Cela faisait déjà quelques mois que Jordan était arrivée pour son année d’étude dans le pays du matin calme, la Corée du sud, le changement était dépaysant il fallait bien le dire. Chicago et Séoul n’ont en effet rien à voir, hormis peut-être dans leur immensité ou la hauteur des grattes ciel, mais en dehors de cela tout est très différent. Autant dire qu’il a fallut à la jeune femme un peu de temps pour prendre ses marques et encore aujourd’hui le changement de cadre lui est parfois un peu déroutant. Quant au mal du pays, il lui a été assez intense au départ, mais ça va de mieux en mieux, notamment parce qu’elle a su se faire des amis et ça, ça change beaucoup de choses. C’est tout de même appréciable de pouvoir sortir au restaurant, dans un café ou tout simplement aller se promener avec d’autres personnes. Alors bien sûr, JJ de son petit surnom, aime encore parfois se retrouver seule, puisque ce que cela a toujours fait partie de son caractère, mais elle sait qu’elle a maintenant un petit groupe d’amis bien soudés.

D’ailleurs, en ce début de matinée, elle doit aller les retrouver dans un café non loin de l’école où elle étudie pour discuter de tout et de rien, même si aujourd’hui il semble que le thème principal soit les garçons. Dans leur groupe, il y a deux coréennes, une française, une éthiopienne elle, la petite américaine, leur école étant ouverte aux étudiants à l’international. Toujours est-il que ça discute des beaux gosses qu’ils soient Coréens ou non, ce qui fait sourire Jordan qui écoute sans participer. Un jeune homme sort légèrement du lot par rapport aux autres, le type populaire par excellence, qui se prend pour le meilleur de l’école, mais qui se montre aussi froid qu’un glaçon. Oui, Jordan elle voit très bien de qui il s’agit puisqu’il se trouve être dans sa classe et autant dire que contrairement à ses amies, elle déteste Dong-Chul Young et moins elle voit, moins elle lui parle, mieux elle se porte. Fort heureusement, il est alors plus que temps de se rendre en cours.

Il ne faut que quelques au petit groupe de filles pour rejoindre leur école, avant de se séparer pour que chacune puisse rejoindre sa section respective. Forcément, quand Jordan arrive en même temps que certains autres camarades, qui est le premier déjà installé ? Elle vous le donne en mille Dong-Chul Young bien sûr ! La brunette lève doucement les yeux au ciel avant de prendre place à une table et elle est vite rejointe par un camarade de classe qu’elle apprécie plutôt bien. Le cours qu’elle va suivre pour toute sa matinée est quelque chose qu’elle apprécie beaucoup, celui des arts graphiques qui permet de stimuler la créativité. Cependant et une fois n’est pas coutume depuis qu’elle a commencé ce cours, le projet qu’ils vont devoir réaliser sera fait en duo. Car il est important de savoir travailler avec d’autres personnes et de savoir confronter ses idées à quelqu’un qui ne sera pas d’accord avec vous. Toujours est-il que cet important projet va être de créer sa propre marque, de vêtements, de bijoux, de parfum, peu importe les étudiants ont carte blanche et de présenter le rendu final aux autres élèves pour. Le professeur commence à annoncer les duos et…

— Mr Dong-Chul et Miss Reis, j’ai hâte de voir ce qu’il va ressortir de cette collaboration, déclare le professeur avec un grand sourire.

Puis il passe aux groupes suivants. Contrairement à son professeur, Jordan n’a absolument pas envie de sourire se retrouver avec Young et surement le truc dont elle se serait le plus passé pour cette année. La seule chose qui va ressortir de cette collaboration c’est qu’ils vont sans doute s’étriper. D’ailleurs en parlant du loup, voilà qu’il lui jette un coup d'œil dédaigneux et Jordan ne se gêne pas pour lui rendre la pareille. Ça commence bien !

Dong-chul Young pensait à son oncle. Il savait la vérité. Lui. Il savait la vérité. Le reste du monde croyait que son oncle était son père. Dans tous les cas, c’était un scandale qui avait eu lieu quand 18 ans en arrière, le grand PDG de la plus grande entreprise d’arme (à feu et de poing) du monde, le célèbre Dong-chul Kim avait annoncé avoir un héritier de cinq ans. Il avait eu le choix entre le présenter comme son fils, Dong-chul Young, fait avec une ancienne conquête. Ou le présenter comme Liam Smith, le fils bâtard de sa sœur. Car oui, pour Dong-chul Kim, la moitié de gêne américaine qui coule dans les veines de son neveu était bien plus déshonorant que le fait qu’il soit simplement un fils de conquête oubliée. Plus, il se faisait passé pour un homme bon, après que sa « mère » soit morte. Il avait pris son fils, et avait assumé son rôle. C’était honorable, pour lui.

Alors qu’adopté le fils de sa sœur disparu en Amérique du nord pour se marier avec un faux-coréen, ça c’était déshonorant. Young n’avait jamais réellement cherché très loin. Il admet. Et s’il connaissait la vérité, ce n’était que parce qu’il était vraiment intelligent.

Depuis toujours, Young avait une capacité spéciale… une très grande capacité. Il se souvenait d’absolument tout ce qu’il a appris. Il se souvenait de tout. Et il se souvenait donc de sa mère. Dong-chul Yerin. Il se souvient d’elle, de son père, Lucas Smith. Il se souvient de leur petit appartement. Il se souvient de leur amour l’un pour l’autre. Il se souvient de l’odeur de la peinture quand son père faisait de la peinture, ou bien de la voix de sa mère quand elle chantonnait dans la cuisine. Il se souvenait de tout. Alors, on n’avait jamais pu lui mentir.

Et parce qu’il était très intelligent, il était déjà apte, à 23 ans, à prendre la place de son « père ». Tout le monde le savait. Son visage était souvent dans la presse pour démontrer son intelligence et sa perfection. Alors pourquoi était-il en train de s’habiller pour son université de graphisme ? Un petit caprice qu’on lui avait autorisé. Sa mère, la véritable morte dans un accident de voiture avec son véritable père, avait étudié dans cette université. Et c’était parce que son père était un étudiant envoyé qu’ils s’étaient rencontré. Liam n’avait plus existé depuis 18 ans. Liam et ses parents étaient tous morts, oublié. Young n’existait que pour être l’homme que son oncle voulait faire de lui. Alors il avait eu envie d’avoir un lien, même si assez lointain pour que personne ne puisse imaginer le lien avec sa mère.

Il n’avait pas d’amis. Il n’avait pas le temps. Et en réalité, il ne parlait à personne. Parfois, il restait simplement à une place en se souvenant d’un souvenir de sa mère. Il avait cinq ans de souvenir auprès de sa mère. C’était tout. Pas beaucoup plus. Mais il aimait les repasser. Sa mère n’avait jamais été avare de parole, son père non plus. Les deux lui parlaient de l’école comme si c’était un lieu magique. Et Young ne voyait pas ça. Pour lui, cette école était désolante de stupidité.

A force de savoir que son oncle le déteste pour la partie de son sang étranger, il avait eu le déplaisir de se savoir raciste. Young n’aimait personne… mais il aimait encore moins les étrangers. Indifféremment de leur nationalité. Il détestait toutes les personnes qui avaient, comme lui, un sang impur. Il détestait les autres impurs de pouvoir vivre insouciamment, comme si ce n’était pas la pire honte qui puisse leur arrivé.

Son oncle n’avait jamais porté la main sur lui. Il n’avait jamais frappé Young. Pas une seul fois… mais il avait fait pire. Il n’avait jamais levé vers lui un regard compatissant, il n’avait jamais élevé la voix, il n’avait jamais sourit. Dong-chul Kim était, pour son neveu, une ombre que l’on porte, qui voit tout, qui sait tout… young avait d’ailleurs longtemps cru que son oncle était le père fouettard. L’ennemi du père Noël, qui voit tout, qui sait tout, et qui peut punir quand cela ne convient pas.

Young soupire alors qu’il est seul dans la classe d’art-plastique, il passe les yeux autour de lui. Il se dit que sa mère était assise ici. Il n’avait eu aucune difficulté à faire se lever une fille en début d’année pour prendre cette place. C’était sa place. Dans le bois, incrusté en cachette, il pouvait sentir un dessin, un petit cœur ou un L était gravé. L, comme Lucas. L, comme Liam. Ses parents lui avaient souvent parlé de leur histoire d’amour. Loin d’être le coup de foudre. Selon sa mère, elle avait envie de faire manger ses pinceaux à son père dès qu’il osait sourire. Et puis … le professeur les avait mis ensemble pour un travail … et le monde avait changé pour elle. Young avait toujours douté de cette histoire. Il se souvient de chaque regard amoureux de sa mère vers son père, et inversement. Il se souvient de chaque moment de rire et de joie dans cet appartement… Il ne peut pas croire que leur histoire pouvait avoir commencé par la haine.

Quand les élèves arrivent, il était droit, stoïque, personne ne pourrait croire les états d’âmes qui le traversent. S’il était populaire, c’était pour son nom. Pas pour sa personnalité. Ainsi, à chaque fois un groupe de même garçon aussi riche que lui, et vivant dans les mêmes sphères, faisaient l’effort de l’entourer. Langue de bois et faux semblant. Mais il faisait des efforts, pour leur montrer de la considération. S’il était intégré dans son propre groupe de sang pur, peut-être que son sang deviendrait plus noble ? Il reste sur sa place et le cours commence avec le genre de projet qu’il déteste. Devoir supporter une autre personne, ça lui donne envie de crier, de paniquer, de faire la moue, de faire un caprice. Mais Young n’était pas le genre d’enfant à faire des caprices.

A la différence de la jeune femme, qui semblait le connaître, lui, il n’avait aucune idée de qui elle pouvait être. Il avait une mémoire absolue, mais il ne faisait pas l’effort de se souvenir des têtes des gens. Si personne ne lui avait présenté, en faisant bien attention à ce qu’il ne soit pas parti dans des calculs mathématiques compliqués qui ne le concerne que lui, alors l’information serait passé à la trappe. Il la reconnait alors simplement parce qu’elle le regarde. Et il grimace.

Elle était pire qu’une personne comme lui, hybride. Elle avait le sang pur de l’étrangère qui venait pourrir l’air coréen de sa présence. Il n’aimait pas ça. Il comptait bien faire en sorte de changer de partenaire. Il lança un regard vers son professeur qui fit un « non » de la tête. Ce professeur avait connu ses parents. Pas en tant que professeur, bien sûr. Il était dans la même classe, et Young savait donc quelques secrets inavouables qu’il serait bien prêt à balancer contre la possibilité de ne pas être avec l’ennemi. Il finit par regarder la jeune femme. Il ne bougerait pas de sa place. Il tape l’épaule de son voisin.

- Echange avec elle, dit-il.

Et la phrase était sans appel. Il ne bougerait pas son cul de cette place. Sa place. Tout le monde savait qu’il était le genre de personne à avoir « marqué » les places. Il s’assoit toujours à la même place pendant les cours, la même chaise, la même place à la caféteria. Il y avait même un banc dans la cour qui était spécialement pour lui. Il s’y asseyait et travailler, ou écouter la musique, ou qui pouvait bien savoir ce qu’il faisait là. Mais il y restait. Seul. Cet aura de mystère solitaire avait aidé sa popularité au lieu de la diminuer. Les filles avaient même fait un fan club. Cela le faisait rire, même s’il n’en montrait rien. Il n’allait pas montrer à des filles qu’il rit de leur stupidité. Pas par gentillesse. Il n’avait juste pas envie de gérer les conséquences que cette vérité aurait sur le sexe faible.

Depuis qu’il était en graphisme, il n’avait pas une seule fois montré ses œuvres. Jamais. Les professeurs étaient les seuls à avoir eu cet honneur. Sinon, il ne montrait pas son travail. Il ne présentait pas ce qu’il faisait. Il ne participait pas au concours. Il n’avait pas le temps. Il était trop haut pour ça. Personne n’oserait lui dire quoi que ce soit, du reste. Il attend qu’elle vienne et sort un carnet à croquis vide. Il ne faisait pas l’erreur de montrer ce qu’il pouvait dessiner quand il était tranquillement dans sa solitude à une étrangère.

-  Si tu dis des choses stupides, je ne te répondrais pas. Tu seras prévenu. Alors ne me fait pas t’ignorer. Ne dis rien de stupide.

Il comptait avoir une bonne note. Comme toujours. Parce qu’il était le genre à excellé et que l’art ne faisait pas office d’exception. Son père lui avait apprit à peindre, sa mère à aimer les couleurs. Il était intelligent par une erreur génétique. Il était bon en dessin, très bon, par amour. Raison de plus pour ne jamais montrer aux autres ce qu’ils savaient faire.

HRP – En vraiiiii ! Et s’il en avait perdu un ? De carnet avec plein de dessin, de gens, de choses, mais toujours avec une technique qui prouve l’amour et la passion dans les choses … et qu’elle l’avait trouvé ? Elle pourrait en chercher le propriétaire mais sans trouver quelqu’un qui dessine comme ça (puisqu’il montre rien et surtout pas ce qu’il vient de son « cœur », tu en penses quoi ?

Jusqu’à lors, Jordan n'avait jamais eu à travailler en équipe avec sa sainteté Dong-chul et si elle avait pu elle s’en serait passé jusqu’à la fin de son année. Mais elle avait eu des échos de quelques personnes qui s’y étaient frottées et autant dire que ça n'avait rien eu de charmant. Même la seule fille qui avait bossé avec lui et qui avait un crush sur le jeune Coréen avait vite déchanté, non il n'avait rien d’un prince charmant sous ses airs mystérieux. Sans déconner ! Il n’y a qu’à voir la grimace qu’il tire lorsque son regard croise le sien pour savoir que non ça ne va pas être une partie de plaisir, il faut être une sacrée gourdasse pour imaginer le contraire. Le rapide petit échange de regard entre le professeur et l'élève n’échappe pas non plus à la brune, non, sous prétexte qu’il est Dong-chul il peut faire ce qu’il veut et mener son monde à la baguette. Peut-être bien que ça marche avec d’autres, mais avec elle, ce n’est pas demain la veille que ça va fonctionner. D’ailleurs en parlant de commander les gens avec dureté, voilà qu’il demande à son voisin de table de bouger parce que monsieur ne veut pas lever son royal popotin. Non mais sans déconner, ce mec est horripilant au possible. Vraiment, Young a cette fixette d’être toujours à la même fichue place, que ce soit en classe, à la cafétéria ou même à l’extérieur, toujours, toujours la même chaise ou le même banc.

Jordan soupire lourdement, croisant le regard du professeur qui a l’air de lui demander silencieusement d’y aller mollo. Parce que oui, la jeune femme peut se montrer très bourrine quand elle l’a décidé, d’autant plus face à des types de la tranche Dong-chul qui se croient être les plus grandes merveilles que ce monde ait connu. Soupirant une seconde fois, JJ empoche ses affaires et rejoint la place près du jeune homme désormais libre et elle a tout juste le temps d’y déposer ses carnets et autres affaires de dessins que l’autre s’adresse à elle et… Ouais, elle se marre, il croit très sérieusement qu’elle va s’écraser, parce que que monsieur dit alors mademoiselle consent ?  Il se fourre le doigt bien profond dans l'œil, ou ailleurs maintenant qu’elle y pense.

— Je dirais toutes les choses stupides que je veux, rétorque-t-elle un poing sur la hanche et en le regardant sans ciller. Et même si tu m’ignores je continuerais quand même, parce que je me fiche bien que tu m’ignores.

Enfin elle prend place et commence à organiser ses affaires sur sa table de travail, ouvrant son carnet de croquis bien remplis. Contrairement à Young, elle ne cache pas ses œuvres, ses croquis, elle aime plutôt les montrer, les partager avec les autres pour en discuter voir leur réaction, ce qu’elle pourrait modifier ou améliorer dans ses productions graphiques. D’ailleurs, Jordan compte bien s'inscrire à un important concours qui va bientôt être lancé dans tout le pays, le but, créer une affiche pour promouvoir la Corée dans d’autres coins du globe. A la clé, une jolie somme, de la reconnaissance et la possibilité de pouvoir exposer ses œuvres de quoi la faire connaitre et peut-être lui offrir la possibilité d’un emploi en Corée du Sud. Revenant sur terre, Jordan tourne son regard vers son “équipier”.

— Bon, avant de se lancer dans quoi que ce soit, nous devons nous mettre d’accord sur le secteur d'activité que l’on souhaite viser, puis le genre d’entreprise que l’on souhaite être. Et j’insiste sur le nous, on est une équipe, tu n'es pas tout seul !

Oui, oui, elle le voit venir à vouloir imposer ses choix et ses idées. Bah non mon gars, pour une fois, tu es mal tombé.

Il la regarde. Relève à peine un sourcil quand elle commence par ouvrir la bouche pour dire quelque chose d’inutile. Les choses inutiles sont comme les choses stupides, il ne répondra pas … et si la jeune femme n’avait pas deux neurones pour le comprendre, tant pis pour elle. Il avait ouvert son carnet vierge de tout dessin, et il réfléchissait déjà à des probabilités. Il aimait les mathématiques. Plus que ce qu’il n’aimait les dessins. Le dessin était une passion quand les mathématiques étaient une évidence. Alors, au lieu de réfléchir à comment faire comprendre à la jeune femme de n’utiliser l’oxygène que quand ça servira à quelque chose, il regarde un point au loin et il réfléchit sur la probabilité d’avoir une bonne note à la fin de cet exercice. Peu. Parce qu’elle était vraiment stupide. Sa seconde phrase lui confirma. Il était le genre à diriger parce que la plupart du temps, les autres étaient trop stupide, lent d’esprit, ou déconcentré pour ça. La preuve, au lieu de lui donner une idée, elle balance le fait qu’ils allaient devoir trouver une idée.

Comme s’il n’était pas déjà au courant de cette information, et qu’elle venait de lui expliquer quelque chose de super compliqué. Young comprit alors, elle était conne. C’était pour ça que son professeur avait dû la mettre avec elle. Il s’était dit qu’il valait mieux mettre le plus intelligent et la plus stupide ensemble pour qu’elle ne soit pas un poids pour les autres. Logique. C’était bien plus logique que d’une vengeance de l’univers pour ne pas avoir réussi à sauver ses parents.

Pour la seconde phrase, il relève à nouveau son regard. Ouais. Elle était vraiment conne. Mais comme elle semblait avoir besoin d’aide pour comprendre des choses simples.

- Je le sais, que je ne suis pas seul, puisqu’on vient de nous mettre en équipe.

Ouais, il lui avait clairement répondu comme s’il était en train d’expliquer à une enfant que oui, il sait que les nuages ça bouge dans le ciel. Ce petit ton de la personne qui explique quelque chose de terriblement logique mais prends le temps de le faire pour quelqu’un de mentalement diminué. Voilà ce qu’il allait faire. Voilà ce qu’il faisait souvent. Parce qu’il se trouvait toujours avec des imbéciles quand on lui demande un groupe. Le pire avait été la fille avec qui on l’avait mis une fois, et qui avait été plus intéressé par savoir s’il voulait sortir avec elle (non) que le devoir à faire. Il avait fini par le faire tout seul, et il savait qu’elle disait du mal sur lui en échange. Mais il s’en fiche. Il sait qui il est, et ce qu’il vaut.

- J’ai de l’expérience sur les entreprises à l’international, fit-il valoir, moins pour se vanter que pour lui expliquer qu’il pouvait faire un projet sur un gros secteur sans le moindre problème, il nous faut quelque chose d’original, qui sorte du lot par les produits proposées.

Non, parce que clairement si on faisait des bijoux, tout le monde allait le faire. Pareil pour les habits. Leurs dessins pourraient être les plus beaux du monde, et Young savait qu’il allait bien dessiner, si tout le monde le faisait alors ça ne les démarquera pas. Et il devait le faire avec l’abruti de première. S’il lui donne un sucre, peut-être qu’elle se tiendra tranquille et fera semblant d’avoir un cerveau ?

- Donne moi l’objet que tu aimes le plus, étrangement, sans logique, mais qui n’a aucune rapport avec des bijoux ou des habits, demanda-t-il alors que sa main se mit à dessiner, déjà, une calculatrice à l’abri du regard de la jeune femme.

Il dessinait de la main gauche mais il écrivait de la main droite. Son oncle l’avait obligé à écrire de la droite, le forçant en n’hésitant pas à lui tenir la main sur le bureau pour qu’il apprenne à faire les lettres des jours durant. Fin… pas lui, une femme qu’il avait payé pour le faire. Mais donc, il savait écrire des deux mains, et dessiner de la gauche. Cependant, à force de lui avoir mis dans la tête qu’il ne pouvait pas écrire de la mauvaise main, il avait pris l’habitude de changer de main selon ce qu’ils faisaient.

Putain, mais c’est qu’il la prendrait pour une conne en plus, ou alors c’est juste lui qui est juste complétement con et n’est pas foutu de comprendre le sous-entendu. Mais oui, le regard qu’il lui jette quand elle explique qu’ils vont prendre les décisions ensemble est très clair pour elle, à savoir qu’il est le meilleur entre les deux. Ouais, il la prend pour une demeuré et là tout de suite, elle a bien envie de plaquer Young contre le mur mais pas pour lui rouler la pelle du siècle. Quelle horreur !

— Waouh merci captain obvious, sans toi je ne l’aurais sans doute jamais compris, rétorque la brune avec dédain. Vraiment merci d’avoir éclairé la simple d’esprit que je suis.

Bon sang de bonsoir, elle se doutait que ça risquait de mal démarrer entre eux, mais pas à ce point-là. Expulsant doucement son énervement, Jordan tente de reprendre plus calmement et de façon plus sympathique cette fois.

— Quand je disais que tu n’étais pas tout seul, je parlais des décisions à prendre, des idées à mettre en application ou non, je veux avoir mon mot à dire le long du processus de création. Parce que je t’ai déjà vu travailler en groupe et j’avais plus l’impression que tu faisais tout seul qu’avec ton équipier ou ton équipière.

Si là, il ne comprend pas où elle veut en venir, sa famille va certainement devoir lui acheter un cerveau pour Noël prochain. Secouant doucement la tête de gauche à droite, JJ commence à inscrire quelques idées sur son carnet et les concepts qui pourraient en découler, tout en se disant dans le même temps que si à la fin de la semaine elle n’arrive pas à s’entendre avec le fils Dong-chul et bien, la brunette insistera pour changer d’équipe ou alors juste de bosser seule. Quand justement il reprend la parole, la jeune femme coule un regard vers lui.

— Je m’en doute, tu ne viens pas de n’importe quelle famille.

Même elle, qui a pourtant débarqué à Séoul il y a quelques mois, est au courant que Young est le fils d’un riche industriel dans l’armement. Forcément qu’il doit avoir un peu d'expérience, sans doute que papa voudra que son fiston finisse par reprendre les rênes de leur empire. En tout cas, elle était au moins d’accord sur le fait qu’ils devaient avoir un projet original, qui sorte vraiment du lot.

— Désolé mais je me trimballe rarement avec ma paire de patins à glace, pareil pour le second objet que je préfère à savoir mon sécateur pour l’art floral.

En revanche, il y a peut-être son troisième objet favori dans son sac, qu’elle fouille rapidement avant d’en sortir une élégante boîte à l’aspect mystérieux.

— Ce sont des tarots, j’aime bien tirer les cartes aux gens quand ils le veulent.

Il relève un sourcil, simplement un. Elle la traite de Captain Obvious alors que c’était elle qui avait commencé ? Elle était donc définitivement stupide. C’était vraiment … presque drôle. Il fallait le faire pour être stupide à ce point et être dans cette école. Personne n’était stupide ici, ou pas trop. En tout cas, elle devait être le top de la stupidité. Il ne s’embêta pas à lui faire remarquer qu’elle avait commencé avec sa stupidité. On ne parle pas aux idiots, ça les instruit, que lui dit souvent son oncle.

- Et quand je dis « je le sais », c’est que je le sais, énonça-t-il quand elle en remit une couche comme si une idiote pouvait lui apprendre quelque chose. Tu pourras demander, en groupe, tout le monde est ravi de ne rien avoir à faire.

On pouvait dire ce qu’on veut, mais personne n’avait lutté. Ouais, ils ont râlé ensuite. Ouais, ils ont dis du mal sur son dos… mais en face, personne ne s’était plaint… En réalité, c’était la première fois qu’on l’ouvrait autant quand il commençait à faire équipe avec quelqu’un… Cette meuf était donc stupide et bavarde par-dessus le marché. Personne n’avait jamais rien dit d’avoir une bonne note … Personne n’avait a redire qu’il utilise son argent, son influence et ses capacités pour avoir une meilleure image de leur travail. DONC. La jeune femme pouvait dire ce qu’elle voulait, personne ne lui avait jamais dit en face qu’ils voulaient travailler. Il ignore sa phrase donc, surtout sur sa famille. Il préfère ignore, sinon, il serait devenu vraiment plus méchant. Il l’écoute. Faire une marque pour le patin à glace, ça serait compliqué. Pareil pour les sécateurs. Quoi qu’au moins, ça serait original. Il observe les cartes avant de tendre la main dans l’espoir de pouvoir les regarder avec plus d’attention.

- 78 cartes. Le mieux serait de faire une marque avec un seul modèle, puisque l’idée est une marque et non son expansion. Il faudrait choisir quelque chose qui les démarque, soit dans le design soit dans la construction de toutes les autres cartes.

Non, il ne fait aucune commentaire comme quoi c’est stupide ou quoi. Il n’aimait absolument aucun jugement. Comme il l’a pensé plusieurs fois, il veut une bonne note, il veut être bien vu, mais le fait est que réussir ou pas, ça ne change rien pour lui. Donc… Il pouvait bien faire une marque de tarot. Il regarde les cartes. Il fallait donc 79 visuelles pour les cartes. Les 78 pour les cartes, une pour derrière. Ainsi qu’une pour le contour.

- Il faut un mode d’emploi aussi.

Ce n’était toujours pas des questions.

Avoir un échange avec ce type est juste peine perdu, c’est comme se heurter à un mur, il campe sur ses positions imaginant que lui seul a les bonnes réponses. Alors que c’est complètement faux et impossible, s’il avait toujours réponse à tout il ne serait pas là dans cette classe le cul vissé à cette chaise à devoir bosser avec elle. D’ailleurs il y a un autre truc qu’elle aimerait bien lui dévisser, sa sale petite tête de casse bonbon de premier ordre, mais bien sûr elle ne fera pas ça, JJ ne veut pas finir en prison et raté sa vie. Elle ne compte pas rebondir sur le fait qu’il pense tout savoir tel un enfant borné, en revanche…

— Tant mieux pour les autres s’ils apprécient se reposer sur tes épaules pour travailler, ce n’est pas mon cas. Quand on me donne un projet à réaliser, je le fais de A à Z et j’y mets tout mon cœur et toute mon énergie pour fournir le meilleur résultat possible. Et puis, il n’y a rien de de plus gratifiant de mener un travail jusqu’au bout, quelle qu’en soit la finalité.

Après tout, elle est encore en étude et peut donc se permettre de tromper, c’est en faisant des erreurs que l’on apprend et que l’on recommence de la meilleure des façons. Et même quand elle aura un poste dans une entreprise, il lui arrivera de prendre le mauvais chemin, heureusement il y aura ses collègues et c’est ça la force du travail de groupe, c’est d’avoir une autre vision des choses. Mais ça, elle n’est pas bien sûr que Young en l’état actuel des choses puisse comprendre cela et de toute façon, ce n’est pas à elle de lui expliquer que s’ouvrir aux nouvelles personnes, ou aux autres en général dans son cas, permet d’élargir son esprit créatif.  Le jeune homme lui demande si elle n'aurait pas un objet préféré sous la main et Jordan lui présente son jeu de tarot, étant donné que ses patins ou son sécateur ce n’est pas vraiment possible.

— On pourrait peut-être partir sur une marque éphémère, cela pourrait lui donner un côté très exclusif et limité, dit-elle en rebondissant sur les propos de son équipier. Peut-être que pour le design on pourrait partir sur quelque chose de classe, que la personne qui achètera ses cartes pourra autant les utiliser en décoration dans son intérieur que pour l’utilisation de base des tarots.

Jordan sort un second carnet de croquis celui-là complètement remplis contrairement à celui qui se tient ouvert devant elle. Cherchant les croquis qui l'intéresse, elle écoute Young précisant qu’il y aura besoin d’une notice, elle se retient de lui dire que c’est logique et qu’il y a souvent des notices avec les jeux de cartes quel qu’il soit.

— Oui il faudra aussi un design pour la boîte ou ranger nos cartes et le mode d’emploi.

Ayant enfin trouver les pages de son carnet, Jordan le glisse vers Young pour lui montrer le genre de carte auquel elle pensait.

S’il était ici, à faire un cursus avec si peu de débouché, c’était parce qu’il le voulait. Tout le monde oubliait qu’il était, en plus d’être riche et venant d’une famille importante, très intelligent. Il était ici dans le silence et l’oubli. Il n’avait que faire de son fanclub qui crie à chaque fois qu’il arrive dans l’école. Il n’a que faire des fanfictions, qu’il avait lu par curiosité une fois, qui court dans l’université. Celle où il serait en faite un alien ayant tout de même la palme dans toute celle qu’il avait lu. Il ne lui lâcha qu’un regard signifiant « Ok ». Si elle voulait travailler, ça allait lui changer. Mais cela ne change qu’elle ne doit pas dire de choses stupides si elle ne veut pas être totalement ignoré par ses soins. Il n’avait plus rien d’autre à dire. Il ne sait pas travailler en équipe, mais il imagine qu’il allait devoir énoncer des propositions qui seront débattu. Pour le moment, il préférait trouver un moyen pour que chaque affirmation donné soit validé. Et c’était le cas. Elle lui dit ses trois objets favoris, puis elle lui parla de la marque éphémère. Bien sûr que la pensée éphémère serait pratique. Une fois qu’il aurait fini ce stupide devoir, il n’aurait plus a y pensé. Il pourrait l’oublier. Et elle aussi.

Il aurait pu rire de lui… il savait qu’il ne pourrait jamais oublier la jeune femme maintenant qu’elle avait été présenté, et qu’elle avait parlé. Il connaissait sa voix, sa taille, son poids, il pouvait définir tout ça avec des mathématiques. L’art n’était pas mathématique… pas exactement. Il aimait faire des dessins avec des symétries parfaites, et cela même si c’était moche pour beaucoup. Il ne le faisait pas pour les autres, mais pour lui. Il prend le seconde carnet. Des dessins sur fond noir avec un contour or. Il regarde rapidement les dessins en essayant de les imaginant dans des mains.

- Si on choisi de l’éphémère et du limité, cela signifie qu’il faut choisir la cible. Si on prend la classe moyenne, ce genre de design ne les attirera pas.

La classe moyenne avait une idée bien précise de la classe, et de la classe la plus haute de la société dont il faisait parti. Si la classe moyenne voit un design pareil, il se dira que c’est bien trop « de luxe » pour leur appartenir, ils ne s’en intéresseront pas. Ou alors juste pour cracher dessus. Si quelques personnes de la classe moyenne l’achètent, cela deviendra un trou dans leur décoration, justement, et sera relégué dans un coin du bureau, puis oublié. Si on prend la classe la plus haute, ce genre de jeu de carte ne feront plaisir qu’à des connaisseurs que s’y intéresse, ou à des curieux, et pareil, les cartes finiront par faire tâche …

- La boîte devrait être l’objet de décoration. Si l’objet avec ou sans les cartes, portent un attrait, alors les cartes et leurs designs ne seront que des plus. Permettant au design d'être ce qu'il veut.

Et à ce moment là, s’ils choisissent la classe moyenne, le design pourrait être allégé pour faire quelque chose de plus classique, mais aussi graphiquement recherché, pour que les cartes, utilisés plaisent en plus. Et, tout comme il n’énonça aucun avis sur ses cartes comme objet préféré, il ne dit rien sur ses dessins. Il n’avait aucun avis de toute façon, et n’avait pas envie de le faire. Alors qu’il parlait, il avait continué à dessiner, la regardant pas réellement. Un coup d’œil avait suffit pour regarder ses dessins et les enregistrer dans sa mémoire. Il lui tend le dessin d’une boite avec des décorations, dont une horloge, qui semblait à deux paliers. Et il attend. Parce que sinon, il aurait simplement fait ça et puis basta …. Mais il se demande bien si elle aura les nerfs de lui dire que son idée est mauvaise. Ou même si elle aura un argument.

Le dessin était précis, avec des proportions et une perceptive parfaite. Il était fait avec des traits droits, sûrs, maîtrisés, qui démontré son aptitude en dessin. Et Young se disait qu'elle devrait être reconnaissante. Sauf les professeurs, elle était la seule de toute l'université à avoir vue un dessin aussi détaillé de lui.

Excellent, la matinée va être drôlement longue si son équipier pour ce projet qu’on vient de leur donner, n’est même pas fichu de tenir à minima une conversation. Non, quand Jordan lui dit qu’elle est prête à bosser, contrairement aux autres avec qui le jeune homme à déjà eu à faire, il se contente de lui jeter un coup d'œil, l’air de dire d’accord. Enfin, elle suppose que c’est toujours mieux que lorsqu’il ouvre la bouche pour lui faire la morale ou lui montrer qu’il la prend pour une fille stupide. Ce qui est loin d’être le cas, sinon elle ne serait pas là dans cette école dans la ville de Séoul, son dossier faisait parti des meilleurs, voilà pourquoi elle est assise aujourd’hui à côté de monsieur rabat joie. Mais tout ça, il ne peut pas le savoir et il ne le saura jamais, parce qu’il n’a pas l’air d’être le genre à s’embêter à apprendre à connaître les autres. Non, il préfère rester dans sa petite bulle et croire qu’il est le meilleur de cette classe, voire même le meilleur de toute l’école. Toujours est-il que malgré leur différence très marquées, les deux jeunes arrivent à se mettre au travail, ils ne deviendront jamais les meilleurs amis du monde, mais s’ils arrivent à mener à bien ce projet, ce sera déjà ça de pris.

— Pas forcément, il y a des personnes de la classe moyenne qui aiment bien parfois se faire plaisir et je dis ça en conséquence de cause puisque j'en fais partie. Dernièrement, il y a une édition limitée d’un coffret d’aquarelle qui m'a bien tenté et j’ai juste mis de côté avant de pouvoir me l’acheter. On peut privilégier la classe supérieure si tu veux, mais il ne faut pas non plus se fermer à la classe moyenne.

D’autant plus qu’à l’heure actuelle, même dans la classe moyenne il y a des différences, certains sont classe moyenne supérieure quand d’autres sont à la limite de rentrer dans la classe inférieure ou pauvre. Donc, quelqu’un de la classe moyenne pourrait très bien être attiré par le produit si il ou elle le trouve assez à son goût. Après s’ils ont le temps, ils peuvent toujours faire une collection très classe et plus accès vers des gens ayant les moyens et une autre plus simple pour les gens ayant moins de moyens, mais dans les deux cas il faut que les designs restent attractifs.

— Je suis d’accord sur le fait que la boite fera un bel objet de décoration, mais il ne faut pas oublier que notre produits principal reste les cartes. La boite doit les sublimer et ne pas reléguer nos cartes au rang de plus. J’irais même plus loin en disant que dans l’idéal, les cartes doivent être complémentaires à la boite et inversement.

Pendant quelques minutes, Jordan se concentre uniquement sur le design des cartes, imaginant quelques variations à ce qu’elle a déjà montré à Young. Jusqu’à ce que le jeune homme lui montre l’esquisse de la boîte qu’il a imaginée et maintenant qu’elle y pense, c’est bien la première fois qu’elle voit l’un de ses dessins. La brunette n’a jamais compris ce secret qui entourait les œuvres du fils Dong-chul, ils ont déjà quelques projets à leur actifs et si son équipier à toujours rendu ce qui était demandé en temps et en heure, il n’a jamais rien présenté devant les autres. En tout cas, il dessine bien, les traits sont précis, bien droit, les courbes sont nettes et sans tremblements, mais JJ ne comprend quand même pas pourquoi il ne montre jamais ses dessins. Il n’est pas le seul à avoir du talent après tout.

— Le design est beau, mais il est beaucoup trop chargé par rapport à l'esthétique de nos cartes, il faudrait le rendre plus léger, plus épuré, enlever quelques fioritures.

Aucun compliment sur ses aptitudes en dessin, après tout il s’est bien gardé d'émettre un avis sur ses dessins à elle, alors Jordan ne voit pas pourquoi elle prendrait le temps de lui donner son avis. Il s’en fiche de toute façon.