Les deux hommes tentent de retrouver leur souffle. Lucas, les yeux fermés mais plus ou moins conscient, est dans un piteux état. Le sable s’immisce dans ses blessures ouvertes et irrite les brûlures, et l’ensemble de son système nerveux semble sur le point de rompre de douleur... il a besoin de soins...

Alec, qui peine aussi à respirer, souffre également du sable sur ses brûlures, mais lorsqu’Apollonia apparait, il tente malgré tout de se redresser, le cœur serré en la voyant se tourner vers l’ex-policier.

Ce dernier ne réagit d’ailleurs pas à son contacte. Il sent la main froide et tremblante sur son front, il entend ses paroles, mais son esprit reste muré, l’empêchant d’agir. La douleur est trop forte que pour y faire face pleinement...  

— Il faut l’emmener à l’hôpital... Un hôpital moldus... Il ne peut pas retourner dans le monde des sorciers...

Alec observe les lieux, toujours sur ses gardes. Il secoue brièvement la tête aux remerciements d’Apollonia. Il ne supporte pas de la voir comme ça... tout ça à cause de lui... de Lucas...

— Nous ne sommes pas en sécurité ici... Il y a encore des Mages Noirs dans les environs.

Il se relève avec difficulté, le souffle court et les poumons douloureux. Il a bien entendu qu’une des Mages Noirs est pétrifiée un peu plus loin, mais peu lui importe. Il doit trouver un moyen d’aider Apollonia, et de ce fait, Lucas...

L’Auror n’y connait pas grand-chose aux Moldus. Il n’a pas pris l’option d’Etude des Moldus à l’école et ne s’est jamais intéressé à leurs us et coutumes en dehors du travail. Il sait qu’ils ont leurs propres hôpitaux, mais il ne sait pas comment y emmener le fugitif.

Heureusement, il semblerait qu’ils soient tranquilles, pour l’instant du moins. Mais plus ils s’attardent, plus il y a de risque que les ennemis reviennent pour les achever... Et il ne peut pas faire venir ses collègues tant que Lucas est là...

Dans quel sac de nœuds Apollonia s’est-elle fourrée bon sang...

Après quelques minutes de réflexion, l’Auror finit par prendre une décision.

— Je vais aller demander de l’aide à des Moldus. Je leur dirais que quelqu'un a été blessé dans un incendie, ils sauront surement quoi faire pour qu’il soit pris en main...

Du moins il l’espère...

Il aimerait dire à la jeune femme de venir avec lui, mais il sait qu’elle ne laissera pas Lucas. Il s’éloigne donc et transplane tant bien que mal jusqu’à la plage où était censé se trouver Astoria, mais il n’y a désormais plus personne... L’un de ses comparses a dû venir la libérer...

Il transplane de nouveau jusqu’à un village Moldus où il réussit à trouver de l’aide. Vu son état, les gens n’ont pas de mal à croire son histoire.  

Vu la localisation, c’est un hélicoptère qui doit intervenir. Les urgentistes embarquent également Apollonia, qui semble également en piteux. Alec, lui, s’est rendu à Sainte-Mangouste avec la ferme intention de les retrouver plus tard. Il s’est assurer d’avoir le nom du lieu où ils allaient être emmené avant de s’éclipser discrètement.

Si Lucas entend ce qui se passe autour de lui, il ne réagit à rien, semblant évanouis. Il aurait préféré, en fait... Dans cette semi-conscience, il sent la douleur et la honte... Mais il sent surtout la présence d’Apollonia, l’unique raison pour laquelle il ne sombre pas complètement dans les ténèbres...

Apollonia émerge lentement des vappes d’un sommeil lourd, lorsqu’elle sent le poids d’une main sur son épaule. Ses paupières se soulèvent avec difficulté, révélant des yeux cerclés de fatigue qui se posent aussitôt sur Lucas, allongé immobile comme la veille. Elle l'observe un instant, le cœur serré, avant de relever le menton pour découvrir le visage d’Alec qui se dessine au-dessus d’elle qui l’enjoint à se lever du fauteuil. Ce qu’elle fait sans broncher et avec une lenteur affecté, ses mouvements alourdis par la lassitude, tandis que sa main glisse de celle de Lucas. Elle vacille légèrement, encore engourdie par le sommeil qui la maintient dans un état de confusion, et il lui faut un moment pour retrouver ses repères, pour se rappeler les événements qui les ont conduits jusqu’ici.

Lorsqu’enfin ses yeux croisent ceux d’Alec, une vague de gêne la submerge, brûlant ses joues d’une honte qu’elle ne parvient pas à dissimuler. Il accourt aujourd’hui à son secours malgré avoir appris l’existence de ce paramour qu’elle lui a caché depuis tout ce temps de leurs vies communes. Une culpabilité acide se répand en elle, la rendant presque nauséeuse. Sale, c’est ainsi qu’elle se sent. Apollonia n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sa conscience en lambeaux, c’est d’une voix brisée qu’elle parvient à articuler un faible « Merci… » à l’attention de son ancien fiancé.

Elle se dirige alors vers la salle de bain, où elle découvre des vêtements de femme laissés par l’infirmière. Une robe jaune, si incongrue pour celle qui, autrefois, incarnait force et ambition, mais qui aujourd'hui ne se reconnaît plus. Fermant la porte derrière elle, Apollonia prend un long moment pour s’observer dans le miroir. Le reflet qu’elle y voit n’est qu’un spectre, un pâle écho de la femme qu’elle a été. Où est passée cette femme déterminée, au regard de fer et à la volonté implacable qui imposait le respect ? Désormais, elle n’est plus qu’une fugitive par association, ses convictions érodées par l’amour et un passé auquel il lui manque encore pièces à recoller. Les paroles d’Astoria la hantent, éveillant en elle une inquiétude insidieuse. Ses sentiments l’ont-ils réellement affaiblie ? A-t-elle trahi tout ce qu’elle était pour une passion destructrice ?

Sous la douche, l’eau brûlante ruisselle sur son corps meurtri, mais ce n’est pas suffisant pour laver les remords qui la rongent. Les minutes s’étirent tandis qu’elle laisse l’eau emporter ses pensées. Lorsqu’elle sort enfin, elle enfile la robe sans grande conviction. Le tissu léger colle à sa peau humide, ses cheveux dégoulinants traçant des sillons sombres sur le plancher. C’est la première fois que la couleur l’habille, et bien que cela ne la déplaise pas, elle ressent une profonde étrangeté à se voir ainsi. Ce n’est pas elle. Ce n’est pas Apollonia Black. La mode moldue lui semble risible à l’instant, comme un déguisement qu’elle doit porter pour dissimuler son existence. Elle se sent véritablement une Mary Gellert dans cette robe. Une vraie sang-mêlée.

De retour dans la chambre, elle aperçoit Alec, patient et fidèle au poste, veillant sur Lucas en son absence tel que promit. La vue des deux hommes dans la même pièce lui arrache une douleur sourde, une peine qu’elle peine à contenir. À quoi joue-t-elle donc ? Quels mensonges supplémentaires devra-t-elle tisser pour préserver cette illusion ? Ses pas sont feutrés, hésitants, tandis qu’elle s’approche de l’Auror, ses yeux fuyant les siens, ne trouvant nulle part où se poser sans raviver la brûlure de sa honte. Elle n’ose pas initier le moindre contact, consciente du tort qu’elle lui a causé, de ces années de mensonges qui pèsent désormais entre eux.

Après une profonde inspiration, Apollonia rassemble le peu de force qu’il lui reste pour rompre le silence, sa voix à peine plus qu’un murmure.
— Tu ne devrais pas être ici, Alec. Tu en as déjà fait plus que je ne le mérite. En nous aidant ainsi, tu te compromets... Rentre en France, je t’en prie… Oublie-moi.
Chaque mot lui coûte. Mais elle n’a plus la force de prétendre, Apollonia, plus l’énergie de lutter contre les vérités qui la condamnent et son lien avec l’ex-policier. Alec mérite mieux qu’elle, mieux que ces années de non-dits et de tous ses secrets. Tandis qu’elle le supplie de partir, Apollonia sent le poids de son passé s’alourdir sur ses épaules, et elle sait que, quoi qu’il advienne, elle devra en payer le prix. Un jour ou l’autre.

Robe jaune:

Alec ne peut rejoindre l’hôpital Moldus que le lendemain, après que ses brûlures aient été soignées à grand coup d’onguents et de potions. Il a essayé de s’habiller en Moldus pour l’occasion, remerciant ses compétences d’Auror en matière de camouflage en se rendant compte qu’il n’a pas trop mal loupé son coup. A l’accueil, il peine à ce qu’on lui indique la chambre de Lucas alors même qu’il n’est pas inscrit au registre. Apollonia a dû leur donner un faux nom, c’est malin de sa part, mais pas pratique pour lui...

Il doit alors expliquer les circonstances de la venue du policier et affirmer que c’est lui qui a signalé l’incident à grand coups de détails sur l’état de Lucas avant qu’on accepte de lui indiquer la chambre. Un peu plus et il allait user de la magie sur la pauvre infirmière...    

Dans la chambre, il trouve Apollonia, dans le même état que la veille, endormie au chevet de Lucas, inanimé sur le lit, un masque à air l’aidant à respirer. Les Moldus ont vraiment d’étranges machines...  

La jeune femme tient fermement la main de l’homme, ce qui serre à nouveau le cœur de l’Auror. Pourquoi lui... ?

Il s’approche lentement d’Apollonia et vient poser une main sur son épaule pour la réveiller.

— Apollonia... Tu dois te changer... tu ne peux pas rester comme ça... Je reste avec lui, ne t’inquiète pas.

Il essaie de la faire lever en la soutenant.  

Ni la police, ni le médecin ne sont encore passés, les premiers pour interroger la jeune femme sur l'incident et le second pour faire le point sur l'état du blessé.

Lucas, lui, flotte dans un néant au silence écrasant. Seule une lueur lointaine lui sert de point de repère, mais il peine à la rejoindre. Dès qu’il espère s’en approcher, elle s’éloigne, comme pour le fuir. Alors il ère, durant ce qui lui semble une éternité, son esprit retranché refusant de refaire surface. Dans le jargon Moldus, il est dans le coma...

Apollonia semble à bout de force. Non, elle ne semble pas, elle l’est...

Alec la soutient et secoue doucement la tête lorsqu’elle le remercie. Elle n’a pas à le remercier...

Il l’accompagne jusqu'à la petite salle de bain où elle s’enferme. Il reste un instant devant la porte close avant de rejoindre le fauteuil où elle était un instant plus tôt. Il observe Lucas. La médecine Moldue a de quoi interpeller... L’ex-policier est recouvert de pansements là où il a été brûlé, l’appareil semble respirer pour lui et certaines plaies ont été recousues. C’est à la fois ridicule et ingénieux, étant donné qu’ils n’ont pas la magie pour les aider dans leur quotidien...  

Durant le temps de douche d’Apollonia, l’Auror est perdu dans ses pensées. Il pense à la jeune femme, à leurs fiançailles, à leur mariage manqué... Elle a tout perdu pour cet homme allongé là... et s’il l’a laissé partir à ce moment-là, il ne compte pas refaire la même erreur cette fois. Son histoire avec Lucas la détruit, et il ne peut pas rester là à regarder sans rien faire...  

Au moment où Apollonia sort de la salle de bain, Alec a pris sa décision. Il va la récupérer, coute que coute...

La vue de la jeune femme en robe jaune fait monter le rouge aux joues de l’Auror. Elle fuit son regard alors que lui la dévore des yeux. Il a envie de lui dire qu’elle est magnifique, que cet habit moldu lui va à ravir, mais elle prend la parole en première. Et ces mots lui transpercent une fois de plus le cœur. Sauf que cette fois, il ne partira pas...

Il se lève et se dirige vers elle, posant un doigt sur le menton de son ex-fiancée pour lui faire relever les yeux vers lui.    

— Je prendrais congé. Je resterais auprès de toi le temps qu’il faudra. Je n’ai aucunement l’intention de te laisser seule, Apollonia...

A ce moment-là, un coup est frappé à la porte et un médecin rentre dans la chambre.

”Madame Gellert ? Et... vous êtes ?”

Gellert ? Elle a donc bien donné un faux nom... Alec réfléchi rapidement avant de répondre au médecin.

— Alec Gellert... je suis son frère.  

Il désigne Lucas d’un coup de tête. Le médecin hoche la tête sans poser plus de questions. L’Auror n’a pas dû chercher loin pour comprendre qu’Apollonia avait choisi le même nom de famille pour Lucas et elle, vu comment le médecin l’a interpellée...

Elle aurait dû être Madame Lestrange...

L’homme s’approche du lit en leur faisant signe de le rejoindre.

”Je suis le Docteur Wessley. J’ai ici les résultats des examens qui ont été effectués sur Monsieur Gellert après qu’il ait été stabilisé. Ses poumons ont beaucoup souffert de la fumée et il présente de nombreuses blessures dont nous n’expliquons pas l’origine... Des coupures notamment... Peut-être les a-t-il eus durant l’incendie ?”  

Il se tourne vers Alec et Apollonia, mais c’est l’Auror qui répond.

— J’étais présent au moment de l’incendie. Mon frère est sorti par miracle alors que la tourelle s’effondrait... il a surement dû se prendre des débris...

Il n’en est rien... Les coupures en question sont dues à un sortilège, mais le sorcier ne peut pas dire la vérité au Moldus...

Le médecin hoche à nouveau la tête avec un air dubitatif, puis il reprend.

”Malheureusement, les blessures ne sont pas qu’externes... Il présente également de nombreuses micro-fractures un peu partout dans le corps... Tout cela mêlé au choc, nous n’avons pas pu le réveiller... Il est malheureusement dans le coma, et nous ne sommes actuellement pas en mesure de dire quand... ni si... il se réveillera... Je suis désolé...”

Et il le semble vraiment, désolé...

Alec passe machinalement un bras autour de la taille d’Apollonia pour la soutenir. Le coma...  Comment la jeune femme va-t-elle encaisser cette nouvelle... ?

Apollonia ne remarque pas l’effet qu’elle a sur Alec, n’osant croiser ses yeux tant la honte la ronge. Elle laisse ses pensées dériver vers l’équipement médical qui entoure Lucas. Les tubes, les intraveineuses, les pansements grossiers qui parsèment son corps abîmé. Rien de tout cela ne possède la pureté soignée de la magie ; tout ici est brut, imparfait, terriblement humain. Un haut-le-cœur la saisit à la vue de cette fragilité mise à nu, qu’elle réprime en fermant les yeux un bref instant. Lorsqu’elle les rouvre, son esprit se clarifie. Suffisamment pour trouver la force de s’adresser à Alec et le convaincre de rentrer en France. Sa voix se fait claire bien que faible : sa présence ici est une folie, une imprudence qui pourrait lui coûter cher si pas la vie... Mais le jeune homme semble déterminé à ce qu’il en soit autrement. Elle ne s’attend pas à le voir ainsi se mouvoir vers elle, se saisir de son menton avec la tendresse d’antan ni à ces mots. Elle lève un regard un peu hagard vers lui, mais n’a pas le temps de réagir qu’ils sont interrompus par l’arrivée du médecin. Alec ramène sa main à lui, et Apollonia croise les bras sous sa poitrine, se reculant légèrement pour leur laisser la place.

Le moldu en blouse blanche s’adresse à Alec, mais c’est Apollonia qui s’apprête à répondre jusqu’à ce que celui-ci ne la devance. "Son frère," dit-il. L’absurdité de la situation lui ferait presque rire, si elle n’était pas aussi accablée. Comment aurait-elle pu imaginer que ces deux hommes, liés à elle de façon à la fois si différente et semblables, se retrouveraient un jour côte à côte dans une même pièce ? À l’appel du médecin, elle se rapproche du lit de Lucas, ses yeux scrutant les blessures de l’homme qu’elle aime, torturée par la culpabilité d’en être entièrement responsable. Si seulement elle s’en était tenue à leur promesse… Le médecin, le visage grave, énonce les résultats des examens : les poumons de Lucas ont été sévèrement affectés par la fumée, et il présente des coupures inexplicables. Apollonia serre les dents, consciente que ces blessures ne sont pas dues à l’incendie, mais à une magie bien plus sombre. Alec, toujours à ses côtés, prend la parole avec une aisance déconcertante, couvrant la vérité. Elle lui est reconnaissante pour cela, pour cette compréhension tacite qui les unit, même dans le mensonge.

Sous la seconde annonce qui suit, elle s’efforce de demeurer forte, le regard dans le vide, se sentant chancelante. Dans le coma ? Non... pas encore... Pour combien de temps ? Peut-être ne se réveillera t-il jamais. Non... Ça ne se peut pas. Cette information la frappe de plein fouet. Elle se sent faible, accablée par une fatigue et une nausée persistante. Les signaux de son corps sont clairs, mais elle les ignore, préférant s’abandonner à une rage silencieuse et grandissante. Si seulement ils avaient été dans leur monde. La magie aurait réparé ce que la science moldue échoue à comprendre. Mais elle sait cela impossible. Le visage du jeune homme doit être connus par tous les sorciers d’Angleterre à l’heure qu’il est… Alec passe son bras autour de sa taille. Ce geste lui est si familier de sa part qu’elle ne cherche même pas à y échapper sur le moment, s'oubliant un peu.

Le médecin quitte la pièce et Apollonia ne peut plus ignorer le haut du cœur qui lui monte à la gorge. La jeune femme se précipite dans la salle de bain juste à temps pour se déverser de tout son soul. Les spasmes de son corps trahissant une faiblesse qu’elle refuse de reconnaître. Elle se redresse, tremblante, s’essuyant la bouche d’un geste mécanique avant de se regarder dans le miroir avec colère. Tu es faible Apollonia ! Reprends-toi ! Fais la voix dans ta tête. Ce n’est pas toi ! Mais elle n’a pas le temps de s’attarder sur son état que déjà, des bruits de pas résonnent dans la pièce adjacente. Des hommes en uniforme—la police moldue, évidemment—entrent, ne remarquant pas sa présence alors qu’elle sort discrètement de la salle de bain.

Elle ne peut pas les laisser repartir avec des informations qui pourraient les compromettre. Apollonia est bien trop au fait quant aux manières de faire du ministère pour relever de la moindre trace de magie dans le monde des moldus à travers des rapports de police dans lesquels figurent des événements avec un peu trop de zones grises… Son esprit, malgré la fatigue et le malaise, s’aiguise sous la pression. La jeune femme se déplace dans leur dos aussi discrètement que possible tandis qu’ils semblent relevés que l’incendie est d’origine criminelle, mais aucune trace de ce qui l’a causé. Voilà une chose dont ils ne devront certainement pas inscrire dans leurs dossiers. Silencieusement, elle s’avance derrière eux, sa baguette dissimulée dans la ceinture de sa robe qu’elle retire tranquillement. D’un mouvement fluide, elle lance un sort d’amnésie. Les policiers, soudain désorientés, se regardent, balbutiant des phrases incohérentes.
« Pardon… que disions-nous ? »
Apollonia s’approche, un sourire empreint d’un faux chagrin étirant ses lèvres.
— Vous alliez partir… Je n'arrive pas à m'imaginer... Tout ça à cause d’une simple fuite de gaz… » termine-t-elle se parlant faussement à elle même, travestissant son véritable désarroi pour cette soi-disant tragédie domestique somme toute banale. Du moins, aux yeux des policiers… Elle les voit se perdre dans ce mensonge, acceptant cette vérité simplifiée, et les guide vers la sortie avec la même douceur feinte qui lui permet de survivre dans ce monde de demi-vérités. Le dernier policier franchit le seuil, et la porte se referme enfin.

Apollonia, épuisée, s’appuie contre le mur. Ses pensées se tournent vers Lucas vers lequel elle s'approche pour y glisser sa main dans la sienne.
— Alec… dit-moi s’il te plait que tu as pu ramener Astoria à la justice..?dit-elle sans détacher les yeux de son amant.
C'est leur seule chance de se sortir des accusations qui leur pèse. Et Apollonia a terriblement besoin d'une bonne nouvelle.

Alec sent Apollonia trembler. Lorsque le médecin s’en va, elle se précipite alors à nouveau vers la salle de bain pour remettre. L’Auror hésite un instant à la suivre, mais il décide de lui laisser son intimité. Il ne doit pas la brusquer...

Il tourne à nouveau les yeux sur Lucas, la mâchoire crispée. Il lui aura tout fait, à Apo...

Lorsqu’il n’entend plus de bruit dans la petite pièce, il s’apprête à aller voir, mais c’est au tour de la police Moldue de débarquer. Alec affiche alors un air professionnel, fort de ses années de services, pour leur faire face. Un policier interroge l’homme sur son lien avec le blessé. A nouveau, Alec affirme être son frère. Cela lui fait extrêmement bizarre... Il n’aime pas cet homme, mais le voilà à jouer un membre de sa famille, pour Apollonia... Celle-ci se fait d’ailleurs discrète dans le dos des Moldus. Alec les écoute tout en observant son manège discrètement, puis, alors que les policiers étaient en train de demander des détails sur l’incendie apparemment criminel, ils se perdent dans leurs paroles. Confus, il leur faut quelques secondes pour reprendre leurs esprits. L’Auror fusille la jeune femme du regard pour avoir usé de magie sur eux, mais ne dit rien. Apo s’avance alors, affirmant aux pauvres hommes qu’ils allaient partir après leur avoir annoncé que le feu avait été provoqué par une fuite de gaz. Le mensonge est inné, chez elle... c’est un fait...

Alec ne dit rien, la laissant guider les policiers vers la sortie. Il l’observe alors qu’elle prend brièvement appuie contre le mur pour ensuite rejoindre Lucas et lui prendre la main. Elle lui demande alors s’il a pu arrêter Astoria. L’Auror hésite un instant. Doit-il lui avouer qu’elle s’est enfuie ? Il a peur de sa réaction à cette nouvelle... peur qu’elle lui en veuille ou, pire, qu’elle se mette en danger pour la retrouver... ou retrouver tout autre Mage Noir susceptibles d’innocenter Lucas... D’ailleurs...

— Comment peux-tu être certaine de son innocence ? Je suis d’accord que ce groupe de Mages Noirs doit être arrêté, mais en quoi cela pourra aider cet homme ?

Eviter la question tant qu’il le peut... voilà son choix...

Une fois la pièce vidée de toute présence indésirable, Apollonia se permet un bref moment de silence. La lumière froide de la chambre d’hôpital glisse sur les murs, jetant une lueur maladive sur le visage de Lucas. Elle se rend à son chevet, glissant sa main dans la sienne et observant attentivement ses traits espérant y voir le moindre tressaillement. En vain.

— Je le sais, c’est tout Alec. » répond-telle sur un ton implacable.
Apollonia ne se retourne pas vers Alec, elle n’a pas besoin de le regarder pour sentir son regard posé sur elle. «  La secte de sang que sert Astoria est responsable de ce qui se passe dans ces grottes, d’où les disparitions. Le Ministère n’a pas cherché à faire le lien entre eux et la tragédie de Tauris, mais il est là et c’est la seule manière de l’innocenter. Et si je dois faire porter le chapeau par l’un d’eux je le ferais sans hésiter. » dit-elle imperturbable et croyant dur comme fer à ses paroles.

La jeune femme se redresse. Elle se sent un peu plus elle-même. Aussi, ne veut-elle pas se montrer trop aimante devant Alec. Après tout, elle l’a aimé lui aussi. Peut-être pas de la même façon, peut-être pas avec la même intensité, mais il ne mérite pas ça. Pas après tout ce qu’ils ont vécu ensemble.

Elle inspire, rassemble ses pensées, et parle avec une froide clarté :
— Ma décision est prise. Je retourne à Londres. J’ai des contacts… des ressources de derniers recours. »
Oui… Elle détient un carnet d’adresses long comme son bras de tous ceux qui gravitent pour et autour de la famille Black. Des noms, des réseaux. Sa famille a toujours tenu des connexions dans les cercles les plus obscurs. Des mercenaires, des criminels, des agents de l’ombre qui travaillent pour ceux qui savent se montrer convaincants ou ceux dont le sang pur coule dans leur veine. Et si son sang ne suffit pas, l’argent le fera. Ainsi, Lucas sera en sécurité pendant qu’elle agit.

Elle se tourne enfin vers Alec, ses yeux se posant sur lui avec une froide lucidité. Elle avance d’un pas, puis lève une main, ses doigts frôlant brièvement sa mâchoire avant de se retirer. « Je suis plus forte que tu le crois Alec. Et je compte bien faire parler Astoria. J’aurai besoin de ton aide sur ce coup-ci… »

Dans la tête de la jeune femme, il ne s’agit plus de sacrifice passionnel ou de payer pour ses crimes, mais de pragmatisme. Apollonia a toujours su ce qu’il fallait faire pour arriver à ses fins, et cette situation ne fera pas exception.

A la question d’Alec, Apollonia affirme savoir que Lucas est innocent, sans pour autant pouvoir donner d’explications. L’Auror pince les lèvres. Il a envie de lui rappeler que tout tend à le juger coupable, à commencer par son souvenir, mais pas que... Alec est allé revoir le dossier Tauris après l’arrestation de la jeune femme au mariage. Il est allé parler au directeur de Poudlard qui lui a rapporté le changement de comportement d’Artwood juste après la disparition de son ami. Il a lu les rapports, et tout indique une grande culpabilité chez Lucas...

Pour lui, il est coupable, il ne peut en être autrement...

Mais l’homme garde le silence alors qu’Apollonia continue, faisant le lien entre l’affaire Tauris et les disparitions récentes, accusant une secte de sang dont ferait partie Astoria. Alec est au courant de tout cela... ça fait un moment que les Aurors gardent un œil sur certaines personnes soupçonnées de pratiquer la magie noire. Certains mages noirs sont déjà recherchés depuis un moment, mais ils sont malins, et violents... Le manoir et la tourelle n’étaient pas les premiers affrontements entre les Aurors et eux... Alec sait de quoi ils sont capables, voilà pourquoi il refuse qu’Apollonia s’en mêle, surtout au vu de sa situation actuelle... et plus encore maintenant que Lucas et elle semblent être dans le collimateur des mages noirs...

Malheureusement, elle continue en disant qu’elle compte se rendre à Londres afin d’enquêter. Lorsqu’elle se tourne enfin vers l’homme, elle est déterminée. Le frôlement de ses doigts contre sa peau le fait frissonner. Elle lui rappel sa force, mais elle lui demande malgré de l’aide. Alec tourne les yeux vers le corps inanimé avant de revenir sur Apollonia. Ce qu’il a envie de la serrer contre lui, là, tout de suite...

Mais il n’en fait rien. A la place, il soutient son regard avant d’enfin prendre la parole.

— Tu es en danger, Apollonia... Forte ou pas, c’est un fait. Ils en ont après toi, après vous... et ils n’abandonneront pas avant d’avoir fini le travail. Laisse-moi faire, s’il te plait. J’interrogerais Astoria, je la ferais parler et j’attraperai ses comparses. Je vous mettrais en sécurité, tous les deux...

Même si Lucas sera toujours un fugitif, il pourra l’aider à se cacher... pour elle... Il ne se résigne par contre pas à lui avouer la vérité. Il ne lui ment pas non plus, il compte bien attraper tous les mages noirs, y compris Astoria.

— Tu es toujours suspecte dans l’évasion de Lucas. Si tu retournes à Londres, tu seras surveillée de prêt, et les mages noirs n’auront pas difficile de retrouver votre trace... regarde comment ils vous ont trouvé sur cette plage...  

Ils sont intelligents et bien informés... et Alec refuse qu’ils s’en prennent à nouveau à la jeune femme, d’autant plus à cause de l’ex-policier...