La jeune femme ne bouge pas. Lucas ne bouge plus non plus, un regard dur et froid posé sur elle. Elle qui finit par relever les yeux pour croiser le regard du policier. Elle qui laisse échapper un murmure en guise de réponse. Lucas serre les poings et laisse retomber ses bras le long de son corps, se redressant sans pour autant reculer. Non... elle ne peut pas lui dire ça... elle n’a pas le droit...

La respiration saccadée, les dents serrées à en rendre sa mâchoire douloureuse, le jeune homme recule d’un pas sans répondre. Apollonia sort alors sa baguette et, les joues humides de larmes, lui propose de l’aider. Lucas se sent oppressé, il manque d’air. Il fixe la baguette pendant un long moment, puis il recule à nouveau.

"Non..."

Il relève les yeux sur le visage empli de désespoir de la jeune femme et prend une inspiration tremblante.

"Jamais je ne ferai ça à Colt... Je refuse d’oublier..."

Il n’a pas le droit d’oublier... Ce serait trop facile... S’il rejette la faute sur la Serpentard, c’est pour dissimuler sa propre culpabilité, mais de là à l’oublier... Ce serait salir la mémoire de son ami...

"Jamais je ne pourrai aimer quelqu’un d’autre que toi, tu sais... C’est pour ça que je ne pourrais jamais te dénoncer...Tu n’as donc pas à t’inquiéter pour ça..."

Ses derniers mots sont froids et amers. Il a mal... tellement mal...

"Je voudrais m’arracher le cœur pour ne plus souffrir, mais jamais je n’effacerais ma mémoire..."

Malheureusement, il ne peut pas non plus s’arracher le cœur... A la place, il tente donc de le geler ou de le transformer en pierre... Il le blinde pour ne plus avoir à ressentir quoi que ce soit... Mais face à Apollonia, tous ses efforts s’effondrent... Malgré les dernières années à forger sa carapace, le revoilà comme lors de cette funeste nuit... Le cœur déchiré et l’esprit engourdit par la culpabilité...  

Si seulement il existait un moyen d’endormir ses émotions... Les ongles enfoncés dans les paumes de ses mains, le jeune homme prend quelques inspirations pour tenter de se maitriser avant de reprendre.  

"Je dois vivre avec ça... et toi aussi..."

C’est le coup de grâce... l’ultime punition... Qu’elle vive avec le poids de son crime et ses conséquences... tout comme lui... Parce que même s'il n'a pas prononcé la formule fatale, il est tout aussi coupable qu’elle...

Son aveu est un murmure tout bas qui se fond à son souffle. Il l’a pourtant bien entendu puisqu’il s’affaisse à celui-ci. Il la libère de son étau, mais ne répond rien. Reculant même de quelque pas semblant profondément troublé face à sa proposition. Celle d’effacer Colt et elle-même de son souvenir. Il refuse catégoriquement, se disant avoir un devoir de mémoire envers son ami. Apollonia se pince les lèvres d’avoir été un instant si égoïste.

Lorsqu’il lui annonce indirectement à son tour l’aimer aussi et que pour cette raison, jamais il n’irait la condamner face au grand public pour son crime, la jeune sorcière à une supplique dans les sourcils. Il aime peut-être son souvenir, il l’aime peut-être maintenant, mais il ignore de quoi demain sera fait. Et l’amour n’est pas éternel, tel est la devise soufflée par les femmes de la famille Black de mère en fille.

Apollonia s’approche une nouvelle fois doucement de lui tandis qu’il la noie de sa douleur, s’assurer qu’elle coule avec lui comme il lui indique clairement… Elle comprend. Elle accepte. C’est une punition à la hauteur de son geste.
— Je te pardonne Lucas Artwood... » Une main glissée délicatement sur sa joue, elle embrasse l’autre avec une douceur absolue. Ses lèvres y demeurent un long moment avant qu’elle ne les retire pour ajouter : « … pour le jour où tu décideras de t’enlever ce poids. Je ne t’en voudrais jamais... »
Non, jamais elle ne le haïrait si un jour il décidait de la dénoncer. Lorsque cet amour sera fané et qu’il se sera enfin départi de toute cette douleur, elle sera prête. C’est une promesse qu’elle se fait avec elle-même. Jamais ne laissera-t-elle quiconque être responsable de sa chute, autre que Lucas. Elle se défendrait corps et âme pour préserver son honneur, sauf si celui à lui porter le coup fatal est le jeune homme.

Sur ces dernières paroles, la jeune femme le dépasse et disparaît tout à fait de sa vue en transplanant dans son appartement, afin de tenir le plus de distance rapidement avec ce lieu gorgé de peine et de douleur. Dans son salon, la jeune femme s’effondre en larme. Sa rencontre avec Lucas ayant apporté avec lui des vagues d’amertumes qui lui noie encore le cœur.

Les mois passent, les années défilent, et des suites de cette rencontre la jeune femme a retranché Lucas dans les annales de sa mémoire. Parfois il arrivait qu’elle recroisât dans les couloirs du ministère le jeune policier au regard éteint, mais elle ne lui accorda plus aucun regard. Pour préserver son cœur et le sien. Elle pensait ainsi parvenir à étouffer leur lien. Apollonia passait plus de temps aussi en compagnie d’Alec Lestrange qui venait souvent la visiter au ministère, un bouquet de fleurs à la main, et qu’elle apprenait à connaître de jour en jour. Elle parvint même à s’éprendre d’affection pour lui, force de le côtoyer. Elle l’aimait d’une certaine manière, mais ne parvenait toutefois pas à se donner entièrement à lui. Tout au fond d’elle-même, la jeune femme en savait la raison, même si dans le déni, elle s’y refusait d’y croire. Dans sa carrière, les choses avancèrent vite pour la jeune sorcière qui avait pris de l’assurance et du caractère. Elle avait fait sa place comme directrice du département de la Justice Magique et pour demeurer proche d’elle, son promis avait demandé à être transféré au ministère de la magie de Londres, ce qui l’avait ravie. Alec savait comment la distraire et lui plaire. Chose qui ne lui était pas arrivée en neuf années. Pour compenser ou récompenser son amour, elle accepta à l’été de ses 26 ans d’emménager avec lui dans son appartement au cœur de Paris. Et naturellement, les choses se firent assez rapidement. Avec le temps, Apollonia se résigna à cette nouvelle vie, caressé par l’affection de son désormais fiancé et la stabilité de leur union, elle était devenue un modèle de réussite aux yeux de ses semblables. Une vraie Black. Même si l’ombre d’un autre homme venait parfois se superposer au visage de son fiancé dans l'intimité de leurs nuits à tout les deux…




Les rafales nocturnes caressent ses plumes alors qu’elle navigue à travers la forêt, guidée par un instinct sûr. Elle trouve son chemin jusqu'à une grotte où reposait jusqu’à tout récemment le corps de Colt Tauris. L'obscurité enveloppe ses pensées alors qu’elle se fond dans les ténèbres. À mesure qu’elle approche du lieu sinistre, les souvenirs refont surface. La corneille se retrouve prisonnière d'un tourbillon de culpabilités. Elle doit se poser un instant pour reprendre ses esprits.

Lorsque cela fût fait, elle plonge davantage dans les entrailles de la Terre à la recherche de la dernière preuve de son passage ici, à une autre époque. Le parchemin ; la carte de la relique. Il lui faut plusieurs minutes pour trouver une relique d’un autre temps, un bout de papier qui pourrait bien ne pas avoir survécu aux années… Et portant, le voici. Apollonia dans sa forme animagi, le récupère dans son bec, avant de reprendre de la hauteur jusqu’à la sortie de la grotte où elle reprend forme humaine.

Le parchemin à la main, elle perçoit non loin au pied d’un arbre le jeune policier à genoux et épleuré. Elle s’approche doucement du jeune homme, mais gardant toutefois une distance respectable. Le voir ainsi ne fait rien résonner en elle, car elle se refuse à creuser dans leurs souvenirs commun. Confinés dans une boîte scellé tout au fond de son âme, celle-ci n’a pas été ouverte en six années et elle ne compte pas y remédier. Elle attend de le voir se calmer pour lui intimer sa présence.
— Tu m’as suivie. » lâche-t-elle en un constat. « Pourquoi exactement ? »
Sa voix est calme, mais revêche.  La douceur qu’elle émanait de sa jeunesse s’est dissipée avec les années. Questions de survie. Elle connaissait les hommes par cœur, Apollonia. Jamais plus elle ne leur livrera des bouts d’elle-même. Préférant les frapper de sa froideur et les dissuader de profiter d’elle ou encore prétendre l’aimer d’un amour éternelle…

Apollonia se rapproche de nouveau. Elle lui souffle qu'elle le pardonne avant de l'embrasser sur la joue, une main douce posée sur l'autre. Il se laisse faire sans bouger. Elle finit par rompre l'étreinte et continue en précisant qu'elle le pardonne pour le jour où il ne tiendra plus, ou le poids du secret sera devenu trop lourd à porter...

Le jeune homme tremble : de tristesse, de rage, de désespoir, de douleur...  

Sans un mot de plus, la jeune femme disparait en transplanant, laissant Lucas seul et désœuvré dans l'appartement vide. Le policier s'effondre alors, mais aucunes larmes ne coulent sur ses joues. Il ne peut plus pleurer... Il s'en refuse le droit...

Le temps passe, inlassablement. On dit que le temps guéri les blessures... Il n'en est rien pour Lucas qui a dissimulé la sienne derrière un mur de glace...

Les quelques relations qu'il a eues se sont toutes terminées de la même manière, sa froideur et son absence de sentiments faisant fuir les femmes.  

Il se dévoue à son travail, monte rapidement en grade. Il est loin désormais le jeune garçon enjoué et insouciant qui arpentait les couloirs de Poudlard...

Il aurait pu quitter le monde magique, retourner dans le monde Moldus et tout oublier de cette histoire, faire comme s’il n’avait jamais été un sorcier... mais comme il l’a dit à Apollonia, il ne peut pas tout effacer... C’est sa pénitence de vivre avec ce regret... Tout comme il doit vivre avec le souvenir de son amour pour la jeune femme...


Le jeune homme est à genoux. Apollonia fini par réapparaitre. Il ne la remarque pas tout de suite, la tête prise dans ses mains. C’est lorsqu’elle prend la parole qu’il relève enfin les yeux sur elle dans un sursaut. Il se relève, raide, une main serrée sur sa poitrine.

Elle lui demande pourquoi il l’a suivie. Les yeux posés sur le morceau de parchemin dans la main de l’ancienne Serpentard, il prend une profonde inspiration avant de répondre.

"Pour ça..."

C’est faux.... Il l’a suivie car il voulait savoir ce qu’elle comptait faire exactement. Mais voir le parchemin lui donne soudain des envies de violence, et il doit faire appel à toute sa volonté pour garder son calme alors que son esprit est torturé de souvenirs.

"Je veux détruire cette chose une bonne fois pour toute !"

Sa voix est ferme. Il relève les yeux sur le visage de la jeune femme, si différent d’autrefois...  

Il ne se demande même pas comment le gamin disparu aurait pu tomber sur ce parchemin si celui-ci était toujours dans la grotte... Les deux affaires n’ont peut-être rien à voir, finalement... d’autant qu’il n’y a pas que l’élève qui manque à l’appel...

Mais là, tout de suite, son cerveau est à mille lieues de l’affaire en cours, plongé dans un passé qu’il pensait ensevelit avec son ami...

"Donne-moi le parchemin !"

Ce n’est pas une demande, c’est un ordre...

Lorsqu’il semble enfin remarquer sa présence, il se relève pour lui faire face. Elle l’observe ainsi se redresser sans broncher ni reculer. Sa poigne se refermant sur le parchemin, lorsqu’il lui indique être venu pour les mêmes raisons qu’elle. Elle en doute. Les yeux d’Apollonia deviennent de sombres crochets pour l’âme à cet instant, alors qu’ils s’accrochent à ceux du jeune policier avec défis.

Il n’a clairement pas tous ses esprits, la jeune femme le voit bien. Il le lui confirme en se laissant submerger pas des émotions, les mêmes qu’Apollonia dont elle a longtemps fait l’impasse. Leur douleur commune est un poids plus facile à supporter pour la jeune femme grâce à une concoction d’une précieuse amie, qu’elle avait pris l’habitude de prendre chaque nuit au cours de ces dernières années lorsque le passé lui saisissait la gorge. Celle-ci apaisait ses tourments et sans néanmoins faire taire cette culpabilité lancinante, parvenait à éclipser ses états d’âme. Pour lui éviter de se faire détruire et ainsi pour survivre. Sachant aussi la personne la plus dangereuse à la paix de son esprit étant l’homme face à elle qui est aujourd’hui toujours aussi en colère et hargneux à son égard. C’était comme sa drogue personnelle. Alec n’en savait rien et la jeune femme était bien heureuse d’en avoir apporté quelques fioles avec elle pour le temps de l’enquête. Malgré son air placide, voir Lucas ainsi ne la laisse pas tout à fait indifférente.
— Hors de question. Reprends-toi enfin ! »
Apollonia recule d’un pas. Il perd clairement pied.

Lorsque son ordre siffle dans ses oreilles, Apollonia sort tranquillement sa baguette qu’elle pointe vivement sur l’artéfact sans lâcher le jeune policier des yeux, qui semble avoir perdu tous ses repères, veillant à ce qu’il ne s’approche pas de trop près. Un sort informulé, et le parchemin disparaissent d’entre ses mains. Loin, à l’abri des siennes. Néanmoins, sa baguette ne quitte pas sa poigne, au tel cas où le jeune homme déciderait de s’en prendre à elle. Elle ne le reconnait plus. Et surtout, elle ne connait plus ses sentiments.
— Je ramène le parchemin au ministère avec moi pour le faire analyser. Il doit certainement rester des traces d’ensorcellement.
La jeune femme en est persuadée, leur ami Colt devait être sous l’influence d’un sort similaire à l’Imperio ce soir-là. Et pour réagir ainsi, Lucas doit sans doute être de cet avis. Elle l’observe un instant, avant de reprendre d’un ton qui se veut plus conciliant. « Je ne crois pas que tu sois en mesure de mener l’enquête Lucas... » Elle le disait en toute honnêteté et loin de l’idée de vouloir l’écarter de leur investigation par crainte qu’il puisse représenter une menace à son secret. « Demain je demanderai à ce que tu sois remplacé. Cela vaut mieux... » souffle-t-elle.

Elle ne le salue pas en rebroussant chemin, préférant mettre de la distance entre eux et profiter de la fraîcheur de la nuit un moment pour reprendre elle aussi ses esprits avant de reprendre son envol jusqu’au Troisbalais. Apollonia est lasse et si fatiguée. De cette histoire, de cette vieille relation qui la hante, de cette souillure en elle qui coule dans ses veines, de ses torts, de son crime. Elle est épuisée, mais elle n’en montre rien. Même si le clair de lune doit bien la trahir la dureté de ses traits. Il n’existe pas de repos pour les vivants. C’est leur fardeau.

Les deux jeunes gens se défient du regard, elle avec froideur, lui avec colère. Elle lui refuse le parchemin, lui enjoignant de se reprendre, mais cela ne fait qu’attiser la flamme dans les yeux de Lucas. Elle recule, sort sa baguette et la pointe sur l’objet maudit.

"Non !"

Lucas sort aussitôt sa propre baguette, mais il est trop tard. Le parchemin a disparu des mains de la jeune femme.  

"Ce parchemin de malheur doit-être détruit !"

Tout comme elle, le policier garde sa baguette à la main, prêt à attaquer. Il a été trop lent à réagir, il se retient inconsciemment face à elle...  

Apollonia reprend la parole en le menaçant de le faire retirer de l’enquête et tourne ensuite les talons sans un mot de plus. S’en est trop pour le policier. Avec une rapidité acquise au fil de ses années de duels, il lance le sort Brachialigo afin de ligoter la jeune femme et ainsi pouvoir l’obliger à ramener le parchemin. Et aussi, il n’apprécie pas du tout qu’elle veuille ainsi l’écarter de l'affaire en cours...

"Il est hors de question que je me retire de l’enquête !"

Peu importe qu’il ne soit pas en état, peu importe que le passé l’empêche d’agir clairement... Ce qui est bel et bien le cas... Etouffé depuis trop d’années, il aura suffi d’une étincelle pour faire éclater son esprit fragilisé par le poids du remord... Et l’indifférence d’Apollonia n’aide pas. La voir aussi impassible exacerbe encore un peu plus sa colère. Il est à bout...

Le sort l’atteint par derrière. Aussitôt la jeune femme sent son corps se faire ligoter étroitement, le sort l'enveloppant dans des serres invisibles, restreignant chaque parcelle de son être dans un étau qui se resserre au moindre de ses gestes. Un soupir indigné échappe de ses lèvres lorsqu'elle pivote, confrontant le jeune policier du feu de son regard mêlé de stupeur et de fureur. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il puisse être capable de passer le pas sur l’action sur elle.
— Tu dérailles ! Libère-moi tout de suite ! » s’insurge-t-elle.
La voix de la jeune femme siffle avec rage. Elle voit bien que c’est peine perdu, l’éclat de folie dans son regard la rend piquante à son tour. Elle y répond avec tac. « Et alors quoi..? Je te laisse détruire le parchemin, et cela va te conforter dans l’idée que je suis la seule responsable dans cette tragédie ? C’est ce que tu veux, n’est-ce pas ? » elle s’approche, visiblement éméchée. Il est certain que si elle avait eu les bras déliés elle aurait accompagné ses paroles aux gestes. « …trouver une seule raison de me maudire ? De me haïr ! C’est tout ce qui te manque !! Tu n'as pas besoin de chercher plus loin que moi, ou ce maudit parchemin ! J'ai ôté la vie à ton ami... La voilà ta justification !! » Soudain ses yeux semble un instant perdre de leur éclat. Il y a une profonde tristesse qui semble vouloir refaire surface dans ses sombres iris. Apollonia n’a qu’une envie: retourner dans sa chambre au plus vite et boire sa potion pour l’étouffer pour de bon. Elle lève un regard sur lui affligé. « Dénonce-moi… Dénonce-moi, sinon laisse-moi faire ce qui doit être fait. » souffle-t-elle. Elle n’attend pas sa réponse pour se métamorphoser en corneille et ainsi échapper à l’emprise invisible de son sort avant de prendre son envol en un puissant coup d’aile dans la nuit.

Apollonia s'élève dans les hauteurs, pressée de rejoindre l'auberge avant Lucas. Elle a fait transporter le parchemin dans ses quartiers, une décision stratégique. À son arrivée à Près-au-Lard, elle remarque la fenêtre de sa chambre entrouverte, exactement comme elle l'avait laissée. Après s'être faufilée à l'intérieur, elle retrouve sa forme humaine dans la pièce, saisissant sa baguette pour verrouiller la fenêtre d'un sortilège Alhomora informulé.

Elle le sent monté en elle… Le flot d’émotions du poids de ces années à vivre dans les secrets. À se mentir à elle-même… Se précipitant vers sa valise, elle cherche frénétiquement une petite boîte. Lorsqu'elle met enfin la main dessus, elle en extrait une fiole renfermant un liquide noir qu'elle ingurgite d'un trait. Une violente secousse parcourt son corps, faisant basculer sa tête en arrière et révulsant ses yeux. Elle reste figée dans cet état douloureux quelques instants avant de reprendre pleinement conscience, s'essuyant la bouche d'un geste brusque.

S'emparant du parchemin qui gît sur la table de chevet, elle s'apprête à quitter la chambre lorsqu'une petite enveloppe glisse sous la porte. Elle est signée de Dumbledore. Surprise, elle l'ouvre immédiatement, découvrant dans son contenu que l'élève disparu semble être revenu de lui-même et se trouve actuellement à l’infirmerie. Ce dernier l'invite alors à rejoindre le château au matin pour l’interroger dès que possible.

Après avoir réduit le parchemin à une taille plus discrète, elle le glisse dans sa poche, se préparant à retourner à Poudlard immédiatement. Apollonia ne peut pas attendre à demain. C'est alors qu'elle entend de l'autre côté le craquement caractéristique de la transformation en animagus, signe de la présence de Lucas de l’autre côté de la porte. Elle verrouille aussitôt celle-ci, déterminée à ne pas le laisser entrer, la baguette pointé sur la porte et prête à se défendre.

Apollonia enrage. Le jeune homme s’approche d’elle, baguette toujours levée, mais il n’a pas le temps de parler qu’elle laisse éclater sa propre colère. Ses mots figent le policier, lui coupe le souffle. Un court temps de silence, et elle reprend dans un souffle avant de se transformer et de s’envoler. Lucas reste immobile un instant, mais il finit par secouer la tête pour se reprendre.

"Et merde..."

Il se transforme à son tour et s’envole à la suite de la corneille. Arrivé à l’auberge, il remarque la fenêtre fermée et contourne alors le bâtiment en espérant que l’une du couloir soit ouverte. Il n’a pas vu le hibou s’éloigner vers le château.  

Arrivé devant la porte de la chambre d’Apollonia, il reprend forme humaine et tente aussitôt de l’ouvrir, mais elle est verrouillée. Il pointe alors sa baguette sur la serrure, mais hésite. Et au lieu de lancer le sort, il finit par baisser la main en pestant entre ses dents serrées. Il ne peut pas provoquer un esclandre ici... Il risquerait un avertissement, ou pire...

S’approchant de la porte, il pose le front sur le bois froid, un poing serré à côté de sa tête et sa baguette tenue fermement dans son autre main.

"Apollonia, ouvre cette porte..."

Il s’efforce de ne pas hausser le ton... Il ne veut pas réveiller tout le monde, et encore moins la tenancière des lieux...

"Tu as vu ce dont se parchemin est capable... Pourquoi est-ce que tu refuses de le détruire ?!"

Il ne revient pas sur ce qu’elle a dit, sur le fait qu’il la considère comme seule coupable de leur malheur... Cependant, ses derniers mots lui reviennent à l’esprit...

"Qu’est-ce que tu veux faire, exactement ? Qu’est-ce qui doit être fait ?"  

Qu’est-ce qui demande de garder ce maudit objet entier ?

Les yeux d'Apollonia demeurent fixés sur la poignée de la porte alors que la voix de Lucas résonne de l'autre côté. Elle s'approche lentement, réalisant qu'il n'a pas l'intention de l'ouvrir par la force. Sa main se pose délicatement sur le bois, les émotions, la tiraillant toujours et la potion n'ayant pas encore produit son effet sur son âme. Elle se retient de se précipiter pour avaler une seconde dose, hésitant alors que son regard se pose sur la petite boîte noire posée sur la table de chevet, où reposent ses fioles.

— C'est une preuve. Une preuve que Colt n'était pas lui-même, et c'est probablement ainsi qu'ils procèdent. Je ne te laisserai certainement pas le détruire !»
Rien de tout cela n'avait de sens auparavant, avant qu'elle ne plonge pleinement dans le monde des sangs purs. Aujourd'hui, avec le recul et l'expérience des deux mondes, elle comprend que ce n'était pas à Colt de découvrir ce parchemin...

Apollonia finit par céder et ouvre la porte, sa baguette toujours fermement pointée vers lui. D'un signe de tête, elle l'invite à entrer avant de refermer la porte derrière lui d'un geste sec de sa baguette.

— Le parchemin de Colt a perdu sa magie depuis qu'elle a agi sur lui. Nous ne courons aucun danger... Et je dois le ramener au Ministère » commence-t-elle sans le quitter des yeux. « Je crois... qu'il en existe plusieurs, et qu'ils tombent entre les mains de personnes ciblées. L'adolescent disparu, Albert Avery, un sang pur, vient juste de réapparaître. Et je crois que Colt... n'était pas celui censé le découvrir à l'époque...» Elle lui lance un regard glacial, ne souhaitant pas lui donner plus d'explications, bien qu'elle sache qu'elle lui en doit, notamment sur le refus à l'époque de donner quelques gouttes de son sang qui a provoqué l'esclandre entre elle et Colt, avant de conduire à la tragédie que nous connaissons.

— Je m'apprêtais à rejoindre Poudlard. J'ai reçu une lettre de Dumbledore juste avant ton arrivée. Alors... si tu n'as pas d'autres objections, laisse-moi passer.

La jeune femme lui répond à travers la porte. Une preuve... une preuve pour quoi ? Pour l’innocenter elle ? Faire croire que Colt est mort tout seul ? Sauf que non... il y a ce “ils”... Lucas fronce les sourcilles sans comprendre.

"De qui parles-tu ?"

La porte finit par s’ouvrir. Il lève sa baguette également, en réponse à la position combative d’Apollonia, et entre avec prudence dans la chambre sur son invitation. Elle reprend alors ses explications, qui n’éclairent pas vraiment le policier...

"Quoi ? Mais comment..."

Le regard de la jeune femme coupe la parole à Lucas. Pourtant, lorsqu’elle dit avoir reçu une lettre du directeur et qu’elle lui demande de lui laisser le passage, et se place devant la porte, baguette toujours pointée sur elle.

"Dis-moi d’abord ce que tu sais. Comment ça il existe plusieurs parchemins ? Qui les envoie et qui visent-ils ?"

Que sait-elle qu’il ignore ? Et d’après elle, les affaires sont bien liées... le jeune Avery...

"Mais je peux aussi interroger l’élève, n’est-ce pas ? Tout a donc bien un lien..."

Une machination macabre qui a couté la vie à Colt... et détruite celles d’Apollonia et Lucas...

— Une secte de sang-purs, des mage noirs… Je n’en sait rien, Lucas, mais ça ne peut qu’être que ça. Tout ceci est lié à de la magie noire, tu le sais bien.
La jeune femme s'impatiente en le voyant se positionner devant la porte. À cet instant, il l'irrite au-delà de toute mesure. La potion semble avoir enfin fait son effet. Elle lui lance un regard aussi glacial que las.
— Je ne suis pas plus avancée que toi, et je n'ai pas de temps à perdre avec tes enfantillages ! Alors reprends-toi et écarte-toi de mon chemin !
D'un geste de baguette, elle le repousse d'une force invisible à l'autre bout de la pièce.

— C’est bien pour cela qu’on ta placé sur l’enquête, mais je doute que tu n’arrives à demeurer impartiale dans toute cette histoire. Je ne compte pas perdre davantage de temps ici. Rejoins moi au château, ou non, ça te regarde.
Son ton est tranchant, dénué de toute concession. Elle est décidée à avancer, quelles que soient les entraves sur son chemin. Lucas y comprit.