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LE TEMPS D'UN RP

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher)

Dreamcatcher
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Dreamcatcher
Sam 13 Jan - 23:09
Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 Elisim10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis douloureusement.

Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus! Mais...Il s'en est allé loin, soudain inaccessible tel un songe éthéré n'ayant jamais existé.

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.



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Entre errements et paroles qu'elle souhaitait aussi rassurantes que possibles -qu'aurait-elle pu faire d'autre?-, Eli se sauva à l'étage, se lava vite fait, enfila une combi intégrale licorne-ours-polaire, des chaussons «  rennes de Noël », entoura sa tignasse dans une grosse serviette. Ainsi affublée, elle chercha dans ses placards ce qui pouvait aller à Simon,  prit la seule tenue d'intérieur trop grande pour sa taille qu'elle avait achetée un jour, -le bonheur régressif de se glisser dans du rose-bonbon-princesse-et-fées-, un short de nuit, une paire de chaussettes chaussons qui pouvait se déformer à sa pointure. Redescendit quatre à quatre.

-Tiens, dit-elle presque en riant tant les vêtements qu'elle lui tendait dénotaient, conçus pour une fille. Ça devrait t'aller.

-Je n'ai pas d'argent...

Stupéfaite, elle s'immobilisa. Le regarda.

-Tu n'as pas d'argent. Soit. Tu crois que si j'avais pensé à de ...l'ar-gent, répéta t-elle avec une grimace écœurée, je...serais venue vers toi ? Pardon mais...je ne pense pas que le signal que tu...envoyais... était particulièrement rentable...Le fric je n'en ai rien à faire tu sais. Si tu as envie qu'on en parle, pas de problème mais pas ce soir s'il te plaît, d'accord ?

Elle avait parlé avec douceur mais une pointe d'agacement la piquait là, quelque part. Cette manie quasi systématique de faire référence à l'argent pour tout et n'importe quoi comme si c'était une réponse universelle et absolue! À sa décharge, le jeune homme se sentait redevable, il suffisait d'observer cet éclat de chien battu qui scintillait dans ses yeux. Il s'était assis, elle s'agenouilla devant lui, saisissant ses mains, le visage tourné vers le sien:

-Attends, tu ne me dois rien. Rien ! La seule chose que je te demande c'est de me faire confiance, juste un peu. Jusqu'à demain matin, ça te va ?  Laisse moi prendre soin de toi juste comme ça, pour toi, pour moi parce que je ne sais pas faire autrement. C'est très simple, précisa t-elle avec un grand sourire.

-La faim est une bonne maladie, dit-elle joyeusement, se relevant.

Elle alla chercher une bouteille d'eau, deux verres et tandis qu'elle les posait sur la table basse, elle le vit se contracter soudain, haletant avec peine.

-Oh Simon ! Ça va aller, ça va aller...

Elle s'assit contre lui, passa un bras autour de ses épaules, le forçant délicatement à poser sa tête contre elle.

-Viens là...Inspire tranquillement...Expire doucement...Tout va bien...Tout va bien...


Elle respira avec lui, se mettant à le bercer afin qu'il s'apaise. Qui était-il ? Qu'avait-il subi pour exprimer autant de souffrance et d'angoisse ? Et cette solitude qui dégoulinait sans fin qu'elle percevait avec excès ?

-Je vais te raconter une histoire, une très jolie histoire, tu veux bien ? Il était une fois deux êtres qui s'étaient rencontrés par hasard, un soir de brouillard. Lui, marchait sur le bord d'un pont et elle, l'avait rejoint parce qu'elle avait vu la lumière de son cœur. Une fois arrivé près de lui, elle lui chuchota : " Prends ma main, ne la lâche pas. J'écouterai ce que tu veux me dire. Si tu préfères te taire, j'entendrai ton silence. Si tu ris, je rirai avec toi, mais jamais de toi. Si tu es triste, j'essaierai de te consoler. Je ferai pour toi des bouquets de soleil. J'allumerai des feux de joie là où chacun ne voyait plus que cendres. Si je n'ai qu'une rose, je te la donnerai. Si je n'ai qu'un chardon, je le garderai pour moi. Je te donnerai ce qui te plaît, ce qui te rassure le plus, si je le possède. Si je ne le possède pas, j'essaierai de l'acquérir.
Donne-moi la main. Nous irons où tu voudras. Je te ferai entendre la musique que j'aime. Si tu ne l'aimes pas, j'écouterai la tienne. J'essaierai de l'aimer... Je t'apprendrai ce que je sais. C'est peu. Tu m'apprendras ce que tu sais. C'est beaucoup. Ne dis pas que tu ne sais rien. Cela n'existe pas, quelqu'un qui ne sait rien. Ou alors, si cela existe, tant mieux. C'est comme un jardin sauvage, un jardin vierge, un jardin à naître, où l'on peut rêver de mille jardins...
Prends ma main. Cinq doigts refermés autour des nôtres. C'est le plus beau cadeau du monde. Cela nous préserve de la peur, de l'abandon, du doute. Une main offerte, c'est un monde nouveau. Deux bras ouverts, c'est le miracle...
Je ne me blesserai pas de tes silences. Tu respecteras les miens. Je ne t'assassinerai pas de "Pourquoi?" Tu n'es ni clef ni serrure. Je ne suis ni charade ni question à résoudre...Tu es toi. Je suis ce que je suis. Je ne troublerai pas ta musique intérieure... Nous sommes vivants en quête de vivants.
Donne-moi ta main. Si tu veux me quitter au coin de la rue, je te quitterai au coin de la rue. C'est promis. Si tu veux aller plus loin, je t'accompagnerai jusqu'à ce "plus loin". Mais pas au-delà. Tu n'es pas remorqueur. Je ne suis pas bouée. Nous allons avec la vie comme le sable, le temps et l'eau..."
¹


Les mots coulaient à l'oreille de Simon, un vieux monologue de ses lointains débuts qu'elle n'avait jamais oublié. Quiconque aurait assisté à cette réalité cependant, se moquerait sans aucun doute : une rousse perchée, en pyjama ridicule, câlinant un inconnu paumé à la santé fragile ! Voire. Grattez les croûtes de votre jugement erroné ! Contemplez la sincérité ! L'authenticité de la fragilité ! Sa pureté ! La volonté de soulager ! De réconforter ! De secourir !

Elle finit par le laisser, s'affaira dans la cuisine -ouverte sur le salon- préparant le dîner.

-C'est une soupe avec du saumon, il m'en reste d'hier... Tu le dis très bien je t'assure.


Elle posa enfin un grand plateau sur la table basse, s'installa en tailleur en face de lui.

-Eh bien, ce ne sera pas n'importe quoi ce soir. Ça, ce sont des karjalanpiirakka, des tartes à la pomme de terre. Tu peux les tartiner de munavoi là dans ce bol. Il y a du jambon, du fromage, du saumon. Et pour le dessert, -index pointé- korvapuusti, des petits pains à la cannelle. Bon appétit !

Et de croquer avec plaisir dans une tartelette. La bouche pleine, elle avala puis demanda :

-Mmum, je ne comprends pas ce que tu as dit. Je connais quelques mots de russe mais à peine de quoi dire bonjour, au revoir... Tu viens d'un pays de l'est ?...

Elle lui tendit un des plats.

-Sale ? Non ! Répondit-elle en riant. Je te propose une douche car l'eau chaude fait un bien fou. Tu fais ce que tu veux!

Quoique...S'il restait chez elle plusieurs jours, elle ne supporterait pas qu'il baigne dans sa crasse ! Mais chaque chose en son temps. Pour l'heure, l'essentiel se résumait à ce qu'il se sente en sécurité, qu'il se remplisse l'estomac et se repose.

-Je n'ai pas de patrie.

Elle reprit son sérieux, le fixa de nouveau avec intensité. Ne réagit pas tout de suite. Posa sa fourchette.

-Ta patrie est là.

Le poing sur son cœur, elle refit le geste :

-C'est là et nulle part ailleurs. Nulle part ailleurs...

Simon...En secret, éprise d'amour ², Elizabeth tombait en lambeaux.


Lullaby for Sadness


¹ S. Conduché, Joie, les chemins de la tendresse
² Non amoureux
Val
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Dim 14 Jan - 4:20

Simon Smith,
disent-ils...  

J'ai paraît-il 22 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? Tout et rien ? En quête d'emploi, d'utilité, d'identité ? Je suis caractérisé par une chose très particulière, je suis amnésique j'ai perdu la mémoire à la suite d'un accident de la route, aux USA en Californie il y a un peu plus de deux ans.



J'ignore ce que j'y faisais, et qui je suis et personne ne peut me le dire autour de moi L'enquête menée après le carambolage qui a causé la mort de six personnes, n'a pas permis de définir d'où je sortais ni ce que je faisais là. Je suis très probablement célibataire, mon jeune âge le laisse supposer mais si j'ai eu dans ma vie une personne aimée, elle est désormais dissimulée comme le reste sous la chappe de plomb qui me sert de mémoire.




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Le ciel est un océan suspendu.  

Elizabeth &  Simon

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 543516_gallery.world

« Le ciel est un océan suspendu. De temps à autre, il fond sur nous, lavant les collines et les maisons à l'eau de mer. » (*)

Décembre 2023

- ...Le fric je n'en ai rien à faire tu sais. Si tu as envie qu'on en parle, pas de problème mais pas ce soir s'il te plaît, d'accord ?

Je l'ai offusquée ! Aussitôt je me sens mal, plus mal encore qu'avant ! Elle a dit qu'elle m'aidait ! Et elle le fait. Depuis combien de temps ne m'a-t-on pas vraiment aidé ? Je veux dire aidé, en sachant qu'il s'agissait de moi et pas d'un autre ? Cela dit, elle ne sait rien de moi, pas plus que les membres de l'Association d'aide aux victimes ne me connaissaient, là-bas. Je ne sais pas, j'ai du mal à juger, le dois-je d'ailleurs ? Eux aussi m'ont aidé, ils ont demandé un remboursement pour en aider d'autres ! Parce que l'argent utilisé pour moi ne leur appartenait pas en propre... Mais elle a beau dire, c'est en partie pour ça que je suis là, dehors, à ne plus oser accepter de main tendue. Je suis d'accord sur le principe, on m'a payé des soins, je dois payer à mon tour pour que d'autres soient à leur tour soignés... Simplement, je n'ai pas d'argent ! Je n'en n'ai pas et je ne peux pas en gagner, j'arrive tout juste à subsister à condition de ne rien vouloir d'autre que manger et dormir, comment pourrais-je m'acquitter d'une dette, surtout colossale ! Est-ce que je peux lui dire ? Est-ce que l'association américaine va considérer mon absence comme une fuite et porter plainte ? Comme la famille du routier l'a fait parce que j'étais là où je n'aurais jamais dû être et qu'ils n'avaient que moi à se mettre sous la main ? Il aurait quitté la route et tué cinq autres innocents à cause de moi ! Non pas parce que j'ai voulu qu'il percute la voiture bien sûr mais parce que je me trouvais sur sa route, j'étais, à pied, sur une autoroute ?! Alors … je suis coupable. J'ai causé la mort de ces gens, si je n'avais pas existé, si j'avais été ailleurs, ils seraient sans doute en vie.

- Attends, tu ne me dois rien. Rien ! La seule chose que je te demande c'est de me faire confiance, juste un peu. Jusqu'à demain matin, ça te va ?  Laisse moi prendre soin de toi juste comme ça, pour toi, pour moi parce que je ne sais pas faire autrement. C'est très simple,

Je fais un « oui » dubitatif de la tête, « pas ce soir », « jusqu'à demain matin », je baisse les yeux, je lance mes cheveux encore mouillés devant pour qu'elle ne voit pas combien il me coûte d'obéir... Pour elle l'argent n'est pas un problème, elle en a, en tout cas suffisamment pour m'offrir un toit et un repas, bien sûr... tout le monde devrait pouvoir offrir un repas, et un toit, encore faut-il en avoir un. Des tas d'idées et de pensées se fracassent contre les parois de mon crâne, je ne sais pas comment parler, je ne sais pas comment réagir tout simplement. Elle fait tout cela gratuitement, comme elle dit « parce qu'elle ne sait pas comment faire autrement », est-ce que je mérite à ce point la pitié ? Ma grimace de douleur se mue en dérision, bien entendu ! Est-ce que cela me pèse d'être si vulnérable ? Si visiblement paumé ? Je ne peux pas répondre... J'ai le sentiment qu'à une époque donnée cela m'aurait mortifié ? Je n'ai rien pour l'appuyer, juste cette impression d'être diminué, privé de ce qui fait mon essence, amputé ?

-  La faim est une bonne maladie ...

J'aurais dit pareil je crois il y a …

La trappe retombe, lourde, douloureuse ! J'aurais dit pareil ? Quand ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui me prouve que je n'ai pas toujours eu faim ? Pas de cette « faim » de nanti qui a envie de manger « parce que c'est l'heure », celle habituelle pour un repas mais au point d'en avoir mal au bide, la tête qui tourne, ton estomac qui supplie bruyamment, tes yeux qui larmoient à sentir une odeur ! Et cette foutue fierté qui t'empêche de mendier ?! D'où vient-elle celle-là ? D'où ai-je vu que je peux me permettre d'être fier ? En moi, un « Simon » inconnu surgit, bataille, râle... puis s'évapore... Je suis moi, le moi d'aujourd'hui, un moi égaré, dans le noir total, qui a comme des relents de pourriture qui lui chatouillent le nez ? Ai-je été un personnage froid et imbu de lui-même ? Ou suis-je en colère contre ce présent qui m'échappe autant que le passé ? Elle m'aide ! Elle m'aide avec bonté et générosité, et j'en ai besoin. Ce serait mentir que prétendre autre chose, j'ai besoin qu'on me tende la main, ce qui m'inquiète ce n'est pas qu'elle le fasse mais qu'elle ne le fasse pas durablement.

-  La faim est une bonne maladie ... Pour tout européen moderne oui, dans le monde, la faim tue encore... même dans nos pays, je l'ai partagée avec des sans-abris, aux USA et ici en Finlande... Ailleurs peut-être aussi ? Je l'ignore, je n'ai pas d'indice que cela ait été et en moi mon corps semble me dire que c'est faux.

J'avais tant et tant à essayer de dire... et puis elle me raconte son histoire... Pas l'histoire de sa vie, non, un conte ou un poème, un texte magnifique que je ne connais pas, mais est-ce surprenant ? La somme de ce que je connais ne doit pas dépasser les doigts de mes mains... je suis une page blanche, d'une blancheur de linceul ! Une jarre vide, pour un assoiffé dans le désert qui ne sert même pas de caisse de résonnance parce que les sons qu'elle pourrait retenir deviennent cacophonie de l'oubli ! J'écoute, les mots me pénètrent, je les sens courir dans mes veines jusqu'au cœur qu'ils envahissent et stoppent presque d'émotion : - Si tu es triste, j'essaierai de te consoler. Je ferai pour toi des bouquets de soleil. J'allumerai des feux de joie là où chacun ne voyait plus que cendres...

S'il te plaît... S'il te plaît... Fais moi des bouquets de soleil, même s'il doit me brûler la peau comme sur la plage de l'autre côté de l'océan... Le soleil, c'est le jour, c'est la chaleur, j'ai les yeux qui se ferment, ma tête tourne, je me raccroche à elle, je ne sais si elle l'a senti. J'ai la vague pensée que je ne touchais pas tant les gens « avant »... Avec Rio aussi, à San Diego, j'avais tendance à chercher dans le contact de sa peau les réponses que je n'avais plus. Est-ce que toucher permet de mieux sentir ? Pas le corporel, le reste, ce qui échappe aux yeux, aux mains...

Je suis rappelé à la réalité par l'énumération du menu... Je ne cherche même pas à interdire à mes yeux de briller, pourquoi le ferais-je ? Plus elle parle de nourriture et plus je me sens affamé, la faim, c'est comme la mémoire, ça se tait quand tu ne peux rien faire d'autre qu'attendre et ça se réveille, avide, destructeur, dès qu'une denrée comestible est à portée. Puis, tandis que je mords avec difficulté dans une tarte de pomme de terre, comme engourdi, elle me laisse la main en l'air, comme cogné par les mots.

- Mmum, je ne comprends pas ce que tu as dit. Je connais quelques mots de russe mais à peine de quoi dire bonjour, au revoir... Tu viens d'un pays de l'est ?...

- de russe ? Je ne parle pas russe. J'ai reposé ma tarte, je suis … stupéfait ? Russe ? Ma mémoire parle russe ? J'ai de nouveau la respiration qui s'emballe, je mets ma main devant ma bouche tandis que l'autre cherche dans ma poche de poitrine, mais non, je suis en pyjama ! J'ai la bouche qui s'ouvre, les yeux hagards, russe ?

- Je viens de Californie, de San Diego, mes papiers sont dans ma poche intérieure, il faut les faire sécher ! Je suis Américain. La raison balaye la surprise, il ne manquerait plus que je perde mes papiers ! Je suis toutefois certain, non pas vraiment certain intimement convaincu de n'être « américain » que par accident. Il aurait pu m'arriver pire dans mon malheur. Mais... j'en reviens à ce qu'elle a dit - Tu es sûre que j'ai parlé russe ?

J'ai soudain peur qu'elle se vexe ou se fâche ! Je dois expliquer, avant qu'elle n'en prenne ombrage. Elle continue, répond que je ne suis pas sale, je dois l'être pourtant ? Je suis tombé à l'eau, et même avant je n'ai pas voulu payer pour la douche avant d'avoir de quoi me loger, je me suis dit que la chambre me permettrait de me laver... à part que je n'avais plus assez pour me loger et manger, et que j'ai bien l'impression de ne pas m'être nourri non plus ? Je ne sais plus, parler à un autre être humain, une conversation véritable même si elle parle plus que moi, je ne suis pas accoutumé à le faire... En général, la parole ne me sert qu'à acquiescer, formuler que j'ai compris ce qu'on m'a dit de faire, « dit » rarement « demandé », en tout cas ces derniers mois ? Il ne me semble pas avoir vécu autre chose par le passé ? Ecouter, obtempérer, marquer que j'ai bien saisi comment je dois agir ? Pourquoi cette certitude ?

On en revient au russe... J'ai dit que je ne voulais pas qu'on m'enferme ? En russe ? J'ai aussi parlé de patrie semble-t-il ? Puisqu'elle m'indique à son tour que ma patrie est dans mon cœur ? Si je me mets à parler sans m'en rendre compte, russe ou finnois, c'est grave mais … je crois que je le fais, assez souvent, sinon pourquoi les autres me prendraient-ils pour un fou ? Ce mot « patrie » est comme incongru dans notre époque ? En tout cas il me choquerait presque ?

- En fait, je ne sais pas d'où je viens... J'ai eu un accident, il y a deux ans à San Diego, avant... je ne me rappelle pas.

Je ne suis pas certain que dit comme cela elle va comprendre ? Ne pas me souvenir ne veut pas nécessairement dire ne pas être Américain ? Dans ce cas, je sais ce que je suis à défaut d'autre chose, mais si je l'étais ils auraient retrouvé d'où je viens ? Aux USA il y a des bases de données, les naissances, la scolarité, le service militaire ? Je ne sais même pas s'ils ont un service militaire ou civique ? Si je l'étais -je veux dire Américain- aurais-je aussi oublié cela ? À San Diego j'ai parlé anglais, sans autre accent que celui entendu autour de moi, à Helsinki je parle finnois, elle dit que je prononce correctement ? Là-bas, je parlais l'espagnol aussi, il y a tellement de latinos que ça n'a surpris personne. Sur le bateau, j'ai rencontré des Français auxquels j'ai parlé français à leur grande joie... sans l'accent canadien qui expliquerait ce que je faisais de l'autre côté de l'Atlantique ?

La seule chose que je sais, c'est que je parais doué pour les langues étrangères... D'où les ai-je apprises ?

Et désormais que ma mémoire parlerait russe ?

Ça n'est pas une réponse, juste un mystère de plus. Je prends ma tête entre mes mains, j'ai mal, mal de nouveau ! Comme si on me hachait le cerveau à grand coup d'incertitudes !

-------
(*)  Frédéric Beigbeder Un roman français (2009)








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Jeu 25 Jan - 23:00
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J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis douloureusement.

Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus! Mais...Il s'en est allé loin, soudain inaccessible tel un songe éthéré n'ayant jamais existé.

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.



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Comme trop souvent, Elizabeth laissait son cœur parler, chanter, rire, pleurer...Combien de fois la prenait-on pour une fille émotionnellement instable, « perchée » ironisait le terme consacré ? Elle savait se taire pourtant, laissant ses perceptions à l'intérieur, entre elle et elle.  Elle croyait au pouvoir des mots, du regard, du langage corporel. Sa mémoire enregistrait les invisibles qui se laissait attraper. Ceux de Simon criaient une « perdition » qu'elle ne connaissait pas mais cela ne l'empêchait pas d'essayer de comprendre. Il avait un besoin urgent d'aide et cette donnée ôtait tous les filtres possibles, respectables, qui mettaient à distance deux inconnus se rencontrant pour la première fois. La situation particulière à laquelle ils se confrontaient tous deux révélait Simon sans aucun garde fou : il se livrait tel qu'il était en l'état : mal, désorienté, affecté, effrayé, faible, épuisé, angoissé. Seul. Si près du bord...Alors elle ne réfléchissait pas, l'instinct la guidait dans ses tripes, trop fort, trop loin peut-être pour lui, au risque de le blesser... Elle le comprit à son attitude, sa voix, ce regard qui soudain se cachait de l'instant présent. Il « disparaissait » en acquiesçiant à tout ce qu'elle proposait.

Elle eut mal pour lui.

-Simon, je...je suis désolée. Je parle trop, je dis des choses qui peuvent te heurter ? Je ne veux rien t'imposer, tu fais ce que tu veux. Je t'invite chez moi et...

Elle se retint : « parce que si on se connaissait, on serait amis, je sens ce genre de choses » et des milliers d'autres qu'elle verrouilla. Lui laisser son espace, son rythme... Un drame avait été évité -pour combien de temps- et ce qui ne s'était pas passé dégageait une violence extrême, dangereuse, prégnante. S'il recommençait ? Si l'idée de mourir se repointait soudain ? Ici, chez elle ? NON ! Il existait bien un moyen quelque part pour lui redonner le goût de s'aimer, la saveur du vivre... « Val, s'il te plaît, aide le. Aide moi. »

Prier le chamane, tenir Simon serré contre elle afin de l'apaiser, d'éloigner ce mal, cette ombre qui l'avaient poussé jusque sur la balustrade du pont. Bercé, enlacé, elle lui murmurait les mots à l'oreille, entrecoupé de brefs silences ici et là, câlinait son bras pour le rassurer par intermittence. Parfois son corps pesait davantage, elle, ne relâchait pas son étreinte.

L'éclat de ses prunelles et son attitude se modifia à la vue du dîner. N'était-il pas mince par nature ? Observatrice, elle en douta brutalement, un autre coup de poignard lui tordant le ventre. Elle se fourvoyait sur toute la ligne ! Il n'y avait pas que le moral, l'espérance, d'abîmés ! Sa santé demandait grâce à son tour ? Mon dieu ! Que fallait il faire pour le sauver dans son entièreté? Accepterait-il la main tendue jusque là ? En serait-elle capable ?

-de russe ? Je ne parle pas russe.

Il eut l'air ébahi soudain, offusqué ? Tombé de l'armoire pour le moins ! De nouveau elle regretta son impulsivité. Fais attention Eli, il reste un étranger que tu ne connais pas !

-Tu as raison ! Je reviens, je vais les chercher.


Sans attendre, elle quitta la pièce. Elle n'avait guère penser à vérifier ses poches encore moins les siennes avant de balancer le tout dans le panier à linge. Désarçonnée, elle revint avec le manteau et le pantalon encore mouillés et lui tendit.

-Tu es sûre que j'ai parlé russe ?

Elle n'avait pas rêvé ? Mais cela semblait particulièrement l'affecter alors elle hésita. À quoi bon le perturber davantage ? Elle pourrait arranger la réalité, prétexter ne plus se souvenir, rendre la situation plus douce. Mais Eli le respectait, refusant de profiter de sa fragilité même pour une bonne raison. Elle le regarda, précisant avec délicatesse :

-Tu as parlé russe lorsque nous étions sur le pont, Simon. J'ai reconnu l'accent typique, cette façon de rouler les sons. J'y ai repensé c'est pour ça que je t'en parle. Ce que tu viens de dire, je ne sais pas ce que c'est. Une langue de l'est mais je doute que ce soit du russe ?

Dubitative, elle fronça légèrement les sourcils. Il parlait russe, finlandais avec certitude. Deux langues extrêmement différentes !

-En fait, je ne sais pas d'où je viens... J'ai eu un accident, il y a deux ans à San Diego, avant... je ne me rappelle pas.

Elle s'attarda sur son expression. Il semblait inquiet, comme recroquevillé sur son intérieur. Quel accident ? Une telle amnésie...Ce devait être atroce à vivre au quotidien. Malgré tout, la rouquine demeurait solidement optimiste à son égard.

-C'est une performance si tu parles plusieurs langues.

Tout le positif qu'elle souhaitait lui envoyer semblait ne pas chasser cette espèce d'épouvante nocive qui se déroulait dans son regard, ses gestes.

Dévasté, il prit sa tête entre ses mains. Elle déglutit sans oser lui poser la question qui laminait les murs, donnait l'espace de l'intime, ouvrait les portes... « de quoi as tu besoin mon ami ? Dis moi...Dis moi de quoi tu as besoin... si je peux, je te le donnerai... »

Mais elle ne demanda pas. Il ne savait pas lui-même et creuser son âme ou son cœur l'enterrerait davantage. Elle devait trouver cependant le moyen de le sortir de ce vide abyssal dans lequel il avait sombré ! Comment ? Elle n'en savait fichtre rien n'éprouvant qu'une certitude : ne pas l'abandonner.

L'intuition en alerte, elle continua de se taire tout en terminant de dîner, palpant cet isolement profond qui émanait des êtres incompris, en décalage permanent avec leurs semblables. Sans mémoire, il devait se sentir horriblement esseulé.

Sans souvenir donc sans amour reçu où s'accrocher. Le monde, les autres glissent sans fin entre les espoirs désespérés et les cauchemars. Le Rien perdure comme un mauvais démon quoi que l'on fasse. Ne pas s'attacher parce qu'aucun lien n'a été posé sur la soif d'amour de l'enfance. Le blanc du néant noircit ce qu'on était, ce qu'on est, ce qu'on sera. Le piège d'une fissure boursouflée, monstrueuse. Destructrice. Vampire. Et tu sombres, tu sombres sur les parois dures et froides. Pas de lumière. Aucun cri, même pas une tombe.


Une disparition. Une dissolution. Qui écorchent à vif. Je comprends... Simon...

Resolution


Résolution:

Il fallait bouger, casser l'Absence.

-Allez, on va se reposer.

Elle se leva, l'aidant à se mettre debout. En passant près de l'entrée, elle montra le meuble de l'entrée :

-Les clefs sont là. Si tu veux partir, laisse les sur la serrure et claque la porte.

Au moment de grimper les escaliers, elle prit sa main le guidant à l'étage. La chambre d'amis, étroite mais chaleureuse, s'ouvrait sur la droite.

-Allonge toi? Tu en as besoin et moi aussi.

Ce n'était pas un ordre mais un appel. Un sourire doux qui en disait tant et tant. Elle le recouvrit avec la couette puis s'installa naturellement contre lui, se couvrant d'un plaid afin de lui laisser le lit et de pouvoir partir sans le déranger.

-Je n'ai pas envie de te laisser seul. Dis moi si ça t'embête qu'on dorme ensemble, je te laisserai tranquille.


Dans un élan, elle chuchota, attirant sa tête sur son épaule :

-Viens là.

Lassitude.Tristesse. Fermant les yeux, ses doigts caressèrent machinalement les cheveux bouclés.

Cette solitude là. À cet instant précis, Ob lui manqua cruellement.
Val
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Ven 26 Jan - 18:39

Simon Smith,
disent-ils...  

J'ai paraît-il 22 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? Tout et rien ? En quête d'emploi, d'utilité, d'identité ? Je suis caractérisé par une chose très particulière, je suis amnésique j'ai perdu la mémoire à la suite d'un accident de la route, aux USA en Californie il y a un peu plus de deux ans.



J'ignore ce que j'y faisais, et qui je suis et personne ne peut me le dire autour de moi L'enquête menée après le carambolage qui a causé la mort de six personnes, n'a pas permis de définir d'où je sortais ni ce que je faisais là. Je suis très probablement célibataire, mon jeune âge le laisse supposer mais si j'ai eu dans ma vie une personne aimée, elle est désormais dissimulée comme le reste sous la chappe de plomb qui me sert de mémoire.




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Le ciel est un océan suspendu.  

Elizabeth &  Simon

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 11632850


« Le ciel est un océan suspendu. De temps à autre, il fond sur nous, lavant les collines et les maisons à l'eau de mer. » (*)

Décembre 2023

-C'est une performance si tu parles plusieurs langues.

Peut-être... Sans doute si j'en crois la surprise des autres quand ils assistent à un changement radical d'accent et de vocable « in live ». Sur le bateau, si je n'avais pas eu ça -au vu de mes réussites dans les autres domaines- ils m'auraient débarqué à Terre-Neuve, leur première escale... Et ça aurait été mieux parce que j'aurais pu rentrer plus facilement... Enfin... Rentrer ? Il est vain de réfléchir à ce qui ne s'est pas fait, d'autant que réfléchir n'est pas une activité anodine pour moi dont l'esprit vole d'une pensée à l'autre comme une feuille morte ballottée par le vent.

- Je ne sais pas pourquoi.

J'aurais dû me taire ! La parole ne m'est pas coutumière et je gaffe ! Je n'ai absolument pas dit ce que je voulais exprimer, je donne l'impression de douter de ce qu'elle dit, alors que je voulais simplement indiquer que l'origine de ce talent m'était inconnue. Pourquoi suis-je si nul pour communiquer ? L'ai-je toujours été ? Ou bien le fait de n'être personne vient-il polluer mes capacités à échanger avec les autres ? C'est toute une question... la parole, l'attitude, dans cette société, répondent à des codes qui sont liés à la position sociale je le sais. Moi, je ne suis rien ni personne... Comment me positionner ? Pour certains, je pourrais être transparent. M'entendre les choque autant que si tout à coup un banc ou un arbre se mettait à discourir... Sans métier, sans famille, sans passé, sans avenir non plus puisqu'on ignore de quoi je suis capable et que les troubles de l'attention dont je souffre depuis deux ans m'empêchent de faire preuve de capacités quelles qu'elles soient et me fixer,  je n'existe tout bonnement pas... et l'inexistant ne s'exprime pas. Pourtant, je ne suis pas assez bête pour ne pas voir qu'elle tente de me trouver des points positifs, Dieu en soit loué !

Dieu ?

Il y a un moment déjà que j'ai compris que Dieu fait partie de cette mémoire qui m'échappe. J'ai vainement tenté de le retrouver... J'ai même demandé l'aide d'un pasteur attaché au Centre. Si Dieu est, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il me fallait lui parler moi-même, les mots de son serviteur m'ont paru creux et circonstanciés, rien de personnel dans ce qu'il me disait, des formules servies et resservies dont le goût de réchauffé m'a fait plus de mal que de bien. Peut-être n'était-ce que le mauvais interlocuteur ? Il doit y avoir dans les prêtres des gens plus doués que d'autres ? Comme en toute profession ? Je ne sais pas. En tout cas,  Elizabeth tente de me remonter le moral, cela je le sens et le vois, l'entends... Tous mes sens le savent et je lui en suis reconnaissant même si je peine à le montrer.

- Je veux dire que j'ignore d'où je les ai apprises... Tu comprends ? J'étais peut-être étudiant, ou bien je travaillais ? C'est...

Je m'arrête. Je devais être sensible aussi, trop. Ou je le suis devenu depuis ? En tout cas, l'évocation de mon « talent » pour les langues remue quelque chose d'indéfinissable et de dérangeant... J'ai des flashs de lumière dans un trou noir et ressens une douleur comme un éventrement ! Je tente de me reprendre, je ne vais pas gâcher ce si bon dîner ? Depuis combien de temps n'ai-je pas mangé à satiété et dans une ambiance détendue ? Et puis que vais-je dire ? Énoncer que j'ai souvent des nausées dont -comme par hasard- je ne connais la cause ? Et pas que des nausées... Mon corps vomit le vide de mon esprit, il rejette violemment secoué de spasmes cet afflux d'ignorance et de craintes, de vagues ressentis, de sauts de puce d'un sujet à l'autre à peine effleurés et déjà oubliés ? Je refuse que ça se produise ici, chez elle, devant elle ! Je m'efforce rapidement de penser à un sujet autre, quelque chose de doux, rassurant, sympathique ? Comme cette main qu'elle me tend, sa voix, la chaleur de la pièce, l'odeur de nourriture qui cette fois ne m'agresse plus mais me rappelle un moment agréable... N'ai-je pas trop mangé ? Trop vite ? C'est impoli.

Impoli ? Encore un jugement sorti du néant ? Je semble « avant » avoir été pétri de conventions, de sous-entendu, d'un protocole qui m'est devenu incompréhensible parce que je ne me souviens pas à quoi il me servait ? Qu'étais-je ? QUI étais-je ?

- Allez, on va se reposer. Les clefs sont là. Si tu veux partir, laisse les sur la serrure et claque la porte.

Partir ?! Pourquoi voudrais-je partir ? Est-ce une façon de me dire que je le devrais ? Que je m'incruste ? Qu'elle ne souhaite plus m'avoir dans les pattes ? Que son opération de sauvetage réussie elle a désormais l'envie d'être tranquille et libre de ses mouvements ? Non ? Elle le dirait ? Franchement ? Au contraire elle dit « On va se reposer » ? Ma salive a du mal à passer dans la gorge, je me sens à nouveau agressé, poursuivi ! Pourquoi ? Pourquoi ce sentiment d’être traqué en permanence ?! Ai-je cédé à ce type de panique le jour de l'accident ? Ai-je pris peur et sauté de cette voiture qu'on voyait sur les caméras de surveillance, la porte s'ouvrant, un paquet sombre tombant ? La résolution était minable, impossible de dire qu'un homme tombait ou sautait, mais sur la séquence suivante, j'erre, visiblement sonné, pas reconnaissable à mes traits -toujours à cause de la qualité de l'enregistrement- mais un homme grand, à la chevelure bouclée, qui paraît boiter légèrement, vêtu d'un long manteau sombre, ouvert sur un costume ? Quand on m'a trouvé, je portais un costume sombre sous un manteau noir, dans la poche ils ont trouvé ma cravate que j'avais dû retirer après... quoi ? Une réception ? Une cérémonie ? Ils ont cherché... aucun jeune type châtain roux d'une vingtaine d'années n'avaient été vu dans ce genre d'endroit.

Je soupire, m'arrête et reprends ma respiration. La question qui me brûle les lèvres restent collée dessus « Tu veux que je parte ? »...

- Allonge toi? Tu en as besoin et moi aussi. Je n'ai pas envie de te laisser seul. Dis moi si ça t'embête qu'on dorme ensemble, je te laisserai tranquille. -Viens là.

je me laisse faire, elle m'allonge, m'enveloppe dans des draps propres surmontés d'une couette chaude, je me laisse faire... En moi, quelque chose me dit que je dors nu ? Que je dormais … nu ? Est-ce sa présence à mes côtés, de l'autre côté du rempart couette ? Je n'ai pas le temps de répondre, mes yeux se ferment déjà, si demain je dois partir je partirai... je murmure une prière, en russe, elle a raison je me souviens russe et rêve en russe... Personne jusque là n'en a pris conscience et c'est préférable ! Qui sait ce que les Américains en auraient fait ! N'ai-je pas parlé pendant mon coma ? Pas rêvé pendant mes nuits d'hôpital ? Puis dans ce foyer dont les murs si fins laissaient passer jusqu'à la respiration du voisin ? En tout cas, elle est la première à l'avoir entendu, est-ce à dire que ça m'est venu soudainement ? Encore des questions ! Toujours des questions ! Les gens qui savent ne peuvent pas imaginer combien leur esprit est en repos à ne pas chercher toujours ! Je réponds à son invite, ma tête se loge contre son épaule à demi endormi je passe mon bras autour de son corps... Ma fatigue est telle que je n'ai rien dû faire d'autre, je l'espère !

Je rêve, un sourire doit se dessiner sur mes lèvres...

- Alesha... chto ty zdes' delayesh'? (**)Je ne sais pas ce que je fais en dehors du rêve, dedans je sens une présence invisible mais bien palpable s'allonger contre moi... - Dumayesh', on uznayet ? chto on nam pomeshayet ? kakoye yemu delo do etogo ? L'ombre me semble rire en silence, met le doigt sur mes lèvres, je me pelotonne contre un corps que je ne vois pas mais qui me donne chaleur et bonheur... - Derzhi menya, derzhi menya blizhe k sebe... Je râle désormais, uniquement en rêve ? Ou je vais la réveiller ? Je ne le suis pas moi et n'ai pas la pensée de sa présence ! Si je l'avais je rougirais sans doute monstrueusement de ce qui se passe... un peu plus bas et qui va tacher jusqu'au matelas...

Combien d'heures de ma nuit cette parenthèse occupe-t-elle ? Je ne sais pas... Je suis levé par des bruits dehors, le soleil apparaît à l'horizon mais il fait encore nuit. Le brouillard a disparu mais la neige est retombée... Au loin, il y a déjà des décorations lumineuses qui ont été mises en service, j'avais même oublié la proximité des fêtes !

Je saute du lit, surpris, désorienté. Où suis-je ? Il me faut quelques minutes, allez non ! Secondes... pour me souvenir. Sacha... Elizabeth. Puis... une question de plus : qui est Sacha, Aliocha ? Le fait de recourir à ces diminutifs semblerait indiquer que nous nous connaissions ? peut-être pas aussi intimement que mon rêve le marquait toutefois, on doit parfois rêver de ce qu'on désirerait autant que de ce qui est ? Dois-je conclure par : je ne sais pas ... Je murmure tout bas - lyubi menya ! YA skuchayu po tebe, yesli by ty znal... (***)

-------
(*)  Frédéric Beigbeder Un roman français (2009)

(**)
- Aliocha... qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu crois qu'il saura ? qu'il nous empêchera ? qu'est-ce que ça peut lui faire ?
- Serre-moi, serre-moi tout contre toi...
(***)
- Aime-moi ! tu me manques, si tu savais...





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Dim 4 Fév - 20:35
Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 Elisim10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis douloureusement.

Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus! Mais...Il s'en est allé loin, soudain inaccessible tel un songe éthéré n'ayant jamais existé.

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.



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-Je ne sais pas pourquoi.

En d'autres circonstances, sa réponse l'aurait faite rire. « Pourquoi », ce sempiternel besoin humain de savoir, de décortiquer tout et rien, parfois ce qui ne devait pas l'être. Elizabeth aimait le mystère, la sensation suave et décapante à la fois qu'il procurait. Elle en appréciait les contours et les détours, le brouillard qui sonnait bas, susurrant à la raison et à la curiosité : «  Chuuut... Tu ne sauras pas. Tu ne dois pas savoir... » Que le jeune homme ne détermine pas l'origine de sa faculté à parler plusieurs langues ne la gênait absolument pas. L'essentiel, dans l'immédiat, se résumait à son bien-être. Le reste...Eh bien, le reste viendrait en son temps ou pas. Son histoire familiale lui avait appris le lâcher prise, l'absence d'amour lui avait permis de se remplir autrement : accepter les vides en faisait partie. Cette rencontre avec Simon lui parut étrange soudain, la renvoyant à des similitudes intimes mais elle n'en laissa rien paraître, refusant de se laisser emporter par des ressentis incongrus.

-Est-ce si important de savoir « pourquoi » ? Savourer simplement cette faculté me semble...comment dire...délicieux ?

Il demeurait...placide, trop calme. L'effrayait elle ? La situation était facile pour Eli : elle se trouvait chez elle, en bonne santé, assurée d'un toit sur la tête, se souvenait d'hier, de qui elle était...Lui, avait failli mourir, avait faim, très faim même, et le pire se concentrait dans sa mémoire qui lui faisait cruellement défaut... La rouquine s'arrêta brièvement mais avec acuité sur leurs différences. Certes, l'épuisement et l'émotion pouvaient certainement l'anéantir mais il n'y avait pas que ça. Elle devait lui parler pour qu'il sente à l'aise.

-Je dois te paraître bizarre par moments non ? Je...-petit rire- Comment te dire... ?

Sourire.

-J'adore le théâtre, donc parfois...J'ai tendance à...

Elle chercha ses mots afin de ne pas le heurter et être suffisamment explicite :

-...jouer avec les mots on va dire, ou bien à faire de l'humour à des moments inattendus. Je décale ce qui est en train de se passer pour...pour dédramatiser. Tu vois le genre ? Donc, ne sois pas étonné si parfois je pars en live d'un seul coup parce que tout à coup je pense à une réplique ou à un truc qui va me faire rire.

Elle s'emmêlait légèrement Eli, peu encline à se livrer.

-Tu as du le constater, je suis impulsive, j'obéis à mon instinct avant de réfléchir, enfin, pas tout le temps mais souvent. Je me fiche des conséquences quand je sens que quelque chose est juste. Je t'ai proposé de venir chez moi sans te connaître parce que je... réponds à un sentiment brut et...incontrôlable. Et je n'ai pas envie de le contrôler mais de le vivre. Je ressens les choses fortement, ça me prend aux tripes sans crier gare, et je te fais confiance Simon. Si je me plante, -haussement d'épaules- ce n'est pas grave. Tu n'as rien à craindre de moi hormis ce que je suis. Je déteste les filtres, les faux semblants. Je souhaite que tu te sentes bien, là, tout de suite.

Elle devait le saouler avec ses phrases, épuisé comme il était ! Mais se confier un peu importait afin qu'il évalue un minimum à qui il avait affaire, non?

-Je veux dire que j'ignore d'où je les ai apprises... Tu comprends ? J'étais peut-être étudiant, ou bien je travaillais ? C'est...


Elle acquiesça simplement de la tête, respectant le fait qu'il se poursuive pas. Une compassion lui serra le ventre. Cette torture intérieure qu'il évoquait sans jamais la nommer et qui revenait sans cesse ! D'où venait il ? Quel était cet accident qui a priori lui avait tout volé ? Comment survivait il au néant dont il semblait saturé ? Il s'étonnait de lui-même, s'excusait presque de vivre par instant! Qui était il vraiment ? Avait-il de la famille ? D'autres interrogations circulaient dans son esprit à toute vitesse! Non, une chose après l'autre, lentement, délicatement. Qu'il s'apprivoise, qu'il l'apprivoise. Accepterait il de rester quelques temps ? L'idée de ne plus jamais le revoir lui fit mal. Sans savoir pourquoi, elle l'aimait bien. Beaucoup. D'un seul coup. Elizabeth Van Sechtelen et ses secrets. Ce cœur qui battait trop fort.

Une fraction de raison, elle anticipa ce qu'on allait lui reprocher : « Mais tu es dingue ! Un type ramassé sur un pont ! Un suicidaire ! Drogué ! Opportuniste ! Et tu n'auras plus que tes yeux pour pleurer ! Mais qu'est-ce qui te passe par la tête ? C'est dangereux ! Tu ne le connais pas ! C'est de la folie !... »

Bla bla bla...Libre. Voracement intuitive. Irraisonnable. Ô douce vésanie que je chéris.

Et Oskar ? Oskar pouvait tout comprendre sans avoir besoin de tout savoir.

Le corps détendu, elle sourit en grand lorsque Simon posa son bras sur elle. Surréalisme d'une affection inexplicable. Hors du Temps. Hors du Monde. Proximité éphémère. Le miel d'un amour pur. Humilité. Joie. Authenticité.

Les lourds volets de la grande chambre fermés lui donnent l'impression de se retrouver dans un cercueil. Détestation de ne pas pouvoir contempler les éclats de la nuit... Étouffer ! Oppression ! Respiration par à coups...Mère tient à ce qu'ils soient rabattus au point de les verrouiller avec une barre plate en métal épais, assorti d'un cadenas qui maintient le tout. Inviolable. Invivable. « Le château attise les convoitises tu comprends. ». Méchanceté pure.


La lune soyeuse ruisselait dans la chambre silencieuse. Et la fille aux cheveux de feu s'endormit à son tour au rythme du souffle régulier de l'inconnu rêvant à cet autre frère qu'elle n'aurait jamais.

***

La voix masculine l'éveilla lentement. Il parlait en dormant, les mots sonnèrent dans la nuit, insolites. Entre deux eaux, Eli ne bougea pas, se laissant suspendre dans le demi sommeil. Enfin, elle se coula hors du lit, déplaçant délicatement son bras. Debout dans le cru clair de la nuit, son regard s'attarda sur le visage emporté. « Qui es tu Simon ? Qui es tu ?! Je ne crois pas au hasard... » D'autres pensées, d'autres sentiments affluèrent, onctueux, douloureusement inabordables.
Se percevoir au chevet d'une âme égarée... Le trouble de l'exil qui revenait en force. « Nous ne sommes pas d'ici n'est-ce pas? » Pluriels de destins qui s'entremêlaient en un ? Le cœur brûlant, les vagues de sel se mirent à déborder alors elle se pencha, l'embrassa avec une infinie tendresse, remonta la couette, sortit, ferma la porte.

Taoba *

***

Elle avait laissé un mot bien en vue : « Salut Simon, je pars faire des courses, je reviens vers midi. Prends tout ce que tu veux dans le frigo, fais comme chez toi. Eli »

Serait-il encore là lorsqu'elle rentrerait ? Quelle idiote de s'attacher aussi fortement à n'importe qui comme ils disaient ! Mais il n'était pas n'importe qui ! Il était lui. Simon.

Les chevaux fous, malades de fraternité galopaient en dedans, à bride abattue ! Tu t'emballes et tu te trimballes Eli... Tu te crois solide mais tu t'oublies pour ne pas tomber.

Là. À fleur de ta crevasse. Te souviens-tu ? Te souviens-tu ?

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 Flat7510

* Taoba:
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Sam 10 Fév - 18:47

Simon Smith,
disent-ils...  

J'ai paraît-il 22 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? Tout et rien ? En quête d'emploi, d'utilité, d'identité ? Je suis caractérisé par une chose très particulière, je suis amnésique j'ai perdu la mémoire à la suite d'un accident de la route, aux USA en Californie il y a un peu plus de deux ans.



J'ignore ce que j'y faisais, et qui je suis et personne ne peut me le dire autour de moi L'enquête menée après le carambolage qui a causé la mort de six personnes, n'a pas permis de définir d'où je sortais ni ce que je faisais là. Je suis très probablement célibataire, mon jeune âge le laisse supposer mais si j'ai eu dans ma vie une personne aimée, elle est désormais dissimulée comme le reste sous la chappe de plomb qui me sert de mémoire.




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Le ciel est un océan suspendu.  

Elizabeth &  Simon

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 398c4111


« Le ciel est un océan suspendu. De temps à autre, il fond sur nous, lavant les collines et les maisons à l'eau de mer. » (*)

Décembre 2023

J'ai des absences, c'est un fait avéré dont je me passerais bien... mais jamais encore je ne me suis réveillé dans une chambre inconnue dans un pyjama qui ne m'appartient pas... Je suis dans le cirage, je ne me souviens pas. J'ai juste ce rêve en tête ? C'était bien un rêve ? Un corps contre le mien puis cette absence, horrible ! L'impression au réveil est insoutenable, seul, je suis seul alors que je ne conserve que des sensations, pas de visage, pas de nom, pas même de genre, une ombre d'inconnu et de mystère, comme d'habitude, un « rien » qui me met en dehors de moi-même. Il me faut bien... deux minutes pour en sortir, deux minutes me dirait-on ? Qu'est-ce que deux minutes ? Quand on ne sait pas, ni où l'on est, ni comment on y est arrivé, ni ce qu'on y fait... c'est long. Très, long. Je me lève, la première chose que je sens est un inconfort qui me fait rougir à en avoir le visage en feu ! L'état des draps en augmente la température encore ! C'était bien un rêve, mais si réel... J'avise la feuille de papier, l'écriture est franche et lisible,  elle me ramène la soirée d'hier :

« Salut Simon, je pars faire des courses, je reviens vers midi. Prends tout ce que tu veux dans le frigo, fais comme chez toi. Eli »

Vers midi ? Mon premier réflexe est de chercher l'heure ! Puis de me perdre dans l'indécision. Je voudrais remettre mes vêtements, rendre ce lit présentable, mais je ne sais pas comment m'y prendre. Je ne suis pas chez moi, elle a écrit que je peux manger, je vais me laver aussi si je trouve la salle de bain, mais pour le reste ? Ai-je le droit d'ouvrir tous les placards, de fouiller partout ? De défaire et refaire le lit ? Elle va se demander pourquoi ? « Fais comme chez toi » ? c'est une formule, ça ne signifie en rien que je peux tout chambouler !

Des bribes de la conversation me revienne, elle a dit à un moment « Je te fais confiance » et puis aussi qu'elle aime le théâtre. J'ai un sourire qui se forme, moi aussi j'aime le théâtre, je lui ai dit ? Je ne crois pas, en fait je crois que je n'ai rien dit, complètement perdu, surpris de sa générosité, de sa gentillesse... J'ai toujours peur, le petit mot laissé ne semble pas me mettre dehors mais je ne comprends pas pourquoi elle a agi comme elle l'a fait, depuis deux ans j'ai eu mon lot de « sauveteurs » qui une fois convaincus de leur propre grandeur d'âme me faisaient comprendre que désormais il me fallait me débrouiller.

J'ai enlevé le pyjama et l'ai mis à sécher sur une chaise, cachant de mon mieux la tâche mal venue. J'ai du temps avant midi, même si elle rentre un peu avant, je ne sais pourquoi moi qui suis si timoré en public je me sens bien seul avec moi-même. Nu comme un ver je cherche la salle de bain, hier elle m'a proposé une douche j'espère qu'elle ne se désavouera pas aujourd'hui ? Je profite de la chaleur de l'eau, des produits parfumés, je fais durer, le shampoing dans mes cheveux est presque une jouissance... Je ferme les yeux, l'eau qui s'écoule de la pomme de douche masque celle qui coule de mes yeux. Tout à coup j'ai peur ! Et si elle me fichait dehors ? Si elle changeait d'avis et m'accusait d'avoir forcé sa porte ? Si … Des relents de panique remontent du passé, non identifiés, non identifiables... La peur, viscérale, à vous couper la respiration... Je sens les branches des arbres sur ma peau, elles me fouettent le visage, s'accrochent à mes vêtements, leurs racines retiennent mes chaussures et me font tomber, je cours à en perdre haleine, j'ignore pourquoi ! En fait, j'ignore même si c'est moi qui cours mais qui serait-ce pour que je ressente à ce point la terreur d'être rejoint ?

Malgré la chaleur de l'eau je tremble de tous mes membres, mes dents claquent comme s'il faisait un froid sibérien. J'entends une voix, entendre ? Disons « percevoir », une intonation, comme un chant modulé par un instrument, les paroles sont incompréhensibles, peut-être n'existent-elles pas ? Je sais juste que la voix doit rester loin derrière ! Que si elle me rattrape...

Si elle me rattrape ? Quoi ?

Autour de moi une salle de bain luxueuse, confortable, agréable... je fabrique un pagne d'une serviette épaisse et douce, me fait un turban d'une autre et sors, elle a dit « dans le frigo », je cherche la cuisine, des portes sont ouvertes que j'ignore craignant d'entrer trop dans l'intimité d'Elizabeth, je traverse des pièces que je ne vois pas, prends une dosette de café dans le présentoir en n'osant pas fouiller pour trouver du thé, les placards sont fermés, il suffirait d'en ouvrir les portes pour découvrir ce qu'ils abritent mais je ne peux m'y résoudre alors je prends un fruit dans la corbeille et y plante les dents. C'est - de toute manière- meilleur que tout, ceux de Californie gorgés de soleil me manquent soudainement.

Mes pensées matinales se résument à un mot : pourquoi ?

Pourquoi ce rêve, pourquoi cette terreur au réveil, pourquoi n'ai-je qu'à demi confiance en cette jeune femme qui m'a pourtant aidé gratuitement et avec une bienveillance inhabituelle ?

Un mug de café à la main et une pomme dans l'autre je parcours le salon des yeux, m'assois sur le canapé, cherche à comprendre cette personne qui s'est dite hier bizarre, impulsive, instinctive... Je regarde les livres, les disques vinyls, les bibelots. Plutôt que bizarre je dirais qu'elle a une personnalité marquée et affirmée... Elle ne doit pas s'en laisser imposer, le contraire de moi ? Puis, je m'immobilise. Posant le café et le fruit à demi croqué, je sors de son étagère un curieux échiquier dont les pièces sont « culbuto » comme des jouets d'enfants. Avec d'infinies précautions je le pose sur la table basse, mes mains ne m'obéissent plus, d'un monde perdu elles reconduisent les gestes, bougeant les pièces, reproduisant ce que je sais sans le savoir être une ouverture encore mythique malgré les années... Devant moi, je reconnais les mains qui m'affrontent sans mettre de nom sur l'homme, derrière moi... la glace et l'acier ne me permettraient aucune erreur... mais est-ce bien moi qui bouge les pièces? Moi qui ? Moi quand ?

Insensible à l'heure qui tourne je cherche des variations, recommence la partie, modifie légèrement les mouvements...  D'un geste machinal j'ai retiré le turban, mes cheveux ont séché, la serviette humide est posée sur la table, le café est froid, la chair du fruit a légèrement bruni, mes doigts font et refont les mêmes gestes, cherchant une variation à l'ouverture d'un champion depuis des années à la retraite...

Dans le silence de la pièce, je revois une maison qui ressemblait un peu à celle-ci, le bois en était peint de couleurs vives, l'intérieur chaleureux,une bouche aux lèvres pleines me sourit en m'appelant par un prénom que je sais être le mien mais n'entends pas ! Je cache mon visage dans mes mains, soudainement las, si las...

Encore une fois : pourquoi ?

Pourquoi ce vide me fait-il si mal ! Il m'est arrivé en deux ans de nombreuses fois d'entendre des inconnus dire « Si seulement je pouvais oublier ! » moi, j'ai tout oublié, jusqu'à mon nom. Jusqu'à hier je ne savais même pas que je parlais russe... Alors moi je le dis « Si seulement je pouvais me souvenir ! » peu importe quoi, sans doute du mauvais autant que du bon, mais je saurais... je saurais !

Je n'ai plus aucune notion de l'heure, ni du jour, inlassablement je rejoue cette partie gagnée par un homme illustre vingt ans avant ma naissance ! Elle est encore citée comme l'une des plus incroyables que le monde des échecs ait produites. Tout à mes supputations, que ce serait-il passé s'il avait plus classiquement joué cela plutôt que ceci ? Je n'entends rien, je ne prends conscience de la présence d'Elizabeth que parce qu'une ombre cache la lumière qui baignait jusqu'alors la pièce... Dehors, la blancheur de la neige dissout tout, l'espace comme le temps.

Dedans, c'est le blanc de l'oubli qui submerge mon âme...

-------
(*)  Frédéric Beigbeder Un roman français (2009)





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Mer 6 Mar - 23:29
Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 Elisim10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis douloureusement.

Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus! Mais...Il s'en est allé loin, soudain inaccessible tel un songe éthéré n'ayant jamais existé.

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.



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Elizabeth descendit l'escalier sur la pointe des pieds se faire un lait chaud dans la cuisine. Quelquefois, ouvrir la bouteille lui faisait penser à la biquette qui avait donné de son ventre et un sentiment fugace de reconnaissance la fit sourire.

Il s'était remis à neiger. La voûte céleste avait disparu sous le voile des flocons. Appuyée contre la grande baie dont elle avait relevé les volets, son regard se perdait dans le jardin étouffé par la voilure immaculée. Demain il faudrait racler la neige devant la porte, dégager celle du garage. L'hiver allongeait les obscurités et c'était un véritable délice de se sentir à l'abri. Elle aimait cette saison et les moments à larver qu'il procurait, ne rien faire, contempler, se laisser porter par pas grand chose.

Ob lui manquait. Allaient ils se revoir bientôt ? L'incertitude lui serra le cœur. Pour oublier, un peu, elle leva les yeux, colla une joue contre la paroi de verre et s'étourdit à regarder les gros cristaux cotonneux qui tombaient. Un plaisir qu'elle savourait depuis toute petite, qui ne l'avait jamais quitté. Leur chute régulière donnait l'impression de se noyer sous la pluie blanchie tout en restant vivant.  

La venue de Simon bouleversait son univers. Songeant à cette fin de journée mouvementée, elle s'inquiéta pour la suite. Que déciderait il ? Rester ? Partir ? Pour aller où ? Il souffrait d'une solitude d'être, pas de famille, pas d'amis, pas de travail, pas de logement...Il ne se possédait plus... « J'ai eu un accident, il y a deux ans à San Diego, avant... je ne me rappelle pas. » Elle se projeta. Un accident grave. Se réveiller comme un nouveau né, ne plus se souvenir, même pas de soi même. Se sentir comme une coquille vide, la mémoire plate, sans relief ! Des inconnus en blouse blanche qui se succèdent dans la chambre d'hôpital. Des soins plus ou moins douloureux, le temps et l'espace effondrés, aucun repère auquel se raccrocher. Un désert crucifiant au milieu d'un monde de loups.

Paupières closes, elle plongea au creux de l'affreuse sensation d'une chute vertigineuse dans un trou sans fin. Le cauchemar réveillait le dormeur le plus souvent, Simon, lui, en était prisonnier sans discontinuer.  Brièvement déséquilibrée, elle rouvrit les yeux, se redressa.

Le savoir endormi dans la chambre d'ami la rendit heureuse. Il se reposait au chaud et en sécurité au moins pour cette nuit. Les évènements se produisaient dans le sens qui leur plaisait affranchis de logique chronologique. N'était-ce pas Ob, premier dans son cœur, qui aurait du venir chez elle avant cet inconnu ?  Les circonstances en avaient décidé autrement. Serait-il contrarié, étonné ou bien simplement content pour le jeune homme ? Il comprendrait, elle en était certaine. Mais elle attendrait avant de lui dire, le temps qu'ils s'apprivoisent l'un l'autre s'il décidait de s'installer chez elle.

***

En pleine réflexion pour choisir le meilleur des rasoirs à main, la rouquine se mit presque à rire toute seule : qu'est-ce qu'elle fichait dans ce rayon destiné aux hommes ? Shampoing, gel douche, brosse à cheveux « spécial boucles »... Elle sélectionna des marques biologiques, emplit son caddy de toutes sortes de victuailles de très bonne qualité, du saumon sauvage, un pot de caviar, du champagne, de la bière... Passa chez My O My, choisit deux jeans, deux sweats, deux pulls, des caleçons, des tee shirts, des chaussettes, un blouson d'hiver... Et s'il se vexait ? Si accepter ces vêtements et tutti quanti le gênait ?  Sur le chemin du retour, elle se mit à sa place. La fierté, la peur de déranger, de ne pas pouvoir rendre la pareille, le sentiment d'inégalité... Elle ruserait autant que possible.

Elle rangea les courses alimentaires en faisant attention à ne pas faire de bruit, -il dormait encore?-, prépara un déjeuner vite fait, lança une lessive de ses achats et enfin, monta à l'étage. La salle de bain était libre , elle y déposa les deux flacons de parfum dont elle raffolait : Bleu et Terre...Le second avait des fragrances « profondes »  qui la mettaient inévitablement dans un état pas possible ! Elle reconnaissait ses effluves particulières -à des kilomètres n'est-ce pas!-, incapable de s'empêcher d'observer, de humer celui qui le portait !

Ce soir-là, c'était la première de Beaucoup de bruit pour rien, il y avait Juhani, -un rouquin comme elle- avec lequel elle s'était très très bien entendue pendant la tournée. Un comique avec qui elle attrapait des fous rires intempestifs ! Il avait eu la merveilleuse idée de porter son parfum fétiche ! Benedict embaumé d'Hermès sur la scène ! Elle en avait bafouillé à plusieurs reprises, inversant complètement  une longue réplique ! Comment résister ?! Qui pouvait comprendre ?

Quand au premier, c'était quitte ou double. En fin de compte, Simon détesterait peut-être ?...Bref, Eli s'était entêtée avec cette idée traversant Helsinki de part en part pour aller dans la meilleure parfumerie de la ville. Un détail qui n'en était pas un.

La porte de la chambre était restée ouverte, elle y jeta un œil, regardant machinalement le pyjama posé sur la chaise, redescendit au rez de chaussée. Le salon ? La pièce principale se situait à l'écart de la cuisine, à l'autre bout de l'entrée. Ouverte sur le jardin, très lumineuse, c'était son lieu préféré, son cocon, où elle se lovait, où elle rêvait...

Et puis elle le vit. Assis, torse nu, concentré sur le jeu. Il était dedans jusqu'au cou, n'entendait ni ne voyait rien d'autre. Elle l'observa, immobile, un long moment, lui laissant cet espace bien à lui qu'il s'appropriait.  Il savait donc jouer aux échecs. Silencieuse, elle admira la rapidité de sa réflexion amenant le déplacement de ses doigts sur les cases. « On dirait un pro ». La pensée traversa son esprit, l'intrigua. Se pouvait il qu'il soit un ancien champion ? Les russes sont extrêmement performants à cette discipline, cela expliquerait en partie le fait qu'il parlait leur langue ?

Elle nota par ailleurs qu'il s'était senti suffisamment à l'aise pour se laver, se servir un café, croquer un fruit. Une joie sincère l'inonda. Simon...Elle le trouva beau. La finesse de ses traits se révélait davantage de profil, ses boucles épaisses tombaient sur le côté, ses gestes étaient gracieux. Il avait un physique de mannequin, de danseur, de musicien, de peintre...Un corps d'artiste, un modèle pour les beaux arts... Si elle avait eu dix ans de moins...

Elle finit par se rapprocher.

-Salut Simon. Tu gagnes ?


Une question anodine afin de ne pas l'effrayer. Elle s'assit en tailleur sur le tapis en face de lui, montra le plateau :

-C'est un cadeau qui date de mes débuts il y a une dizaine d'années. Tu veux que je te raconte ?


Avait-il bien dormi ? Comment se sentait-il ? Que décidait il pour la suite ? Son moral ? Ses pensées ? Son avenir proche ? Bien d'autres interrogations tournaient dans sa tête qu'elle garda pour elle.


Paradoxe
Paradoxe:


Si tu m'apprivoises, tu seras pour moi unique au monde, je serai pour toi unique au monde.

A. De Saint-Exupéry
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Dim 10 Mar - 19:05

Simon Smith,
disent-ils...  

J'ai paraît-il 22 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? Tout et rien ? En quête d'emploi, d'utilité, d'identité ? Je suis caractérisé par une chose très particulière, je suis amnésique j'ai perdu la mémoire à la suite d'un accident de la route, aux USA en Californie il y a un peu plus de deux ans.



J'ignore ce que j'y faisais, et qui je suis et personne ne peut me le dire autour de moi L'enquête menée après le carambolage qui a causé la mort de six personnes, n'a pas permis de définir d'où je sortais ni ce que je faisais là. Je suis très probablement célibataire, mon jeune âge le laisse supposer mais si j'ai eu dans ma vie une personne aimée, elle est désormais dissimulée comme le reste sous la chappe de plomb qui me sert de mémoire.




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Le ciel est un océan suspendu.  

Elizabeth &  Simon

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 27_10


« Le ciel est un océan suspendu. De temps à autre, il fond sur nous, lavant les collines et les maisons à l'eau de mer. » (*)

Décembre 2023

Plongé dans une partie contre un adversaire dont je ne sais rien tout en me souvenant de chacun de ses mouvements joués je n'ai pas fait le rapport entre le bruit et son retour ! Je suis toujours là, presque nu, perdu dans son salon, par réflexe je me lève et bondis à l'étage, je récupère mon jean que j'ai vu posé sur le sèche-linge, le pull et le T-shirt sont introuvables, tant pis je serais toujours plus décent qu'enroulé d'une serviette !

Je redescends l'escalier pour m'appuyer sur le mur à l'entrée de la pièce, confus, gêné.

- Salut Simon. Tu gagnes ?

la voyant s'asseoir je me remets en position. Je gagne ? Bien sûr. Je ferme les yeux et tords la bouche, « bien sûr » ? comment puis-je être sûr ? J'allais dire « Je gagne toujours... ou presque » mais d'où puis-je l'affirmer.

- Oui, je gagne, mais c'est une partie connue, un championnat en 1982, celle qui a permis à Konstantin Lerner de remporter le titre. Je n'ai fait que reproduire.

Reproduire et chercher si son adversaire -dont je ne parviens pas à retrouver l'identité- aurait pu gagner, s'il avait joué autrement, mais je n'ai pas réussi. C'est étrange parce que j'ignore qui était cet homme mais me souviens de chaque étape de la partie, de part et d'autre, comme si je l'avais filmée et stockée dans ma mémoire tellement capricieuse ! En presque quatre heures j'ai tenté plusieurs variantes mais dès l'engagement il a subi le jeu du futur gagnant, il s'est laissé mener, sans inventivité suffisante.

- C'est un cadeau qui date de mes débuts il y a une dizaine d'années. Tu veux que je te raconte ?

Ses... débuts ? J'ouvre la bouche et ne la referme pas. Qui est-elle ? Est-elle connue ? Devrais-je la reconnaître ? Elle est célèbre ? Je n'arrive qu'à balbutier répétant comme un de ces superbes mais stupides oiseaux parleurs...

- Tes débuts ?

Elle a juste dit « Elizabeth » et qu'elle aimait le théâtre. Elle est actrice ? Metteur en scène ? Critique ? Ou rien à voir peut-être, je regarde autour de moi, l'association des matières et des couleurs, l'agencement ? Elle n'habite pas la maison de tout le monde mais il existe des décorateurs d'intérieur, elle semble suffisamment à l'aise pour en embaucher un. À moins qu'elle se suffise à elle-même ? Décoratrice ? Mon regard fait une autre inspection pas du tout discrète, artiste peintre ? Elle a quelques tableaux qui ne semblent pas des copies.

Autant le dire, au moins je n'aurais pas l'air de faire l'inventaire pour la dévaliser.

- Je suis désolé si je ne te reconnais pas, si tu es célèbre j'en suis navré mais j'ai peur d'avoir même oublié les gens qui ont une importance.

J'essaie de me rattraper comme je peux, de donner quelques explications. Je ne sais pas pourquoi, le semblant de confiance que j'avais retrouvée vient d'être pilonné comme s'il s'était trouvé en première ligne d'une bataille entre moi et moi, je suis chez une personne connue et je ne sais rien sur elle, son visage, sa voix, ses postures, rien ne mévoque rien ! Cela dit, j'ai avant d'être ici vécu au moins deux ans aux Etats-Unis, est-elle célèbre jusque là-bas ? Et puis, j'étais à l'hôpital, je suis amnésique, et je n'ai guère eu l'occasion de me distraire depuis ma sortie, totalement aveuglé et contrôlé -dans chacune de mes pensées et toutes mes initiatives- par la nécessité de gagner de quoi manger et surtout payer cette dette que je considère de façon bien désuète comme une dette d'honneur. Je dois faire rire mes contemporains... Une dette d'honneur ! En 2023...

- J'ai été débarqué sur le port d'Helsinki le 18 septembre... ils disaient que je ne servais à rien, ils ont rompu mon contrat... Tu comprends ? Je ne connais pas ce pays, je suis désolé.

Combien de fois vais-je le redire ? Oui, je suis désolé ! Désolé chaque seconde de chaque minute de chaque jour de chaque semaine de chaque mois de cette vie que je ne veux pas mienne ! Souvent, de plus en plus souvent je crois, je me dis que pour me laisser en galère comme ça il aurait mieux valu ne pas me soigner ! Je n'aurais pas cette reconnaissance que rien ne me permettra de prouver, parce que je ne peux pas sortir la somme investie pour me remettre sur pieds ! Comment ont-ils pu croire que je rembourserais un jour ? Même avec un emploi sûr et prestigieux il me faudrait près de vingt ans pour en venir à bout !

Je me relève, me tourne vers le mur pour qu'elle ne voit pas l'eau salée couler de mes yeux sur mes joues... Je n'en peux plus, si elle habitait à un étage élevé je pense que j'envisagerais franchement de passer par le fenêtre, mais ici, à part un scandale parce que le quartier serait perturbé dans sa vie tranquille, je n'arriverais sans doute même pas à me fouler la cheville...

D'une toute petite voix, encore marquée de larmes de rage comme d'épuisement moral je réponds à sa question...

- Je veux bien que tu racontes oui. Après, il faudrait que tu me rendes mes vêtements, je dois chercher un job, n'importe quoi.

Mais une parenthèse ? Entendre parler de quelqu'un d'autre ? Qui a réussi son existence apparemment, ça m'aiderait...

Dans la rue, un bruit de moteur lancé à fond et un coup de frein brutal me tirent un hurlement ! Figé sur place je tremble de tous mes membres, mes dents s'entrechoquent, je suis glacé, prêt à tomber...
Je dois donner l'apparence d'une représentation très réussie de l'effroi dans un marbre clair, statue classique avec le nez droit grec et les bouclettes ! Je murmure, à dix mille lieues de l'endroit où je reste debout, incapable du moindre geste...

- Eto dolzhno prekratit'sya! YA bol'she ne mogu eto terpet'... (**)

-------
(*)  Frédéric Beigbeder Un roman français (2009)
(**) Il faut que ça s'arrête ! Je n'en peux plus..





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Mer 13 Mar - 18:56
Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 Elisim10
Elizabeth Van Sechtelen
J'ai 28 ans et je vis à Helsinki, en Finlande. Dans la vie, je suis comédienne de théâtre et je m'en sors avec un sentiment d'exil. Et puis...Il y a LUI qui m'empêche de me suffire. Je le vis douloureusement.

Le comte et la comtesse Van Sechtelen s'aimaient comme l'on pouvait s'aimer dans le milieu aristocratique. Quelques années plus tôt, leurs familles respectives avaient œuvré avec soin pour que leurs progénitures se rencontrent, s'apprécient. De rallyes en rallyes, des affinités se liaient, les jeunes tricotaient et fricotaient ensemble. Ces deux-là finirent par se marier, encouragés par leurs proches très au fait des avantages de porter un nom prestigieux.
Mais Madame pécha par excès. Grisée, lassée et délaissée depuis trop longtemps par son époux, elle succomba à ce bel amant d'un soir. Renversée sur le bureau d'ébène, elle se laissa aller comme jamais, noyée au creux d'un ventre en feu et assoiffé.

1994

Au sourire de la Lune, elle naquit presque sans bruit. Ne pleura pas. Ses grands yeux ouverts s'arrêtèrent quelques instants sur l'aube de cette grande vie qu'on lui offrait. Il paraît même qu'elle avait souri...
Elizabeth, fruit d'une adultère éphémère. Si jeune et déjà, elle voyait les anges.
Le secret de son origine fut férocement gardé. On l'éleva comme il se doit, telle une descendance de rois. Par chance ou par destin, l'enfant maudit se révéla excellente élève, douée pour les études. Elle aurait pu être promise à une brillante carrière mais sa passion brisa les aspirations familiales. Comédienne ! Ce n'était pas un métier, encore moins un avenir, tout juste un passe temps d'original et ce, chez les autres ! Pas dans le milieu ! Alors, d'une manière subtilement hypocrite et joliment perfide, on la bannit définitivement du clan familial. On ne l'aima pas l'enfant de "l'accident". Le manteau infâme de la Bienséance la revêtait comme une lèpre. Alors, au fil des années, elle développa une sensibilité à fleur de peau. Elle devint différente.HPE diagnostiqua le rapport du spécialiste.

Un.
Deux.
Trois.

Le bruissement du rideau qui se lève.
Arrêt sur scène.
Les secondes ralentissent.

Elle ne voit plus ici. Ses ailes se déploient délicatement
L'audace d'une extravagance
Le chant d'un songe
L'insolence de l'irréalité

Le théâtre. Le RÊVE.

Et puis cette rencontre. Un chauffeur de maître. Un être à part. Ob. Celui qui la comprend. Celui qui résonne. Celui qui rêve avec elle. Les clartés de Là-bas se mirent à resplendir les éclaboussures d'un sublime amour. Un feu douillet valsait tout autour, les écailles de Lune voletaient. Projetée dans une dimension parallèle. Aveugle et sourde à la réalité. S'imprégner de l'éternité. Rêver à deux, à l'Absolu, à l'Infini. Enfin! L'exil n'est plus! Mais...Il s'en est allé loin, soudain inaccessible tel un songe éthéré n'ayant jamais existé.

Eli avait deux cœurs : l'un ici, l'autre...L'autre... ? Non, vous ne saurez pas. Vous ne pouvez pas comprendre.



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À le voir s'enfuir comme un gosse pris en faute, la rouquine ne dit rien, ignorant -en apparence- totalement son aller retour.  Serait-il prude ? L'idée la fit sourire, ce serait plutôt...décalé pour son âge. N'avait-il pas conscience qu'il faisait partie de ce qu'on appelait communément un beau gosse ? Tant qu'il ne se baladait pas en tenue d'Adam devant son nez,  qu'il porte un caleçon, une serviette ou quoi que ce soit d'autre, elle s'en contrefichait. Il ne pouvait pas le deviner évidemment mais s'ils cohabitaient ensemble, elle devra lui préciser son rapport au corps, à la nudité. De son côté, il devra lui expliquer pourquoi il se cachait ainsi, autant ? Le temps qu'il revienne, Eli considéra qu'un manque de confiance notoire et coriace lui collait à la peau. Était ce une conséquence de l'accident ? Une prédisposition à se mésestimer ? Son histoire familiale qui laissait des traces ? Aucun élément tangible ne permettait de s'assurer de l'une ou l'autre raison. Sa seule certitude se résumait à ses comportements, ses réactions qui criaient l'excuse d'exister et ça, elle ne le laissait pas passer.

Ainsi, sa question dilua le tout dans une légèreté qu'il s'empressa de saisir et elle suivit le mouvement alors qu'il s'asseyait de l'autre côté de la table basse :

-Konstantin Lerner ? Connais pas...Tu ne fais « que reproduire »  une partie vieille de presque un demi siècle ?! Mais c'est une performance ! Franchement, bravo !


Certes, il souffrait d'une grave amnésie rétrograde mais sa mémoire fonctionnait parfaitement, apparemment !

-Je crois que tu ne réalises pas ta compétence. J'en serais incapable ! Je n'ai aucune tactique aux échecs, je joue uniquement avec la valeur des pièces sans aucune réflexion ou si peu que de toute manière je perds tout le temps ! Alors me souvenir d'une partie entière... !


Elle rit, poursuivit :

-Tu peux donc y jouer pendant très longtemps ? Je trouve cela incroyable, rester concentré pendant des siècles...Au bout d'une demi-heure je m'impatiente et ne pense qu'à une chose : m'extirper du jeu !

De nouveau, elle se mit à rire, les prunelles brillantes d'une admiration sincère. En dépit de son état de santé mental fragilisé, elle ne doutait guère de son extrême intelligence. Le sentiment, indéfinissable, puissant, s'appuyait a contrario sur ce regard effrayé qu'il portait sur le monde, sur cette sensibilité exacerbée révélant toute la finesse d'un être au cœur et à l'âme profonds. Elle ne s'y trompait pas Eli... Qui aurait pu capter avec autant d'acuité l'infini de son propre néant ? La douleur de la solitude ? L'angoisse ? Les autres ? Le dénuement ? Ses limites ? Ce discernement là, pur et cru, ne possédait aucune limite chez le jeune homme. Eli en déduisait que c'était justement parce qu'il était né d'un accident, qu'une foule de sentiments imperceptibles se manifestaient, développant une hyperémotivité. Mais elle pouvait se tromper ne sachant rien de Simon en vérité.

-Mes débuts, oui...?

Ils  répétèrent chacun à leur tour spontanément, animés d'un même étonnement, mais le sens qu'ils y mettaient différait, ce n'était pas peu dire ! Fronçant les sourcils avec amusement, la finlandaise ne comprit pas tout de suite la raison qui le maintenait bouche bée, les yeux ronds comme des billes !

-Je suis désolé si je ne te reconnais pas, si tu es célèbre j'en suis navré mais j'ai peur d'avoir même oublié les gens qui ont une importance.


-Pardon ? Qu'est-ce que... ? Mais...Non ! Je n'ai pas cette importance !


Et sans retenue, elle éclata de rire :

-Mais c'est super si tu ne me reconnais pas ! Qui suis-je ? Juste moi ! Un simple moi ! Un mini moi ! Rien de plus !

Hilare, elle faillit ajouter une bonne dose d'autodérision avant de remarquer l'ombre lourde qui passa sur son visage. Il semblait presque...paniquer, perdre pied soudain.

- J'ai été débarqué sur le port d'Helsinki le 18 septembre... ils disaient que je ne servais à rien, ils ont rompu mon contrat... Tu comprends ? Je ne connais pas ce pays, je suis désolé.

-Qui, « ils » ? Et toi, tu es d'accord avec eux ? Tu ne servais à rien ? Que l'on rompe un contrat je comprends en effet. Veux-tu m'en dire plus ?

Elle l'invitait à se confier, utilisant le subterfuge d'insister sur  l'aspect pragmatique d'un bout de papier pour mieux révéler l'essentiel : qu'avait-il ressenti ? Quel était son avis ? Au fond...Comment se jugeait-il ? Quelle valeur se donnait-il ? ... Sans transition, elle redevint sérieuse, faisant preuve d'une attention...féroce et sa réaction lui fit mal. « Merde » pensa t-elle. Elle n'aurait pas du s'extérioriser avec cette... joie impulsive qui en fin de compte contribuait à le blesser, le renvoyant à sa douleur, son mal être.

De nouveau, il se leva, se fuit... Elle devina ses larmes, ne bougea pas d'un pouce, patienta que le chagrin s'épuise... « Il est à bout » songea t-elle. La dure réalité la fit douter soudain. Peut-être se méprenait elle en fin de compte sur le bien fondé de lui ouvrir sa maison ?  S'il souffrait d'une autre pathologie ? Était elle la bonne personne pour l'aider ?  S'il commettait...l'irréparable ? L'effroi d'une telle perspective la fit déglutir, lui serra les tripes. Il devrait consulter un spécialiste, faire des examens, d'autres examens... Une fraction de seconde elle s'affola, complètement dépassée à l'idée de ne pas pouvoir l'épauler, regrettant son impétuosité. La vague du doute s'apaisa aussi vite qu'elle s'était manifestée cependant.

-Je veux bien que tu racontes oui. Après, il faudrait que tu me rendes mes vêtements, je dois chercher un job, n'importe quoi.

-Un job, n'importe quoi ? Je ne suis pas d'accord avec ce « n'importe quoi ». On en reparlera. Oui, attends, je vais chercher ton pull.

Aussitôt dit aussitôt fait, elle revint avec le vêtement propre qu'elle lui tendit avant de s'assoir sur le sofa.

-Tu restes debout ? Comme tu veux. Bon...je te préviens, c'est ridicule, parfaitement ri-di-cu-le. Tu dois savoir que...

Elle n'eut pas le temps de dire la suite car il hurla tout à coup. Stupéfaite, elle mit quelques secondes avant de faire le lien entre le bruit grondant et crissant de la voiture et sa terreur. D'un bond elle se leva, ferma la petite fenêtre qui était restée entrouverte et se précipita sur lui.

-C'est bon, c'est fini. C'est fini, c'est fini...

Elle l'avait pris dans ses bras, le berçait au rythme de sa litanie apaisante.

-Ça va aller, ça va aller...

Au bout d'un moment, sa tension ne s'amenusait pas, il parlait en boucle dans une autre langue alors elle le prit par la taille, l'entraîna vers le canapé.

-Viens.

Il fallait qu'elle l'extirpe de son état second ! Qu'il revienne, qu'il se rassure ! Assis l'un contre l'autre, elle posa une main douce sur le bas de son visage l'obligeant à tourner la tête vers elle.

-Regarde moi.

Ses yeux restaient hagards, perdus dans une abysse. D'instinct, elle posa ses deux paumes sur ses joues cherchant à attraper son regard.

-Simon, hey...Simon...

Difficile. Délicat. Douloureux. Elle se pencha vers lui, le serra contre elle, étreignant sa joue contre la sienne, murmurant à son oreille :

-S'il te plaît, reviens, reviens...Tout va bien, tout va bien...


« Je te protège mon ami, je te protège...Je suis là..., n'aie pas peur... »
Tout d'elle dégageait sa volonté de le rasséréner, le sécuriser, le pacifier ! Enfin, elle eut l'impression qu'il retrouvait une conscience du présent alors elle s'engouffra dans la brèche :

-Écoute ma voix, écoute moi.
Elle prit ses mains dans les siennes. On parlait du jeu d'échec, là, je vais te raconter comment je l'ai eu, ok ? C'est une histoire...une bouffonerie qui ne fait rire que moi mais ce n'est pas grave. Il a un petit secret que je vais te partager.

Elle lui souriait, toute l'affection du monde lui souriait...

-Qu'est-ce que je disais... ? Ah oui, j'ai le rire facile donc ce qui s'est passé à l'époque était une double peine pour moi. C'était ma première compagnie, on était neuf comédiens et on jouait une pièce qui s'intitulait « Caviar ou lentilles ». Je te passe les détails mais les scènes s'enchaînaient vite, il y avait une quinzaine de personnages donc il fallait jongler en coulisses pour changer de costumes etc. Le rythme était soutenu, les républiques fusaient...J'avais deux rôles avec un même partenaire, Francesco, un italien hyper sympa. Nos personnages se croisaient tout au long de la pièce. Dans une des scènes, il perdait ses binocles et devait se mettre à quatre pattes pour les retrouver. Pendant ce temps-là, je devais l'invectiver, debout, à côté de lui. Tu imagines la situation ?... Bon. Et là...Là...


Elle pouffa, poursuivit :

-Ce crétin que j'adorais a lâché un pet ! Un truc bref mais assez énorme que j'ai entendu évidemment ! La suite fut...horrible, j'ai été dévorée par un fou rire presque jusqu'à la fin de la représentation et lui aussi ! Chaque fois qu'on devait se donner la réplique, on avait un mal fou à garder notre sérieux! On évitait de se regarder. Mon obsession se résumait à ne pas partir en vrille et que le public ne se doute de rien. Mais je flinguais mes répliques, j'oubliais, je mélangeais la prose, je ne savais plus rien de mon rôle en gros ! Et c'est là que le miracle a opéré parce qu'on a rebondi en improvisant !

Elle fit une pause, joyeusement pensive, laissant les images s'imposer dans sa tête.

-C'était...épique, dangereux, je ne sais pas si tu te rends compte, une impro en plein milieu, comme ça, qui a duré duré...et tellement drôle en même temps. Francesco avait davantage d'expérience que moi, il avait déjà bourlingué en tournée. Moi je découvrais tout ça, j'étais moins assurée mais j'ai quand même réussi à m'en sortir et à ne pas pénaliser les autres. Et quand la tournée s'est terminée, il m'a offert son jeu d'échecs qu'il emportait partout, en souvenir de notre moment de folie. Tiens regarde.

Elle retourna les deux fous montrant leur base: l'un était gravé d un «  F », l'autre d'un « E ».

-Francesco, Elizabeth. Les deux fous. Il avait fait ça avec un couteau.

Songeuse, son index suivit le sillon du « F ». Plus de dix ans en arrière...Un bon temps d'insouciance qui ne reviendra plus. Ne restaient que des photos, des lettres, sa présence dans son cœur et une tombe quelque part près de Florence.

-On déjeune ?


Elle plissa du nez avec gaieté. Passer à autre chose pour tous les deux. Mais ils allaient devoir discuter de la suite sans trop tarder.

I Hold You

Je te tiens...:

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 17103510
Val
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Val
Mer 20 Mar - 17:38

Simon Smith,
disent-ils...  

J'ai paraît-il 22 ans et je vis pour le moment à Helsinki, Finlande. Dans la vie, je suis .. . que dire ? Tout et rien ? En quête d'emploi, d'utilité, d'identité ? Je suis caractérisé par une chose très particulière, je suis amnésique j'ai perdu la mémoire à la suite d'un accident de la route, aux USA en Californie il y a un peu plus de deux ans.



J'ignore ce que j'y faisais, et qui je suis et personne ne peut me le dire autour de moi L'enquête menée après le carambolage qui a causé la mort de six personnes, n'a pas permis de définir d'où je sortais ni ce que je faisais là. Je suis très probablement célibataire, mon jeune âge le laisse supposer mais si j'ai eu dans ma vie une personne aimée, elle est désormais dissimulée comme le reste sous la chappe de plomb qui me sert de mémoire.




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Le ciel est un océan suspendu.  

Elizabeth &  Simon

Le ciel est un océan suspendu (Val & Dreamcatcher) - Page 2 Captu319


« Le ciel est un océan suspendu. De temps à autre, il fond sur nous, lavant les collines et les maisons à l'eau de mer. » (*)

Décembre 2023

Ils ont dit que ça passerait, que ça serait temporaire ! Que ce n'étaient que les séquelles de l'accident... Mais ça fait maintenant plus de deux ans -enfin non, au début je ne savais pas, j'étais dans le coma à l'hôpital- donc un peu moins de deux ans que je hurle et panique à chaque freinage brusque, à chaque véhicule dont le moteur s'emballe... Est-ce qu'en plus de mes difficultés à me concentrer sur des tâches basiques je vais me mettre à brailler au moindre bruit de moteur ou de collision ? J'ai très brièvement travaillé dans une usine, j'ai dû arrêter à cause de l'environnement sonore, j'étais tétanisé, dans une autre dimension, le bruit me rappelait … l'emboutissage d'un SUV familial contre un poids lourds sur une autoroute californienne ?

J'ai entendu le moteur, les freins, le klaxon... ce n'est rien, juste un chauffard qui roulait trop vite et n'a que FAILLI renverser quelqu'un ou percuter un autre véhicule ? S'il y avait eu une suite, le tintamarre des ambulances et des voitures de police aurait suivi ? C'est la dernière chose dont je me souviens, là-bas, à San Diego... Après, j'ai perdu conscience.

L'hypnose n'a pas servi à grand chose, ils pensaient que je me souviendrais, que je pourrais expliquer ce que je fichais là et comment j'y étais arrivé ? Je n'ai rien pu dire, juste décrire des sensations... Un habitacle restreint, sombre, plusieurs présences, la porte qui s'ouvre et moi qui tombe, la lumière aveuglante, le klaxon grave et continu du camion, les appels de phare je crois ? La lumière clignotait... Puis, le bruit, et la douleur. Ensuite... ensuite des mains qui me palpaient, après cette cacophonie de sirènes diverses... Rien. Rien d'autre. Je n'ai même pas pu préciser si on m'avait poussé sur la chaussée ou si je m'étais éjecté de ma prison ? Et puis pourquoi prison ? En tout cas, les images de la caméra de télésurveillance ont juste montré un van sombre, un paquet qui tombe, et le véhicule qui prend de la vitesse son chargement largué. Ils l'ont cherché, l'immatriculation était volontairement cachée, à mon réveil ils m'ont harcelé de questions : que faisais-je dans cette camionnette, qui y était avec moi, pourquoi suis-je tombé, qui étaient-ils ?

Je ne savais pas. Je ne sais toujours pas...

Reste, la peur, la douleur, l'impression que j'aurais dû disparaître et que ça ne s'est pas fait comme ils l'avaient prévu.

Et si je suis resté en vie, sans que personne ne vienne donner mon nom, n'est-ce pas parce que seule mon amnésie me préserve ? Si je me rappelais ? Que se passerait-il ?

Peur.

J'ai peur.

De tout, de tous. Quand l'Association est entrée en lice, payant mes opérations, mon hospitalisation et ma rééducation, j'ai eu peur également. De mon passé, quelque chose me crie que la générosité a toujours un prix, qu'elle ne saurait être gratuite.

Elizabeth aussi m'a tendu la main. Qu'attend-elle ? Que veut-elle de moi ? Qui est-elle ? Sait-elle de mon passé des choses que j'ignore ? L'ont-ils envoyée à ma rencontre pour qu'elle s'assure que je ne parlerais pas, ignorant tout ?

Je ferme les yeux, essaie de me reprendre ! Je deviens paranoïaque !

- C'est bon, c'est fini. C'est fini, c'est fini... Ça va aller, ça va aller.. Regarde moi.  Simon, hey...Simon... S'il te plaît, reviens, reviens...Tout va bien, tout va bien...

Tant pis si elle se joue de moi, je me serre convulsivement contre elle, comme on se serrerait contre sa mère, sa sœur, je ne sais moi ! Et si je me trompe ? Et si je me trompe ! Non. Il faut que j'émerge, que je sorte de ce trou noir rempli d'angoisse et de terreur !

- Je suis désolé. Je n'arrive pas à me contrôler, c'est le problème, je ne contrôle rien tu comprends ? Quand j'entends ça je revois des phares, il n'y a pas beaucoup de voitures, c'est la nuit, je pourrais éviter -je crois- mais je suis figé au sol à voir le camion arriver... Quand j'essaie de me décaler, enfin, la voiture derrière me fauche les jambes, et je suis pris entre les deux...

Je marque une pause. De ça, je me souviens... D'avant, non. Je ne sais pas dire ce que je faisais là, ni qui j'étais, ni pourquoi je n'ai pas bougé plus vite ? Les analyses ont révélé que j'avais dans le sang un anesthésique puissant, comme si on m'avait endormi avant ? Ma tête me fait mal ! Si les conclusions des flics américains sont justes, on a voulu me tuer ? Quelqu'un sur cette terre m'en veut assez pour avoir ordonné ma mort ? Une personne dont j'ignore tout, l'identité, les raisons...

Je me secoue, appelant l'oubli ! De cela je ne veux pas me souvenir !

Le médecin qui me suivait disait que si je refusais d'ouvrir cette porte-là, les autres resteraient fermées... Il disait que ce que j'étais, qui j'étais, expliquait « l'accident » et qu'à vouloir occulter l'accident j'enterrai aussi le reste.

S'est-il réveillé un jour -lui- les jambes brisées en morceaux, la colonne vertébrale miraculeusement intacte, un traumatisme crânien et un bras, des côtes cassées ? S'est-il réveillé dans cet état pour entendre qu'il avait été volontairement agressé et qu'il aurait dû finir en cadavre avec les six autres victimes ? Sait-il ce que ça fait que d'être la cause d'un accident mortel sans savoir pourquoi ? On ne m'a pas épargné, l'enquête m'a fichu sous le nez les photos, trois enfants, leurs parents... Un brave type qui rentrait chez lui pour retrouver les siens ! Et je ne pouvais rien dire, je ne peux toujours pas.

Je m'oblige à retrouver mon calme, à rebondir sur ce qu'elle disait avant.  Elle parle des échecs, de ma mémoire des parties, de ma concentration quand j'y joue ? Je n'en avais pas pris conscience ? C'est pour ça que le psychiatre me demandait de jouer ? Pour mesurer combien dans ce domaine précis j'étais capable de rester des heures à me souvenir non seulement de mon but mais de la manière de l'atteindre ? Moi qui ne pouvais pas servir un thé sans oublier le lait, ou préparer une commande de la clientèle sans recompter cinq fois les marchandises déjà dans le sac ? Elizabeth vient de me faire comprendre une chose : ma mémoire n'est pas si malade, mais elle est paresseuse et sélective ! Elle ne veut servir qu'à certaines tâches et pas à d'autres ? Je suis incapable d'être serveur, livreur, préparateur de commandes ou même homme de ménage, mais je sais vaincre un champion d'échecs en me souvenant de chaque pièce jouée pendant une partie qui a duré plusieurs heures ?

Elle passe à autre chose ? Je sais que je ne suis pas clair, j'ai sauté des échecs à la raison de ma présence sur le sol finlandais, sans rien expliquer, sans lier les deux évenements...

- Qui, « ils » ? Et toi, tu es d'accord avec eux ? Tu ne servais à rien ? Que l'on rompe un contrat je comprends en effet. Veux-tu m'en dire plus ?

Je ne servais à rien ? En tout cas je ne répondais pas la feuille de poste pourtant assez simple. J'étais là pour seconder le personnel de salle, débarrasseur, plongeur en cuisine, chargé du ménage aussi... ça ne demandait aucune qualification, il est difficile de me donner des boulots qualifiés puisqu'on ne sait pas ce que je savais faire ! Comme avant dans d'autres situations du même ordre j'étais lent, toujours à essayer de me souvenir de ce que je devais faire, de l'ordre dans lequel le faire... Le responsable s'énervait, pour lui c'était simplissime ! Comment pouvais-je ne pas en être capable ? Il a tellement hurlé qu'on m'a débarqué et qu'ils m'ont remplacé par un Finlandais débrouillard.

Moi, je n'avais qu'une utilité : je réussissais à répondre aux voyageurs en croisière dans quatre langues. Mais ils avaient un interprète... et lui pouvait prouver ce qu'il parlait avec des diplômes.

Je reprends un peu de distance, je ne la connais pas, elle doit me trouver bien cavalier de lui pleurer sur l'épaule !  

- Je ne sers jamais à rien...

Jamais ! Jamais ! Je suis un porte-guigne, ma simple présence complique la vie des autres ! Je m'apprête à crier qu'elle devrait me chasser au lieu de m'héberger, que je porte malheur, que je n'apporte jamais rien de bon à personne. Du fond de ma mémoire je sens se rouvrir une blessure sans nom et sans fond ! J'ai les traits qui se tordent et je mets ma main devant ma bouche qui articule en silence un hurlement ! Je ne sais pas qui il est, ni où, ni avec qui ! Je vois juste des yeux et un corps qui s'affaisse ? Dans le creux de mes mains qui masquent mes lèvres je lis un prénom que je n'entends pas.

Il ne faut pas continuer dans cette direction !
C'est dangereux !
Pour moi, et pour elle si elle est sincère dans l'aide qu'elle m'apporte !

Je repousse dans le noir le souvenir qui voulait sortir ! J'essaie de souffler, de respirer comme avant une partie, pour être maître de mon mental.

Avant une partie ?

Je souris à son histoire, j'imagine avec une vision d'enfant les deux acteurs sur scène totalement perdus dans leur texte et au bord du fou rire... J'aime cette scène, elle est simple, vraie, crue, naturelle... Sans retenue ! Un homme et une femme libres, capables de tirer partie d'une situation et de l'adapter...

Pourquoi ai-je pensé « libre » ?
Il ne faut pas se questionner !
Il ne faut pas se souvenir !

Mes dents apparaissent, j'en rirais presque ! Je suis heureux de ce moment de pure détente, de cette histoire étrangère à tout ce qui me hante ! Ma main passe sur le bois de l'échiquier, je regarde les pièces avec une perception nouvelle... Elles ont une histoire.

- On déjeune ?  

J'ouvre la bouche, formant un « O » probablement parfait, regarde la pendulette posée sur un meuble, il est l'heure oui... J'enfile le pull qu'elle m'a ramenée -s'offusquant que je veuille « n'importe quel job », et fais un « oui » de la tête, ramené à maintenant et à l'angoisse qui s'y rapporte.

En la suivant je fais le point, le bateau et mon renvoi je peux lui raconter ? Ça ne porte pas à conséquence et ça pourrait répondre à sa curiosité... Avant... De toute manière « avant » je ne me souviens pas !  Juste quelques impressions, des voix, des visages incomplets, et l'enquête... Mais rien ne prouve que les enquêteurs ne faisaient pas fausse route !? Je regarde le sac à provision posé sur le comptoir de la cuisine et souris.

- Je vais t'aider.  

Comment ? Je sais cuisiner moi ? Mais j'ai faim, je dois au moins être utile pour mériter ma pitance non ?


-------
(*)  Frédéric Beigbeder Un roman français (2009)





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