Il pourrait rester ainsi des heures, le visage enfui dans la chevelure d’Apollonia et la serrant contre lui. Mais elle le fait asseoir, une fois encore. Ou plutôt, ses jambes le lâche plus qu’il ne s’assied... Il laisse échapper un soupire et doit retenir une grimace de douleur. Il a l’impression d’avoir cent ans...

Apollonia fait alors remarquer qu’il ne va pas bien. Il a beau essayer, c’est difficile de le cacher...  

Elle lui propose alors de lui faire une potion, et Lucas secoue doucement la tête. Non... pas de magie...

Pourtant, la jeune femme semble convaincue que l’idée est bonne et, si au moins elle ne comptait pas partir seule cette fois, elle décide de se rendre au manoir Black pour aller chercher les ingrédients après avoir mangé. Lucas se relève alors d’un bond, le cœur battant à tout rompre. Il ne tient pas debout longtemps, basculant rapidement dans le fauteuil en ayant le tournis. Ignorant son corps, il se redresse, mais reste assis cette fois, et fixe un regard dur sur son aimée qui s’affaire déjà à préparer à manger en agitant sa baguette.

"Pas de potion ! Et encore moins s’il faut prendre des risques pour la préparer !"

Il ne veut plus de magie, quelle qu’elle soit. C’est trop facile et trop dangereux à la fois... Il ne peut pas imposer à Apollonia de l’abandonner, mais il refuse de, lui, l’utiliser ou d’en être la cible...

"Apollonia..."  

Il attend qu’elle se tourne vers lui pour continuer.

"Je ne veux pas de potion. Promets-moi que tu ne prendras aucun risque pour essayer de m’aider... Il me faut juste un peu de temps, pas besoin de magie..."  

Son ton est ferme malgré sa faiblesse.

Le jeune homme s’écroule dans le fauteuil aussitôt qu’Apollonia l'enjoint à s’asseoir, son corps cédant sous le poids de la fatigue accumulée. Mais à peine ses muscles ont-ils goûté au répit qu’il se redresse à ses mots. Apollonia se retourne, le cœur serré, ses yeux s’écarquillant d'incrédulité. Le contraste entre son propre désarroi et la détermination obstinée de Lucas la déstabilise.

— Lucas ! Il n’y a personne au manoir Black à l’heure actuelle ! » se défend t-elle exaspérée face à cet acharnement de la part du jeune homme. « Mon père est en prison… Et ma mère s’est volatilisée… Tu tiens à peine debout… » Les mots qu’elle prononce réveillent en elle une douleur qu’elle peine à contenir. Elle se rappelle à quel point elle a tout perdu pour lui…

Néanmoins, dans sa vaillance maladive, le jeune homme la coupe doucement en l’interpellant. Elle l’observe, les sourcils froncés, le menton tremblant alors qu’elle lutte pour contenir l'émotion qui menace de la submerger. Pourquoi ne peut-il pas voir, ou accepter, la gravité de son état ? Ce besoin désespéré qu'il a de protéger, alors qu'il n'a plus la force de se protéger lui-même, la brise un peu plus. Elle se sent si démuni en l’instant.

Lucas insiste, sa voix douce mais ferme, l'implorant de lui promettre qu’elle n’ira pas seule chercher les ingrédients au manoir de sa famille. Pour lui, le temps doit faire son œuvre, non la magie. Mais Apollonia sait, au fond d’elle, que ce n'est pas suffisant. Pourtant, elle soutient son regard, un instant interminable luttant contre son propre instinct, contre ce besoin viscéral de vouloir le sauver. Elle finit par céder.

— Je te le promets. » murmure-t-elle.
Elle détourne les yeux, incapable de supporter la peine qui se lit dans les siens, et se tourne de nouveau vers les fourneaux, s’efforce de les refaire fonctionner d’un coup de baguette agacé et tentant de masquer la colère qui tourbillonne en elle. Et puis, les mots de son père lui revient en tête. « Les promesses sont faites pour être brisées, Apollonia… »

Apollonia lui répond, sur un ton exaspéré, que la manoir Black est vide, de toute façon. Lorsqu’elle résumé sa situation, le jeune homme serre un peu les poings. Ils ont tout perdu... et elle aurait pu perdre encore bien plus si elle se souvenait...

Les deux jeunes gens se fixent un instant, chacun luttant pour ne pas céder. Mais Apollonia finit par accepter la demande de Lucas, dans un murmure peu concluant... puis se détourne pour reprendre les préparatifs du repas. Lucas soupire, se passant les mains dans les cheveux. Il n’en peut plus, il est tellement brisé... il n’a plus rien à part elle...

Après quelques minutes à l’observer se dépatouiller en cuisine, il se relève avec difficulté et viens l’entourer de ses bras, dans son dos.

"Lorsque nous sommes arrivés ici, tu es partie plusieurs heures... A ton retour, tu m’as dit de ne pas m’inquiéter... mais ils vont finir par faire le lien à force de ne plus te voir... Ils vont surveiller le manoir et tous les endroits où tu as l’habitude d’aller... Je sais comment ils fonctionnent, Apo..."

Et plus elle reste auprès de lui, plus elle se met en danger...

"J’ai du sang Moldus, ne l’oublie pas... Mon corps sait se soigner sans magie..."  

C’est n’importe quoi, mais tout est bon pour s’assurer qu’elle ne fasse de nouvelles bêtises à cause de lui...

Profondément agacé par la situation, Apollonia s’acharne sur le repas sans un mot. La tâche n’est déjà pas évidente pour la jeune femme, habituée à avoir été servi toute sa vie par des domestiques et trop gêné pour rejeter la faute là-dessus. Elle s'efforce du mieux qu'elle peut, mais chaque petite difficulté devient un prétexte pour décharger sa colère : un couteau de cuisine émoussé subit ses assauts répétés, et les quelques assiettes qu'elle a réussi à recoller d'un coup de baguette tremblent sous l’impact de ses gestes brusques. Tout cela est aggravé par leur désaccord fondamental : Lucas refuse catégoriquement l'utilisation de toute magie, un refus qui se dresse comme un mur entre eux.

Finalement, elle entend Lucas se déplacer derrière elle. Elle continue de s’affairer, chaque coup de lame, un exutoire à son agitation intérieure, s'efforçant de ne penser à rien, de peur que ses pensées tumultueuses ne la submergent. Ce n'est que lorsqu'elle sent les bras de Lucas l'envelopper doucement qu'elle commence à se détendre, son corps se relâchant imperceptiblement sous son étreinte. Mais ses paroles, bien qu'intentionnées, ne font qu’amplifier l’inquiétude qui gronde en elle, et elle ne peut s'empêcher de soupirer avec lassitude.

— Lucas… On ne m’a pas inculpé de quoi que ce soit pour l’instant. Je me suis arrangé qu’on ne me reconnaisse pas lorsque je t’ai récupéré sur cette barque… Je portais un masque et l’habillement propre aux mages noirs que m’a refilés mon oncle. Je n’ai pas pu être identifié. Ils ont eu des soupçons, bien sûr, mais sans preuve, ils ont dû me relâcher. Mais maintenant… Si je m’absente trop longtemps du Ministère, comme tu le dis, je crains que les soupçons ne se transforment en certitudes… » La jeune femme prend un temps à la réflexion, puis reprend en se tournant vers lui en s’appuyant contre levier, d’un ton plus grave : « Je n’aurai pas d’autre choix que de retourner à Londres, au moins pour annoncer ma démission en personne au Ministère. Je pourrai facilement blâmer les derniers événements… Après tout, ma réputation est détruite… » Dit-elle en baissant les yeux, honteuse.

Heureusement, les paroles de Lucas qui tente de la rassurer sur sa capacité à se remettre sans magie grâce à son sang moldu, lui arrachent un petit rire, entre les larmes qui lui montait aux yeux. Son rire est doux et s’estompe pour laisser place à un long silence durant lequel elle en profite pour plonger ses yeux dans ceux de son amant. D'un geste délicat, elle pose une main sur son bras, une lueur inquiétante brûlant dans ses prunelles sombres.
— C’est un risque nécessaire et je te demande de me faire confiance. Je te promets que ce sera le dernier, Lucas, mais pour cela, je dois d'abord disparaître.

La jeune femme se défoule en préparant le repas. Ce n’est que lorsque Lucas l’enlace qu’elle se détend légèrement. Mais aux mots de l’ex-policier, elle soupire, las.  

Elle lui affirme qu’ils n’ont rien pour prouver son implication dans l’évasion du jeune homme, mais qu’en effet une absence prolongée de sa part pourrait confirmer les soupçons qui pèsent malgré tout sur elle. Elle se tourne alors vers lui, l’air grave, et lui rétorque qu’elle devra au moins se rendre à Londres pour démissionner correctement, les derniers évènements jouant en sa faveur pour expliquer cette décision. Les bras de chaque côté d’elle, mains sur l’évier, il baisse les yeux également, se sentant fautif de sa situation. Mais heureusement, la remarque concernant son sang Moldus fait rire Apollonia, un rire mêlé de larmes qui s’évanouit pour laisser place au silence. Un silence de contemplation, brisé par sa main qui se pose doucement sur le bras du jeune homme et une lueur peu rassurante dans son regard. Ses mots lui font serrer les dents. Elle a raison, c’est la meilleure façon pour elle de se protéger par la suite, mais Lucas a tellement de la laisser partir seule si loin...

Posant une main dans sa nuque, il l’embrasse tendrement avant de s’écarter un peu d’elle.

"Je te fais confiance... mais par pitié soit prudente, et ne fait qui risquerait de te mettre en danger pour moi..."

Comme essayer de trouver des potions et des ingrédients pour en préparer... Cela ne ferait qu’attiser les soupçons...

"Et fais attention de ne pas te laisser suivre..."  

Ils sont fort pour ça...

Apollonia se tourne lentement, sentant la présence de Lucas tout près d'elle. Les mains du jeune homme se posent de chaque côté de l'évier, mais au lieu de la retenir, il se rapproche doucement, glissant une main dans sa nuque, laissant la tension entre eux se dissiper pour la remplacée par une tendresse palpable. Leurs regards se croisent, et pendant une fraction de seconde, tout le reste s'efface. Il approche son visage du sien, et leurs lèvres se rencontrent dans un baiser doux, empreint d'une affection profonde. Apollonia y répond avec plaisir. Une promesse silencieuse qu'ils se retrouveront quoi qu'il arrive.
Lorsqu'il se détache légèrement, lui exprime la peur de la perdre en prenant des risques inutiles, un sourire faible se dessine sur ses lèvres, mais sincère.
— Je serai de retour avant même que tu t’en rendes compte »  répond-elle avec un sourire en coin, tentant de cacher l’inquiétude dans sa propre voix. Ils savent tous deux que la situation est précaire, mais Apollonia ne veut pas juste leur acheter du temps… Elle veut tenter de vivre.


Le trajet jusqu'à Londres se déroule sans encombre, mais la séparation est plus difficile qu’elle ne l’aurait imaginé. La peur qui lui tord le ventre est celle de ne jamais plus le revoir. Que ce baiser dans cette cuisine délabré fût peut-être le dernier. Elle chasse cette idée de sa tête lorsqu’elle arrive enfin dans la capitale. La jeune femme se fond à la foule des sorciers, le pas pressé qu’on ne suspecte pas ses intentions dans le clic-clac nerveux de ses talons. Le ministère de la Magie est animé comme à son habitude en ce début de semaine pluvieux, mais dès qu’Apollonia franchit son seuil, les conversations s’atténuent, les regards se tournent. Sa longue chevelure noire en cascade, la noirceur de sa tenue et son petit air distingué suffisent à rappeler son appartenance aux Black à tous ceux qu'elle croise. Elle porte le stigmate génétique de sa famille, même si ce n’est plus tout à fait pour ces raisons qu’elle fait tourner les têtes, Apollonia… La jeune femme fait fit des murmures, avançant d’un pas décidé jusqu’à son bureau en espérant n’y croiser personne. Après avoir déposé sa lettre de démission sur son bureau, elle s’éclipse rapidement des lieux, évitant tout contact prolongé avec qui que ce soit. Elle ne souhaite pas s'éterniser ni croiser d’anciens collègues dont elle préfère ignorer les jugements.

Au moment où elle s'apprête à quitter le Ministère, Apollonia croise son ex-supérieur au détour d’un couloir. Il affiche un sourire mêlé de surprise et d'amusement en la voyant.
— Apollonia, » dit-il en la jaugeant du regard avec un appétit voilé, « qui aurait cru qu’une femme de votre calibre puisse être... une sang-mêlée ? J’avoue difficilement y croire. »
Il semble presque espérer qu’elle en démente. Apollonia le fixe un instant, ses yeux brillants d’un éclat de défi.
— Les apparences sont parfois trompeuses, Weber... »  répond-elle, avec un sourire narquois, avant de tourner les talons, laissant derrière elle le Ministère et tous ses espoirs d’un jour s’élever à titre de ministre de la magie. L’amour aurait eu raison de ses ambitions…

Apollonia marche rapidement sous la pluie fine qui persiste sur Londres, son esprit tourmenté par une révélation soudaine. Un détail crucial lui revient en mémoire : au moment de l'attaque au manoir des Knots, il avait été question d’un elfe de maison impliqué. Astoria avait mentionné cet elfe juste avant leur confrontation. Une vague de froid la traverse alors qu'elle réalise que cet elfe pourrait être celui qui travaille dans la taverne de son oncle. En se remémorant l’évasion précipitée de Lucas d'Azkaban, elle se souvient clairement que l’elfe n’était pas là dans l’arrière-boutique de l’oncle. Mais si cet elfe sert un membre de la secte de sang, il pourrait détenir des informations vitales sur leur localisation. Cette pensée lui donne une poussée d’adrénaline. Elle décide de se rendre immédiatement à la taverne de son oncle pour en avoir le cœur net. Elle arrive devant la taverne, les pavés mouillés scintillant sous les réverbères. La chaleur et le brouhaha de l’intérieur contrastent avec le temps maussade. En entrant, elle voit son oncle derrière le comptoir, mais l’elfe ne s’y trouve pas. Elle ne retire pas sa capuche de sur son cuir chevelu. La discrétion est de mise en cet endroit. Il lève les yeux et sa surprise se transforme en une expression mêlée de confusion et d’inquiétude en la voyant. « Apollonia ?! Que fais-tu ici ? » Elle lui adresse un sourire mesuré.

Elle échange quelques mots avec son oncle pour sous-tirer quelques informations sur l’elfe de maison de Fingal dont elle apprend avec étonnement le trépas, mais la prudence la pousse à se retirer rapidement. Dans la ruelle sombre derrière la taverne, Apollonia se repose un instant contre le mur froid, son esprit tournant en boucle. Si l’elfe est vraiment impliqué dans la secte de sang, sa disparition pourrait être une tentative de dissimulation s’imagine-t-elle. En quittant l’Allée des Embrumes, un frisson lui parcourt l’échine. Son instinct lui cri qu’elle n’est pas seule. Elle ralentit légèrement le pas, écoutant attentivement, et elle capte les murmures derrière elle, la sensation d’être épiée se transformant en certitude. Sans se retourner, Apollonia se fond dans l’ombre d’une ruelle. Elle jette un coup d'œil rapide par-dessus son épaule et aperçoit trois silhouettes sombres qui la suivent de près. Ce sont des Mages noirs, sans aucun doute. Et fort probablement les mêmes que lors de son altercation au manoir. Elle sent son cœur s'emballer, mais elle sait qu'elle doit rester lucide. Rejoindre Lucas est hors de question pour le moment ; les mener à lui serait une erreur fatale. Apollonia se met à courir, ses talons frappant le pavé avec une cadence effrénée. Derrière elle, les Mages noirs accélèrent le pas. La ruelle se rétrécit, mais elle connaît cet endroit comme sa poche. Prenant un virage serré, elle transplante soudainement, réapparaissant de l’autre côté de la rue principale, mais elle sait qu'ils ne sont pas loin. Elle zigzague entre les ruelles, disparaissant et réapparaissant à plusieurs reprises, usant de tout son savoir-faire pour parvenir à les semer. Elle s'arrête enfin, essoufflée, dans une allée étroite où la lumière des réverbères peine à percer l'obscurité. Apollonia regarde autour d’elle, les Mages noirs semblent avoir perdu sa trace. Mais elle ne peut pas baisser sa garde. Plutôt que de risquer un retour immédiat auprès de Lucas, elle décide de se rendre à son ancien appartement, un lieu où elle n’a pas mis les pieds depuis des jours et en profiter pour trouver quelques potions qui pourrait aider à revigorer l’énergie du jeune homme.

Une fois sur place, elle ouvre la porte à la hâte, ses mains légèrement tremblantes. L’appartement est sombre, silencieux. Elle referme la porte derrière elle, gardant sa baguette en main. Elle se demande si elle est réellement en sécurité ici. Alors qu'elle se détend un peu, un bruit soudain la fait sursauter. Une présence dans l'appartement. Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, une silhouette se détache de l'ombre. Apollonia lève sa baguette, prête à se défendre, mais elle s’arrête net en reconnaissant la personne qui se tient devant elle.
— Alec ?! » souffle-t-elle, abasourdie.
— Apollonia, attends ! » dit-il, levant les mains en signe de paix. « Je suis ici pour t’avertir. Les Mages noirs sont à ta recherche ! »
— Sans blague ! » s’exclame-t-elle à bout et le souffle court. « Que fais-tu ici, enfin ? Tu ne devrais pas être là… » dit-elle l’œil sévère.
— Je travaille sur une enquête depuis des semaines... » commence Alec, sa voix plus grave, « … et j’ai découvert qu’ils te traquent à cause de ce que tu es, Apollonia. Pas seulement toi… Ils veulent aussi se venger du policier né moldu qui était avec toi durant l’enquête… C’est vrai ce qu’ils disent ? Toi... et lui..? » Il secoue la tête s’exaspérant tout seul. « Pardonne-moi… Ce n’est pas ce que j’insinue.
« Apollonia… Je me suis fait un sang d’encre… tu étais introuvable ! Où étais-tu passé ?! »
Apollonia reste silencieuse un instant, essayant de digérer cette avalanche d’informations. Elle le regarde, encore sous le choc, mais ses paroles trouvent écho avec tout ce qu’elle a vécu ce soir. Elle n’a pas tant envie de lui dire qu’elle a tout risqué, tout sacrifié pour un homme autre que lui. Ça le briserait.
— Comment sais-tu tout ça, Alec ? Comment es-tu au courant que je suis poursuivie par des Mages noirs ? » Fait-elle un brin méfiante en relevant sa baguette.
Le jeune homme soupire. Il baisse lentement les mains, laissant retomber ses épaules comme pour souligner qu’il n’a pas de mauvaises intentions.
— Apollonia, je sais ce que tu penses, mais je suis ici pour t’aider. Nous avons un indic parmi la secte sur laquelle vous enquêtiez. Dès que j’ai su, j’ai cherché à te retrouver.
La jeune femme semble profondément troublée. Cherchant appuie près d’elle, elle finit par s'asseoir sur un fauteuil, une main portée à sa bouche entrouverte de stupéfaction. Alec s’agenouille devant elle et lui pose une main se voulant rassurante sur un genou. « Ils te poursuivent parce que tu es une Black, mais aussi parce que tu as osé porter ce nom tout en étant… sang-mêlée. »
Le cœur d’Apollonia se serre à ces mots. Elle serre les dents, son regard se glaçant lorsqu’elle relève les yeux sur Alec.
— C’est donc pour ça ? Parce que je suis une ‘Black indigne’, c’est ce qu’ils pensent ? » Elle laisse échapper un rire amer. « Et toi, Alec, tu es venu me rappeler à quel point je suis une erreur aux yeux de tous ceux qui se prétendent purs ?
— Non… Je ne les laisserais pas te faire du mal... Crois-le ou non, je... t’aime toujours Apo, sinon je ne serais pas revenu, tu le sais… qu’importe, ton sang. » ajoute-t-il d’une voix douce.
Apollonia relève la tête, comprenant enfin l’étendue des sentiments d’Alec, mais elle sait que ces révélations ne changent rien à sa situation. L’idée de rester ici pour la nuit ne lui plaît pas tant. Chaque seconde qui passe lui déchire le ventre tant la peur s’insinue jusque dans sa tête. La peur de ce qu’il pourrait arriver à Lucas entre temps, toute l'inquiétude qu’elle lui cause aussi…
— Je dois partir Alec… Maintenant.
— Partir où Apollonia ?! Ne m’as-tu pas écouté ? Enfin ! Ne vas pas te mettre en danger pour rien, je t’en supplie, reste ici. Au moins pour la nuit...
L'esprit d'Apollonia est en ébullition, incapable de déterminer si les Mages noirs ont découvert leur refuge en Écosse. L'elfe de maison les a-t-il trahis en révélant leur évasion à ceux qui les traquent, ou bien la surveille-t-on pour qu’on la suive jusqu’à leur cachette ? Elle hésite, son cœur battant à tout rompre. Partir ou rester ? Chaque option semble dangereuse, mais rester indécise pourrait être encore pire. Chaque instant passé à réfléchir pourrait exposer Lucas davantage, et la peur de faire le mauvais choix l'enserre.

Apollonia lui affirme qu’elle sera de retour avant même qu’il ne se rende compte de son départ. Il l’embrasse de nouveau puis retourne s’asseoir, la laissant finir de préparer le repas qu’ils mangent ensemble avant qu’elle ne se change pour partir. Il faut toute la volonté de l’ex-policier pour ne pas la retenir. Et à peine a-t-elle quitté la maison qu’il commence à faire les cents pas. Il range un peu plus la maison, sort sur la plage, nettoie, dors aussi...  

Il n’a rien pour savoir l’heure. Il n’y a pas d’horloge ici, et il n’a plus de montre. Il ne peut se fier qu’à la lumière grise du ciel nuageux au dehors... et le temps semble s’étirer à l’infini alors qu’il attend avec de plus en plus d’inquiétude le retour de son aimée.

D’autant que le ciel s’assombris peu à peu, et qu’elle n’est toujours pas là...

Pour la énième fois, Lucas sort sur la plage pour scruter le ciel. Il ne fait pas encore nuit, mais ça doit être le début de soirée...  

Inquiet, il ne peut s’empêcher de faire des allers-retours dans le sable humide en bord de l’eau. Mais que fait-elle, bon sang ?

Un mouvement dans son champ de vision lui fait tourner la tête. Il s'’attend à voir Apollonia, mais c’est un sort qui le cueille. Il est faible, désarmé, et il n'a pas le temps de comprendre ce qui se passe que le monde se voile pour finir par disparaitre complètement. Cela n’aura pas duré plus d’une minute...


Le jeune homme reviens à lui avec difficulté. La tête lui tourne. Il est assis sur une chaise, même pas ligoté. A peine a-t-il repris ses esprits qu’une douleur fulgurante le traverse. Un mage-noir lui fait face et viens de lui lancer le sort Doloris. Il n'a même pas eu le temps d’ouvrir la bouche ni de voir où il se trouvait. Il tombe de sa chaise en hurlant et en se tordant de douleur.

Le sors est rompu et l’homme ricane.

- Voyons-voir à quel point ta sang-mêlé tiens à toi, le sang de bourbe.

L'ex-policier ne comprend pas tout de suite. Il se retourne sur le dos et tente de voir son geôlier, mais il lève à nouveau sa baguette et un nouveau hurlement retentit.

- Je suis sensé te faire une piqûre de rappel toutes les demi-heures jusqu’à ce qu’elle arrive, mais là c’était trop tentant...

Le souffle court, la peur serre la gorge de Lucas. Il arrive pourtant à tourner la tête vers l’homme encapuchonné et à prendre la parole d’une voix faible.

"Elle... ne viendra pas..."

Elle ne doit pas venir... elle lui a promis de ne pas se mettre en danger pour lui... elle ne doit pas..

Apollonia tourne en rond dans son salon, sous le regard médusé d’Alec. Elle s’interroge, l’angoisse lui nouant l’estomac : les Mages noirs connaissent-ils leur cachette, ou attendent-ils qu’elle les y conduise ? L’idée qu’elle puisse être celle qui ramènerait le danger en Écosse la hante, elle refuse de commettre une nouvelle erreur. Pourtant, dans les deux scénarios qui se tortillent dans son esprit, une conclusion s’impose : Lucas est probablement déjà en danger sur cette île.

Sa décision est prise.
Elle ne prendra pas le risque de le laisser affronter le péril seul.
— Je m’en vais, Alec. Merci pour ta sollicitude, mais je ne peux pas rester ici.
Elle attrape ses affaires à la hâte, fouille dans une grande armoire pour se parer de quelques potions. Alec, immobile, la regarde sans bouger, son silence pesant.
— Alors je viens avec toi. » dit-il finalement.
Apollonia se retourne, soutenant son regard. Elle veut refuser… mais elle sait qu’elle aura besoin d’aide si le pire l’attend à son retour. Et si ce n’est pas le cas, tant mieux. Les deux hommes de sa vie composeront avec la présence l'un de l'autre.
« Je connais les méthodes des Mages noirs, nous les renverrons d’où ils viennent, je te le promets.»
Elle hoche lentement la tête, en signe de remerciement, puis ils s’affairent à quelques préparatifs avant de quitter l’appartement dans la nuit.


Lorsqu’ils regagnent l’Écosse, il fait nuit noire. Aucune lumière ne filtre de la maison à la tourelle noire où elle et Lucas se sont réfugiés quelques jours plus tôt. Soudain, un éclair vert fend l’obscurité, suivi de cris épouvantables qu’Apollonia reconnaît entre mille. Son cœur s’emballe. Elle se redresse d’un bond, prête à courir au secours de son aimé, mais Alec la retient par le bras.
— Non ! Ce ne serait pas prudent. C’est ce qu’ils veulent !
Elle tente de se dégager, mais Alec la tient fermement. Apollonia finit par cesser de se débattre, les cris de souffrance de Lucas la désorientent. Les hurlements persistent, et les larmes montent à ses yeux.
— Je le sais… mais je ne peux pas les laisser lui faire du mal. Il a trop souffert, Alec, tu ne sais pas à quel point… J-je ne peux pas...
Elle préfère mourir à ses côtés s'il le faut. D’un geste sec, elle se libère de sa prise. Peut-être est-ce Alec qui relâche son étreinte sous le poids des révélations. L’amour aveugle qu’elle porte pour Lucas devient palpable. « Je t’en prie, ne te mêle pas de ça, retourne à Londres. Je ne supporterais pas qu’il t’arrive quelque chose par ma faute…»
Elle ne lui laisse pas le temps de répondre qu'elle se transforme en corneille, se fondant dans les ombres de la nuit.

Apollonia se glisse dans la cheminée, guidée par les gémissements de douleur de Lucas qui résonnent dans toute la maison. En entrant dans la pièce, la première chose qu’elle voit est la silhouette noire d’un homme, debout, et Lucas gisant à ses pieds. La scène qu’elle devine déclenche une colère indicible en elle. Reprenant forme humaine, elle lance un sort avec toute la haine qui l’habite.
— ENDOLORIS !
L’éclair vert jaillit de sa baguette et frappe l’homme de plein fouet, le faisant hurler de douleur. Qu’importe s’il s’agit d’un piège, Apollonia se promet de les détruire jusqu’au dernier.

Comme de fait, trois ombres de fumée prennent forme dans la pénombre. Cette fois, Apollonia est prête. Elle attend qu’ils frappent en premier. Lorsque le premier éclair vert jaillit, elle le fait ricocher sur l’acolyte de l’assaillant avant d’enchaîner avec un sort de son cru.
— Decimenum membris!!
Le sort ne manque pas. Les membres du Mage noir touché se disloquent dans de sinistres craquements d’os sous ses cris avant qu’il ne croule sous le poids de son corps. Bras et jambe révulsés dans des angles déments, suffisent à faire reculer l’un de ses acolytes de quelques pas sous le choc de la violence d'un tel sort. Hésitant une fraction de seconde, Apollonia en profite pour agir. Un coup de baguette en sa direction libère une corde comme dotée d'une volonté propre qui s’enroule autour du cou de l’assaillant. Il tente de se libérer, mais la corde resserre son emprise à chaque tentative. La baguette lui échappe, et il finit à la renverse.

Le dernier Mage noir arbore un rictus amusé, fixant Apollonia avec un regard glacé. Elle se déplace pour se placer entre lui et Lucas, déterminée à protéger le jeune homme à tout prix, même si elle doit y payer de sa vie.
— Eh bien… Peut-être pas sang pur, mais la magie noire, elle l’a dans le sang, n’est-ce pas ?
Apollonia ne comprend pas tout de suite qu’il parle à quelqu’un d’autre. Elle sent un courant d’air dans son dos, mais à peine se retourne-t-elle qu’un sort la frappe de plein fouet, la projetant contre le mur opposé. Elle s’écroule au sol, le souffle coupé.
— C’est vrai, sa maîtrise est impressionnante, mais ses sentiments la rendent faible.
Cette voix… Apollonia la reconnaît.
— Qu’en penses-tu, Astoria ? On l’épargne ? Après tout, elle pourrait bien nous être utile.
Une jeune femme de l’âge d’Apollonia s’avance et se penche à sa hauteur. Elle lui attrape les cheveux d’une main pour lui relever la tête, sa baguette pointée sous son menton. Apollonia soutient son regard, les yeux étincelants de colère.
— Tu peux toujours rêver !
— Très bien ! » fait Astoria amusé en lui relâchant subitement la tignasse, laissant la tête d’Apollonia heurter durement le sol. « Tu rejoins nos rangs, juste le temps de finir le sale boulot dans ces satanées grottes. En échange, on épargne la vie du policier moldu dont tu t'es entichée.» la teste-t-elle.
— Non !
— Ex-policier, pardonne-moi.
— J’ai dit non !
— Ah ? Donc tu te moques de ce qui peut lui arriver ?
Apollonia écarquille les yeux de terreur en voyant Astoria approcher sa baguette du visage de Lucas, à demi-conscient au sol.
— Ne le touche pas !! » qu'elle vocifère hargneuse.
— Bon, c’est bien ce que je pensais. Alors, tu te décides ou je décide à ta place. Tu sais très bien quelle décision je vais prendre, Ap—
Astoria n’a pas le temps de finir sa phrase qu’elle est projetée à travers la fenêtre, les éclats de verre retentissant dans la pièce. Le dernier Mage noir, voyant l’Auror apparaître, disparaît aussitôt dans un filet de fumée. Alec s’avance précipitamment vers Apollonia, qui peine à respirer. Une côte cassée, sans doute. Lorsqu’il la soulève, elle pousse un cri de douleur.
— Ils vont revenir… Je ne peux pas vous sauver tous les deux à la fois… murmure Alec, avant qu’elle ne comprenne ce qu’il sous-entend.
— Quoi ? Alec, non…! Lucas !!
Le jeune homme les fait transplaner à quelques miles de là, sur une plage voisine déserte. Apollonia croise le regard de Lucas juste avant de disparaître sous ses yeux. Furieuse, elle se redresse du mieux qu’elle peut et agrippe Alec par le col de sa chemise.
— Comment oses-tu ?! Ramène-moi tout de suite !!
Il ne cède pas à sa colère. Au contraire, il pose un doux baiser sur son front avant de plonger son regard triste dans le sien.
— Je m’occupe du reste, Apo.
Et sur ces mots, il disparaît de nouveau.

Combien de temps ? Le Mage noir à dit devoir lui lancer un sort toutes les demi-heures, mais Lucas a l’impression qu’il se lâche plus que de raison...  

Doloris, diffindo, incendio... le jeune homme a arrêté de compter et d’identifier les sorts qui lui sont lancés. On le maintien conscient, mais son esprit déjà brisé finit par se murer dans un coin de sa tête afin de protéger ce qu’il en reste. Ses cris tiennent plus du réflexe que de la réelle douleur alors même que son corps s’engourdit de plus en plus. Est-ce qu’il va finalement mourir ce soir ?  

Les yeux fixés dans le vide, il pense à Apollonia. S’il disparait, elle ne doit pas le suivre... elle ne doit pas le chercher... Pourra-t-elle enfin refaire sa vie s’il n’est plus là pour la retenir ?

Il s’entend hurler comme s’il se trouvait à côté de son corps. Est-ce lui qui crie de douleur, d’ailleurs ? Il est donc toujours vivant...  

Un nouveau cri... étrange cette fois... il ne reconnait même plus sa propre voix... Le souffle court, un moment de répit semble lui être donné. Des bruits autour de lui interpellent sa conscience qui sursaute dans son esprit verrouillé. Allongé sur le côté, le regard éteint, il n’arrive pourtant pas à bouger. Son corps ne lui obéit plus. Ça devient une habitude, depuis le temps...

Des voix... une voix... Une voix capable de transpercer tous les limbes et tous les murs, une voix reconnaissable entre mille... une voix qui ne peut pas être là... qui NE DOIT pas être là...

Un tressaillement anime les doigts du jeune homme. Il relève les yeux sur Apollonia, son corps abimé toujours immobile. Une ombre s’approche, mais son regard vide ne scille pas. Pourquoi est-elle là ?

Il voudrait lui dire de partir, de fuir, de se protéger, mais aucun son ne franchi ses lèvres. Un bruit de verre brisé se fait alors entendre. Un nouvel arrivant fait son apparition, et la jeune femme disparait enfin, leur regard se croisant une dernière fois. Soulagé, Lucas ferme les yeux, le souffle à peine audible. A-t-il le droit de sombrer, maintenant ? Peut-il se laisser partir une bonne fois pour toute et la libérer enfin de leur lien ?  

— Artwood...

"Non..."

— Artwood, j’ai besoin de toi ! Pour Apollonia ! Je ne peux pas te faire transplaner dans ton état, il faut que tu m’aide !

"Pourquoi..."

Alec se retourne alors qu’une explosion ébranle la maison. Il fait barrage de son corps sur celui de Lucas. Des flammes se répandant rapidement autour d’eux. Pourquoi il ne part pas ? Pourquoi il ne le laisse pas là ?

L’Auror secoue l’ex-policier pour tenter de le faire revenir à lui. La douleur le traverses comme un courant électrique. Il ouvre les yeux, mais ne bouge toujours pas.

— Si tu meurs ici, elle ne me le pardonnera jamais ! Et elle se fera tuer pour te venger !

Quoi ? Non... Il devra l’en empêcher...  

La fumée et la chaleur se font étouffantes. Alec tousse alors que la maison s’effondre peu à peu autour d’eux. Pourquoi tout le monde se met en danger pour lui ? Pourquoi ne le laisse-t-on pas partir, simplement ?

— Merde Artwood ! Revigor !

Le sors provoque un nouveau choc chez le jeune homme, remettant son corps en mouvement alors même que son esprit est toujours enfui. Il bascule sur le dos en grimaçant. Alec tente de le redresser en le soutenant par le bras, mais le corps et l’esprit n’étant pas connecté, ce n’est pas évident. Les lieux sont désormais irrespirables. Alec lance un nouveau sort pour essayer d’écarter les flammes. Lucas est désormais debout, soutenu par l’Auror qui tente tant bien que mal de les sortir tous les deux de la batisse avant qu’elle ne s’effondre complètement.

— Si on s’en sort, c’est moi qui vais t’achever !

Ça n’a aucun sens... qu’il le laisse ici, alors...

Après un effort surhumain et a grand coup de sortilèges, les deux hommes finissent par rejoindre la plage où ils s’écroulent l’un à côté de l’autre. En sueur, crachant leurs poumons, brûlés à plusieurs endroits, le répit n’est malheureusement que de courte durée. Il reste encore un Mage noir, celui qui a mis le feu à la tourelle...

Astoria, elle, a disparue...

Laissée seule sur cette plage désolée, Apollonia sent une panique viscérale s’emparer d’elle. Le vent glacial fouette son visage, mais elle ne perçoit que l'angoisse grandissante qui monte en elle. Frénétiquement, elle fouille le sable, ses doigts s'enfonçant dans la froideur granuleuse du sol, cherchant désespérément sa baguette. L’obscurité de la nuit rend la chose presque impossible, et une angoisse sourde la ronge. Sans sa magie, même si elle se métamorphosait en corneille pour retrouver Lucas et Alec, elle sait qu'elle ne serait d'aucune utilité.

Le désespoir s’empare petit à petit de son esprit alors que ses ongles raclent la surface rugueuse avec acharnement. Et lorsqu’elle sent enfin le bois familier de sa baguette sous ses doigts, un bruit d'explosion au loin fige son geste. Son cœur se serre violemment. Le regard perçant au loin, elle distingue une lueur rougeoyante à l'horizon. En plissant les yeux, elle reconnaît alors la silhouette de leur refuge, leur maison d'infortune, désormais en proie aux flammes. Les larmes coulent sans qu'elle puisse les retenir alors qu’elle tombe à genoux, traçant des sillons sur ses joues. Sa bouche se tord sous la douleur, mais aucun son ne s’en échappe. C’est une inspiration déchirante qui envahit sa poitrine, suivie d’un hurlement de désespoir, un cri qui lacère son âme.

Elle tente de se relever, mais ses jambes flanchent sous l’horreur qui l’envahit, la clouant au sol. Les pires scénarios se bousculent dans son esprit, imaginant Lucas et Alec prisonniers des flammes, ou pire. Pourtant, une étincelle de raison se fraie une place dans son esprit. "Ils sont plus malins que ça" se dit-elle, s’accrochant désespérément à cette pensée pour retrouver son calme. Cette maigre lueur d'espoir la ramène à la raison, juste à temps pour percevoir un mouvement derrière elle. Par réflexe, Apollonia dévie d’un coup habile de baguette le sort qui fuse dans son dos, pivotant sur elle-même pour faire face à l’agresseur. Le visage familier qu’elle y. découvre fait monter en elle une colère noire.
— Qu’est-ce que tu veux, Astoria ?! » siffle-t-elle, la voix tranchante. « Qu’est-ce que tu veux de moi ?!
— Remettre les gens comme toi et ton cher sang-de-bourbe à leur place ! » rétorque Astoria, ses yeux brulant de mépris. « Non seulement tu es une impure, mais en plus tu souilles une lignée de plus de 7 siècles et tu entraînes ta propre famille dans la déchéance ! Tu es une honte, Apollonia !!
— Je ne me suis pas mise au monde, Astoria ! Mais que t'es t-il donc arriver...
— Non, mais tu te fais passer pour une autre, et je ne te laisserai pas t’en tirer aussi facilement !
Un éclair verdâtre jaillit de la baguette d’Astoria, mais Apollonia, anticipant l’attaque, parvient à le dévier sans trop de difficulté. Elle en profite pour se relever, son corps vibrant de la tension du combat. La violence la démange, mais elle s’efforce de garder la tête froide. Elle ne veut certainement pas se rabaisser à leurs manières de faire, même si ce n’est pas l’envie qui manque…
— Tu dérailles. » gronde-t-elle. « Ma mère est née Black. Son sang coule dans mes veines. Je demeure une Black, que ça te plaise ou non ! Everte Statum ! »
Le sort d’expulsion frappe Astoria de plein fouet, la projetant plusieurs pieds plus loin. Apollonia se précipite à sa rencontre, se matérialisant devant elle d’un transplanage, la baguette prête à frapper. Le rire d’Astoria, strident et moqueur qui résonne dans la nuit.
— Ah ! Et tiens donc… Si tu étais une vraie Black, ces portes ne seraient pas restées fermées devant ton sang, et ton ami ne serait pas mort en vain…
Apollonia se fige, la respiration coupée. À qui Astoria fait-elle allusion ?
— De… quoi parles-tu ? » demande-t-elle, sa voix à peine plus qu’un murmure.
— Tu as échoué le test, Apollonia, et aujourd’hui tu en paies le prix.
— Quel test ? Et quel... ami ? »
Car Apollonia est convaincu qu’elle ne parle alors pas de Lucas.
— Ah ? Tu ne te souviens pas ? Tu m’impressionnes. Une vraie meurtrière dans l’âme ! Aucun scrupule !
D’un geste rapide, Apollonia place sa baguette sous le menton d’Astoria, poussé à bout de patience. Le regard noir de la mage noire rencontre le sien, mais un sourire narquois reste figé sur ses lèvres. «  Colt ! Colt Tauris ! Tu ne te souviens vraiment pas ? Tu devais être celle à trouver ce stupide parchemin, pas lui ! Mais quand ces portes ne se sont pas ouvertes… tu l’as fait taire, croyant la vérité enterrée avec lui… »
Apollonia a un mouvement de recule, désemparée. Cette révélation frappe son esprit comme un coup de poignard. Elle avait toujours ressenti un poids sur son âme, se doutant que Lucas lui cachait quelque chose à propos de cette tragédie. Mais jamais elle n'avait osé imaginer l'ampleur de ce mensonge. Se reprenant, elle efface toute émotion de son visage, retrouvant son masque impassible. Approchant froidement d’Astoria, elle saisit ses cheveux avec brutalité, la baguette appuyée contre sa gorge comme celle-ci lui avait fait plus tôt dans la maison.
— La prochaine fois que tu oses croiser mon chemin, Astoria, ou celui de Lucas, tu connaîtras le même sort que lui. » murmure-t-elle, dissimulant son désarroi derrière des paroles glaciales. « Stupéfix ! »

Lorsqu’Apollonia regagne la plage de leur maison d’infortune en proie aux flammes, elle découvre les deux hommes étendus sur le sol, bien en vie. Un soupir de soulagement mêlé d’inquiétude échappe à ses lèvres alors qu’elle se précipite vers eux. S’agenouillant entre Lucas et Alec, c’est vers Lucas qu’elle se tourne d’abord, le cœur lourd de remords. Elle caresse doucement son front, repoussant tendrement les mèches de cheveux qui couvrent ses yeux. Un sentiment de culpabilité la submerge. Comment a-t-elle pu le laisser seul ici, vulnérable, avec des mages rôdant à leur trousse ? Et son charme protecteur ? Pourquoi n'a-t-il pas caché leur refuge aux regards de tous ?

Puis rivant ses yeux sur la maison en flammes, elle se sent dévastée. Elle avait tant mis d'espoir en ce lieu reculé, pensant qu'ils y seraient à l'abri de tout danger. Qu’ils pourrait y vivre, laissant tout derrière eux. Reposant son regard sur Lucas, les larmes lui montent aux yeux.
— Je… je suis tellement désolée… » murmure-t-elle, la voix tremblante. « Tu m’avais pourtant dit de ne pas partir… Pardonne-moi, Lucas…
La peur de le voir brisé à jamais, marqué par les sorts interdits qu'il a subis, l’étreint, menaçant de la submerger. Après une profonde inspiration, elle tourne son attention vers Alec sans se détacher de l’ex-policier, lui lançant un regard reconnaissant d’être revenu pour lui.
— Je suis parvenue à capturer une des mages... » annonce-t-elle « Son nom est Astoria, tu la trouveras pétrifiée sur la plage où tu m’as laissée. Merci Alec… infiniment… »
De nouveau, son regard se pose sur les flammes dévorant leur ancien refuge. Ils n’ont plus nulle part où aller à présent.