Malgré ta hargne pour qu'il te lâche avant l'arrivée à l'infirmerie, il ne le fait pas. Et tu ne comprends pas pourquoi il t'y emmène quand même. Enfin si, tu te doutes, il veut t'humilier un peu plus, te rappeler toujours qu'il est supérieur à toi, en tout. Sauf en humilité et gentillesse, mais ça... Tu retiens un soupire, tu sais pas ce qui risque d'être le pire, s'il te voit te relâcher ou si tu ne lâches rien.

L'infirmerie est vide. Il te lâche. Tu respires.

- Allez, rejette la faute sur moi, comme si c'était pas toi le problème.

Les mots sont un mince filet, qui sortent comme un murmure de ta bouche, t'espères qu'il entendra pas distinctement tes grognements, parce que sinon il risque de ne pas te lâcher. Parfois, tu crois que t'es plus mature que cet imbécile, mais en réalité, t'es aussi con que lui. Et vous êtes des ados de 16 ans aussi, c'est normal d'agir comme tels.

- Youpi, j'ai hâte.

Cette fois-ci, le sarcasme est si clair que t'as peur qu'il fasse demi-tour, mais non, la porte se calque et il ne t'a pas entendu. Tu t'allonges dans un lit et toute ta tension te quitte. Bordel de merde, t'es pas prêt à être un foutu Oméga. Pitié, que lors de ta transformation tu sois un bêta !

Comme tes frères, dont l'un a toutes les caractéristiques des alphas mais il ne prendra pas la place de votre père tout de suite. Non, vous avez encore du temps. Theo par contre, est du genre à faire un coup de douce pour retourner le pouvoir. Bon sang, t'as presque hâte qu'il le fasse, parce qu'il va se prendre une de ces raclées ! Son père est l'un des alpha les plus violents et fort physiquement, ce n'est un secret pour personne.

Allongé sur ton lit d'infirmerie, tu ne perds pas trop de temps non plus. Tu recopies de tête ton devoir de math, réarrange tes cours pour qu'ils aient pas l'impressions d'être passé dans une machine à laver et puis ... tu t'endors.

C'est le cri de l'infirmière qui te réveille quinze minutes plus tard, quand elle revient en panique et qu'elle voit du sang sur ses draps. Tu as presque envie de rire au vu de sa tête affolée, même si tu seras plus fort et plus endurant aux coups quand tes transformations en loup seront possible, tu es tout de même déjà plus fort que la normal et certains humains ne savent toujours pas la vérité. Tu la laisses s'occuper de toi avant d'aller en cours.


Deux semaines plus tard, il y a une sortie au cinéma à laquelle tu ne peux pas échapper. Enfin si, tu pourrais potentiellement te faire porter malade, mais il y a cette fille. C'est pas ta copine - et elle ne le sera jamais - sauf que tu as dû te choisir une crush au début de tes années lycée, c'était un mécanisme de défense peut être, mais en tout cas, tout le monde - du moins ceux qui sont au courant de ton existence - sait que t'es en crush sur elle depuis le collège. Et tu sais que tu dois tenir le rôle parce que tu ne veux pas que la vérité éclate un jour.

Alors tu vas au cinéma. Et tu es si obsédé par cette idée de rôle à jouer que tu oublies le risque le plus gros : Theo Kesler aussi sera au cinéma.

 
Tu fusille Nath du regard lorsqu’il ose encore te répondre. Un jour, tu feras bouffer ses crocs à ce petit con... Mais pas tout de suite...

Les jours suivant cette altercation, tu ignores totalement l’Omega. Tu t’es bien pris une raclée par ton père et tu as dû lui jurer de ne plus approcher le fils Grey. Ce à quoi tu ne t’attendais pas, c’est que ce soit si... difficile... Devoir garder le regard détourner en passant à côté de lui, faire comme s’il n’existait pas... Cela te demandait une énergie folle, et du coup ça te mettait encore plus en rogne...

Heureusement, un évènement de taille te change rapidement les idées : ta première métamorphose. Le jour de tes seize ans, une grande fête est organisée à la maison mère, peu importe que ça tombe en pleine semaine. Au milieu de la nuit, ton père t’entraine en forêt où tu te transforme une première fois. La douleur est insupportable, mais ton père t'oblige à réétirer l’expérience plusieurs fois, jusqu’à ce que tu ne hurle plus... Puis, il se transforme à son tour et t‘emmène jusqu’au petit matin pour t’apprendre à être un vrai loup.

Tu as dormi pendant deux jours après ça... et est revenu à l’école le lundi matin plus fier et arrogant que jamais : tu étais enfin un vrai Alpha !

***

Une sortie ciné est prévue pour votre classe. Tu n’as toujours pas rapproché Nath, mais cette sortie te semble une opportunité parfaite pour te rappeler à lui sans risquer de te faire prendre. Ton loup grogne à cette idée, mais pas vraiment un grognement de haine, plutôt... un grognement réticent...

Tu l’ignores pourtant, trop heureux d’enfin pouvoir te venger. Tes comparses et toi avez pu faire payer la balance qui vous avait vendu au prof, mais Nath, lui, n’as pas encore eu la raclée que tu lui a promis...

Une bonne partie de la salle de ciné à été réservée pour vous, mais tu t’arrange pour te placer derrière Nath, qui passe son temps à relooker une fille... Ton loup gronde de nouveau, mais toi tu ricanes et murmure quelques mots à l’un de tes potes avant de te pencher vers Grey.

"Elle est trop bien pour toi, l’Omega."

Tu te figes un instant, puis te recules vivement. Depuis ta transformation, tes sens sont beaucoup plus aiguisés, notamment ton odorat et, là, tu es soudain perturbé par une odeur en particulier. Ce n’est pas celle du pop-corn ou des sodas, non, c’est quelque chose de plus... doux...

Ne voulant pas identifier plus en détail cette odeur ni d’où elle vient, tu te lèves d’un bon. Vous avez encore quelques minutes avant le début du film. Tu fais un signe à tes comparses puis t’adresses à Nath.

"Mon p’tit Nath, tu ne vas pas laisser cette demoiselle sans rien à manger ni à boire, quand même ? Ce ne serait pas très galant de ta part.…"  

Tu affiches ton plus beau sourire à la fille à côté de Nath, celle qu’il ne lâche pas des yeux depuis le début de la journée.

"Si tu ne lui offre rien, je m’en charge volontiers."

Sans lui laisser le temps de répondre, tu te diriges vers la sortie de la salle. Tu sais qu’il va te suivre, pour faire bonne figure. Et cette fois, tu comptes bien lui faire face seul.

Une semaine sans voir Theo, mais quel BONHEUR. Au début, il te regardait de loin, trèèès loin, avec ses affreux - tu mens - yeux noirs qui te fusillait parfois sur place, mais même pas tous les jours, puis après il a subitement disparu. Le vendredi matin, tu as ouvert la porte du lycée avec soulagement, parce que tu savais que rien n'allait t'arriver, en une semaine déjà, tu avais pris la confiance. Pas de Theo, pas d'emmerde.

Le soir venu, quand tu as appris la raison de son absence, t'es allé te cacher pour vomir. Merde, merde merde. Son anniversaire, ses seize ans, sa transformation. Toi t'es pas loin, mais il te reste quelques mois. Et maintenant t'es certain que durant ces quelques mois, tu vas douiller.

Alors pourquoi es-tu allé à cette soirée ? Sûrement l'excédant de confiance de la semaine passée, ou la connerie, ou le fichu destin. T'en sais rien et t'es pas sûr de vouloir savoir.

Surtout quand il s'assied derrière toi. Putain. Le grand Theo Kesler, LE populaire de l'école, le chieur pas possible qui n'en rate pas une... s'assied derrière toi. Et te parle. Tu te figes. Ton coeur bat à tout rompre. C'est de la peur, n'est-ce pas ?

Tu ne réponds rien à sa provocation, mais la deuxième par contre... Tu ne peux rien faire, déjà t'as aucune répartie qui te sort des lèvres, c'est plus facile quand vous êtes seuls, quand tu peux dire la vérité - qu'il sera un alpha déplorable - mais là, vous êtes entouré, cette meuf ne fait partie d'aucune des deux meutes, sa famille est nouvelle en ville et elle est riche. Cela intéresse forcément vos meutes ennemies qui ont bien besoin d'argent pour se divertir - et payer grassement ceux qui doivent fermer les yeux. Tu te relèves d'un bond.

Tu rougis, évites le regard de la fille et sors en trombe.
Tu l'aurais parié : il te suit.
Tu vas payer pour la semaine dernière.

Tu cours vers l'entrée, là où tu seras en sécurité un cours instant, mais c'est une bêtise, parce qu'après, tu seras bien obligé de revenir dans la salle de cinéma et qu'il te bloquera la route. Et pire, tu auras les pop-corn en main. Tu lui as même pas demandé si elle préférait sucré ou salé. Ni ce qu'elle voulait boire. Merde, t'es un fichu imbécile.

Le gars qui vend la nourriture te regarde et tu demandes un paquet de bonbon, des pops-corn sucré et un coca. Tu as paniqué. Et les sous que tu dépenses ici sortent de ta réserve pour t'acheter ces baskets qui te font envie depuis six mois. T'es dégoûté. Tu le détestes.

Evidemment, il t'attendait, dans l'ombre, il a pas bougé, il va te sauter dessus, te cracher dessus, te rouer de coups. Tout est possible. Tu attaques le premier - plus avec témérité que courage.

- Félicitations ta voix est si glaciale que ça ne ressemble en rien à des félicitations. Je continue de penser que tu seras un alpha de merde.

Nath te fuis, et tu jubiles. Tu attends qu’il fasse ses petits achats, patiemment, tout en repérant un peu les lieux. Vous êtes trop exposé ici. Tu repères une porte sur laquelle il est marqué “Résevé au personnel”. L’odeur qui s’en dégage indique un locale de nettoyage. Parfait.

Lorsque l’Omega revient vers toi, tu te redresses du mu sur lequel tu étais nonchalamment appuyé. Il te félicite faussement en enchainant avec des insultes qui te passe largement au-dessus de la tête. Ton sourire n’a rien de rassurant.

Une lueur rouge illumine tes yeux alors que tu t’approches de lui. Tu lui prends ses achats des mains (tu ne voudrais pas revenir les mains vide auprès de la fille), les dépose contre le mur, tout ça avec lenteur et en silence. Lorsque tu lui fais à nouveau face, tu montres les crocs.

"J'espère que tu n’as pas oublié ma promesse, mon p’tit Nath."  

Tu l’attrapes alors vivement par le poignet et l’entraines rapidement et sans ménagement vers le locale privé. Tu le pousse à l’intérieur et referme la porte derrière toi. Tu ne peux pas te transformer complètement ici, le lieu est trop exigu, et surtout trop exposé, mais tu n’en as pas besoin pour faire peur à l’Omega.  

"Tes insultes sont aussi piètres que toi, l’Omega. Mais il est temps que tu apprennes à tenir ta langue en la présence d’un Alpha, peu importe ce que tu penses de lui."  

Tes yeux brillent dans la pénombre de la pièce à peine éclairée par un petit hublot proche du plafond, qui ressemble plus à une aération qu’à une fenêtre. Tu sors les griffes et grogne. Mais au moment où tu t’apprête à frapper, ton loup te retient, grognant plus fort au fond de tes tripes. Incapable de lever la main, tu ne comprends pas ce qui se passe. Pourquoi ne te laisse-t-il pas faire ? Qu’est-ce qui le retiens, exactement ?

L’odeur se fait alors à nouveau sentir, plus forte que les produits de nettoyage et que la peur qui se dégage de Nath. Tu recules contre la porte, griffes et crocs rentrés mais la lueur rouge toujours présente dans tes yeux.

Merde, c’est quoi ça ? Fichu loup ! Il a te falloir du temps pour le dresser, mais tu finiras bien par te faire obéir un jour. En attendant, tu ne peux décemment pas en rester là avec Grey. La lueur s’éteins, tu serres les pings puis lui balance un coup dans l’estomac, sans prévenir.

"En fait, tu ne mérites même pas que je me transforme pour toi..."  

Ou comment sauver la face...  

Tu as entendu parler de l'odorat sur développé des loups, mais tu es incapable de rester serein et là, tout de suite, t'es certain qu'il se délecte de l'odeur de ta peur. Parce que ses fichus yeux brillent dans le noir, parce qu'ils sont rouge, parce qu'il est vraiment un alpha parce que tu vas crever là. Il en est capable. Putain de merde.

Lentement, tu te forces à remplir tes poumons. Ses mots t'atteignent en plein coeur, mais tu les mets de côté. Il faut que tu te calmes. Tu inspires, tu expires, tu ne réponds pas. C'est plus sûr. Il va finir par se lasser, ses yeux vont cesser de briller, ses griffes vont se rétracter..

Et son poing s'enfonce dans ton ventre. Pendant un instant - celui où tu douilles sa mère parce que t'as le souffle coupé - tu paniques, puis tu comprends que ça n'a pas de sens. Il n'a pas utilisé ses griffes contre toi ? Il ne s'est pas transformé ? Intégralement, l'espace est trop restreint, mais... Tu soupires de soulagement, un coup dans le ventre, c'est rien que tu ne puisses pas supporter.

Quand il répond, tu ne peux pas t'empêcher de sourire.

- C'est tout ?

Evidemment que tu le taquines, que tu le repousses dans ses retranchements. Et il le sait. Vous êtes pareils tous les deux, bon toi un peu plus masochiste que l'autre, mais votre haine mutuelle vous pousse à faire les mêmes conneries.

Et puis, tu sais qu'il ne peut pas te faire trop mal, si tu as des griffures, ce sera de la faute d'un animal, à part les loups personne n'en saura rien. Si tu sors de là et revient au cinéma l'arcade ouverte, tout le monde saura que c'est Theo. Et peut être que... il s'en tirera à mauvais compte. Alors tu te provoques, pour qu'il fasse une connerie, peut être celle de trop qui mettra son père dans une colère si noire que...

La tête relevée, tu le regardes droit dans les yeux et, un sourire aux lèvres, tu reprends.

- P'être bien qu't'es faible après tout, pas un vrai alpha.

Rien ne pouvait moins l'atteindre et toi, tu joues la nonchalance. Il va te buter.

Tu vois rouge, littéralement. D'un geste vif, sans prévenir, tu l'attrapes à la gorge et le pousse contre une étagère d'où tombe une série d'ustensiles et de produits. Tu enfonces tes ongles dans sa chair. Il te suffirait d'un rien pour lui arracher la gorge, tu as juste à sortir tes griffes.
Les jeunes loups sont impulsifs, il devrait le savoir... Il devrait s'estimer chanceux du peu de contrôle dont tu fais preuve, pour ne pas dire que ton loup te contrôle...
Le visage proche du sien, l'odeur t'assaille de nouveau, mais au lieu de reculer, tu resserres ta prise. Si tu le tue, tu le paieras très cher...
Les yeux à nouveau brillants, tu grondes. Il a insulté ton loup, et même si celui-ci est réticent à tes actes, il ne compte pas laisser passer ça.

"Tes tendances suicidaire m'étonneront toujours, Nath. Je ne savais pas les Omegas si peu enclins à accepter leur sort..."  

Tu sens son pouls sous ses doigts qui faibli peu à peu. Tu fini par desserrer ta prise et t'ecarter de lui, le regard toujours brillant de haine. Car ça ne peut être que ça, n'est ce pas ? Une haine inexpliquée et profonde...
Tu sors à nouveau les griffes, mais est toujours incapable de t'en servir contre lui. Tu grogne de frustration. Bordel !  

"T'as encore quelque chose à ajouter ou tu tiens quand même un peu à la vie ?"  

Tes ongles ont marqués son cou... Heureusement pour vous, le film a dû commencer, s'il ose revenir dans la salle personne ne le verra, pas tout de suite du moins. Tu veux quitter les lieux, récupérer les friandises pour les offrir à la fille, mais tu ne bouges pourtant pas. Tu fixes Nath en attendant de voir s'il va te répondre ou non. S' il répond, cela te donnera une excuse pour lui balancer un nouveau coup, mais bizarrement, tu espères qu'il ne le fera pas... Ou du moins, ton loup l'espère...

A peine sortis de tes lèvres, tu regrettes tes mots. Tu aurais vraiment mieux du te taire, pourtant t'es impressionné par ses capacités, parce que si son visage baigne d'une affreuse lueur rouge, il se contrôle. T'es certain que toi, il te faudra au moins deux semaines avant de faire pareil. Fichu Kesler et ses facilités. Il arrive même à être correct comme connard de loup...

Quand il t'attrape par le cou, quand ses doigts se serrent sur ta gorge, quand son souffle est si proche du tien, tu manques de perdre conscience. Tu détestes ce sentiment de faiblesse qui te parcourt, cette incapacité à lui répondre, à réagir. Il te tient à sa merci et là, tu joues ta vie. Alors tu te tais. Tu te bats pour vivre, mais ça se passe à l'intérieur de toi, pas un mot ne franchi tes lèvres.

Le goût de l'air frais qui traverse ta gorge et entendre ton coeur se remettre en marche te fait un bien fou, mais putain, t'as eu peur, si peur. Pendant un instant, tu t'es dit que t'étais allé trop loin. Et, il se peut que ce soit la vérité et que tout ça te dépasse. Pourquoi ne t'a-t-il pas tué ? Bien sûr qu'il en aurait été capable et que ses putains d'engueulade avec son paternel n'auraient pas suffit. Ce n'est pas ça qui l'a retenu et tu n'as aucune idée de ce qui a pu empêcher sa main de serrer plus fort.

- Merci, murmures-tu de mauvaise grâce mais conscient que malgré tout, il tenait ta vie entre ses doigts.

Tu profites de tes poumons, admirant leur utilité. Décidément, on ne se rend pas compte de l'importance des choses avant de les perdre. Et tu prends ton souffle pour continuer à parler, mais cette fois-ci, pas de nonchalance, pas de regard fier. Tu évites d'ailleurs de poser tes yeux dans les siens et le rouge sur tes joues n'est sûrement pas dû qu'à la chaleur de la pièce, plutôt à la honte d'avoir failli en rester là, idiotement.

- J'ai plus rien à dire non. T'as gagné.

Comme tout bon être inférieur à un alpha, tu t'écrases. Tu n'es pas encore loup toi-même, mais tu connais tous les codes. Tu sais que tes oreilles se seraient abaissées, que ta queue serait rentrée entre tes pattes. Tu baisses la tête et tu attends la sentence. Vous n'êtes pas de la même meute, mais là, il vient d'asseoir son pouvoir sur toi.

 
Nath garde le silence jusqu’à ce que tu le relâche. Là, il te remercie alors. Oooh ce n’est pas à toi qu’il doit dire merci, mais à ton père, et surtout à ton crétin de loup... Celui-ci grogne d’ailleurs face à l’insulte, mais tu l’ignores royalement.  

A ta question, il s’écrase enfin. Tu affiches alors un sourire satisfait, la lueur rouge s’éteignant dans tes yeux.

"Bien. N’oublie jamais ce moment, l’Omega. Tu as eu de la chance cette fois, mais si je dois te rappeler à l’ordre, je ne serai pas si clément."  

Tu tournes les talons et quitte la pièce sans un mot de plus. Ton sourire s’efface pour laisser place à une colère froide envers ton loup, qui grogne méchamment au fond de toi en réponse. Tu jettes un œil au pop-corn et au reste que tu avais laissé contre le mur puis te dirige vers la sortie. Tant pis pour le film, et pour la fille. Là tout de suite, tu as besoin de te défouler.

****
Au fur et à mesure du temps, tu apprends à identifier les gens par les odeurs qui les caractérises. De ce fait, tu as compris d’où provient celle qui te perturbe depuis ta première transformation, une odeur... d’assouplissant.
Tu ne sais pas trop comment définir ça autrement... C’est doux, réconfortant, une odeur... calme et apaisante... Qui pourtant te hérisse le poil à chaque fois que tu la sens, car cette odeur si agréable provient de nul autre que... Nath...

Ce putain d’Omega sent bon ! Ça te tue bordel !  

Guidé par ton père, tu contrôles de mieux en mieux ton loup, sauf quand tu as des envies de meurtres sur Nath. Là, ton loup prend le contrôle et t’empêche toute action violente envers l’Omega. Tu ne peux même pas te transformer complètement, et ça te met en rage. Entre ça et le fait de toujours être sous surveillance depuis l’affaire des toilettes, autant dire que tu lui as bien foutu la paix, depuis le ciné.

De toute façon, cette fois-là, tu lui as bien fait comprendre qui était l’Alpha. Et c’est ainsi que tu fais passer le fait de ne plus l’approcher auprès de tes potes : tant qu’il retient sa leçon, pas besoin de le faire chier, et de risquer des remontrances de ton père.

Mais qu’il ose seulement te regarder de travers une fois, qu’il ose oublier le fait que tu lui as laissé la vie sauve, et là il n’aura pas de seconde chance, loup ou pas loup...

Tu ne sais pas combien de temps tu es resté dans cette pièce. La seule chose que tu sais, c'est combien tu as eu peur, combien tu as été faible. Tu étais réellement à sa merci, tu as failli mourir et tu ne l'as compris qu'après coup. C'est fini les remarques mesquines, les répliques, tu ne lui répondras plus. Tu n'es qu'un putain d'omega, faible, né pour supporter les coups en silence. Les larmes qui ont suivi cette révélation n'ont pas été libératrice, tu as pleuré sur celui que tu croyais pouvoir devenir, celui que tu ne serais jamais.

Tu ne sais pas par quel miracle, tu as fini par sortir de là, ni pourquoi les pop-corn étaient toujours au même endroit. Tu n'es pas allé voir si le film était terminé, tu as pris ce que tu as acheté et tu es allé te cacher dans une autre salle. Tu n'as pas regardé le film qui s'y déroulait, tu n'as fait que manger en silence. Que les deux films finissent à peu près à la même heure a été une coïncidence malvenue. Tu as ri sans rire en disant.

- Mince, dans le noir, je me suis trompé de salle et j'ai pas osé revenir.

Tu ne sais pas si on t'a cru, tu t'en fiches. Tu n'as même pas regardé la fille, ni les potes de Théo. T'as juste été choqué qu'il ne soit pas là, à fanfaronner. C'est pas que l'a cherché du regard, c'est que lorsqu'il est là, personne ne le rate. Theo est un putain de gros con, mais il est charismatique et attire tous les regards. Tu t'enfuis donc, pour la deuxième fois de la soirée, et tu rentres chez toi.

La semaine s'est très bien passé. Tu n'as pas regardé Théo une seule fois, il ne t'a pas interpelé, bloqué, humilié... Oui, votre relation est bien équilibré..... La semaine suivante est similaire et, peu à peu, tu relâches la pression. Tu évites toujours de te retrouver dans la même pièce que lui, tu baisses le regard si tu l'entends arriver - car oui, Théo est le roi de l'école, il a toute une troupe autour de lui, on l'entend toujours arriver de loin - et tu te fais petit.

En réalité, tu ne sais pas ce qui te fait le plus peur. Tes seize ans arrivent bientôt, ta transformation va suivre et... peut être que tu préfères rester dans le déni. Devenir officiellement un omega empêchera tous tes rêves les plus fous de se réaliser.

Seulement le temps se fiche de tes pensées et les jours se transforment en secondes ne te laissant pas de répit. Le Jour J, tu te réveilles, en sueur, pleurant toutes les larmes de ton corps, ne comprenant pas les changements, luttant comme un forcené pour ne pas le faire sortir. Vous êtes peu nombreux à avoir si peur de la transformation que vous la repoussez. Ta mère est là, elle t'encourage avec toute la force de son amour, ton père hurle que tu fais honte à la famille, ton frère aîné se moque de toi, mais ton deuxième frère, lui, trouve les mots pour traverser ta carapace. Il te parle, et tu l'entends, contrairement à tout le reste. Tu te perds dans sa voix et tu oublies la honte qui t'empêche de sortir de ta coquille.

Quand le loup est là, tu perds connaissance, l'effort fourni t'a empêché d'en profiter, mais c'est un premier pas. Le plus dur. Le reste de la semaine est dans le flou, tu n'oses pas te montrer à l'école, tu as peur. Alors tu restes au sein de la meute, tu apprends, tu découvres ton odorat, tu découvres ta fourrure, tu apprends les bases et étrangement, tu n'as pas beaucoup de mal à te transformer, une fois que tu as compris le truc, tu y arrives. C'est exténuant, mais tu préfères la vie quand tu es loup, sous cette forme, tu es plus fort que tu ne l'as jamais été, tu es endurant, tes muscles se développent et tu peux courir des heures. Tu entends tout, malheureusement, mais dans ta meute, il n'y a pas de petit con comme Theo, puis même si tu es définitivement un Oméga, tu restes le troisième fils du chef. Tu n'es pas moqué, humilié, et pour peu tu te sentirais bien. Au sein de ta famille, tu te sens mieux.

Au bout de trois semaines, on t'oblige à retourner au lycée. Tu préférais travailler avec ton frère, celui qui tient un garage et qui t'aidait à faire tes devoirs en échange de ton temps. La vie te semblait plus belle, mais bien sûr, tout a une fin. Et il va te falloir affronter Theo Kresler un jour.

Alors, ce jour-là, trois semaines après tes seize ans, tu pousses la porte d'entrée du lycée et tu te tiens bien droit en marchant dans les couloirs. Tu sais que des rumeurs ont circulé sur ton absence, les gens penchent pour la mononucléose, la maladie du baiser et cherchent à savoir qui aurait voulu sortir avec toi. Tu vois les regards moqueurs, jugeur de ces gamins qui n'ont aucune conscience de vivre au milieu de deux meutes de loup-garou et, si tu n'étais pas aussi stressé, tu sourirais de leur naïveté. Seulement, il arrive.

Tu veux courir vers le couloir le plus proche, mais tu n'es pas assez rapide et, pour la première fois et un mois et demi, vos pupilles se croisent. Tu ne comprends pas ce que tu lis dans le regard de Theo, mais maintenant, tu as pris confiance en toi. Alors, tu lui souris. Avant de tourner les talons. C'est une provocation, tu n'as pas tenu la promesse que tu t'étais faite à toi-même.

Nath se fait petit, tranquille. La routine reprend sans plus d’incident et le temps passe sans que ton piédestal ne soit mis en danger. Tu ignores l’Omega autant que tu peux, pestant sur ton putain de loup qui réagit à chaque fois qu’il se trouve à proximité. Tu n’arrives pas à comprendre pourquoi, et il est hors de question que tu en parle à qui que ce soit, même pas à ta mère. Mais plus ça va, et plus cela te rend hargneux. Tu te bats contre une partie de toi-même sans vraiment t’en rendre compte, et cela se ressent dans ton comportement. Tu es plus violent sur le terrain, plus sec et cassant dans tes paroles... tu t’en prends à n’importe qui pour un oui ou pour un non. En bref, tu es plus con que jamais. Et quand tu te prends des remarques sur ton comportement, la seule réflexion qui te vient est : “C’est de la faute de ce p’tit con d’Omega ! Et de mon crétin de loup...”
Evidement, de nouveau, jamais tu n’iras dire ça de vive voix. A la place, tu réponds avec ton arrogance habituelle, récoltant retenues, punitions et avertissements presque quotidiennement. Tu déconnes grave...

Tes seuls moments de paix sont ceux où tu vas courir en forêt, sous ta forme de loup, avec ou sans la meute. Les transformations sont de moins en moins douloureuses, de plus en plus faciles et rapides. Si tu pouvais rester en loup H24, tu le ferais... Parce que t’aime bien ça, quand le loup ne te fait pas chier à aller contre ta volonté, ce qui n’arrive plus qu’en présence de Nath...

Du coup, ça t’arrange qu’il fasse profil bas. Sauf que ça ne peut pas durer, évidement...

Les seize ans du dernier fils Grey arrivent. Tes parents en parlent, ça les inquiètes apparemment. Si les deux meutes sont “en paix”, le fait que l’Alpha Grey ait trois fils pour reprendre sa suite à de quoi se faire se poser des questions sur l’avenir.  

Tu sais qu’ils s’inquiètent pour toi aussi, et du fait qu’il n’y ait que toi pour reprendre le flambeau plus tard. Tu grince des dents quand tu entends ça.  Ils peuvent bien être trois en face, s’ils cherchent les problèmes tu leur feras vite comprendre qui est le vrai chef dans cette ville. D’autant qu’il y un Omega dans le lot, et que tu as déjà assis ton autorité sur lui, peu importe qu’il soit de ta meute ou non.

Non, vraiment, tes parents ne devraient pas s’inquiéter. Nath est faible, et il le sera toujours, loup ou pas. Il faut d’ailleurs trois semaines pour revenir au lycée après son anniversaire. Trois semaines de soulagement pour toi car tu n’as pas dû lutter contre ton loup, comme à chaque que tu flaires son odeur. Odeur que tu espérais ne plus sentir de ci-tôt. Tu te disais qu’il n’avait peut-être pas supporté sa transformation, que quelque chose c’était mal passé. Si cette idée te réjouissait, ton loup y réagissait par contre très mal...Aussi, lorsque l’odeur d’assouplissant réapparait dans le couloir un lundi matin, tu manques presque de lâcher un grondement de surprise et de... soulagement. Tu fermes violement la porte de ton casier et cherches du regard la source de cette fichue réaction. Il est revenu...

Refoulant le loup au plus profond de toi, tu te diriges vers Nath en laissant tes affaires là. Les autres murmurent, les yeux rieurs de la potentielle raison de l’absence de l’Omega. Rumeur que tu as peut-être lancée, d’ailleurs. Il faut bien une petite piqure de rappel de temps en temps, tout de même...

Tu t’attends à ce qu’il fuit, mais non... Vous vous faites face une seconde. Vos regards se croisent et tu dois serrer les dents pour empêcher ton crétin de loup de grogner. D'un parce que tu ne peux pas te trahir en plein lycée, et de deux parce que ce ne serait clairement pas un grognement menaçant...

Pourtant, lorsque Nath te souris avant de tourner les talons, c’est bien un grondement menaçant qui manque de franchir tes lèvres alors que tu remballes à nouveau le loup. Ok, ce p’tit con se croit plus fort parce qu’il est enfin devenu un gentil petit loup. Un sourire en coin apparait brièvement sur tes lèvres. Tu l’avais prévenu...

D’un sifflement, tu appelles deux de tes acolytes avant de suivre Nath. Tu passes à côté de lui en faisant abstraction de son odeur alors que les deux autres restent derrière, lui bloquant ainsi toute possibilité de fuite. Tu te retournes alors pour lui faire face à nouveau, bras croisés sur ta poitrine.  

"Ben qui revoilà ?! On commençait à s’inquiéter dit donc. Je vois qu’on s’est bien reposé et qu’on à.… repris du poil de la bête."

Tu affiches un grand sourire, mais ton regard est on ne peut plus sérieux. Tu ne peux rien faire au milieu des élèves, plus maintenant...

"J'espère que tu n’as pas trop oublié tes leçons pendant que tu roupillais. Ce sera con de devoir subir un petit rattrapage..."

La menace est à peine voilée. Tu le sens différents, tu le vois aussi... Il est bel et bien un Omega, mais quelque chose à pourtant changé... Il se tiens plus droit, tu sens moins la peur aussi...

Monsieur pense que sa première transformation à tout changer... Il va donc falloir lui prouver que non... que ton abrutit de loup le veuille ou pas...