune femme, passablement agacée.
Elle ne comprenait pas pourquoi il l’avait perturbée dans son moment de quiétude pour l’emmener dans un tel endroit, de nuit. Levant les yeux vers le sommet, elle pût entrapercevoir un modeste panache de fumée. Discret, mais bel et bien présent.
- Non, nous sommes là pour bien plus.
Le silence qui s’ensuivit lui sembla durer une éternité.
- Ivan t’a-t-il parlé d’Héphaïstos ?
Julia ne répondit pas. Elle savait que quelle que soit sa réponse, il continuerait sur sa lancée. Le sujet éveillait en elle quelques désagréables souvenirs. Elle préféra ne rien dire.
- Je t’ai promis un monde meilleur, pour nous. Un monde délivré des guerres perpétuelles entre les corporations. Un monde où les clans barbares qui occupent les terres inhospitalières ne seraient plus une menace pour nous. Un monde où la vermine aura été éradiquée pour le bien de ceux qui méritent de vivre. Le crépuscule des anciens dieux est proche. Héphaïstos fera de nous les nouveaux dieux.
Julia tourna vers l’homme aux yeux fous un regard un peu perdu. Sa voix résonna dans l’appareil comme s’il haranguait une foule qui n’existe pas. Il n’y avait qu’elle et lui, et la montagne, écrasante, menaçante, face à eux. Elle ne comprenait pas le rapport. Elle avait déjà entendu ce discours d’un monde meilleur, mais quel lien y avait-il entre ses idées pour l’avenir, Héphaïstos et cette montagne ? Un volcan. Elle essaya de rassembler ses souvenirs. Dans la mythologie, Héphaïstos était le dieu forgeron. Son atelier était installé dans les entrailles de l’Etna. Était-ce là l’analogie qu’il souhaitait faire ? Les volcans, une menace pour la civilisation ? Héphaïstos, une menace similaire ? Malgré ses efforts, elle ne pût retenir la question qui lui brûlait les lèvres.
- Que comptez-vous faire exactement avec Héphaïstos ? - Une fin rapide dans l’horreur plutôt qu’une horreur sans fin.
***
Elle ne peut même pas compter sur un heureux hasard. Ces connards ont décidé de sceller les souterrains sur des kilomètres. Soi-disant pour assurer la sécurité du personnel. Quel mensonge ! Ils veulent simplement limiter le nombre de curieux qui viendraient regarder ce qui se passe vraiment dans les sous-sols.
- Grigoriy ! Hurle-t-elle à plein poumons.
Un nuage de vapeur chaude s’échappe de ses lèvres. La chaleur lui est précieuse. Elle doit veiller à la préserver. Son heure n’est pas encore venue.
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Préférence de jeu : Les deux
3ko
Jeu 23 Nov - 8:31
Kaësha
J'ai 29 ans et je vis en nomade... Dans la vie, je suis mutante, pirate de l'air. Ou plutôt Dhäji, fille du vent. Autrefois j'étais Zee', fille du dédale d'Anadyr issue des plus basses castes au sein des société corporatistes toutes puissantes. Mon père, un Koriak fut le fondateur des pyros, un groupe rebelle et armé luttant contre les Méga-corporations. Ma mère, russe était guerisseuse, mais une vie de souffrance l'a laissée aux prises avec les cyber drogue où elle à perdu toute volonté et toute parcelles d'humanité. J'ai subit une cérémonie puissante au sein des tribus du vent et j'y ai acquis dans le processus de transformation qui en résulte un corps torturé mais aux réflexes foudroyants et aux sens affûtés. Ainsi que mes yeux dorés de félins... Phosphorescents. Mes yeux de lune, ou Moon-Eyes convoité par tant de chasseurs de mutants...
Elle court dans les corridors de métal froid. Les impacts des balles sur les parois résonnent à ses oreilles, découvertes... Une saillie lui offre un bref couvert. La mutante en profite pour souffler quelques secondes. La cellule n'est plus qu'à quelques mètres, un étage plus bas. Elle avise le sas d'accès. Deux mètres.
« Elle est là ! On la tiens ! » s'éxclame l'un des hommes en tenue noire, reflets orangés sur les coutures. Professionnels, ils ne s'élancent pas sans réfléchir. Les mercenaires de la société RAZor.inc, employés en sous traitance par nombre de corporations pour assurer la sécurité des notables et le maintien de l'ordre, ne sont en aucun cas des amateurs. La jeune femme réfléchi. Elle en avait compté huit en faction aux abords du cargo blindé. Cinq sont hors de combat. D'autre arriveront vite en renfort. Sa cible est en bas. Pas le temps de tergiverser. Kaësha empoigne le manche de bois du flingue offert par Quêzin. Puis elle bondis. Riposte immédiate. Elle plonge. Un tir la frôle alors qu'elle roule et tout en reprennant appui, braque son arme sur son agresseur. La tête du type explose alors que le projectile de qualibre 12 l'atteint en plein visage. Fais pas dans la finesse. Conception sauvage. Rudimentaire et archaïque, mais rudement efficace. Même en touchant les partie protégées par les tenues pare-balles, le machin fait du dégât. Ca devrait refroidir deux secondes ses collègues. Kaësha en profite pour se faufiler par le sas. Elle attérit dans un couloir sombre, éclairé en rouge. Ses pas résonnent, curieusement étouffés. Plusieurs série de cellules s'ouvrent de part et d'autre du sombre corridor. Alors qu'elle jette un coup d'oeil prudent dans l'une d'elle par une petite trappe, elle recule précipitement quand elle distingue la forme inhumaine qui s'y trouve... Un être difforme, couvert de tumeurs nauséabondes et semblant dormir ou méditer lui fait face. Un torse humanoïde, monté sur une sorte de corps chevalin, comme gréffé dessus, est avachi, pattes avant repliées sous le corps massif. Kaësha avale une boule de salive. Probablement des chimères... Des êtres génétiquement modifiés, sortis des laboratoires immondes de Gaïllamesh. Pour quel usage ? Pas le temps de tergiverser. Les autres cellules contiennent elles aussi semblables monstres. En tout une quinzaine de ces créatures cauchemardesques patientent dans la cale du vaisseaux de transport, comme en stase. Au fond du couloir, une forme assise sur un cube de métal. La silhouette est massive et chauve, quasi nue et couturées de cicatrices... à sa taille, une sorte de ceinture noire, métalique et comme incrustée dans la chaire du prisonnier semble luire d'une lueur malsaine. A part ça, elle semble humaine. Kaësha s'avance, la bouche ouverte et les yeux menaçant de laisser s'écouler un flot de larmes. Elle s'élance vers l'être recourbé. Celui ci lève soudain la tête. Ses yeux s'ouvrent, fixant la jeune mutante d'un œil entièrement noir, totalement dénué d'expression. Kaësha se fige sur place.
« P... Papa... qu'est ce qu'ils t'ont f... »
Elle se tait soudain. L'autre se lève. Aucun liens ne le retiennent. Portant les mains à son crâne, ses yeux vides, noirs et béants, fixé sur celle qui fut sa fille, il semble dépourvu du moindre sentiment. Derrière la jeune femme, des cris annoncent l'arrivée de renforts... Au coin de ses yeux aux pupilles de chat, deux filets ininterrompus de larmes s'écoulent en silence...
***
Deux jours plus tôt.
« Aah ! Tu vois ! On y est. » Fais le gamin qui lui à servi de guide ces dernières semaines. Ils débouchent du sentier longeant le flanc sud de la montagne. La rivière, torrent puissant, rugit sur leur droite, en contrebas. Et en face, se dresse le barrage de la Lullska. L'énorme porte avion renversé, échoué là lors de quelque cataclysme antique, forme désormais le haut d'un barrage imposant, la centrale énèrgétique éxploitée par la Sergeï.corp, petite société gérant les ressources hydrauliques du secteur. Une micro-cité autonome s'est peu à peu développée à ses pieds et dans le barrage, affiliée à la confédération libre. Pas le moindre signe de forces de sécurités. Quelques hors-murs, menant des attelages chargés, se dirigent paisiblement vers la cité.
« Le campement est à l'écart, dans les bois. Viens. »
Kaësha suit docilement le jeune homme qui s'écarte du sentier pour suivre une piste animale. En peu de temps ils arrivent dans une petite clairière où trois tipis couvert de fourrures cousues laissent échapper un filet de fumée au faitâge. Là aussi, la surveillance semble relâchée. Un seul homme garde l'entrée, nonchalemant adossé à un arbre. Il se dresse néanmoins, alerte, en les voyant arriver.
« Oï ! Je suis Aatö, pyros des monts de l'ouest. Je demande à voir Quêzin. » « Oï. Je suis Dûnn. Qui est elle ? » fait l'autre, peu amène. « Kaësha. Je suis Kaësha, et Quêzin me connait sous le nom de Zee'. »
La mutante fixe l'autre d'un regard dur. Pourtant, elle est loin d'éprouver l'assurance qu'elle dégage. De vieux souvenirs qu'elle pensait disparus défilent devant ses yeux alors qu'elle repense à ses difficiles jeunes années, si lointaine désormais. L'homme de faction, rude, vêtu de sombres fourrures épaisses la toise un instant sans baisser le regard. Ses yeux racontent un défillé d'horreurs vécues et surmontées. Il consent finalement à rouvrir la bouche.
« Il est là bas. Tipi de gauche. Annonce toi avant d'entrer. »
La sentinelle s'éloigne alors pour rapporter deux bûches d'un tas situé à quelques pas qu'elle balance dans le braséro. Puis l'homme se rassoit contre l'arbre, ignorant les nouveaux venus.
*** Deux jours plus tard, le matin.
Registre des Micro-Citées de la Confédération Libre : Secteur Ouest - Kamchatska - A noter, forte activité volcanique dans les montagnes situées plus au nord. *Centrale099-Lullska. *Micro-cité autonome, affiliée à la Confédération Libre. *Création : 2073 *Population : 506 citoyens + environ 100 hors-murs réfugiés en camps à l'éxtèrieur de la cité *Corporation propriétaire : Sergeï-Corp. *Productrion : Enérgie hydroéléctrique *Contrats avec : -> RAzor : Défense et maintien de l'ordre au sein de la micro-cité. -> K-Corp : alimentation en énérgie de certains laboratoires de la K-Corp proches de Lullska ; -> Hydra Compagnie : co-gestion des réseaux hydriques locaux ; -> CCA Aircorp : transport de personnel et de frets, ravitaillement des navettes en énérgie ; -> Autres corporations : taxe de passage et de ravitaillement ;
Kaësha quitte un moment des yeux l'écran de la console où elle consulte les informations fournies par Quêzin sur une clef. Capuche sur les oreilles, lentilles marrons sur les yeux, elle se trouve dans un cyber-bar de la micro-cité. Le môme est pas loin, toujours accroché à ses basques. Elle repense à ses retrouvailles avec son vieux frère-enemi, ce bon vieux Quêzin. Tristes... Le fier guerrier qu'elle avait connu autrefois à cedé la place à un être meurtri, le corps et l'esprit ravagé par les rudes combats menés tout au long de sa courte vie. Amputé des deux jambes, il se déplace désormais sur des jambres mécanique de facture grossière, et n'est plus que l'ombre de lui même. Le visage est grelé de cicatrices dues à la peste. Les nouvelles sont terribles. Tash... morte. Vaincue par la maladie, après avoir passé des semaines au chevets des malades. Leur vieux père, mort lors du “nettoyage” organisé par les forces d'Anadyr. L'épidémie a frappé la grande cité, finalement. Les citadins ont paniqué. Une « Procédure de Désinféction » fut mise en place, les sous sols scéllés et « nétoyés » de la vermine accusée d'avoir fait entrer le “mal”. Les quatres tribus libre, éparpillées aux quatre vents. Les pyros réduits à l'états de hors-murs, bannis de toutes les cités. Officiellement recherchés, les rares survivants sont aujourd'hui réduit à l'état de parias rôdants aux alentours des cités autonomes les plus tolérantes, rares dans le nord.
« Tu hérite d'un lambeau de rêve, petite sœur... Fille du Grand Khân des pyros... Nous ne sommes plus que les haillons déchirés de la tapisserie du vieux monde aujourd'hui disparu. Les débris de l'ancienne humanité.»
Depuis quand le gand lascar s'était mis à la poésie ? Le monde change, en une année... Les gens disparaissent, ou se transforment. En tout cas le guerrier prématurément vieilli avait aujourd'hui perdu toute son arrogance. “Tu es ma dernière famille, Zee'. Même si on s'en est toujours foutu plein la tronche, tout les deux, je tiens juste à te dire ceci : Aujourd'hui, je suis là et je t'aderai autant que possible.”
La vieille Ghân Dûna s'en était sortie aussi, en grande partie grâce aux soins acharnés de Tash. Elle avait rassemblé une grande part des survivants de la ceinture d'Anadyr en tribu hors mur nomade, spécialisée dans la collecte et la confection de plantes dédiées au soins. Les immensités sauvages n'étaient peuplées finalement que de très rares humains, errant sur de tels superficies qu'ils ne représentaient guère que quelques grains de sables sur sur une montagne. Néanmoins les zones vivables n'étant que rares, les gens qui vivaient hors des cité se concentraient tout de même dans des régions finalement assez restrainte, souvent proche des côtes, et plus nombreuses au sud, où le climat quoique toujours rude devenait plus clément. Kaësha reviens au moment présent. Autour d'elle, foule de gens. Aujourd'hui, c'est la foire. Plusieurs caravanes commerciales ont fait étapes ici au même moment, déballant leurs marchandises et deux caravannes aéroportée font également partie de la fête, profitant de la dernière station en ravitaillement d'énergie avant Anadyr. Néanmoins personne ne semble prêter la moindre attention au deux pyros. Kaësha se concentre à nouveau sur l'écran.
CA Aircorp. - Contrat de transport : EXPEDITEUR : Gaïllamesh.inc DESTINATAIRE : ANDRA.corp Message de l'éxpéditeur : " Vous recevrez un compte-rendu séparé précisant les détails sur le sujet." Nature du Colis : Vivant - Chimère Classe ALPHA - Haute Sécurité - Sujet d'expérience 999 K-corp Géno-modifié : mineur Nano-modifié : majeur Autonomie du sujet : régulée par ondes Convoi Haute Sécurité
C'est l'une des deux Aéro-caravane. La plus imposante, celle avec la coque blindée, protégée par une escouade RAZor.inc spécialement recrutée pour l'escorter.
« Zee'... Y a fort à parier que ce soit ton... que ce soit le Grand Khân. J'ai encore quelque contact au sein de la cité d'Anadyr. C'est un message crypté, top secret, intecepté par tes anciens potes de squat, d'ailleurs. Des hackers doués. Mais... Faut que tu sache. Gaïllamesh, c'est des monstres. L'ANDRa c'est des putains d' enfants de cœurs à côté. Les mutations, la manipulation génétique, c'est ça leur délire eux. Tu sais, la Horde. Ben... Paraît que Gaïllamesh travaille avec la K-corp. Ce sont eux qui contrôle la Horde. Et on dit que leurs nouveaux guerriers sont des monstres... Des centaures. Des chimères, sorties des laboratoires de Gaïllamesh. Leur meneur serait une sorte de « techno-prêtre », lui aussi issus d'éxpériences menées en grande partie par la K-corp. Et ces fumiers ont osé l'appeler le Khan. Projet de chimère, Classe Alpha. C'est lui, Zee'. C'est ton père. Et il arrive dans deux jours. »
Les souvenirs de sa conversation avec Quêzin sont encore frais dans son esprit. Son daron est là, tout près, dans l'un de ces foutu aéro-cargo.
« Zee', j'pense pas qu'il a grand chose avoir avec... celui qu'il était avant. On doit... »
Kaësha chasse les sombres pensées qui l'assaillent. Soudain autour les gens s'agitent. Vive comme l'éclair, elle retire la clef de la console et supprime tout l'historique. Puis, la main sur la crosse de son arme, elle jette un coup d'oeil circulaire. Une main saisi son bras. « Kaësha ! C'est un combat de Kiang-DRo ! Incroyable, je pensais pas pouvoir en voir un en vrai ! Viens ! »
Le gamin disparaît aussi vite dans la foule. Foutu débile de môme ! Complètement stupide. Comme les trois quart des gens ici d'ailleurs, tous à se précipiter vers le centre des halles, qui semble la source de l'agitation. En m'apporchant doucement, j'entends deux ou trois bribes de conversation me révélant les détails de l'altercation. Un môme de riche, probablement sorti d'un des cargo, à voulu se la peter en sortant sa super exo-armure de combat. Sauf qu'il s'est trouvé un type encore plus abruti pour se moquer et affirmer que leur combattant local ne ferait qu'une bouchée du fils à papa et de sa machine high-tech. L'autre, en petit ombrageux plein d'égo, l'avait pris au mot. En quelques minutes, une arène de fortune avait été montée, consistant en un vaste cercle de curieux suréxités, laissant libre un espace d'une cinquantaine de mètres de diamètre. Les halles sont un vaste espace haut de plafond, au centre de la toute petite cité, et faisant office de place centrale. Deux silhouettes toutes de métal, se font face au centre. L'une, petite, lisse et fuselée, semble vibrer d'une énérgie contenue. Deux jambes de métal portent un corp fin et des bras vif terminé par deux lame à plasma. L'autre, beaucoup plus massive, paraît néanmoins sur le point de s'écrouler, certaines pièces trouées par la rouille, laisse entrevoir le pilote, un type d'une quarantaine d'année, visage carré, peu amène. La conception est basique, basée sur l'éfficacité plus que l'ésthétique et réalisée avec des pièces recyclées sur d'autres machines, souvent agricole où minière. Un bras porte une énorme plaque de tôle épaisse d'au moins six milimètres, servant probablement de bouclier. L'autre se termine par une sorte d'énorme pince, à l'origine destinée à broyer des rocher dans les mines. Ridicule. L'un comme l'autre. La mutante aurai bien voulu sortir de la masse de spectateurs agglutinés ici mais les deux crétin en conserve décide d'entamer les hostilité à ce moment et elle se retrouve coincée au milieu d'une foule en délire, hurlant son hystérie pour encourager tel ou tel combattant. Des pièces trouées passent de main en main alors que les paris fusent. Kaësha, prennant son mal en patience, observe le combat d'un oeil détaché. Le petit virevolte en tout sens. Il est si rapide, comparé à l'autre, bondissant dans les airs et esquivant avec une aisance incomparable les lentes attaque de l'adversaire qu'il est tout simplement inssaisissable. Il fait pleuvoir sur l'autre les coups, assenant de terribles revers de ses lames à plasma qui tranchent la tôle comme une simple feuille de papier ou se fendant de coup passant à un cheveu du pilote adverse. Le match semble plié. Le bouclier du mastodonte n'est plus que dentelles et il boîte de la jambe droite alors qu'une durite fuit un liquide noirâtre. Le petit se ramasse sur lui même pour porter le coup de grâce. Il fonce. Esquive nochalemant un coup de pince, enfonce profondément sa lame dans le flanc de l'autre pour se prendre en pleine poire la “tête” de l'armure adverse. Il est violement projeté au sol mais se relève en une fraction de seconde, l'air en parfait état. Trop tard... La pince énorme le saisi au vol alors qu'il est sur le point de bondir, broyant une jambe de l'armure étincelante comme s'il ne s'agissait que de pâte à modeler. Un sourire cruel s'esquisse sur le visage du pilote, alors qu'il lui fracasse les restes de son bouclier sur le torse. Et avant qu'il ne puisse réagir, la pince agrippe le petit en plein mileu. Le Kiang-Dro est un combat à mort. Le petit fils de riche doit chier dans son armure flamboyante, à l'heure qu'il est. Il a beau être issu d'un monde privilégié, et s'être foutu dans la merde tout seul, Kaësha ne peux pas s'empêcher d'avoir un pincement au coeur en voyant se qui va se passer. Et c'est à ce moment que tout pars en vrille. Le tir surprend tout le monde. Il transperce l'oeil du pilote de la grosse armure et macule de rouge et de cervelle tout l'arrière de l'habitacle. Un moment, silence et stupeur envahissent l'immense halle. Puis le chaos éclate. Enragés, les spectateurs se ruent en tout sens, alors que des types de Razor fendent la foule et les crânes dans le même mouvements... En moins d'une seconde, on assiste à une véritable bataille rangée opposant une horde de supporters frustrés à une escouade surarmée s'efforçant d'exfiltré l'autre pilote.
La mutante, elle, parvient à s'extirper de la masse sans trop se faire remarquer. Capuche profondément enfoncée sur la tête, elle se faufille hors de la grande salle et rejoint peu à peu une zone plus calme de la cité. Elle tiens sa diversion... Son regard accroche soudain d'autres yeux. L'autre détourne rapidement le visage et s'enfonce dans un couloir sombre. Vaguement familier. Elle repense aux différents chasseurs qui l'ont pistés tout le long de la route. Deux crétins de chasseurs de mutants. Deux autres gars, étranges et qui n'en voulait pas à ses yeux avaient fini par lâcher le morceau quand elle les avait pris à revers. Bon pas de bonne grâce, il faut en convenir... Mais une fois son coéquipier mort égorgé proprement alors qu'il étaient ficelés ensemble, le second “chasseur” avait finis par balancer un nom. Son commenditaire. Un certain Alexeï, de la police d'Anadyr. Tiens donc. Le nom ne lui disait absolument rien. Néanmoins, pour le moment, elle a autre chose en tête. L'air de rien, elle grimpe les étages jusqu'aux passerelles menant dehors, aux quais placés un peu plus loin en amont du barrage. Se faufilant hors de vue des gardes en faction, elle prends quand même le temps d'envoyer un court message radio à Quêzin, pour lui annoncer son intention d'agir tout de suite. Bien que manifestement en colère, l'autre ne bataille pas. Il lui annonce qu'il mènera un assaut simultané sur le cargo, tâchant d'occuper un max des mercenaires à l'extérieur pendant qu'elle se faufilera dedans. Mission : trouver son père. Et le tuer...
***
Une heure plus tard... Le type en face d'elle n'a plus grand chose à voir avec son père. Le visage doux et souriant dont elle se souvient à ceder la place une face torturée, déformée par les cicatrices et surtout, surtout, ses yeux, ont disparu, pour ceder la place à deux globes noirs et insondables. Sa bouche est cousue. Il baisse lentement les mains puis fais un geste vif des doigts. Derrière, elle, devant, sur les côté, le cliquetit métallique de portes dévérouillée retentit alors que les cellules s'ouvrent en grand. Un des types de Razor saute du sas d'accès. Avisant la mutante, il la met en joue alors qu'un autre gars le rejoint et s'avance vers elle à grands pas. “Les mains en l'air, la “Moon-eyes”. T'es c...” Il est brutalement fauché par une créature hideuse sorti d'un cellule latérale. Dépassant les mercenaires de trois bonnes tête, les “centaures” se dressent en double rangée le long du couloir. Il n'ont pas de bouche. Ils n'ont d'ailleurs aucune expression. Le deuxième soldat tente de reculer en panique mais il est cienturé par un monstre qui le broie littérallement entre ses bras massifs avant de relâcher un paquet informe vêtu de la combianison de combat de Razor.inc.... En haut, d'autre gars s'affolent : “Putain de merde ! Les chimères sont sortie de stase !” “Pas possible ! Contactez immédiatement le type la K-corp. Qu'il gère sa marchandise, merde !”
En bas, Kaësha se met à trembler. Les horreurs à quatre pattes se tournent vers elle en silence. C'est alors qu'une main froide effleure doucement la joue de la jeune femme. Sursautant elle pivote pour se trouver nez à nez avec l'être déformé qui fut son père. Mais alors qu'elle est figée de stupeur, un soubressaut agite d'un spasme violent le corps du Khan. Ses paupières se referment lourdement et il s'effondre sur lui même, puis ne bouge plus du tout. Les centaures eux aussi semblent figés sur place. Avant de comprendre quoi que ce soit, Kaësha sent la piqure de trois flêchettes traverser les épaisses fourrure qui l'habille, et injecter leur contenu dans ses veines. Tout deviens flou, et lourd. Son esprit s'échappe, aspiré dans le néan alors que le monde autour prends une drôle d'inclinaison. Enfin elle s'enfonce dans le noir.
***
Le réveil est brutal. Sa tête heurte violement une paroi alors que tout la petite cellule où elle se trouve est littéralement sans dessus dessous. Enfin tout s'immobilise dans un craquement sinistre. Du sang coule dans ses yeux, de son front probablement. Elle distingue une ouverture, une large fente luminueuse, floue mais contrastant vivement avec le reste de ce qui l'entoure. Des silhouettes s'agitent. « Elle est là ! P'tain d'ses morts vite on la sort de là et on se natchav. » Des bras puissant la saisissent alors qu'elle est incapable de bouger. Il l'enlève comme fêtu de paille et elle sens son esprit fuir de nouveau ce monde.
Finalement, quand elle rouvre enfin les yeux, elle se trouve dans une petite pièce aux murs de roche. Un feu crépite, proche. Elle rabat d'un coup les fourrures qui la couvre et observe anxieusement les alentours. Une douleur aigüe lui transperce le crâne et elle sens sa tête qui tourne mais elle se force à rester assise. Des torches brûlent, accrochées aux parois taillée dans la pierre brute et illuminent l'espace d'une douce lumière ondoyante, alors qu'un brasier finit de se consummer au centre de la petite salle. Deux autre couchettes jouxtent la sienne. Vide.
« Kaësha ! Whaaa comment j'ai flipper ma race dis ! Ca fais trois jours que tu pionce sans t'arrêter meuf, j'ai cru que tu te réveillerai jamais, c'est qu'on as pas pu faire autrement tu sais le C4 s'était le seul machin qu'on a pu se procurer assez vite et suffisament bourrin pour dégomer le blindage ! On t'a suivie pendant une semaine avant de trouver le bon moment c'était un truc de malade, on les a poutré au moment où ils se pensait safe ! Trop stylé l'action j'te jure d'ailleurs un moment j'ai... » « Atöo! Laisse là emmerger tranquille ! Va chercher un bol de bouillon plutôt. »
C'est un ancien qui a parlé. Assis à deux pas, emmitouflé dans de grosse pelisses, la mutante ne l'avait pas remarqué jusqu'ici. Il l'observe avec des yeux rieur. Un sourire avec encore quelques dents egaye encore son visage. « Eh ben!Tu reviens de loin ma belle. » « Dis le vioque. J'aime autant que tu m'appelle par mon prénom. Et qu'tu m'donne le tiens tant qu'a faire, ça m'évitera de devoir t'appeler l'ancêtre, ou le dinosaure... » « Hahaha ! Ha ha ! Ben ma salope si j'avais des doute chu fixé... T'es bien la foutu sœur de Quêzin, haha ! » « Hum... Mouais on peu dire ça... C'est lui qui... c'est... on est où ? » « Ceinture d'Anadyr. » « T'es pyros ? » « Ouaip. Mais j'fais plutôt dans la logistique. J'ai plus tant l'goût d'la baston, pense tu ! Dis c'est qu'j'aurrai jamais imaginer passer 70 printemps, poupée. » « Que... Qu'est ce qui s'est passé ? » « Y un poil moins de deux semaines, vous avez attaquer un cargo. A la Lullska. Sauf que tu t'es fais capturée par la société propriétaire de la cargaison. La K-corp. Sont affilié à la Conf' libre, mais je crois que c'est une société écran de l'ANDRA, leur permettant d'avoir un pied légal au sein de la Conf'. Fin bref, on s'en tape. Le fait est que dehors, les gars on rien pu faire pour t'aider. Des renforts sont arrivé de la cité, un type super chelou a débarqué et donné plien d'ordres. Quêzin et la quinzaine de pyros se sont replié et ont subit une traque sévère. Le jour même, une navette ultra rapide, aux couleurs de l'ANDRA débarque. Elle est accompagnée de deux escorteur surarmés, et d'un fourgon de transfert de prisonnier. Ils transfert un « colis » dans l'engin. Un colis mutant haha ! Bon. Pardon. On s'est douté que c'était toi, hein, et donc ni une ni deux le Quêzin décide que c'est plus important de te saortir toi de là, que d'achever la mission initiale. Surtout que les escorteurs sont restés avec le cargo de la K-corp. Alors on a suivi le fourgon. On a capté qu'ils t'emmenaient à Anadyr. On a contacté des copains là bas. Et tendu l'embuscade pour te tirer de là avant qu'il atteigne la cité. Seulement on a pas pu intervenir avant qu'il ne franchisse la ceinture. Voilà. C'était il y a trois jours. »
A la suite du discours, Kaësha sent la migraine revenir, plus terrible encore. Elle finit par s'abandonner à la fatigue et replonge dans le sommeiL Après tout ce temps... Anadyr. Le gamin arrive avec un bol de bouillon chaud. « Bah, elle dort encore ! » « Té, bah c'est qu'è doit en avoir b'zoin, dis. Passe donc le bol en attendant, p'tit, 'tant pas l'laissé r'froidir. »
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3ko
Jeu 23 Nov - 17:48
>K-CORP MESSAGE CRYPTE
Expéditeur : K-corp – Délégué Ordonnateur IVAN 578 Destinataire : ANDRA – Grigoriy Razamanov
Sujet : Expérience 999 K-corp – incident lors de la livraison. Prions le Maître de pardonner regretable incident survenu lors du dernier ravitaillement. Cause inconnue. Contrôle du sujet perdu pendant un laps de temps supérieur à 48 secondes. Rétabli en 36 secondes après constatation. Avons pourtant apporté le plus grand soin lors des implants nanos dans la moëlle épinière et le cervelet. Suspectons cause génétique lors de l'intervention de la société Gaïllamesh. Demandons enquête, et travaillons dés maintenant à résoudre définitivement le problème. Tenons cepandant à signaler que la connexion sujet/chimère a parfaitement fonctionnée et même au delà de nos espérances. Donnerons plus d'informations dés que possible. Fin du rapport.
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3ko
Jeu 23 Nov - 17:54
Padmaz Pavan Kulvir – Diplomate et Coordonnateur en Chef au sein de la société Gaïllamesh.inc MESSAGE CRYPTE Informations supplémentaires ici.
Expéditeur : Gaïllamesh – Padmaj Pavan Kulvir (Coordonnateur Génétique en Chef) Destinataire : ANDRA – Grigoriy Razamanov
Sujet : Dysfonctionnement Chimère/Hybride lors de livraison Avec tout la considération de Gaïllamesh.inc à sa consoeur ANDRA.corp, le conseil assure la parfaite fonctionnalité de ses produits. Toutes les exportation de la société subissent une série de contrôle rigoureux avant d'être mises sur le marché. Les modifications génétiques apportées au sujet 999 K-corp (autrement nommé « Khan ») sont d'ordre mineures et aucun dysfonctionnement n'a été constaté lors des tests. Le conseil précise que la partie contrôle mental du sujet devait être assuré par la K-corp et leurs technologie d'implants volée aux Jarréens. Nous nions toutes responsabilité quand aux incidents survenus lors du trajet, où la sécurité du fret devait être assuré selon le contrat par la K-corp. Pour finir, nous avons constaté d'autre part que la connexion entre le sujet et les chimère à fonctionné au delà de toutes espérances. Nous nous félicitons en cela de notre travail. Nous tenons à vous assurer de notre plus sincère considération.
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Asma
Lun 18 Déc - 15:08
Julia Anderson
J'ai 36 ans - mais l'apparence de 10 ans de moins - et je vis à Anchorage, Ex-Alaska, maintenant zone administrée par ANDRA-Corp. Dans la vie, j'étais policière, pilote de drone d'une unité tactique mais je suis désormais au chômage, même si je ne souffre d'aucun problème financier. Héritière désignée de la moitié du conglomérat ANDRA Corp, je suis rentrée à Anchorage après avoir abandonné mon ancienne vie à Anadyr. En savoir plus.
La tête au-dessus de la cuvette, Julia sentit la bile acide qui remontait le long de son œsophage tout brûler sur son passage. Elle avait lu et relu les messages interceptés jusqu’à l’écœurement le plus littéral. La K-corp. Une des nombreuses filiales obscures d’Andra-corp. Il y en avait malheureusement bien plus que ce que la jeune femme ne pouvait en compter. Depuis quand l’entreprise faisait-elle affaire avec Gaïllamesh ? Julia était intimement convaincue que son père ignorait tout de ce qui se tramait. D’ailleurs, pourquoi ce message était-il spécifiquement adressé à Grigoriy et rien qu’à lui ? Grigoriy n’occupait formellement aucun poste à responsabilité au sein de la structure. Qu’en était-il d’Ivan ? Jusqu’à quel point était-il impliqué dans toutes ces manigances ? Il savait pour Héphaïstos, c’était certain. Mais cela en faisait-il aussi partie ou s’agissait-il de l’un des autres – et potentiellement nombreux – projets secrets de la corporation ? Julia essuya ses lèvres du dos de la main et se laissa retomber contre la cuvette, le front en appui sur son avant-bras.
Une main se posa sur l’arrière de son crâne. Elle ne l’avait pas entendu rentrer. Elle sentit les doigts glisser dans ses cheveux pour les regrouper et délicatement les repousser en arrière. Elle ferma les yeux. Elle n’avait aucune envie d’être vue dans cet état. Elle sentit les bras se glisser sous les siens pour l’aider à se redresser. Elle trembla à ce contact. De fébrilité. De dégoût ? Ses jambes flageolèrent mais soutinrent malgré tout sa maigre carcasse. Elle prit appui sur le rebord du lavabo dont le robinet se mit de lui-même à déverser un abondant jet d’eau fraîche. Elle la recueillit dans le creux de ses mains pour se débarbouiller. Elle pouvait l’entrapercevoir derrière elle, dans le reflet de l’immense miroir qui recouvrait un mur entier de la pièce. Il avait l’air sincèrement inquiet. Presque. Elle évita soigneusement son regard. Elle n’avait aucune envie de lui parler. Un nouveau spasme contracta son estomac douloureusement vide. Il la scrutait d’un air interrogateur. Elle n’avait pas souvenir qu’il l’ait jamais vue dans cet état. Il était à son égard d’une prévenance qui jurait avec tout ce qu’il était – ou prétendait être –. Son attitude avait quelque chose de déstabilisant. Où était la vérité ? Où débutait la façade de mensonge ? Elle hoqueta et plongea la tête dans l’épaisse et moelleuse serviette de toilette qu’il lui tendait.
̶ Salade de poisson cru, mentit-elle. Très mauvaise idée.
Un croisement de chimère et d’humain. Les monstres. Si la morale et l’éthique n’étaient que très rarement des préoccupations des grandes corporations, on avait atteint à ses yeux un palier supplémentaire dans l’horreur.
« Une fin rapide dans l’horreur ». Les mots avaient une résonnance nouvellement sinistre à ses oreilles. Spasme. Contraction abdominale. Elle souffla lentement et, évitant toujours de croiser son regard, passa devant Ivan en direction de la chambre.
Il la retrouva installée en tailleur sur le lit, l’air plus déterminé que jamais. Une foison de paperasse virtuelle était étalée tout autour d’elle. Vaste mélange de plans, de listes d’équipements, d’échanges de messages. Méconnaissable dans son attitude, le grand brun s’approcha d’une démarche qu’elle aurait curieusement pu qualifier d’hésitante. Il vint s’installer dans son dos et Julia, presque par habitude, bascula la tête en arrière et prit appui sur son torse. Il l’enveloppa de ses bras. Elle ne put réprimer un long frisson.
̶ Rappelle-moi quand tu pars. ̶ Je décolle pour Nome demain soir. Le départ est dans deux jours. ̶ Tu es sûre de te sentir en état ? ̶ Ce n’est rien. ̶ Julia ? ̶ Ce n’est rien, je t’assure, répéta-t-elle. Même nous ne sommes pas à l’abri d’une bête indigestion.
Il attira à lui quelques-uns des feuillets épars et zooma dessus, avant de les renvoyer à leur position initiale.
̶ L’Iditarod le mois dernier, maintenant la Nadezhda… Même pas mariés et tu cherches déjà à me fuir, ma Ioulietta ? Lança-t-il d’un ton détaché mais où elle sentit poindre une pointe de reproche et un soupçon de… doute ? ̶ Ô Roméo, Roméo, rétorqua-t-elle sarcastiquement, je ne te demande pas ton autorisation.
Son air se fit soudain bien plus sérieux. Elle se détacha de son torse et se retourna pour lui faire face. Elle plongea son regard clair dans les deux puits sombre qu’étaient ceux d’Ivan.
̶ Soyons clairs, je ne suis pas une de tes potiches enfarinées. Je ne te demanderai jamais ton autorisation. Je compte bien participer à la course et je te souhaite bien du courage pour essayer de m’en dissuader.
D’une pression sur son poignet, elle fit disparaître l’ensemble des feuillets éparpillés sur le lit. Passant outre la sensation nauséeuse qui ne la quittait pas, elle posa un bref baiser sur ses lèvres et tourna les talons, gratifiant au passage Kodi, lascivement étendu au pied du lit, d’une papouille sur le sommet du crâne avant de s’éloigner. Le husky sembla la remercier du regard et battit de la queue, mais ne suivit pas sa maîtresse. Lui comprenait. Il n’insistait pas.
La Nadezhda, aussi connue fut une époque lointaine sous le nom de Hope Race, était une course de chiens de traîneaux longue de près de 1930 kilomètres qui reliait les villes de Nome, en Alaska, à Anadyr, de l’autre côté du détroit de Béring. Le parcours avait évolué au fil des années, notamment au fil de l’évolution des rapports entre feus les Etats-Unis et la Russie. Mais la transition aux corporations avait effacé toutes ces frontières pour en construire de nouvelles, et celle-ci avait retrouvé un tracé d’un autre siècle, qui célébrait glorieusement l’union de ces deux territoires de part et d’autre de la mer de Béring au sein de l’Andra. Qui plus est, cette année était plus particulière encore. Après toute cette mauvaise pub autour de la « peste », c’était l’occasion de braquer les projecteurs sur Anadyr pour montrer au monde comment ladite « peste » avait été si bien contenue et éradiquée.
« Et le grand mal frappera les mécréants » résonna dans son esprit la voix d’oiseau de mauvais augure de Grigoriy. Elle se rappelait comme si c’était hier de la soirée où elle avait appris la nouvelle. Ivan et elle participaient à de quelconques mondanités où elle avait accepté, ne serait-ce que pour sortir un pied de l’appartement, de jouer les plantes vertes. Il avait passé un bras nonchalant autour de sa taille. En face de lui, son interlocutrice poussait des petits « oh » et des « ah » pathétiques en dévorant le golden boy des yeux. Julia faisait de son mieux pour ne pas rouler des yeux. Son oncle avait soudain fait irruption au milieu de la conversation pour narrer – sans rentrer dans le détail, évidemment – ses dernières pérégrinations. Il s’était alors lancé dans une diatribe sur le feu divin et la façon celui-ci s’était abattu sur la « Gomorrhe arctique » d’Anadyr. Julia s’était emparée d’une coupe de champagne qu’elle avait vidée d’une traite avant de s’éloigner. S’isoler pour appeler.
A travers les vitres, elle contemplait les feux du navion en train de se poser sur l’eau. Le A720 Orlyonok d’Anadyr. La voix familière la rappela soudain à une tout autre réalité. Une réalité loin de l’image que son propre reflet dans l’immense baie vitrée lui renvoyait.
̶ Anders ? ̶ Boss. ̶ Y’a longtemps que j’suis plus ton boss, ma belle. ̶ Comment… ? ̶ On fait aller, la coupa-t-il. On est toujours là à tenir la boutique. Novik. Johnson. Même ce connard de Chang.
La jeune femme ne put réprimer un léger sourire que son interlocuteur ne vit pas mais qu’il sembla entendre malgré tout. Il éclata d’un bref rire gras avant de reprendre, la mort dans l’âme.
̶ Quelle saloperie. T’es vraiment partie au bon moment.
Elle n’osa pas même interrompre le blanc qui suivit. Il semblait être en train de revivre ce qui s’était produit. Ce qu’on avait certainement dû leur demander de faire. Parce que leur foutu job était ingrat jusqu’au bout. Le « traitement ». La purge, oui.
̶ ‘L a fallu « nettoyer la vermine ». Soi-disant que le vaccin était difficile à produire. Surtout pas envie de se bouger le fion pour des trouducs du fin fond de nulle part. Ouais, ouais, je sais ce que tu vas me dire. Mais tu sais, Anders’, hormis toi, pas grand monde de chez Andra serait foutu de nous placer sur une carte. Alors nous aider. ̶ Je ne suis pas « de chez Andra », marmonna-t-elle pour toute réponse.
Engoncée dans une robe de cocktail rehaussée de pierres précieuses qui représentait plusieurs mois – voire années – de travail du commun des mortels, avec ses cheveux torsadés dans une coiffure ultra graphique garnie d’un demi-million de pinces plates et le regard si charbonneux qu’elle en aurait fait pâlir d’envie une corneille, elle était bien loin de la policière qui sillonnait les bas-fonds de la ville. On repasserait pour la crédibilité de cette déclaration.
La « peste d’Anadyr ». Tout laissait pensait qu’elle trouvait ses origines dans un quelconque labo obscur d’Andra-corp. Quant à sa « fin », il ne s’agissait de rien de plus qu’une saloperie de coup de comm’ médiatique. Mais en l’espèce, également une occasion en or pour Julia.
Le vent fouetta son visage. Son passage levait des tourbillons de volutes blancs. Elle sentait les aiguillons glacés lui transpercer le visage. Seule au cœur de la vaste étendue blanche balayée par les vents, elle hurla comme un loup à la lune et éclata d’un rire fou. Akna, en tête, lui jeta un bref coup d’œil circonspect. Non, ce n’était pas une consigne. Simplement un pur éclat de bonheur ivre. La chienne, extatique à son tour, bondit en avant, entraînant tout l’équipage dans son accélération.
Dans ce décor à la fois changeant et immuable, il était difficile de s’imaginer à quel point le monde avait changé depuis l’époque de Mary Shields, si longtemps avant le cataclysme et la décennie du Grand Désordre. « Chaque fois que vous attelez vos chiens, que vous mettez votre parka, souvenez-vous de chaque minute. Les années passent et vous vous demanderez où est passé tout ce temps. » Julia fut traversée par d’autres images du passé. Celle, majestueuse, d’un ours blanc sur un autre rivage de sa mémoire.
Du côté alaskain, la piste montait via Teller jusqu’à Wales où un transporteur viendrait les récupérer pour les déposer, de l’autre côté du détroit, à Uelen. Malgré le fait que, depuis le Grand Hiver, ce bras de mer n’ait jamais vraiment dégelé, on évitait toujours la traversée de l’océan avec les chiens. Julia n’aurait su dire si c’était véritablement par crainte d’un accident ou si d’autres motivations qui justifiait ce choix. « La tradition ancestrale », disait le comité d’organisation. Une belle aubaine, pour la jeune femme. Elle savait déjà qui était son transporteur.
̶ Alec !
Devant la gargantuesque silhouette de l’hélicoptère lourd d’un camaïeu de gris clair et de blanc, surmonté de sa double paire de rotors contrarotatifs se détachait, celle bien plus frêle et surmontée d’une tignasse blonde en pagaille, de ce visage familier. Son regard gris semblait pétiller malgré ses lèvres bleuies qui trahissaient sa relativement faible tolérance au froid. La jeune femme débarrassa la neige de sa parka et se jeta sur son ancien coéquipier.
- Alors, déjà marre de jouer les poupées corpo ?
La jeune femme le gratifia d’un grand coup dans l’épaule. Son ancien collègue la chahuta gentiment en retour. Les chiens, voyant leur meneuse se faire bousculer, se redressèrent comme un seul homme et se mirent à gronder en cœur. Alexei eut un mouvement de recul et manqua de basculer en arrière dans la poudreuse. Heureusement pour lui, ils étaient retenus à leur ligne d’arrêt. La jeune femme émit un petit sifflement et toute la troupe se rassit, certains se laissant aller à s’allonger dans la paille qui avait été répandue à leur attention. Son visage de porcelaine immaculée se fendit d’un large sourire plein de dents.
- C’est pourquoi, le camo’ ? ne pût s’empêcher de l’interroger la jeune femme en désignant l’appareil du bout du menton. - La corpo de Mamour n’a pas forcément que des amis par ici, répondit-il avec un haussement d’épaule.
Julia le gratifia d’un nouveau coup dans l’épaule.
- C’est pas ce qu’il y a de plus moderne, mais c’est rustique et ça résiste à tout, lança-t-il fièrement. - Allez, viens, aide-moi à charger, plutôt.
La machine s’ébroua avec la grâce d’un troll des montagnes. Rustique, c’était le terme. Les pales se mirent en mouvement, plongeant l’hélicoptère et ses occupants dans un brouillard de flocons en suspension. A l’arrière, Maitouk et Osha, les deux plus jeunes de la troupe, se mirent à gémir de concert. Ceux-ci furent bientôt noyés sous le brouhaha ambiant.
- Tu voulais dire quoi pas « pas que des amis » ? Reprit alors Julia tandis que Wales s’éloignait derrière eux. - C’est pas l’Alaska, de l’autre côté, Jul’. Uelen est un bled paumé bien loin de la Ceinture. Eux, c’est juste une tribu assez pépouze. Mais autour, et surtout vers le nord, c’est une autre affaire. Les gangs, les pseudo milices, la Horde.
Il soupira. Par la verrière, les deux Diomède, emprisonnées dans les glaces, se distinguaient de leurs présences monolithiques au cœur de la banquise. On pouvait entrapercevoir les vestiges des entrées des tunnels qui plongeaient sous les entrailles liquides du détroit pour relier les deux continents. Ces tunnels construits bien avant sa naissance mais depuis longtemps abandonnés. Des kilomètres et des kilomètres de souterrains désaffectés, probablement en grande partie inondés, hantés par elle n’osait imaginer quoi de monstruosités marines.
- T’es vraiment sûre de toi, Jul’ ? - Je ne serai sûre qu’une fois que j’aurai vu de mes propres yeux. - Tiens.
Alexei passa un bras derrière son propre siège et en extirpa une sacoche noire qu’il lui tendit. Elle en sortit une sorte de microcircuit qu’elle fixa, une fois les épaisseurs de vêtement retroussées, entre son poignet et sa manchette. Elle pianota quelques instants sur son bracelet et remercia silencieusement son ancien collègue d’un petit signe de tête.
Le vol fut d’assez courte durée. Il leur fallut moins d’une heure à peine pour rejoindre Uelen, sur l’autre rive. Avec son demi-millier d’habitants, Uelen était une étroite langue de terre coincée entre un lagon gelé d’un côté et les plages de l’océan Arctique de l’autre. La communité habitée la plus à l’est du monde. « Le lieu où chaque jour nouveau commence ».
A leur poser, le comité d’organisation se chargea de les aider à débarquer le matériel et les animaux, lesquels furent confiés au bon soin de l’équipe vétérinaire. Tous les chiens étaient identifiés et suivis par leurs micropuces. La plupart d’entre eux étaient améliorés génétiquement. Par des générations et des générations de croisement pour en développer les meilleures caractéristiques, mais également par quelques « coups de pouce » technologique dûment réglementés par le comité de course. La plupart de ces altérations avait vocation à améliorer le confort des chiens : moins de sensibilité au froid dans les extrémités, coussinets plus résistants à l’abrasion sur les sols de glace qui rendaient obsolète l’utilisation de bottines et autres accessoires de confort. Le dispositif de puce permettait de suivre en direct l’état de leur cœur, leur hydratation, leur appétit, leur poids, l’état de leurs poumons et leurs éventuels problèmes respiratoires, leur état de fatigue général. Ce suivi constituait également un gain de temps significatif dans la compétition. Il permettait de s’épargner la perte de temps que constituaient les longs examens vétérinaires lors des points de contrôle.
Le reste de la journée était libre, la course ne reprenant que le lendemain. Les autochtones ne se mêlaient désormais presque plus aux coureurs. Julia se rappelait de lectures sur une époque où chaque étape était une occasion de partage avec les populations locales, où les mushers étaient accueillis par de grandes accolades, des danses traditionnelles et du thé chaud. La Nadezhda était devenue moins pittoresque. La faute à qui ? A l’Andra ? Aux hordes sauvages ? À des décennies d’abandon de ces territoires ? Il s’agissait désormais d’un pur défi physique. Une expédition excitante pour des citadins en mal d’aventures et prêts à dépasser leurs limites ou des paumés qui voulaient redonner un sens à leur vie. Dans laquelle de ces deux catégories Julia tombait-elle exactement ? L’homme et le chien face à une nature brute, sauvage, sur des territoires éloignés de la civilisation. Enfin, presque. On leur donnait une fausse impression de solitude et de totale liberté. Pourtant la jeune femme se savait épiée, suivie. Le dispositif était sous haute surveillance pour ses 46 attelages participants.
Contrairement à son équivalente alaskaine, la course sibérienne était plus sauvage. Plus rude. Pas uniquement en raison des conditions météorologiques et du dénivelé, mais parce que, bien qu’en territoire de l’Andra, la corporation n’y avait pas la totale maîtrise qu’elle prétendait afficher. Le territoire se trouvait aux confins du globe, dans une sphère où se développaient des communautés qui tentaient se proclamer indépendantes. Le genre de vermines contre lesquelles luttaient les mégacorps, si loin des mégalopoles qu’elles contrôlaient. Rien à voir avec les courses d’antan où la plus grande crainte était la rencontre avec des ours. Les dangers étaient différents. Les animaux sauvages, en premiers lieux. Des abominations qui parcouraient la terre grâce aux talents en génétique de quelques génies fous.
Julia consacra le temps qu’il lui restait en compagnie d’Alexei. Ils s’étaient installés dans l’une des cahutes mises à leur disposition, à discuter autour du feu d’une vie dont ils avaient, l’un comme l’autre, tourné la page. Le blond avait la main lourde sur la vodka. Julia s’était contentée d’une gorgée au début, lorsqu’ils avaient trinqué, mais il était seul depuis un petit moment sur la bouteille à épancher une soif apparemment inextinguible. Ce ne fut qu’au bout d’un très long moment, alors qu’elle commençait à se laisser aller, doucement bercée par le balancement des flammes et le vent qui faisait vibrer les vitres et sifflait à travers les interstices, qu’elle remarqua la façon qu’il avait de frotter sa jambe gauche entre deux goulées. Elle l’avait pris pour une sorte de tic. Une manifestation du froid qu’il ressentait, peut-être ?
- Alec ? Tenta-t-elle, sourcils froncés, le regard posé sur la jambe de son camarade.
Celui-ci suivit son regard et renifla bruyamment en reprenant une longue rasade d’alcool.
- Alec, répéta-t-elle en se redressant.
Sans lui demander son autorisation, elle posa la main sur sa cuisse. Lisse, sans imperfection. Elle pouvait sentir la parfaite régularité du contact sous ses doigts. Ferme. Rigide, même. Métallique.
- Roh, tu sais ce que c’est, répondit-il d’un air faussement détaché. Elle pouvait néanmoins percevoir l’ombre d’une grimace sur son visage. Je te l’ai dit, pas que des amis. - Quand ? - Je sais pas, moi. Trois mois ? Quatre ? - Trois ou quatre ? - Deux mois et dix-huit jours, Julia. Contente ? Putain ! - Toute la jambe ? - Du genou à la hanche. C’est fini ce foutu interrogatoire ? T’es plus flic, je te rappelle. - Ils t’ont fait ça propre, au moins ? Poursuivit-elle, faisant fi de ses commentaires acerbes.
Il se contenta de lui répondre d’un vague haussement d’épaule et porta de nouveau le goulot à ses lèvres.
- Alec, tu sais que si tu as besoin de… - Ouais, ouais. J’ai pas besoin de ta pitié, ma belle, rétorqua-t-il, lui soufflant dessus son haleine lourdement éthylique. - Appelle-moi encore une fois « ma belle » et je t’assure que tu en auras besoin.
Le blond éclata d’un rire jaune.
- Jul’, reprit-il plus posément. Je l’avais rude avant de te connaître. J’ai continué à l’avoir rude après. Je savais pourquoi je signais en restant. - La « peste » ? - Quoi d’autre… - La maladie ? Insista-t-elle. - Nan, admit-il. La « vermine », plutôt.
Sans un mot, la jeune femme se contenta de le serrer dans ses bras.
- Tu fais chier, Jul’, grogna-t-il sans pour autant chercher à se libérer de son emprise.
Le lendemain, une demi-heure à peine après le lever du soleil, la course reprit.
Elle ne vit pas Alexei ce matin-là. Le transporteur, comme d’autres, était encore là. Ils auraient à organiser les rotations du staff de la course après le départ des coureurs. Il était probablement en train de décuver quelque part.
Les chiens, les yeux fous, bondissants, trépignaient et grognaient leur frustration de ne pas pouvoir partir sur le champ. Le départ était échelonné pour les coureurs. Enfin, au bout de ce qui sembla une éternité pût-elle laisser derrière elle Uelen et s’élancer pour parcourir la centaine de kilomètres qui la séparait de Lavrentiya, sa prochaine étape. Cette fois, elle était vraiment repartie. Il n’y aurait plus de nouveau passage aéroporté. Il n’y avait désormais plus qu’elle, ses chiens et la piste. Le lendemain, ce fut autour de 4h du matin que le départ fut lancé. L’étape jusqu’à Yanrakynnot faisait près de cent-trente kilomètres. Cette étape, particulièrement difficile, alternait toundra vallonnée, longues étendues plates de mer de glace éblouissante et ascensions de collines abruptes. Quelques kilomètres après Lorino, elle croisa quelques vestiges d’habitations anciennes. Pas juste anciennes, probablement ancestrales. Des os de morse plantés dans le sol le long de la plage témoignèrent d’une présence – lointaine ou récente – d’humains dans cette zone reculée du monde. Sur la banquise, elle entraperçut des traces d’ours polaire. Une rareté. Et d’autre chose. A en examiner la forme des empreintes dans la neige, quelque chose de bien moins naturel. La jeune femme frémit. Le fusil trouva une place de choix sur le haut du traîneau. A l’intérieur pour garder la crosse et le chien suffisamment au chaud pour ne pas rendre l’arme inutilisable, mais à portée de main. On ne savait jamais. Le soleil, dans le ciel, devint un halo dans la brume de glace.
Une forme de routine commença à s’installer, même si, dans de telles conditions, il était en réalité difficile de qualifier son périple de routinier. Elle alternait des runs avec de brèves pauses où elle offrait quelques snacks aux chiens avant de repartir et en profitait pour délasser ses muscles. Une courte sieste. De toute façon, avec des températures de -20 à -60°C, les réveils étaient fréquents. L’enveloppe thermique dans laquelle elle s’installait lui permettait de se maintenir à une température permettant une bien meilleure récupération, mais elle dépassait de toute façon rarement l’heure. Le soir, lorsqu’elle rejoignait l’étape, c’étaient les mêmes gestes qui étaient répétés. Faire boire les chiens, les nourrir, les soigner, installer un camp et se reposer, le tout en un minimum de temps. Il y avait fort longtemps que les chiens n’étaient plus nourris de chair de morse fermentée, remplacée par des ersatz hyper protéinés qui simulaient la texture de viande et de lard tout en leur faisant bénéficier de tous les apports dont ils avaient besoin, dans une sorte d’épaisse soupe servie dans de grandes gamelles métalliques. Julia progressait de jour comme de nuit. Le soir, elle voyageait au faisceau d’une simple lampe frontale. Elle aurait pu bénéficier de sources lumineuses plus importantes sans aucune difficulté, mais elle n’avait pas non plus envie d’attirer une attention indésirable sur sa personne et son équipe. Elle préférait se faire discrète dans la pénombre. Ce n’était pas le cas de tous les coureurs dont certains lui faisaient l’effet de guirlandes de Noël, repérables à des kilomètres. Sur l’étape de Provideniya à Enmelen, cela avait d’ailleurs joué un mauvais tour à cet imbécile de Lundqvist. Un ombre-chasse. La chance qu’il avait eue, c’était que la créature, qui pourtant chassait habituellement en meute, était seule. Un des chiens de son attelage y avait tout de même laissé sa vie, et le suédois un morceau de mollet dans lequel la bête avait plongé ses crocs venimeux avant d’être abattue à bout portant. Heureusement pour lui, l’anti-venin avait pu lui être administré avant que le poison ne nécrose trop les tissus, mais c’en était fini de la course pour lui.
Le tronçon qui les attendait d’Enmelen à Egvekinot était particulièrement long. Il leur imposerait de passer au moins une nuit sans étape, seuls au cœur de la toundra. La piste traversa la baie de Provideniya avant de remonter une longue colline pour attaquer la course sur le terrain vallonné qui remontait vers le nord. Un ciel couleur de plomb encombré de nuit dispensait une lumière blafarde sur les blanches étendues qui l’entouraient. La piste, au moins, était idéale. La neige avait été suffisamment tassée par le vent pour former une croûte sur laquelle les patins glissaient avec facilité et les chiens couraient sans s’enfoncer.
La jeune femme aux cheveux d’albâtre fit une brève halte au sommet d’une colline. Elle était remontée vers le nord en suivant la piste qui, sous ses yeux, piquait vers l’ouest pour continuer à longer la côte. Elle porta sa main à son bracelet et enfonça la micropuce dans l’un des ports. La mention « brouilleur activé » s’afficha brièvement sur l’écran avant de disparaître. Elle sourit et, d’un « yap yap », elle plongea vers l’intérieur des terres sur un terrain de toundra vallonée, en direction du nord-ouest.
Julia s’était assurée au préalable qu’il n’y avait personne à proximité avant de faire bifurquer les chiens. Elle rejoignit rapidement la ligne de crête, passa par-dessus et s’arrêta à l’abri de rochers. Elle ancra le traîneau et entreprit d’en décharger un morceau d’ersatz protéiné congelé. Les chiens s’excitèrent à la vue de la pseudo viande, mais l’heure n’était pas encore venue de les nourrir. La cheffe de meute, une imposante femelle qui occupait l’une des deux places de wheel dog, au plus près du traîneau, claqua des mâchoires pour rappeler l’attelage à l’ordre. D’un coup de hache bien placé, la jeune femme ouvrit la simili carcasse gelée qui servirait à nourrir ses chiens ce soir. Elle en sortit une demi-douzaine de drones gamma qu’elle plaça sous une épaisse couverture au fond de son traîneau.
Elle enfila le casque un peu daté et rabattit sa capuche de fausse fourrure sur son crâne. Elle sortit un couteau de la poche et détacha aussi délicatement qu’elle put le traqueur de course fixé à son traîneau. Avec toute la délicatesse du monde, elle sortit un unique drone dans lequel elle plaça le traqueur. L’appareil prit vie et s’élança dans les airs. Il prit rapidement un cap vers l’ouest et fila au loin. Elle pouvait le suivre sur sa console. Dans quelques kilomètres, lorsqu’il aurait rejoint la piste, il prendrait une vitesse de croisière autour de quinze kilomètre-heure et déroulerait le programme qui lui avait été installé. Julia avait maintenant un peu plus de vingt-quatre-heures devant elle. Vingt-quatre-heures avant de rejoindre le drone au point de rendez-vous et reprendre la course comme si elle n’avait jamais quitté la piste. Elle rangea le reste de son matériel, récupéra son ancre et lança son attelage plein nord.
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Julia posa la petite micropuce du brouilleur dans le creux de sa main et enfonça la lame de son couteau dedans. Dans un craquement sonore, celle-ci se sépara entre plusieurs morceaux, qu’elle termina d’effriter entre ses doigts avant de les répandre à tous les vents. La neige les recouvrit en quelques instants à peine. Le blizzard s’était levé et soufflait à plus de 100 kilomètre-heure sur la piste. La progression devenait difficile mais il fallait qu’elle rattrape son retard. Le bras du fleuve apparût enfin et, plus au sud encore, l’aéroport d’Egvekinot. L’infrastructure était étonnamment développée pour un avant-poste si éloigné d’Anadyr. Un rictus souleva le coin des lèvres de la jeune femme.
Elle mit à peine un patin dans le camp des coureurs que l’un des commissaires de course s’approcha d’elle et l’alpagua.
- Julia ! On pensait vous avoir perdue ! S’exclama-t-il. - Perdue ? Fit mine de s’étonner la jeune femme. Ah ça, pour m’être perdue, je me suis perdue, c’est sûr. Quelle saleté, ce vent ! Je n’ai jamais retrouvé le drone de tête quand j’ai accidentellement quitté la piste. Je suis parvenue à revenir dessus d’une façon ou d’une autre, mais personne de vos équipes n’est venu m’indiquer que j’étais sur la mauvaise route. Quelle est l’utilité du mouchard de traîneau si c’est pour nous perdre en pleine nature ? - C’est incompréhensible. Nous avons perdu le traîneau et les chiens en même temps. Le temps que nous nous rendions compte de la défaillance et de vous quitter l’équipe de soutien, vous étiez déjà introuvable. Je suis absolument navré de ce désagrément. - Pas autant que moi, Poels, répondit-elle d’un ton sec et cassant. Pas autant que moi.
Mettant ainsi terme à l’échange, la jeune femme s’éloigna, laissant dans son sillage un commissaire de course livide. Un aidant se porta à elle pour l’assister dans l’ancrage de son traîneau et pour détacher les chiens afin de les emmener au stake out et de s’occuper d’eux.
La course replongea vers le sud, jusqu’à atteindre Uelkal, sur la Ceinture. La traversée de la Ceinture fut un moment particulier pour tous les coureurs. Environ un kilomètre avant leur arrivée, à l’approche de l’immense centrale, des motoneiges chargées de gardes armées vinrent les escorter, s’assurant qu’ils ne quittaient plus l’unique piste qui conduisait jusqu’à l’imposant bâtiment encadré d’immenses murailles et de barbelés, peint de l’inscription en lettres capitales : « Station Uelkal 089 ».
Julia avala sa salive. Cette image en appelait d’autres dans son esprit. Cette fois, une haie d’honneur les accueillait chaleureusement. Les chiens se mirent à japper joyeusement sous les quelques applaudissements des soldats dont leur passage faisait la journée. Elle sentit leur envie de repartir à toute vitesse pour faire la démonstration de leurs talents face à leur public, mais, bien encadrée de toute part, elle gardait le pied sur le frein. Ce ne fut qu’une fois la station traversée et les motoneiges ayant fait demi-retour qu’ils purent s’élancer de nouveau pleinement dans la course.
Quelque chose avait changé. Elle pouvait le sentir. L’air ? Le sol sous ses pieds ? Bien qu’à des kilomètres encore d’Anadyr, on n’était plus Dehors. On était « à l’abri » du monde sauvage. On était surtout de retour dans le royaume corrompu des hommes. L’estuaire d’Anadyr se profila finalement au loin, dans la splendeur de son halo lumineux et putride. Les chiens ralentirent, museaux en l’air, flairant ce qui avait changé. Les usines exhalaient toujours leur haleine fétide dans les bas-fonds de la ville dont les plus cossus éperons s’élevaient, tels des éclats de cristaux, au-dessus de l’horizon. La jeune femme sentit son estomac se nouer. L’émotion de la fin de course qui approchait ? L’appréhension du retour à la ville qu’elle avait quittée plus d’un an auparavant ?
La course se terminait en plein centre-ville. Après la traversée de la baie, de la neige avait été artificiellement répandue sur le boulevard qui conduisait jusqu’à l’hôtel de ville. Là, en grande pompe, quelques hauts dignitaires étaient alignés en rang d’oignons pour saluer les coureurs qui arrivaient. Julia s’efforça de desserrer ses mâchoires qui s’étaient crispées à la découverte de cette mascarade et d’afficher un sourire de circonstance. Le sourire disparut aussitôt qu’elle reconnût l’imposante silhouette hirsute qui l’attendait, bras grand ouverts, à la droite du gouverneur local. Grigoriy ?!
Une foule compacte se précipita autour de la jeune femme et de son traîneau. Elle reçut force accolades et embrassades. Elle ne se rappelait pas avoir vu un tel engouement pour un évènement de ce type à l’époque où elle en patrouillait modestement les rues incognito. Le fameux coup de comm’ destiné à redorer le blason de la mégapole. Les caméras, les flashs, les projecteurs. C’en était étourdissant. Heureusement, le comité de course et les aidants vinrent rapidement à son secours. La jeune femme repéra un visage familier dans la foule qui, sous sa tignasse blonde, la gratifia d’un clin d’œil. Julia sourit. Après quelques « ressentis à chaud » à partager devant les caméras, elle fut autorisée à retrouver ses chiens qui rejoindraient, avant le soir même, un chenil de luxe, où ils seraient traités comme des coqs en pâte. Les participants, eux, furent invités à rejoindre leurs somptueuses chambres d’hôtel où ils pourraient se reposer jusqu’au banquet du soir, qui serait l’occasion d’annoncer les résultats. Julia n’avait que faire des résultats. Elle avait accompli ce qu’elle souhaitait faire. Quelque part, elle avait déjà gagné.
La jeune femme aux cheveux blancs entra dans la salle de bal telle une apparition. C’était cela, l’effet que faisait la vue d’une vraie héritière de méga-corporation dans toute son hypocrite splendeur. Ses hanches roulaient sous la combinaison blanche près du corps dans laquelle elle était élégamment moulée. Les convives s’écartaient pour la laisser passer avec sa longue traîne qui la suivait. Summum du snobisme, son styliste attitré avait ajusté dans ses cheveux de délicats cristaux. Des diamants noirs, subtilement assortis à l’obsidienne à sa main, pendaient comme deux longues gouttes d’eau à ses oreilles. Les participants avaient peut-être tous été égaux pendant la course, seuls avec leurs chiens face aux éléments et à la nature sauvage, mais chacun retrouvait désormais sa place en société. Ou y était savamment invité par les non-dits du placement des uns et des autres et de l’opulence de certaines tenues.
Dans son attitude et sa posture, Julia dégageait juste ce qu’il fallait d’arrogance et de distance pour dissuader quiconque de venir lui adresser la parole. Elle était encore en transition entre les dix derniers jours qu’elle venait de vivre et ce retour brutal à une réalité qui ne lui avait aucunement manqué. Du coin de l’œil, elle aperçut les deux gorilles en noir avec le subtil logo de RAZor sur l’épaule qui la suivaient à quelques pas depuis qu’elle avait quitté sa suite. C’était peut-être eux, finalement, qui dissuadaient quiconque de l’approcher. La riche héritière qui avait crapahuté seule au milieu des terres les plus inapprivoisées qui soit et qui, de retour à la civilisation, se trouvait affublée de deux malabars pour assurer sa protection. La voix dans son oreille la prit par surprise. Julia fit volte-face pour se retrouver nez-à-nez avec son futur oncle par alliance.
- Viens avec moi. J’ai quelque chose à te montrer. - Ils vont annoncer les résultats.
Il ne daigna même pas répondre. Son regard ne laissait nullement place à la discussion. Avec un soupir, Julia le suivit. Elle s’arrêta devant les portes ouvertes de l’ascenseur. Il avait passé son bracelet contre la façade et pressé une touche qu’elle n’avait pu voir.
- Tiens-tu vraiment à connaître le résultat ? Tes pairs sont là, mais ils s’adonnent à des pratiques que tu exècres. Alors tu cherches ta place. Tu t’interroges sur le sens de ton existence dans ce monde, n’est-ce pas ? commença-t-il de son ton d’orateur qu’elle ne connaissait que trop bien. Tu te demandes si tu mérites tout ce dont tu bénéficies. Alors tu quittes les sentiers battus et tu cherches un sens à ton action.
Il lui tendit une main qu’elle ne pouvait pas refuser. Les longs doigts fins se resserrent autour des siens telle la serre d’un oiseau de proie autour de sa prochaine victime. La jeune femme tressaillit. Elle n’avait pas vraiment le choix. L’ascenseur plongea. Quelque chose lui disait qu’il ne comptait pas s’arrêter au rez-de-chaussée.
- L’humanité mérite-t-elle vraiment la terre qu’elle a laissé en partage aux siens ? Tu n’as jamais fait partie des leurs. Tu t’es trop longtemps nourrie de l’illusion d’une appartenance à un groupe qui ne t’y a jamais vraiment admise.
L’ascenseur finit par s’immobiliser. Grigoriy n’avait toujours pas arrêté de parler, plongé dans un long monologue dont il était si familier. L’endroit où elle se trouvait, lui, ne le lui était pas du tout, familier. Une nouvelle fois, elle lui emboîta le pas, sa longue traîne continuant à l’accompagner.
- Parce qu’ils savaient, au plus profond d’eux-mêmes, que tu leur es infiniment supérieure et que vous ne partageriez jamais vraiment ce qui les rassemble, entre eux. Une paria. Voilà ce que tu es, au fond. Déracinée. Une étrangère parmi les tiens.
Sa voix de tribun résonnait comme un écho sans fin à travers les couloirs déserts.
- Je t’ai proposée une autre voie, fille. Une meilleure voie.
Grigoriy remontait le couloir vide d’un pas rapide. L’écho infini du cliquetis de ses talons résonnait désagréablement dans le couloir désaffecté. L’homme se retourna soudain vers elle et la transperça de son regard acéré.
- Ivan est peut-être sous ta coupe, mais je ne le suis pas. Tu crois que j’ignore que tu épies ma correspondance ?
Julia se contenta de répondre d’un regard sans émotion. Grigoriy combla la distance qui les séparait et, lui soufflant son haleine à la figure, souleva son menton pour la forcer à le regarder droit dans les yeux.
- Tu vas me faire l’affront de ne même pas tenter de nier ? - De nier, quoi, Griygori ? Que tu es fou à lier ? Que tu vas tous nous mener droit à notre perte ? - Ce monde, il était pour nous. Pour toi. - Que comptes-tu faire de moi ? Ricana-t-elle alors. Tu crois que ça va passer inaperçu, la « disparition de l’héritière d’Andra-corp » ? - Ne t’en fais pas, on retrouvera ton corps dans quelques jours. « L’héritière qui a décidé de mettre fin à ses jours ». Ah, le spleen. Ce triste mal qui ronge les grands de ce monde. En mal d’aventures, en mal de vivre… Quand même les sensations fortes ne suffisent plus, elle a cédé à l’ultime tentation, celle de ne plus continuer de vivre. Telle mère telle fille. - Ses yeux s’arrondirent soudain.
- Ma mère ? - Quelle tragédie, n’est-ce pas ? Si belle. Si jeune. Si fragile, psychologiquement…
La jeune femme sentit la rage l’envahir.
- Qu’est-ce que tu as fait à…
Elle n’eut pas le temps de réagir qu’il se jeta sur elle et la propulsa en arrière. La porte claqua avant même qu’elle ne parvienne à se redresser. L’obscurité s’abattit sur elle.
***
Pas un bruit. Bien. Elle espère simplement que l’épaisseur des murs ne brouillera pas le signal. Ils ne se sont pas rabaissés à la peloter pour la fouiller. Tant mieux. Elle glisse ses doigts le long d’une des coutures du jupon et tire d’un coup sec. Elle en sort deux gants fins qu’elle s’empresse d’enfiler. De son corset, elle tire une sorte de monocle relié à un écouteur qu’elle place contre son œil droit et dans le pavillon de son oreille. Une image de neige envahit son champ de vision. Julia respire. Les ondes passent. Quand ils ont « nettoyé » les souterrains, ils en ont retiré bon nombre des brouilleurs dont ils n’avaient plus l’utilité.
Elle remonte le couloir aussi silencieusement qu’elle peut. Un cliquetis dans la serrure. Julia se recule, se plaçant derrière la porte. Une silhouette apparait dans l’encadrure. A ses pieds tombent une paire de bottes fourrées et une sur-combinaison de neige à sa taille. La sienne. Un sourire s’étire sur ses lèvres.
- Enfin ! T’en as mis, un temps.
Elle s’empare du revolver qui lui est tendu, vérifie son chargement et le glisse dans la poche dédiée contre sa cuisse. L’autre la gratifie d’un regard inqualifiable. Difficile de lire à travers ses déstabilisantes pupilles de chat. Il ne reste plus grand-chose dans son apparence de celle qu’elle a connue.