Le sourire est à peine dessiné sur tes lèvres que tu le regrettes déjà. Tu fuis dans la première salle venue, mais évidemment, Théo est resté Théo. Il ne t'a fallu que trois semaines d'absence pour oublier qui il est ? Tu es terriblement idiot, tu t'en veux. Tu calmes ta respiration, te tient plus droit et t'apprêtes à lui faire face. Parce qu'il est là derrière toi. Fichue oreille sensible, tu as tout entendu : de son sifflement à ses pas. Fichu odorat développé, tu n'oublieras plus jamais son odeur - odeur à laquelle tu refuses de penser pour l'analyser. Fichus réflexe de loup, alors que t'as envie de montrer les crocs et grogner, ton loup te veut calme et docile. C'est son rôle.

Et voilà qu'il reprend ses menaces. Sérieux. Il n'a vraiment donc rien appris depuis qu'il a rejoint la meute ? Il est toujours aussi con. Tu pensais que peut être il aurait pris du cerveau. Naaan, c'est trop demandé. Tu te retiens pourtant te lever les yeux au ciel, de l'asticoter comme tu l'as toujours fait, tu ne dois pas lui répondre, trop d'enjeux en découlerait. Pourtant, c'est bien ta partie préférée ça, lui répondre.

- Oh, merci de ta solicitude.

La main sur le coeur, tu fais mine d'être touché par ses mots, comme si ce n'était pas une menace qu'il proférait mais bien un soutien. Ça va le rendre fou, tu adores un peu trop ça, mais en même temps, ce n'est pas trop vilain, il ne risque pas non plus de sortir de ses gongs.

- Ce serait con en effet, commences-tu en te frottant le menton à la recherche d'une idée mais ne t'inquiète pas pour mon cerveau, j'ai bieeen retenu les leçons. Par contre, ce que je vois, c'est que tu ne peux pas te passer de moi. Sitôt mon retour, tu me sautes dessus...

Et voilà, t'as pas résisté. Tu inspires doucement, il te fait sortir de tes gongs, c'est plus fort que toi. Malgré ton loup qui aspire au calme, qui espère te faire faire tête basse, tu ne résistes pas. Ce gars te tend. Theo te rend fou. Il te fait perdre la tête, il te fait oublier tes bonnes résolutions, en fait, il a vraiment besoin de te rappeler qu'il est un connard pour que tu t'en souviennes. La dernière fois, t'as failli y laisser ta peau. Cette fois-ci, ce sera différent, en temps que loup, t'es plus fort qu'en temps qu'homme, mais vous ne pouvez pas vous transformer ici, dans l'enceinte de l'établissement.

Tu tends les deux mains vers l'avant, en signe de reddition. A l'intérieur, ton loup baisse les oreilles et la queue.

- Je sais, tu vas me faire ma fête, mais on pourrait pas conclure une trêve au lycée ? Je t'ai fait quoi là ? Je t'ai regardé en arrivant et déjà je manque de me faire buter ? Je peux pas t'ignorer ok ? T'es l'roi ici et tu le sais bien, t'es partout, tes sbires sont partout, on a plusieurs cours en commun. Tu veux pas juste, me laisser sur le côté et régler nos problèmes de meutes quand ... on est une meute ??

T'es lassé, saoulé, tu sais qu'il va pas accepter, mais au moins t'as tenté.

Il se coince tout seul, l’abrutit. Et sa réaction confirme qu’il faut lui rappeler qui est le boss ici. Ton sourire s’efface lorsqu’il te répond. Sa remarque sur le fait que tu ne sais plus te passer de lui te fait particulièrement tiquer. Toi, tu te passes très bien de lui. Ton loup par contre...

Non, tu ne dois pas penser à ton loup. Tu dois le garder bien cacher, l’empêcher de se manifester de quelque façon que ce soit. Tu dois garder la main pour pouvoir remettre ce petit con à sa juste place. Tes potes bloquant la porte de la salle vide, tu commences à tourner autour de Nath comme un prédateur autour de sa proie.  

"C’est parce que quelque chose me dit que “la maladie” t’as fait oublier quelques... détails... qu’il me semble important de te rappeler."  

Tu dois te retenir pour ne pas virer au rouge et sortir les griffes. Nath, lui, affiche clairement sa soumission. Son loup est conditionné au calme et à l’apaisement. Typique de l’Omega...

Tu laisses échapper un bref sourire lorsqu’il reprend en disant que tu vas lui faire sa fête. Tu t’arrêtes à nouveau en face de lui alors qu’il cherche malgré tout à éviter les coups. Tu te campe sur tes deux pieds, les mains jointes devant toi dans une position presque militaire. Tu fais mine de réfléchir une seconde, comme si tu prenais ses paroles en considération. En vrai, tu te concentres. Tu ignores autant son loup que le tiens, tu respires à peine... et tu serres un point alors que ton visage reste impassible, un sourire mauvais au coin des lèvres.

"S’il y a bien une chose qui m’insupporte avec les Omega, c’est qu’ils ne savent que blablater..."  

Tu le contourne de nouveau et vient poser tes mains sur ses épaules, l’agrippant avec force.  

"Le problème vois-tu, c’est pas le fait que tu m’ignores ou pas... Mais c’est ta putain de face bien trop satisfaite qui me donne envie de mordre..."

Tu serres un peu plus, enfonçant tes ongles dans ses vêtements.

"Il ne s'agit pas d'un problème de meute, Nath... Il s’agit juste de te faire comprendre ton infériorité. Tes répliques à la con et tes petits sourires confiants, garde les pour tes potes. Et si tu es obéissant et que tu te tiens bien face à moi, peut-être pourrons-nous en effet faire une “trêve” au lycée. Il ne tient qu’à toi de ne pas oublier ta dernière leçon..."

Tu remontes une main pour lui attraper la nuque alors que tu t’écartes un peu de lui. Le geste pourrait être affectueux, mais ici c’est loin d’être le cas. Il s’agit clairement d’un rappel du cinéma, de ce moment où tu aurais pu le tuer d’une simple pression. Tu laisses retomber ta main, le griffant légèrement au passage, l’air de rien.

"Tu l'as dit toi-même, je suis le roi ici. Ne m’oblige pas à te le rappeler, et tout ira bien entre nous. Me suis-je bien fait comprendre ?"

Tu lui fais à nouveau face, bras croisé sur ta poitrine, la tête haute. N’ayant pas fait acte de violence directe, ton loup n’a pas forcer pour réagir. Parfait. Tu seras donc calculateur plutôt que bagarreur. Tu ne savais même pas que tu en étais capable... Ce sang froid, cette violence contenue... Même tes potes n’en mènent pas large prêt de la porte. Ce n’est pas dans tes habitudes... et ça fait peur...

Un point pour lui. Il est trop futé, malgré toutes les fois où tu l'as traité - dans ta tête évidemment - de con, tu sais qu'il ne l'est pas. Théo n'est pas juste des muscles et une grande gueule, c'est sûrement ça le pire. Un Alpha ça doit avoir d'autres qualités et il les a forcément - même si elles sont bien caché touuuuut au fond de lui - sinon il ne se serait pas révélé être à la hauteur.

Et toi, là, au milieu de cette pièce, seul, entouré de Théo et ses deus sbires, tu ne fais pas le malin. Tu parles pour noyer le poisson, mais face à lui, tu ne gagneras jamais. C'est peut être ce qui te rend fou. Depuis des années tu le sais, ni par la douceur, ni par le chantage, ni par la violence. De toute manière, à part la douceur, tu n'as pas grand chose pour le faire marcher.

Son vocabulaire, choisi avec soin, te fait frissonner. Et quand il t'attrape les épaules, puis la nuque, tu manques de vomir. T'as envie de fuir, mais tu ne peux pas. Tu dois rester là, le regarder marquer son territoire, comme si tu n'étais qu'une putain de chaise dans le fond. Mais en réalité, tu ne lui appartiens pas, tu n'es pas de sa meute, quand est-ce qu'il va le comprendre ? Tu n'es pas là pour satisfaire ses caprices à lui, mais pour aider à apaiser les tensions chez ton père. Lentement, tu fermes les yeux et inspires. C'est là qu'il te griffes. Le gémissement de peur qui s'échappe de tes lèvres est incontrôlable, il va se foutre de ta gueule, c'est évident.

Alors, tu prends de l'énergie de l'autre côté, tu chasses le loup en toi pour piocher dans les moqueries de l'humain.

- Mes potes ? T'es sérieux ? Tu t'es arrangé depuis que j'ai mis les pieds dans l'école pour que j'en ai aucun. Je suis putain de seul, y a tes larbins partout pour me le rappeler. Tu veux quoi là ?

Tu regrettes instantanément tes mots, mais il t'a saoulé. Il te piège, il t'empêche de devenir la meilleure version de toi même et ensuite, il te le reproche ?

- Oui, ô grand roi, tu t'es bien fait comprendre. Je vais me taire et t'admirer en silence, tu pourras signer mon poster que je l'affiche dans ma chambre ?

Vraiment, Nath, t'es insupportable. Il va perdre patience, pourquoi t'arrives pas à écouter ce qu'on te dit depuis des années ? Il te rend fou et il n'est pas prêt de changer, c'est à toi de lâcher prise...

Plus tard. Une dernière fois tu lui tiens tête et promis, ensuite, tu te tais.

Tu te mens à toi-même, t'es certain de ne jamais arriver. Mais comment font les autres pour s'aplatir devant sa face de rat ? Ok, il n'a rien d'une face de rat, mais t'es en colère.

Tu sens sa peur, et tu jubile. Il peut bien essayer de paraître calme et confiant, tu sais qu'il ne l'ai pas. Tu sait également que tu agis mal, que tu n'as, en vrai, aucune autorité sur lui. S'il parle, t'es mort. Mais il ne parlera pas, tu en es certain... Il est bien trop froussard pour ça. Les représailles lui coûteraient bien trop cher. Car s'il parle, tu n'auras alors plus rien à perdre... Et donc plus besoin de te retenir...

Au moment où tu le lâche en le griffant, il ne peut retenir un gémissement. T'es potes ricanent, mais toi tu ne réagis pas. Parce que ton loup à gemi aussi en réaction, et que tu as du serrer les dents pour le retenir. Fichu loup. Il va falloir qu'il comprenne, lui aussi, qui est le chef...

Tu attends la réponse de Nath... Qui est une mauvaise réponse... Tu te tourne vers les deux autres qui sortent aussitôt pour surveiller l'extérieur. Il te reste très peu de temps avant la sonnerie. Mais l'Omega semble avoir des tendances masochistes qui t'empêchent d'en rester là. Il te nargue sans scrupule aucun, et s'en est trop. Vivement, tu lui attrape son t-shirt, lui fait un croche pied pour l'étaler au sol et le maintient à terre d'une main, un genoux lui bloquant le bassin également. Les yeux rouge, tu grognes en montrant les crocs.  

"Sérieusement Nath, tu veux que je te butte ? C'est pourtant pas compliqué de la fermer, si ? Je te retourne la question de savoir ce que tu veux mec, parce que tu frôle très sérieusement les limites là."  

Tu sens qu'il est plus fort que la dernière fois, mais tu restes plus fort que lui.
La sonnerie retentit et tu te relèves en faisant bien en sorte de t'appuyer sur lui pour lui faire mal. Tu gardes également un pied sur sa poitrine.

"Sauvé par le gong... "  

Tes potes entrent pour te signaler qu'il faut y aller. Tes yeux ont retrouver leur couleur, mais tu fixes toujours Nath avec rage, le dominant de toute ta hauteur.

"Tiens ta place, l'Omega, si tu veux pas  finir déchiqueté dans un coin."

Cette fois encore, tu n'as pas pu agir autant que tu le voulais. Tu n'as pas pu sortir tes griffes pour les lui enfoncer dans la chair. L'idée de le marquer de la sorte à beau être complètement débile, elle t'aurait pourtant fortement satisfait. Il n'est pas de ta meute, mais qu'importe. Bientôt, il n'y aura plus qu'une seule meute... La tienne. Voilà ce que tu veux... Ou ce que tu penses vouloir...

Tu lui indique la porte d'un signe de tête.

"Dehors ! Je veux pas qu'on te trouve la gueule à terre et que ça se retourne contre moi, alors grouilles toi."

Tu te recules pour le laisser se relever. Ce type te pousse à bout, un jour tu feras la connerie de trop et on dirait que c'est tout ce qu'il attend... Heureusement que ton loup veille, au final...

La colère, la rage qui te traverse te fait prendre les mauvaises décisions, merde, on est tous des comédiens mis en scènes et pourtant tu ne tiens pas bien ton rôle. Il faut que tu fasses plus attention.

Tu repères son coup d'oeil, tu remarques les deux larbins sortir de la pièce, tu vois les yeux de Théo devenir rouge et tu restes là. Idiot. Impossible de bouger, il te menace, toujours des mots, mais comme toujours, ils sont accompagnés de règlements de comptes physiques. Tu inspires et tu tombes. Il t'a bien eu, t'as cru à sa feinte avec son bras et sa jambe t'a ramassé facilement. Il t'écrase, sa voix est pleine de rage et ses yeux, bon sang, ce sont les pires. Tu avales avec douleur ta salive, tu ne donnes pas cher de ta peau.

La sonnerie sonne, mais pendant un instant, tu crois qu'il s'en fiche, qu'il va aller jusqu'au bout, que ses griffes vont s'enfoncer dans ton corps, qu'il va te détruire les lèvres, histoire que tu ne puisses plus jamais parler. Ou ton larynx peut être, mais pour ça, faudrait qu'il ait des connaissances en biologie. Pourtant, tu ne peux même plus rire.

- P't'être que j'veux mourir.

Les mots sont sortis de tes lèvres, et ils n'ont pas le ton sarcastique habituel, ils sont si vrais, si violemment empreints de vérités qu'ils te font peur. Tu ne l'avais jamais admis à voix haute, tu ne l'avais jamais reconnu, mais tu sais que c'est vrai. Peut être bien que tu en as marre de ce monde, de cette meute où tu détestes ta place, de ce lycée qui ne t'apporte rien sinon peur et angoisse. Tu aimes être un loup, mais le bonheur que ça t'apporte est trop récent, trop restreint, comparés aux années de peur, de stress, d'harcèlement.

Tu détournes le regard le premier, incapable de regarder ses yeux, incapable de retenir ces larmes qui jaillissent des tiens. Bordel, c'est pas à lui que tu dois faire des confidences.

La sonnerie retentit pour la deuxième fois. Il te lâche, la porte s'ouvre, tu te rues dans un coin. T'entend ses mots, tu sais ce qu'il dit, tu comprends, mais ton esprit est ailleurs. Tu as enfin compris une partie de toi-même, tu joues avec la mort parce qu'elle ne te fait pas peur, parce qu'elle te libérerait de ce que tu vis. Tu te détestes. T'es bien trop lâche pour faire quoique ce soit, l'admettre ou l'embraser. Tu ne feras rien, comme toujours. Tu ne diras rien à personne. Pourquoi il a fallu que ces mots-là sortent devant Théo ?

Tu te relèves à son ordre strict, et tu pars en courant. T'entends les rires de ses gars, tu t'en fiches, t'as la mort aux trousses, pour de vrai. Tu veux mourir. Tu veux vivre. Ces deux pensées se battent en toi pendant tout le cours de math. Heureusement que tu n'as pas de retard, parce que tu n'as rien suivi. Quand arrive la cantine, tu prends un plateau avant de te réfugier dans les chiottes, histoire de manger sur tes genoux, histoire d'être sûr de ne pas croiser Théo. Tu refuses de penser, alors tu manges, aliment par aliment, lentement, te forçant à détailler chacun de tes gestes.

Quand tu sors enfin des toilettes, juste avant que la sonnerie ne sorte, tu tombes sur Théo. Bordel. C'est pas possible. Tu lâches ton plateau qui se brise au sol dans un bruit sourd.

Sa réponse claque tel un coup de fouet. Tu ne t'attendais pas à ce qu'il l'admette aussi... sérieusement...
Mais tu ne te laisses pas attendrir pour autant. Alors qu'il détourne les yeux et se met à pleurer, tu soupirs entre tes dents.

"Pathétique..."  

Ton loup hurle... Tu dois faire appel à toute ta volonté pour le garder en laisse, pour l'empêcher de vriller ta volonté...
Nath est terrifié, par toi, et probablement par lui-même... Il obéit à ton ordre sans un mot de plus et sort en courant. T'es potes te tapent dans le dos en riant, te disant que tu as été trop gentil... Mais tu te contente de hausser les épaules avec une réplique désinvolte.

"Il s'est presque pissé dessus, pas le temps de faire mieux... "  

Nouveaux rires. Toi, tu ne ris pas, tu réfléchi...

Vous arrivez en cours avec un peu de retard. Tu tends machinalement ton carnet au prof, qui ne fait même plus de remarques, et ça t'asseoir à ta place habituelle dans le fond de la classe, prêt de la fenêtre. Tu fixes Nath sans même t'en rendre compte. Pourquoi est-ce que ses mots te prennent à ce point là tête ? Il veut mourir, la belle affaire. Mais du coup, ce serait lui rendre service que d'exaucer son souhait.... C'est peut-être ça, qui te dérange, en fait... Oui, ça doit sûrement être ça...

L'heure du midi arrive. Tu vois Nath fuir le réfectoire alors que tes deux potes racontent aux autres ce qui s'est passé plus tôt, évitant certains détails dont peu sont au courant...
Tu es ailleurs, et lorsqu'on te le fais remarquer, tu te lèves et indique simplement que tu va pisser. Les autres s'échangent des regards surpris, tu ton était beaucoup trop sec...

Tu trouves facilement l'Omega, sa putain d'odeur étant reconnaissable entre mille. Tu t'appuies contre un lavabo et attends qu'il se décide à sortir de sa cabine. Tout ceux qui tentent d'entrer font aussitôt demi-tour. Ils utiliseront d'autres toilettes pour cette fois.

Grey sort enfin. A sa réaction, il ne t'avais ni senti, ni entendu venir. Définitivement aucun instinct de survie ce type...
Bras croisés dans une posture désinvolte, tu baisses un instant les yeux sur le plateau avant de revenir sur Nath. Tu ne sais pas ce que tu fais là. C'est ton loup qui t' y a amené, tu en es certain... Saleté !!

"Tu me fait chier... Vraiment... "

Tu dois réfléchir à tes mots, car ce n'était pas prévus de le confronter maintenant... Tu es seul, ne sachant pas trop quoi dire ou quoi faire, alors tu soupir pour gagner du temps puis reprend.

"Petite info. Si je dois te butter, ce s'ra parc'que je l'aurai décidé, pas parc'que tu veux crever. Tu ne me pousseras pas à bout pour parvenir à tes fins... "

Faux. Sans ton loup, il y serait déjà parvenu... Ton crétin de loup qui t'a amené là et qui te fait passer pour un con. Enfin con, ça tu l'es déjà... Mais là tu te ridiculises à essayer d'expliquer ta présence dans ces toilettes puantes. Comment fait-il pour bouffer ici bordel ? Ça te répugne...

Une fois que tu l'as vu, tu sens son odeur partout et tu comprends qu'il t'attendait depuis un bout de temps. Merde. Tu t'es tellement concentré sur toi-même pour faire passer le temps que tu as oublié de faire confiance à ton loup. Loup qui gémit d'ailleurs parce que tu as ignoré un principe fondamental : la surveillance, ouvrir ses yeux et ses oreilles.

Quand il recommence à être violent, tu fermes les yeux pour te calmer. Tu as toi aussi envie de t'énerver, pour cacher ton trouble, pour lui montrer que ce que tu as dit c'était faux, que tu ne le pensais pas, mais ni lui ni toi n'êtes dupes. Vous savez la putain de vérité et ça te tord les entrailles.

Et puis, à ses mots, tu comprends qu'il ne sait pas non plus ce qu'il fout là. Tout est trop étrange. Tu inspires, toujours en évitant son regard.

- Message compris.

Pas de rebuffade, pas de colère. Tu lui montres qu'il a gagné, encore une fois, qu'il a un poids sur toi, qu'il a un dossier sur toi, qu'il peut te briser parce qu'il sait quel lâche tu es au fond de ton être. Tu restes immobile pourtant, parce qu'il est entre toi et la sortie, parce que tu ne peux pas lui tourner le dos. Parce que t'as peur.

Tu ressasses ses paroles dans ta tête, il veut vraiment te buter ? Tu sais qu'il te hait, mais c'est pas un assassin pour autant, si ? Tu commences à douter, est-ce qu'il te menace pour de vrai ou est-ce que ce n'est que des grandes phrases ? Est-ce que ta fragilité finalement ne l'a pas plus touché que ta colère ? Pourquoi est-il venu ici ? Bien sûr, tu n'oseras pas poser cette question.

- Je peux retourner en cours maintenant ?

Aucune énergie dans ta voix, tu es apathique, las. T'as aucune envie d'être nulle part, même ton lit ne t'attire pas. Tu veux juste ne plus être dans la même pièce que lui, parce que tu détestes qu'il en sache autant sur toi.

Nath affirme avoir bien compris tes mots. Tu t’efforce de rester impassible, de ne rien laisser paraitre d ton trouble du fait de te trouver là sans trop savoir pourquoi. Il fait pitié, l’Omega... et l’odeur des toilettes te dégoute...

Lorsqu’il te demande s’il peut retourner en cours, tu gardes le silence encore quelques secondes avec de répondre, bougeant enfin pour te diriger vers la porte.

"J'vais certainement pas nettoyer ça a ta place, l’Omega."  

Sous-entendu : ramasse ton plateau.

Tu sors sans plus un regard vers lui et quitte l’école sans même prendre la peine de récupérer tes affaires. Tu auras une nouvelle note, la belle affaire. Au point où tu en es... Une note, une raclée de plus... une mise en garde, des menaces d’expulsions qui ne seront jamais mise en pratique... Une éternelle réplétion qui devient ennuyeuse à souhait. Tu veux courir, chasser, te vider la tête et, surtout, affirmer ta main mise sur ton loup qui a une fâcheuse tendance à te pourrir la vie dès que cela concernant Nath...

Un grognement t’échappe alors que tu enfourches la moto que tu t’es acheté récemment (faute de pouvoir avoir la même voiture que Mike) et file vers la forêt qui entoure votre territoire. Tu sais que tu vas payer cette nouvelle après-midi d’absence, mais tu t’en fous. Tu veux juste partir loin de lui...

*****

Le temps a filé. Tu as désormais 17 ans, et tu n’as pas changé... Tu as pu passer ton année uniquement grâce à tes notes. Tu as encore foutu la trouille à Nath une fois ou deux, mais globalement tu t’es surtout arrangé pour ne pas l’approcher, ton loup se bornant à régir bizarrement en sa présence, et son odeur te perturbant plus que tu veux ne voudras bien l’admettre.

Tu as dû te calmer à l’école sous la pression de ton père, mais ton autorité est toujours bien assise et la peur que tu inspires toujours bien présente. Tu te déchaines au sport, tu es le petit prodige de l’équipe. Tu es à la fois crains et adulé, et tu adores ça.

Tu approches des 18 ans, et déjà tes hormones te travaillent. Tu enchaines les conquêtes, que ce soit au lycée où en dehors. Tu n’es pas pressé de découvrir ton ou ta compagne. Tu préfères t’amuser dans des relations sans lendemain. Tes partenaires préfèrent être ton lit plutôt que sur ta liste noire... C’est presque trop facile...

Mais ce petit bonheur parfait ne pouvait évidemment pas durer éternellement...

Un samedi matin, tu retrouves ton père avec son second dans son bureau. Il t’annonce que vous allez vous rendre chez les Grey le soir même pour discuter d’un problème de taille. Des vagabonds...  

Tu en as entendu parler à plusieurs reprises ces derniers jours. Ils font des ravages en ville et aux alentours, la police est en branlebas de combat et les deux meutes ont décidé d’agir ensemble afin de mettre rapidement fin au problème. Tu lui as demandé pourquoi vous ne faisiez pas la rencontre en terrain neutre. Sa réponse sèche sur le fait que ça te ne te regardait pas t’as fait comprendre que c’était une façon pour lui de montrer sa bonne fois dans cette collaboration. Nous sommes sur votre terrain.... Cette idée, peut-être fausse, qui sait, te fait sourire. Ils ont peur de vous, tu en es certain.

Le soir venu, ce n’est qu’à quatre que vous vous présenté à la porte des Grey. Leurs odeurs te font gronder mais ton père assure une pression sur ton esprit afin de te garder calme. Il t’a pris avec lui car tu as besoin d’apprendre, mais il t’a d’abord fait tut un sermon sur le fait de garder ton calme, de ne rien dire ou faire de menaçant ou d’insolant et de surtout rester à ta place. Tu n’as pas eu le choix que de lui promettre, mais il préfère mettre toutes les chances de son côté en gardant la main sur ton loup... et sur toi...

Malheureusement, cette pression constante a tendance à t’exaspérer plutôt qu’à te calmer... Tu as mal au crâne et ton loup ne cesse de geindre, mécontent d’être ainsi forcé à courber l’échine. Tu ne desserre pas les dents ni les poings. Cette soirée va être très longue...

Vous êtes accueilli par deux loups qui gardent l’entrée. Ils grognent à votre passage mais n’esquivent pas le moindre mouvement. Vous êtes chez eux, et vous n’avez pas intérêt à l’oublier...

Les odeurs t’assaillent, encore plus fortes dans la maison. Tu tentes de les analyser : il y en a une sucrée, une fruitée genre agrumes... une plus musquée... et tu te figes en sentant une familière, celle qui apaise : Nath. Evidement qu’il est là... Tu es chez lui après tout.

Tu serres un peu plus les poings alors que ton loup se redresses au fond de toi. Oh non, ce n’est pas le moment de te faire chier ! Tu n’es pas d’humeur à ce qu’il te joue des tours ce soir...

Ton père te jette un regard surpris que tu fais mine d’ignorer. Evidement qu’il l’a senti aussi, vu comment il vous surveille. Ton énervement monte d’un cran, et tu grimace alors que tu sens la prise de ton Alpha se resserrer un peu plus sur ton esprit.  Tu aimerais prendre quelques profondes inspirations pour te calmer, mais les odeurs t’en empêches. Surtout la sienne... Alors tu fermes juste les yeux et essaie de te recentrer, comme ton père te l’a appris.  

On vous amène dans un petit salon. Ton père et toi vous asseyez alors que les deux autres restent debout à côté de vous. Tu ne tiens pas deux minutes immobiles.

"Où sont les toilettes... S’il-vous-plait ? Avant de commencer..."  

Ton père te lance un regard noir. Il sait que tu le fais exprès. Toi, tu souris innocemment et te dépêche de te lever lorsqu’on t’indique la direction. A peine sortit du salon, tu te diriges vers l’escalier et t’arrête en bas des marches. Tu ne veux pas monter, alors pourquoi tu es là ? Pas ici... pas maintenant... et certainement pas avec ton père dans ta tête...

Un an s'est écoulé de plus dans cette ville merdique de Floride. Pendant un an, t'as réussi à prendre sur toi, à apprendre à être un Oméga, à utiliser les sens de ton loup et à savourer cette liberté. Tu adores ta meute, moins ton rôle, mais tu t'y habitué. Tu courbes le dos, tu acceptes les coups, tu calmes les esprits, tu fais du bien autour de toi et ça, c'est la seule chose que tu aimes.

Sentir les tensions se délier, sentir que la paix revient. T'es pas encore extraordinaire, mais plusieurs bêta t'ont dit que tu remplaçais l'ancien oméga bien mieux qu'il ne le faisait, alors t'es fier. A moins que ce soit une blague que tu n'aies pas compris, mais ça...

Une main dans les cheveux, face au miroir, t'essaie plusieurs chemises. Tu n'es pas invité ce soir, à la réunion, mais tu sais qu'elle est importante et tu veux en savoir plus. Les Kesler sont là, pour parler d'un affrontement coopératif, tu en as appris beaucoup plus que tu ne devrais le savoir, mais t'as la mauvaise manie d'écouter aux portes et d'être invisible à la fois. Tout le monde se fiche de ta présence et puis t'es l'un des fils du chef, forcément les autres n'osent pas trop t'embêter quand tu fouines. Alors tu sais qu'il y a des vagabonds qui risquent de vous causer du tort. C'est bien le seul danger qui vous permettrait de vous allier avec l'autre meute.

Quand tu penses à ces ennemis, tu ne peux que penser à Theo. Etrangement, votre relation n'a pas empiré. Il ne t'a toujours pas tué - tu te dis donc qu'il est plus grande gueule que véritable meurtrier. Il ne t'a pas tout à fait laissé tranquille non plus, mais disons que ses pulsions sexuelles l'ont détourné de toi. T'as entendu les rumeurs, tu sais ce que les filles disent de lui et t'es heureux qu'il ait trouvé une meilleure occupation que te faire chier. Toi, de ton côté, tu t'es fait oublié. T'es redevenu invisible au lycée, mais cette fois-ci, ça te plaît. Tu as appris des secrets en écoutant sans en avoir l'air, t'as repéré des informations qui pourraient t'être utile et t'aime ça, jouer ce rôle-là.

Ce soir, tu ne sais pas s'il sera là, tu espères que non, mais c'est le seul détail qu'on ne t'a pas transmis. Tu imagines que Theo n'a rien à faire ici, alors, quand tu sens son odeur, tu paniques. Parce que oui, maintenant, tu la reconnais et tu détestes ça. Tu détestes sentir ce parfum si doux, qui ne ressemble pas à Theo, il est trop agréable, trop bon pour lui. Alors tu le détestes, mais l'odeur te reste dans le nez. Tu fronces les sourcils et tu descends les escaliers, malgré toi.

T'es incapable de le fuir, chez toi et ça fait trop longtemps que vous ne vous êtes pas affronté. T'as pris du muscle, de l'assurance, de la confiance.

- Tu vas venir bousiller la rencontre entre nos deux meutes qui a lieu dans notre territoire, juste pour ... ?

A aucun moment, tu n'es dupe. Evidemment qu'il est venu pour te faire chier, tu le connais trop bien malgré toi.

- Les toilettes sont par là, la cuisine est de ce côté-ci et la réunion, je crains que tu n'en reviennes...

D'un geste lent, t'as indiqué les lieux en les nommants, puis tu le regardes d'un air dur. T'as toujours peur de lui, mais là, t'as l'impression d'être protégé, en sécurité. Il n'est pas assez con pour t'assommer chez toi, où la moitié des loups en position ont l'oreille assez fine pour suivre chaque mot de votre conversation.

Fais chier... Nath arrive, évidement... Tu ne réponds rien à ses paroles. Il a raison, tu le sais...  Tu le fixe donc un instant en silence. Sa chemise est ouverte... Tu attarde le regard un rien sur cette zone puis détourne les yeux en te raclant la gorge. Ton loup s’ébroue et tu sens ton père appuyer un peu plus pour le calmer. Ce n’est pourtant pas de la colère... s’en est même très loin...

Tu prends une profonde inspiration : mauvaise idée. L’odeur de Nath t’empli les narines et tu manques de laisser échapper un grognement de contentement. Tu grimace alors qu’un pique de douleur te traverse la tête : l’Alpha te rappel à l’ordre.

"Retourne dans ta chambre, les grands ont des choses à se dire."  

Tu affiches un petit sourire en coin avant de te diriger vers les toilettes. Tu ne peux rien faire ici...

C’est son territoire, sa meute...  

Tu réussi à te tenir durant la réunion (ton père aidant...). Sur le trajet du retour, tu sens son regard inquisiteur sur toi, mais tu te gardes bien de lui demander ce qui ne va pas. Tu sais ce qui ne va pas : ton loup... Et lui aussi l’a senti, évidement. Heureusement, il a d’autre préoccupations en tête. La chasse est prévue pour le lendemain soir, et une partie des deux meutes y participeront, mais pas toi. C’est encore trop dangereux...

Cela doit se faire avant la pleine lune, afin d’éviter plus de ravages... Chaque meute à enquêter pour savoir combien ils sont et où ils crèchent. Ils ne sont pas nombreux, juste cinq (ce qui est énorme pour des vagabonds, d’ailleurs...), mais ils sont apparemment dangereux. Ils ne cherchent pas a être discret, ils chassent à la fois pour se nourrir, et pour le plaisir, et leurs proies principales sont humaines...

L’idée est de les encercler chez eux, avant qu’ils ne partent chasser chacun de leur côté. Les adultes préfèrent éviter de les tuer si cela est possible, il faut juste leur faire suffisamment peur pour les faire déguerpir.  

Tu connais tout le plan, et pourtant tu ne pourras pas être de la partie. Cela t’énerve au plus haut point, mais tu sais déjà que tu ne resteras pas les bras croisés pendant que les autres s’amusent sans toi. Si ton père ne te voulait pas dans ses pattes, il n’aurait pas dû t’emmener à la rencontre avec lui...

Le lendemain soir, tous les participants se transforment peu avant le coucher du soleil et partent vers la tanière des vagabonds, à quelques kilomètres de votre territoire. Tu attends une bonne demi-heure avant de bloquer la connexion avec la meute (tu t’es amélioré à ça, avec le temps) et de te transformer à ton tour. Trop préoccuper par leur chasse, personne ne remarque que tu les as bloqués, et quand bien même quelqu’un y ferait attention, ils penseront jsute que tu boude dans ton coin. Parce que s’est toujours ce que tu as laissé croire, les fois d’avant.

Tu cours en suivant la trace de ton père, celle que tu repères le mieux. Sous ta forme animale, tu es un grand loup noir aux yeux rougeâtres avec juste une tâche blanche sur le poitrail, héritage de ta mère qui est une louve blanche comme neige. La traque est prévue dans un bois touffu, un terrain neutre qui n’appartient ni aux Kesler, ni aux Grey. Les vagabonds ont été assez intelligent que pour ne pas empiéter sur un des deux territoires...  

Tu renifle l’air pour identifier les odeurs et repérer où chacun se trouve. Ils se font encore discret, pour l’instant, tout comme toi. Tu gardes tes distances, tu attends...

Mais alors que tu renifles à nouveau, l’odeur d’assouplissant te saute au museau. Tu grogne aussitôt en t’efforçant de garder la main sur ton loup. Pas possible, il ne peut pas être là... Il ne peut pas participer... Pas lui !

Te détournant du groupe, tu suis l’odeur, aux aguets et prêt à mordre. Tu en as assez. Tu vas dompter ton loup une bonne fois pour toute. Nath va prendre cher... A cause de l’effet qu’il a sur toi, de sa présence ici, de son odeur...  

L’opportunité est trop belle, le moment idéal... Un terrain neutre, loin de tout, ta connexion toujours bloquée pour ne pas trahir ta présence...  

Et ton putain de loup qui, cette fois, n’imposera pas sa volonté !