J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas…
Spoiler:
La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Le silence, avec pour seule compagnie le bruit du vent dans les dunes du désert. C’était tout ce dont Nahil avait besoin après des années enfermé dans son amulette.
Le Djinn ne prêta pas attention à l’humaine qui était revenue dans le périmètre du camp de fortune, ni au fait qu’elle ait accepté de se nourrir. S’il était ravi d’être sorti de sa prison, il ne se sentait pas vraiment libre de ses mouvements. Sa liberté -peut-être même sa survie- était entre les mains d’une humaine qui ne maîtrisait ni ses émotions, ni l’art de la guerre. Ils n’iraient pas bien loin ainsi...
Le Djinn ne quitta pas son mutisme de la nuit, appréciant d’avoir du temps pour réfléchir au chemin qu’ils emprunteraient dans les heures, puis les jours à venir. La projection de son esprit dans l’espace était si évidente maintenant qu’il avait retrouvé ses sensations. L’air chargé de son élément de prédilection y était certainement pour quelque chose, car tout lui semblait évident. La chaleur, l’air sec, sans âme qui vive. Ses repères revenaient comme s’ils ne l’avaient jamais quitté : il se félicita par ailleurs d’avoir réussi à garder les idées claires malgré l’enfermement.
Travailler ses pensées le rendait plus patient, il en avait conscience. Sinon, l’humaine aurait déjà rôti à la broche. Si les Djinns pouvaient le voir… Le reconnaîtraient-ils ?
Bien sûr, qu’ils te reconnaîtront. Tu peuples leurs pires cauchemars. Soupira-t-il intérieurement alors que l’aube pointait le bout de son nez.
A la première lueur du soleil, Nahil s’activa pour lever le camp, ne laissant pas d’autre choix à l’humaine que de se lever et le suivre sans broncher. Pour commencer leur marche de la journée, Nahil choisit de s’éloigner de cinq-cent mètres du Nil, de l’autre côté d’une dune, pour garder leurs silhouettes abritées.
Son voilage noir attirait la chaleur, rechargeant l’énergie indispensable à sa survie. Derrière lui, la femme suivait sans dire un mot. Peut-être avait-elle enfin compris que gaspiller sa salive ne servait à rien avec lui.
Ils ne prirent qu’une pause stratégique pour que la femme puisse recharger sa gourde avec l’eau du Nil -mais Nahil garda un œil sur elle alors qu’elle s’approchait de sa surface de l’eau, pas décidé à traverser le fluide pour la rattraper. Il avait eu un aperçu de sa désinvolture pas plus tard que la veille… Recommencer son jeu de pouvoir n’était pas dans ses plans mais elle devrait apprendre à être plus docile. Sinon, et bien.. il arrêterait les pauses. D’une certaine manière, il avait le sentiment qu’elle avait compris.
Avant la tombée de la nuit, les voyageurs bifurquèrent de l’autre côté de la dune pour dresser leur campement de la nuit. Le Djinn trouva un emplacement suffisamment proche de l’eau pour permettre à l’humaine d’en disposer, mais suffisamment en hauteur pour qu’il puisse contrôler les alentours. Cette fois, il ne comptait pas laisser approcher de brigands.
Il s’arrêta, satisfait de sa trouvaille, lorsqu’il fut percuté dans le dos par l’humaine. “Si tu n’es pas fatiguée, on continue la route.” Dit-il d’un ton sec, plus pour lui signifier son mécontentement que pour exécuter ses paroles. Si elle ne dormait pas, elle serait morte au bout de la prochaine journée.
Nahil utilisa un claquement de doigts pour faire prospérer un petit feu de camp -si magique qu’il ne dégageait aucune fumée capable de les trahir. La lumière des flammes étaient assez puissante pour qu’ils puissent se voir dans les moindres détails. Il s’installa sur le sable encore chaud, en tailleurs, face à elle. Peut-être prit-elle ce mouvement comme une porte ouverte à toutes les questions idiotes qui lui venaient ? Mais le Djinn jugea que s’il voulait avoir la paix, il lui devait quelques explications. Du moins, celles qu’il voudrait bien lui donner.
“Parce que j’ai besoin de toi. Les sages de ma Cité seront très intéressés par ton cas.” Dit-il aussi brutalement que sincèrement. “En vie, cela va de soi.” Précisa l’homme en retirant le voilage de sa tête. Il libéra la longue chevelure de son nouveau corps qui cascada sur ses épaules en lourdes boucles brunes alors qu’il massait son cuir chevelu pour les réordonner. “Pour l’instant ta langue est plus musclée que ton corps, il va falloir y remédier.” Dit-il avec la fraîcheur d’un glacier en hiver.
Il se leva, analysant les environs de ses prunelles ambrées. Il identifia une branche de bois à quelques mètres de là, et prit cette direction pour s’en emparer. Lorsqu’il revint vers le camp, il lança l’objet à la figure de l’humaine pour qu’elle s’en saisisse. “Debout. Montre-moi ce que tu as dans le ventre.” Il marqua une courte pause, ses yeux s’éclairant de doré au fur et à mesure qu’il la toisait du regard. “A moins que tu aies la frousse de combattre un soldat désarmé...” La défia-t-il en se mettant en garde à mains nues. Ce serait une très bonne occasion de s’entraîner, lui aussi. Son nouveau corps n’avait pas la mémoire musculaire de ses heures de pratique journalières à Hai’za.
Sa première tentative, un peu timide, fut un échec cuisant. Nahil -bien que peu entraîné- entrava son bâton et le retourna contre elle pour lui faire mordre la poussière. Il ne dit pas un mot et s’éloigna pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits.
Elle se remit debout aussitôt. Le Djinn déjoua son prochain coup avant même qu’elle n’y ait pensé : il s’écarta quelques instants avant qu’elle ne le touche -pour lui faire croire qu’elle allait réussir- et la faucha d’un geste précis dans les genoux. Elle s’écroula lourdement dans le sable. “Morte.” Déclara-t-il en posant son bâton entre ses omoplates.
Pourtant, elle ne s’avoua pas vaincue et se remis sur ses jambes. Nahil pouvait lire le mélange de sentiments qui s’activait sur son visage plein de haine. Une fois de plus, il la laissa faire le premier mouvement et contre-attaqua. Cette fois, il s’abaissa pour passer sous son arme, et s’approcha au plus près d’elle pour la renverser par-dessus son épaule en récupérant le morceau de bois. Une fois jetée au au sol, le soldat se retourna comme dans une danse, et posa le bâton sur sa poitrine. “Morte.” Déclara-t-il, le visage toujours sérieux. “Un enfant ferait mieux que ça. C’est tout ce que tu sais faire ?” La provoqua-t-il de plus belle.
“C’est pas une posture de guerre, ça !” Gronda-t-il en baissant sa propre garde. “En garde.” Ordonna-t-il en passant du côté de son flanc pour corriger sa posture. “Ma grand-mère le fait mieux que ça, et elle a une dizaine de siècles ! Plie les genoux”, dit-il. “Rentre ce ventre, il n’existe même pas.” Commenta–t-il en mettant un coup de bâton dans son ventre pour l'obliger à se servir de ses abdominaux.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
La journée de marche avait été longue, harassante, mais à la fois appréciable pour tenter d’apaiser son esprit et ses émotions, de pouvoir pensée plus clairement – sil était possible de penser clairement au vu de la situation désastreuse dans laquelle elle se trouvait. La marche monotone, le souffle du vent, le frottement du sable sous leur pied, l’écoulement du Nil qui les accompagnait au loin. Si ce n’était la présence du Djinn, elle aurait tant apprécié ce moment. Cela lui avait au moins permis de retrouver un peu de calme, tout en se détestant copieusement d’avoir pleurer et lâcher-prise. Elle devait s’échapper, mais comment ? Son action irréfléchie de la veille lui avait couté le peu d’écart que lui permettait le Djinn. Elle pouvait sentir son regard posé sur elle dès qu’elle s’éloignait de lui et, même alors qu’il lui tournait le dos, elle savait qu’elle n’avait aucune chance de s’échapper en fuyant. Et ses intentions inconnues envers elle l’inquiétait.
C’est toi qui l’a suivi après tout. Tu as choisi, à croire que tu es née pour être esclave.
Cette pensée lui traversa l’esprit alors qu’ils prenaient l’unique et courte pause qu’il lui accordait pour se reposer un instant. Elle se mordit la lèvre, plongea ses doigts dans le l’eau fraiche et s’aspergea le visage. Non ! Je n’ai pas eu le choix. C’était ça ou mourir brûlée. Je n’avais pas le choix ! Elle se répéta ces mots pour lutter contre ses pensées intrusives. Elle n’avait pas eu le choix.
Ses yeux s’étaient jetés par-dessus son épaule pour observer le Djinn, dont l’attention était focalisée sur elle. Il était puissant… si puissant qu’elle se sentait écrasée par une montagne, plus encore que toutes les épreuves qu’elle avait traversées jusqu’ici. Pourquoi est-ce que toute sa vie était un une montagne à gravir toujours plus haute ? Est-ce que tout ceci aurait une fin un jour ? Ou bien seulement à quand sa vie s’achèverait ? Ses pensées firent monter un sanglot. Elle détourna la tête, reprenant de l’eau pour s’asperger à nouveau. Elle devait réfléchir à la suite, à comment s’échapper, saisir une nouvelle opportunité… et se montrer plus docile, pour le moment en tout cas… Elle ignorait tout des intentions à son égard, mais il était différent de ceux qu’elle avait connu. Un monstre était toujours un monstre, mais elle devait essayer de le comprendre. Cela l’aiderait…
La marche silencieuse reprit et, pour ne pas être piégé par ses pensées parasites, elle laissa son esprit dérivé avec les volutes de sable, porté au grès du vent. Malik avait toujours essayé de lui enseigner, mais elle n’avait jamais été doué pour calmer ses pensées. Elle réussit cette fois-ci. Tant et si bien qu’elle ne remarqua pas l’arrêt de la marche. Elle fit un bond en arrière, revenant sur terre. « Vous pourriez prévenir… » Ne put elle s’empêcher de rétorquer en serrant les dents. Une simple remarque et la voilà à nouveau nerveuse.
Malgré sa bonne résolution d’être plus docile – en apparence du moins – Aysha ne put s’empêcher de le questionner, s’asseyant de l’autre côté du feu. Elle tritura le tissu de son vêtement, relevant les yeux, surprise de le voir répondre. « Pourquoi ? Je n’ai rien d’intéressant. » Même parmi les humains, elle avait toujours été insignifiante. « Si c’est pour votre amulette, je vous l’ai dit, je l’ai volé, elle ne m’appartient pas. » Est-ce que la femme qui l’avait en sa possession avait un intérêt particulier ? Elle ne lui avait pas semblé bien différente de toutes les autres qu’elle arnaquait, mais après tout, qui était-elle pour juger cela ? Tout ceci n’était qu’un quiproquo ? Non, elle lui avait dit qu’elle l’avait volé, mais il n’écoutait pas grand-chose après tout…
L’humaine voulut ajouter une chose, le questionner un peu plus, mais aucun son ne s’échappa. Le Djinn venait de retirer son voile, dévoilant clairement les traits de son visage pour la première fois. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il soit aussi… aussi… Elle détourna la tête, se mordant la lèvre. « Vous n’êtes pas assez fort pour me garder en vie sans ça ? » Railla-t-elle pour essayer de se reprendre. Docile… elle repasserait. Ce n’était pas dans sa nature.
La jeune femme ne le lâcha pas des yeux alors qu’il revenait avec un bâton, qu’il lui lança. Elle l’attrapa en vol, remerciant sa dextérité de voleuse d’avoir réagi si promptement et épargner son visage. Elle serra le bâton, ne pouvant s’empêcher de lui lancer un regard sombre. Elle aurait pu essayer de lutter, par simple esprit de contradiction, mais cela ne ferait qu’épuiser ses forces dans une bataille perdue d’avance. Elle força ses muscles endoloris et fatigués à se mouvoir, un sourire sardonique étirant ses lèvres. « Comme si vous aviez besoin d’arme. » Il avait fait détaler ces brigands sans faire le moindre effort.
Aysha l’observa se mettre en position, détaillant sa position. Elle hésitait. Est-ce qu’il était sérieux ? Ses doigts se refermèrent sur le bâton et finit par attaquer, visant son bras. Une seconde plus tard, elle sentit le bâton la toucher au visage et son corps tomber au sol. Elle amortit la chute et se remit debout, sentant un premier agacement naitre en elle. La jeune femme l’attaqua à nouveau, avec un peu plus de conviction. La douleur se diffusa dans ses genoux, à nouveau au sol. Elle sentit le contact dans son dos et le mot prononcé froidement. Elle serra les dents, se relevant, repoussant la fatigue et la douleur de ses jambes tremblantes. La frustration de sa faiblesse et la colère qu’elle ressentait contre lui l’aidait à tenir.
Elle se jeta sur lui avec plus de hargne et se retrouva à nouveau au sol, son dos s’écrasant au sol. « C’est peut-être le professeur le soucis. » Rétorqua-t-elle en se relevant. Elle plia les jambes, levant les bras, essayant de copier grossièrement la position qu’il avait pris plus tôt. Pas suffisamment au goût du Djinn, qui vint même taper son ventre. Elle serra les dents, se retenant de lui envoyer une réplique.
Il se replaça à nouveau face à elle. Aysha tenta une nouvelle attaque, visant son cou Elle feinta pour descendre son bras et tenter de toucher sa hanche. Nahil se décala, à peine quelques centimètres, mais le bâton aurait pu se trouver à un mètre que cela aurait eu le même effet. Entraîné par son élan, il n’eut qu’à la pousser pour la faire basculer. Plus attentive, elle amortit sa chute en roulant sur son épaule et se remit debout, pivotant vers lui. Elle ne savait peut-être pas se battre, mais elle était plus vive qu’il ne le pensait. Son voile avait glissé de ses cheveux, dévoilant ses lourds cheveux noir. Elle souffla sur une mèche qui tombait dans ses yeux et attaqua à nouveau.
Nahil fut intraitable avec elle, continuant de la corriger sans ménagement et de la jeter au sol à chaque attaque. Il finit par la laisser lorsque les bras de Aysha tremblaient tant qu’elle ne parvenait plus à lever le bâton. Son corps s’effondra dès lors qu’il déclara tout ceci terminé. Elle n’en pouvait plus, même l’idée de manger l’épuisait. Elle se força pourtant à se relever, sortant quelques fruits, plus léger que la viande. « Votre grand-mère, elle a vraiment dix siècles ? Questionne-t-elle. Et vous, quel âge avez-vous ? » Elle savait bien qu’elle n'aurait pas de réponse, mais après tout, autant prendre les quelques phrases qu’il donnait sur lui… Elle laissa passer un temps, avalant quelques fruits, habituée à se contenter de peu, même si ce n’était pas suffisant. Elle prit ensuite le temps de retirer ses bottes bien abimées, pour dévoiler des pieds cloqués par la marche. Aucune plainte ne s’échappa de ses lèvres. « Qu’est-ce que c’est un Efrit alors ? Vous avez ri quand je vous ai appelé ainsi, pourtant ce sont comme ça qu’on appelle les Djinns de feu ? » Combien de questions avant qu’il ne lui dise de se taire ? Mais surtout avant qu’elle ne s’effondre de fatigue.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas…
Spoiler:
La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
“Je ne serai pas toujours là pour rattraper ton manque de réflexes” Avait grondé le Djinn avant de se mettre en garde pour attaquer l’humaine. Elle l’ignorait encore, mais quand bien même il y aurait une once de magie en elle, elle ferait quand même partie des moins populaires de la Cité d’Hai’za… à en croire son accoutrement et ses manières de voleuse, quelque chose lui disait qu’elle y était habituée… Mais dans la cité des Djinns, ce serait différent. Elle ne ferait pas le poids contre un magicien, même le plus pitoyable de tous. Lui tenait à sa nouvelle vie, il valait mieux qu’il forme la chétive pour qu’elle le soit un peu moins… sinon il pouvait lui-même dire adieu à son indépendance.
Sans surprise, elle avait la langue plus aiguisée que ses poings. Avec une mentalité comme celle-ci, elle ne progresserait jamais. Alors, Nahil continua de l’attaquer sans lui laisser aucune chance de s’en tirer, et ne répondit pas à ses défenses verbales qui, pour sûr, ne l’aideraient pas à contrer le Djinn rouillé qu’il était. Enfin, bientôt, il aurait retrouvé toute sa superbe. Ce corps avait un potentiel à exploiter, il le sentait déjà.
Parmi ses affirmations de mort certaine pour l’humaine, il dût admettre qu’elle était tenace. Chaque coup qu’elle recevait la roulait dans le sable comme une malpropre… mais elle revenait, avec de plus en plus de bleus, contrôlant les grimaces de son visage pour se donner un air digne. Et malgré tout, elle ne pleura pas une fois. Son corps, lui, sembla le supplier de cesser, car elle tremblait de tous ses membres.
Le Djinn jeta son arme au sol, fit quelques pas en arrière en la toisant de haut en bas, puis se remit en position de tailleur pour lui signifier que tout était terminé.
Du moins, il n’irait pas l'assommer avant la tombée de la nuit. Il n’y avait là aucun mérite pour le guerrier qu’il eut été. Quoi que… lorsqu’elle lui posa une question, il se fit la réflexion qu’il aurait peut-être dû poursuivre, finalement. “Encore de l’énergie pour parler ?” Dit-il sèchement en plantant ses yeux ambrés dans les siens. Une réponse, plus naturelle que jamais, lui vint cependant et franchit la barrière de ses lèvres avec spontanéité. “Ma grand-mère est morte avant de les atteindre.” Ce qui en soit ne répondait pas à l’interrogation la plus ancrée au fond d’elle. Alors elle posa la question plus directement encore. “Ce n’est pas très poli, comme question. Si on ne t’a pas appris à te défendre ou être courtoise, qu’est-ce qu’on t’a appris chez les humains ?” Il avait exprimé une pointe de dégoût oui, mais il se décida à lui répondre. “J’ai passé 3 siècles.” Son regard parcourut ses propres avant-bras musclés, qu’il tendit devant lui pour faire bouger ses doigts. “Enfin, mon esprit a 3 siècles. Ce corps… je ne sais pas. A ton avis ?” C’était une véritable question, car il n’avait pas eu tout à fait l’occasion de s’observer dans les moindre détails.
Entre deux questions, elle dévorait les fruits ramassés un peu plus tôt dans la journée. Le Djinn l’observait avec une curiosité réticente, se demandant comment un être aussi dépendant d’une ressource insignifiante pouvait avoir colonisé le monde dans lequel ils vivaient. Les Djinns, plus puissants, avaient préféré garder le secret de leur existence pour éviter les regards curieux, et les tentatives -vaines- de prises de pouvoirs. Depuis que le premier Roi d’Hai’za avait pris la décision d’ériger une protection magique autour de la Cité, ils avaient trouvé leur existence uniquement dans les légendes et religions… Les plus anciens sages parlaient même de contes pour effrayer les enfants humains.
A sa question suivante, les flammes du feu nomade s’étaient ravivées à l’unisson avec la colère qui avait percé en lui. Elle le remarqua, probablement, mais ne se laissa pas démonter. “Les effrits ne sont pas des Djinns.” Lâcha-t-il du bout des lèvres, plus dégoûté encore que lorsqu’il évoquait les humains. “Ce sont des réincarnations du mal. Tu ne serais pas là pour en discuter, si ton chemin en croisait un.” Dit-il d’un air grave, outré qu’on ait pu le considérer comme l’un de ces esprits malfaisants. Les humains n'apprenaient-ils donc rien des rares expériences au contact des Djinns ? “Où as-tu entendu ce terme ? Que disent tes pairs des Djinns ou des Effrits ?”
La colère lui avait fait parler beaucoup plus en quelques minutes que depuis le début du voyage dans le désert.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Assise au sol, Aysha pouvait sentir chaque coup qu’elle avait reçu durant ce cours intense, lui rappelant à chaque mouvement à quel point l’écart entre eux était immense. Bien plus large que les failles dans les falaises qu’elle aimait escalader étant plus jeune. Un véritable gouffre, immense, insurmontable. Et pourtant… elle serrait les dents, chassant cette idée de sa tête. Elle savait que trop bien ce qui était le plus important dans cette situation et l’état de son corps n’était qu’une infime part de cette bataille qu’elle avait engagé contre lui. Son état d’esprit était le plus important. Elle le savait, elle l’avait vu bien trop souvent, l’avait même vécu un temps : cet abandon de toute espoir, de toute volonté. Un gouffre bien plus grand et terrifiant que celui qui la séparait du Djinn. Elle s’était jurée de ne plus se laisser sombrer. Par réflexe, elle vint toucher les bandes serrées sur ses poignets, qui maintenait ses vêtements pour que le sable ne s’infiltre pas, mais qui dissimulait également les cicatrices. L’un des rappels cuisants qui maintenait sa volonté.
Malgré sa fatigue, malgré son corps endoloris, Aysha saisit l’instant où Nahil sembla être un peu plus ouvert à la discussion. Elle voulait savoir et comprendre qui il était, ce qu’il voulait, pour essayer d’apaiser les pensées folles qui la traversaient, et sûrement un peu de curiosité qu’elle avait toujours. Malik lui disait souvent que sa curiosité ne lui apporterait que des ennuis – et il n’avait pas eu totalement tord –, et pourtant c’est lui également qui la poussait dans cette voie, en lui transmettant des connaissances que les autres lui refusaient.
« Vous l’avez dit, ma langue est plus aiguisé que le reste. » Répliqua-t-elle sans ciller face aux yeux du Djinn. Elle fut surprise qu’il lui offre une réponse à ses interrogations, même si encore vague, questions qu’elle poussa un peu plus loin. Elle pinça les lèvres, une flamme déterminée faisant briller ses yeux dorés, lui donnant une réponse aussi spontanée à cette question qui n’attendait certainement pas de réponse au vu du dégoût qu’il exprimait. « A rester en vie. » Sa voix était ferme, son expression dure et combative, reflet de tout ce qu’elle avait traversé. Il se moquerait sûrement d’elle, mais qu’importe. Elle n’avait cure de ce qu’il pensait d’elle. Elle savait ce qu’elle était : une survivante.
Aysha avait fini par détourner les yeux, regardant son repas, persuadée que cela mettait fin à la conversation. Elle releva les yeux, surprise de sa réponse, de son âge, mais pas seulement. « Trois cents ans, » Souffla-t-elle en l’observant avec stupeur. Son comportement et ses paroles étaient étranges, comme s’il ignorait ce à quoi il ressemblait. Elle prit le temps de détailler ses traits, restant méfiante. Etait-ce une question piège ? Ne savait-il pas à quoi il ressemblait ? Parce qu’il était dans cette amulette ? Comment avait-il fini dedans ? Etait-ce commun pour les Djinns ou ça ne relevait pas de sa volonté ? Tant de questions qui se bousculaient dans son esprit, qu’elle choisit de garder pour elle.
Voyant qu’il attendait une réponse de sa part, elle se décida. « Hm… Trente ans peut-être. Elle secoua légèrement la tête en le fixant. Plutôt trente-cinq ans je dirais. » Finit-elle par conclure, espérant que sa réponse lui convienne. Peut-être s’attendait-il à un visage plus âgé au vu de son âge ? Une image du Djinn aux traits ridés, à la tignasse et la barbe blanche, lui vint en tête. Rabougri, il serait sans doute moins effrayant. Elle dut se mordre la lèvre pour s’empêcher de rire et s’intéressa de nouveaux à son repas pour se contenir.
S’étant repris, elle avait continué de le questionner, abordant les Effrit. Un sujet sans doute sensible, les flammes devenant plus puissante, ce qui ne fit pas reculer sa curiosité pour autant. Le dégoût de son expression et sa voix lui fit comprendre que son mépris était plus important que celui qu’il portait aux humains. Etrange… Il affirmait qu’ils ne faisaient pas parti de la même espèce, alors pourquoi étaient-ils dotés de mêmes pouvoirs selon leur légende ?
L’humaine se mordilla la lèvre, essayant de se remémorer toutes ces légendes transmises par les anciens. « Dans nos légendes, les Djinns sont un peuple composé d’une quinzaine de sorte, dont les Effrit, des esprits de feu sous-terrain. Certains disent que les Djinns et surtout les Effrits, sont des rebelles face aux dieux. En Egypte, ils disent qu’ils sont les gardiens des tombeaux des pharaons, pour empêcher les pilleurs. » Plus elle se replongeait dans ses souvenirs, plus elle sentait un sentiment de regret l’envahir. « Parce que les Djinns ont été rejeté par les dieux, ont dit qu’ils gardent rancune envers les humains et qu’ils s’efforcent de les égarer en les manipulant, en les trompant, en les influençant, qu’ils peuvent changer d’apparence, certains croient même qu’ils sont capable de prendre possession de nos corps. » Un frisson parcourait son corps en imaginant ce que Nahil pourrait faire si tout cela était réel. Elle lui lançait des regards prudents, se questionnant sur ce qu’il allait penser de tout ça. « A vrai dire, vous ne ressemblez pas vraiment à l’idée que les humains se font des Djinns. » Ajoute-t-elle. Bien loin des créatures terrifiantes des légendes qui, étrangement, l’avait toujours fasciné.
J'ai plus de 3 siècles, mais j’ai l’air d’avoir 35 ans. Je vivais paisiblement ma vie de soldat dans Cité d’Hai'za jusqu’à ce qu'Hassan al Tubaz, meneur des Djinns de l'eau, ne prenne le pouvoir. Fidèle protecteur des Nar, mais surtout de ma Reine Syana al Raed, je me suis battu pour empêcher la chute du Royaume. C’est ainsi que le Nouveau Roi autoproclamé Hassan et ses Marids m’ont maudit. Mon âme a été transférée dans une amulette, devenue ma prison depuis plusieurs décennies. Ma seule possibilité de sortir de là est d’être invoqué par un djinn, à qui je devrai protection et fidélité : un serviteur dévoué, plus communément appelé esclave. J’aurais pu y rester encore des siècles si une drôle d’humaine ne m’avait pas fait sortir de là par je ne sais quel moyen. Mise à part cela, je suis célibataire et le resterai jusqu’à la fin : car les esclaves ne se marient pas…
Spoiler:
La date de naissance de Nahil est approximative, mais estimée à plusieurs siècles auparavant : quand on peut vivre longtemps, les chiffres n’ont pas d’importance. Depuis son plus jeune âge, il a vécu en communauté, étudié l’histoire et la culture des plus anciens, travaillé auprès des femmes et des hommes Nar qui faisaient prospérer la Cité d’Hai'za. Doté de capacités physiques très avancées pour son âge, le jeune djinn avait rapidement attiré l’attention des hommes. Il grandissait vite, et s’étoffait rapidement. Pour sa mère, ce n’était qu’une réponse de son corps aux sollicitations importantes qu’il lui faisait endurer. Courir, grimper, aider… toute la journée, et parfois toute la nuit. Nahil s’ennuyait vite, et proposait ses services aux personnes qui l’entouraient pour contrer cela. Sa mère venait parfois le traîner par le col pour le ramener à la maison, de peur que ses pairs ne finissent par le tuer d’épuisement. Mais le jeune djinn était ainsi : dévoué pour son peuple, fidèle à ses valeurs, prêt à tout pour servir sa Reine. Naturellement, lorsqu’ils pensèrent à lui pour rejoindre la garde de sa Majesté, il en fut très honoré. Nahil était le plus jeune djinn à qui on proposait ce privilège. L’histoire n’en avait vu aucun autre avant lui. Il s’engagea sans réfléchir, ignorant les cris sidérés de sa génitrice le mettant en garde. S’en suivirent de longues années de formation, où les guerriers les plus puissants de la garde –composée de peuples de toutes origines (Nar, bien sûr, mais aussi Tubaz et Kuartiz)- se succédaient pour lui apprendre les techniques de combat pour la plupart ancestrales. On lui apprit à forger ses armes par la magie du feu, à les enflammer pour être plus performant… mais aussi à tuer de sang-froid, sans poser de questions. Son dévouement le propulsa à la tête de la Garde Royale : il était devenu une arme si puissante que la Reine elle-même faisait appel à ses services. Former de jeunes gardes, diriger les expéditions, participer aux conseils politiques, parler de stratégie de guerre, faisaient partie de ses missions quotidiennes. Dans l’ombre de sa Majesté, Nahil était les yeux, les oreilles, la défense, et même la confidence du Royaume d’Hai'za. Combattant hors pair, Nahil était réputé pour son agilité au combat, sa discrétion à l’approche d’une cible, ou encore sa ruse. Il avait toujours un coup d’avance sur ses adversaires. Particulièrement dévoué à son Royaume, il se montrait docile, confiant lorsque sa Reine lui confiait une tâche -la plus ingrate soit-elle. Mais seul contre toute une armée de Tubaz lors de leur prise de pouvoir, il avait été contraint –par magie, plutôt mourir que de l’accepter- de fléchir le genou devant le nouveau Roi. Hassan avait terriblement besoin de lui, de sa notoriété, pour rallier le peuple derrière lui. La suite était bien plus simple à résumer : il ne courbait pas l’échine. Jamais. Il sortait des rangs, refusait les ordres de celui qui le remplaçait. Alors, puisque l’insoumis ne fatiguait pas, le Roi répandit des rumeurs malveillantes : les massacres qu’il aurait faits pour la précédente Reine, ses propres intérêts qu’il aurait servis sans se soucier du bien-être de son peuple. Passé du guerrier le plus aimé du peuple, Nahil devint le Shaytan (démon) de la Cité. Le peuple de souleva pour demander son exclusion : maudit des mains du Roi qu’il ne voulait pas considérer comme le sien, il fut interdit de séjourner à Hai'za, et enfermé dans son précieux collier en fer forgé, en espérant que personne ne pourrait l’en délivrer.
Malgré les coups, la douleur, et peut-être l’humiliation -car il sentait qu’au fond, il avait affaire à une humaine et son égo-, elle continuait de parler. Nahil, lui, détestait parler. C’était une perte de temps, et un risque élevé de dévoiler des secrets qu’ils valait mieux ne pas voir dans les mains de n’importe qui. Dans ses nombreuses années de vie, Nahil avait côtoyé beaucoup de Djinns. Les profils étaient variés, sans même parler de leur peuple d’origine… bien qu’un Naar et un Tubaz n’aient pas tout à fait la même façon de gérer leurs émotions. Simplement, il avait vite remarqué que ceux qui en disaient le plus sur eux étaient aussi les plus vulnérables. Dans la garde rapprochée de la Reine, à l’âge d’or Hai’za, tous les Djinns avaient un profil discret, mais observateur.
L’humaine et ses questions pouvaient être irritables pour un homme qui avait passé plusieurs décennies enfermé avec ses pensées. Mais justement... Nahil avait passé tellement de temps coupé du monde, que la curiosité -à son échelle, bien sûr- avait quelque peu pris le dessus.
Il paraissait donc avoir 30 ans. C’était un bel âge, ça, du moins pour un humain. Un âge de maturité, où le physique est encore solide. L’apogée avant le déclin. Est-ce que cinq années de plus étaient un déclin ? Il préféra ne pas rebondir là-dessus, hochant la tête pour seule réponse.
Plus les Effrits revenaient au centre de la discussion, plus les flammes dansaient autour d’eux. Cela ne sembla pas perturber l’humaine qui parlait. Encore. Beaucoup… Et confirmait que son peuple était complètement ignorant sur les vérités concernant sa propre histoire. Cela dit, les Djinns ne pouvaient pas en vouloir aux humains de ne pas les connaître… car ils avaient toujours tout mis en œuvre pour garder leur existence secrète.
Alors, au fil des paroles de son interlocutrice, le Naar se calma. Sa Reine avait fait un excellent travail de dissimulation, au vu des énormités servies par la créature dépourvue de magie.
“C’est fascinant cette capacité à retourner la situation dans l’intérêt de son propre peuple.” Ricana-t-il en soutenant le regard de la jeune femme. Il était bien conscient qu’elle répétait des histoires fausses qu’on lui avait toujours enseignées. Les croyances religieuses étaient, pour Nahil, la méthode de manipulation employée par les tyrans pour plier la majorité à leurs directives. Terroriser le peuple en faisant penser que les Djinns étaient démoniaques leur permettaient de les fédérer… face à un ennemi qui ne leur voulait, en réalité, pas grand-chose.
Il se demanda même comment cela fonctionnait à Hai’za, depuis son départ. Mais l’interrogation dans son regard ne fut que de courte durée.
“Les dieux ne sont qu’une invention de l’imaginaire humain. Imaginaire que nous alimentons, bien sûr, pour garder notre existence la plus secrète possible. Vous nous connaissez à travers les légendes, et pourtant vous voyez bien que nous existons.” Affirma-t-il, sans mettre de formes. C’était factuel, pour lui. “Lorsqu’un humain a rencontré un Djinn, sa mémoire a été modifiée par magie pour qu’il oublie. Il arrive que certains d’entre vous…” Il avait utilisé une intonation antipathique, pour ne pas dire dégoutée. “... arrivent à résister aux forces magiques employées… C’est pourquoi certains jurent avoir vu une intervention divine lorsqu’un Djinn a allumé un feu, ou détourné une rivière… Dans le monde des humains, notre apparence est très proche de la vôtre pour rester… les plus discrets possibles. Chez nous, les choses sont un peu différentes. ” Sa voix s’était apaisée alors qu’il rétablissait la vérité. Elle allait pénétrer dans la Cité des Djinns, autant qu’elle soit informée correctement sur leur puissance.
“Les Effrits ne sont pas des Djinns, même si à tort on les appelle les Djinns maléfiques. Il en existe autant de catégories que d’éléments, les Effrits étaient liés au feu.” Indiqua Nahil alors que les flammes se mirent à chauffer plus fort, comme si elles ne cautionnaient pas le fait d’être partagées avec les Effrits. “La magie qui alimente les maléfiques est la même que la nôtre, en revanche. Ce sont eux, qui peuvent prendre possession des corps : humains, animaux, et Djinns. Ils représentent une menace pour tous.”
Le Djinn ferma les yeux un instant, et le silence fut. Après cela, il ne répondit plus à aucune question, perdu dans le flot de ses pensées.
Il ne les rouvrit qu’au petit matin, lorsque la chaleur du soleil vint réchauffer sa peau dorée. Il se leva, claqua des doigts pour éteindre les flammes et réveiller, en même temps, l’humaine endormie. “Debout, on a encore du chemin.” Déclara-t-il.
J'ai environ 25 ans, mais j’ignore exactement quand je suis née. Je vis dans une vielle maison abandonnée. Dans la vie, je suis voleuse et arnaqueuse et je m'en sors comme je peux. Sinon, je suis célibataire. J’ai parfois l’impression de ne rien saisir au monde, comme si je n’avais ma place nulle part
Leurs quelques échanges provoquaient chez Aysha une curiosité plus importante encore, bien qu'elle sache à quel point cela pouvait être dangereux, mais également à quel point cela pouvait l'aider. Si elle en apprenait plus sur lui et sur les Djinns, elle serait plus en mesure de connaître ses faiblesses et peut-être trouver une façon de s'échapper. Peut-être même réussirait-elle à ce que le mépris qu'il ressentait pour elle se modifie en quelque chose de plus positif, tel la pitié qui lui serait plus positif. Elle doutait qu'il puisse ressentir quoique ce soit d'autre à son encontre. Mais si elle avait des idées derrière la tête, une part plus innocente d'elle était réellement curieuse d'en apprendre plus sur cet être étrange. Il dégageait une énergie qu'elle n'avait jamais ressenti ailleurs, mais, après tout, il était le premier qu'elle rencontrait. Lui au contraire, n'avait pas le moindre intérêt pour elle, ne s'intéressait pas à ses réponses. Qu'elle puisse être une survivante ne l'avait pas fait réagir un instant. Après tout, c'était sûrement mieux ainsi.
Son regard avait prit le temps de détailler le visage de l'homme face à elle, essayant de déterminer son âge et de faire taire toutes les questions qu'il avait fait naître en elle – ainsi que son imagination qui s'était quelque peu emballée. Elle craignit également que sa sincérité puisse le vexer. Quel était l'âge physique acceptable pour un Djinn ? Peut-être aurait-elle dû répondre qu'il faisait plus jeune ? C'était idiot parce qu'il finirait bien par se voir dans un reflet, même s'il se tenait loin de l'eau pour le moment. La réponse sembla acceptable pour Nahil. Elle retint un soupire de soulagement, dissimulant son anxiété et retenant le rire de l'imaginer ridé. Peut-être le serait-il un jour ? Est-ce que cent ans pour un Djinn c'était une dizaine d'année physiquement ? Cette logique ne semblait pas tenir, sinon il ne l'aurait pas interrogé.
Perdue dans ses questionnements, l'humaine prit un temps pour rassembler ses idées, retrouver les légendes qui composaient son enfance. Ses doigts trituraient ses cheveux, observant les réactions de Nahil tout au long de son discours. Elle gardait un œil sur les flammes, qui semblaient être un reflet des émotions du Djinn, ou du moins du contrôle sur lui-même. Les Effrits étaient un sujet sensible... Elle craignit regretter d'avoir aborder ce thème, mais ne s'empêcha pas de parler. Elle ne faisait que rapporter les croyances de son peuple et d'autres. Etait-ce une raison de la battre ? Pour certains oui... Elle jugerait sa réaction.
Les flammes s'apaisèrent au fur et à mesure. Elle pinça légèrement les lèvres face aux mots du Djinn, puis finit par hausser légèrement les épaules. « Peut-être bien, mais je ne crois pas que ce soit propre à un peuple. » Les humains pouvaient peut-être être des monstres et des menteurs, mais son expérience lui soufflait une chose : les Djinns n'étaient certainement pas mieux.
Aysha se mordit la lèvre. Elle aurait mieux fait de garder cette pensée pour elle, elle risquait de déclencher un retour mauvais de la part de la créature de feu. Essayant de garder contenance, elle glissa ses doigts dans ses cheveux pour les démêler un minimum. Elle fut surprise de l'entendre parler autant. Ses yeux d'ambre ne quittait pas son interlocuteur, fasciné par ses paroles. Aysha n'avait jamais cru aux dieux, égyptiens ou d'autres, peut-être les forces supérieures de la nature éventuellement, peut-être ces forces étaient les Djinns après tout. « Pourquoi garder votre existence secrète si vous êtes aussi puissant ? Questionne-t-elle, curieuse. « Et ce n'est pas votre véritable apparence alors ? A quoi est-ce que vous ressemblez? » Son regard détaillait de façon sûrement trop insistant le Djinn, essayant d'imaginer une autre apparence, peut-être plus enflammé.
Elle revint sur terre en essayant d'imaginer les Effrit. « A quoi est-ce que ressemble un Effrit ? Et c'est parce qu'ils vous menacent que vous les détester tant ? » De quelle puissance était dotée ces êtres si Nahil le considérait comme une menace ? « Et c'est parce que vous ne pouvez pas effacer ma mémoire que vous m'emmener? souffle-t-elle ne réussissant pas à dissimuler une inquiétude. S'il la pensait dangereuse, avec une forme d'immunité peut-être, quelque chose qui les mettait en danger ? Impossible. Elle n'avait rien de particulier... sauf cette malédiction qui la suivait depuis toujours. Cette pensée lui fit mordre la lèvre. Son regard se perdit dans les flammes. « Les Effrits peuvent aussi lancer des malédictions? »
Aysha releva les yeux vers lui, mais Nahil venait de couper court à la conversation. Elle baissa à nouveau les yeux, pensive avec toutes ces nouvelles informations. Pendant ce temps, ses doigts terminaient de démêler ses cheveux, puis en fit une natte. Elle remit son voile et s'allongea au sol, observant la voûte étoilée. Ses yeux finirent par se clore, son corps terrassé par la fatigue.
Elle s'éveilla en sursaut en entendant soudainement du bruit. Elle bascula sur le côté et se redressa sur ses fesses. Ce simple mouvement fit crier son corps de douleur. Ses traits se tendirent sous la tension de ses muscles. La journée allait être longue et dure. Elle doutait pouvoir tenir le rythme...
La jeune femme saisit sa gourde pour s'hydrater après cette nuit, gourde à remplir à nouveau, comme régulièrement dans la journée. « Combien de temps encore? » Demande-t-elle, essayant de voir les provisions dont elle aurait besoin pour survivre, tout en attrapant une chaussure. Elle la retourna et la secoua, faisant tomber un scorpion. « Désolé pour toi, mais il va falloir trouver un autre abris. » L'animal, encore désorienté, fila à travers le sable pour trouver refuge sous un rocher. Aysha fit la même chose avec sa seconde chaussure et les enfila. Puis elle se leva enfin, s'étira un peu, essayant de faire passer les douleurs de ses muscles endoloris. Elle partit prêt du Nil pour prendre de l'eau, avant de revenir vers le Djinn. « Qu'allez-vous faire si on croise des villages? » Ce qui allait arriver et elle ne souhaitait pas revoir les flammes dévorer des innocents.
Puis la longue journée de marche débuta. Le début de la journée fut douloureux, mais son corps finit par s'habituer, lui permettant d'être un peu plus alerte. Mais la fatigue et le manque de nourriture se fit sentir au fur et à mesure, la faisant trébucher, voir chuter. Elle se relevait toujours, suivant le rythme, profitant des moindres pause pour aller remplir sa gourde pour essayer de récupérer un peu d'énergie. Sa vision se troublait, mais elle continuait de forcer son corps à progresser.
Contenu sponsorisé
Accorder sa confiance revient-il donc toujours à offrir son dos au poignard ? [pv Stormy Dream]