Il ne dit rien.

Il ne dit rien et il s'en va.

Tu viens de te mettre à nu, de lui avouer ce qui te fait peur, tu lui as dit plus de choses que tu ne te l'étais avoué toi-même et voilà qu'il s'en va sans rien te dire. A peine une pression sur l'épaule, qui t'a déclenché des frissons dans toutes tes veines. Quand vos corps se touchent, il se passe quelque chose, mais tu n'étais pas prêt à ce qu'il disparaisse.

Sous le choc, tu restes immobile quelques instants, ce n'est que lorsque tu te réveilles enfin et cherches à faire marcher tes jambes pour t'approcher de la porte que tu entends le bruit de quatre pattes sur le sol, que tu sens l'odeur du loup. Ce loup noir, puissant, énorme, qui pousse la porte pour rentrer dans la pièce à la place de la version humaine.

Le loup court se réfugier dans tes jambes, libéré des contraintes mentales que s'impose Theo. Ton loup ronronne, tu souris, tu poses une main sur le pelage doux de la bête.

Il est inventif en fait, Theo a des blocages, mais il trouve des solutions. Tu souris à nouveau quand tu le vois manger. Tu t'assieds sur le bord du lit, trop d'émotion d'un coup, il faut que tu restes assis.

- Hum, commences-tu en te raclant la gorge, si tu pouvais prévenir la prochaine fois, j'ai cru que tu te barrais en m'ignorant totalement.

Aucune colère ou peur dans ta voix, juste un léger son taquin pour lui montrer que tu vas bien, que cette façon d'essayer te va, te plait.

- Je... je vais devoir parler tout seul, c'est un peu étrange, mais ... merci d'essayer.

Et, parce que ton loup à l'intérieur en meurt d'envie, tu plonges les mains dans le poil noir, tu le caresses un long moment avant de poser ta tête contre la douce chaleur qui s'en dégage. Et, il se peut, que tu t'endormes en te laissant bercer par les battements du coeur du loup.

Lorsque Nath prend la parole, le loup s’aplati et croise ses pattes sur son museau en signe d’excuse de la part de Théo. Ce n’était pas le but de ce dernier...

Lorsque l’Omega remercie pour l’effort, pour le... test... le loup vient frotter sa tête contre lui. Il prend presque tout le lit, mais en cet instant on le prendrait presque pour un chaton en manque de câlins...

Il laisse échapper un léger grondement de contentement lorsque Nath glisse ses doigts dans sa fourrure. Et lorsque ce dernier finit par s’endormir contre la bête, le loup reste immobile jusqu’à s’endormir à son tour. Il est bien, plus que bien même. Théo est soulagé, il reste en retrait, laissant son loup agir pour eux deux.  

Ça peut marcher, oui...

A l’approche de Pedro, le loup relève vivement la tête. Combien de temps ont-ils dormi ainsi ? Apparemment, la nuit complète...

Pedro reste sur le pas de la porte restée ouverte. Il ne prononce pas un mot, il n’en a pas besoin. Il est temps de préparer les affaires pour partir. Le loup grogne, mais Théo le fait taire. Ils n’ont pas le choix, malheureusement...

Pedro s’avance et vient poser une main sur l’épaule de Nath alors que le loup noir le suit d’un regard intense, prêt à mordre alors même qu’il sait que l’Omega ne fera rien.

- Nath, il est bientôt l’heure de partir... Il faut préparer tes affaires. Ça vaut pour Théo aussi...

Le loup grogne à nouveau mais ne bouge pas. Il ne bougera pas tant que l’Omega sera contre lui. Et si l’Alpha veut reprendre la main, il ne peut décemment pas se transformer maintenant... Il attend donc patiemment que Nath se réveil à son aise, déçu que la nuit soit passée si vite et triste que la semaine soit déjà finie. La suite ne dépendra que d’eux, désormais...

La main sur son épaule te le fait pas sursauter, tu n'as pas peur, tu n'es pas dans un état de stress où tous tes sens sont en éveil. Au contraire, tu as le sentiment d'être pleinement en sécurité, si bien qu'il te faut plusieurs secondes pour ouvrir les yeux et comprendre où tu te trouves.

Le souvenir de la veille te revient peu à peu, la discussions houleuse, les paroles qui ont été échangées, les aveux et puis le loup. Cet énorme lourd noir, cet alpha qui terrifierait n'importe qui et pourtant auprès duquel tu se sens en affreusement bien. Si tu as aussi bien dormi c'est parce que tu étais totalement en confiance au milieu des longs poils noirs. Tu souris, légèrement rougissant de gêne. Tu as tout abandonné pour une sieste auprès d'un loup, parce que ce loup était Théo et ne l'était pas à la fois. Tu te redresses enfin, laissant ton esprit revenir à la réalité et quitter le doux rêve. Et les mots de Pedro prennent tout leur sens.

- Partir, murmures-tu alors que j'étais si bien.

Tu plonges le regard dans les yeux du loup, puis tu le quittes, malheureux comme les pierres de perdre sa chaleur, mais la réalité vous a rattrapé.

- Je ... vais préparer mes affaires alors.

Le sentiment de casser quelque chose te saisit. Tu n'avais pas compris combien de temps tu avais dormi, le soleil est déjà bien présent, tu avais tant de choses à lui dire encore, mais pourtant, tu ne regrettes pas. Tu avais besoin de ce temps, de vous prouver à tous les deux que c'est possible, qu'un espoir est permis, que vous vous ajusterez.

Tu ne sais pas quoi dire d'autre, ce que vous ressentez se passe de mot, alors, après un dernier regard au loup noir, tu tournes le dos et va préparer tes affaires. En réalité, ça ne te prend pas beaucoup de temps et tu traînes inutilement dans la chambre. Comment ça va se passer maintenant ? La trêve est en place, mais il y a bien plus que ça. Il a un océan entre vous deux ; de la rancoeur, du désir, vos loups, des non-dit, des efforts, des possibilités. Mais la risque est là, lui aussi, la peur de tout faire foirer. Tu te prends la tête entre les mains et refuse de songer à ça maintenant.

Lentement, tu les rejoins, prêts à partir. Tu te places sur le bord, une personne de chaque meute viendra vous chercher en voiture et le monde vous rappellera à lui, votre bulle enchantée va disparaître en même temps que les moteurs. C'est la bagnole de ton frère qui arrive le premier, tu lui avais demandé de venir, préférant retarder l'entrevue avec le paternel le plus tard possible, sachant d'avance que, quoiqu'il se passe, ce n'était pas lui que tu voulais voir. Tu te forces à sourire, mais tu marches sur des oeufs. Tu veux jeter un dernier regard à Theo, tu veux lui dire tant de chose et en taire mille autre, tu veux repartir avec lui, tu ne veux surtout pas le voir maintenant que tu es dans un tel état. Tu fermes les yeux, inspires, puis, incapable de t'en empêcher, tu plonges le regard dans ses yeux. espoir voilà ce que tu veux lui transmettre, un espoir de le revoir, d'arranger les choses, de créer un lien différent de celui de vos loups, un espoir de faire en sorte que ça marche.

Puis tu disparais dans la voiture de ton frère.

Le trajet est trop long et trop court à la fois. Tu jacasses, racontant des détails inutiles, ne parlant pas de ce qui importe, évitant le sujet avec tes gros sabots, si bien qu'à cinq kilomètres de la ville, trop loin pour que les premiers loups vous captent par leur ouïe fine, il s'arrête sur le bas côté et se tourne vers toi.

- Parle-moi, dis-moi la vérité, Nath.

Tu t'étrangles, t'étouffes, détournes le regard, mais ton frère est le futur alpha de la meute. Et il te connait par coeur.

- Tout va bien, marmonnes-tu. Je n'ai pas envie de le tuer, il n'a plus envie de me détruire, tout est parfait, non ? Y a rien à dire de plus.

Son regard sonde le tien, te forçant à dévoiler la vérité dans vos prunelles.

- Tu n'as jamais été fort pour mentir et une fois devenu loup, tout le monde saura tout. Confies-toi avant ça, p'tit frère, ce sera plus... simple.

- Mon loup brûle d'amour pour le sien, mon coeur n'est pas vraiment mien dans cette affaire, tu veux savoir quoi ? Qu'on s'est embrassé ? Que j'avais envie de plus, que j'ai eu peur ? Que j'ai failli tout gâcher. Qu'il est un connard, mais que je ne peux pas me passer de lui ?Que j'ai envie de le voir, de savoir ce qu'il fait, où il est. Que j'ai besoin de le toucher tout le temps, mais que ce n'est pas possible ? Qu'il se juge coupable de tout, qu'il se déteste et qu'il est incapable de se pardonner et qu'il ne veut pas de ce fichu lien ?

Tu n'es plus sur de dire la vérité à la fin, mais il met tellement d'énergie pour te repousser, pour t'éviter de souffrir, qu'il t'interdit l'accès.. que tu as peur que ce soit vrai. Des larmes, traitresses, ont quitté tes yeux. Ton frère laisse un soupir quitter ses lèvres et le charme est rompu, tu peux enfin détourner le regard et t'essuyer les yeux.

- Ce ne sera pas facile, mais s'il y a bien un loup capable de faire des miracles, c'est bien toi, Nath.

Ses mots sont gentils, mais tu t'en fiches, tu as envie d'être loin d'ici, envie d'hurler, de le frapper. Tu fermes les yeux, laissant la rage s'éloigner. Tu serais un terrible Omega si tu étais incapable de te contenir.

Le moteur se rallume et la voiture se remet en marche, vers la ville. Tes yeux redeviennent sec et l'angoisse quitte ton ventre. Merde, ton frère avait raison, tu avais besoin de crier, pour te sentir mieux. Tu inspires. Tu es prêt à rencontrer ton père.

Nath prend son temps pour émerger, et ni le loup, ni Pedro ne le pressent. Lorsque l’Omega plonge son regard dans celui de la bête, celle-ci gémi légèrement. Lui aussi, il était bien...

Nath fini par quitter la chambre et Pedro en fait de même, refermant la porte derrière lui pour laisser le loup seul. Le cœur lourd, tu te métamorphose et commence à préparer tes affaires. Tu sens les deux autres loups qui t’entourent de réconfort, mais tu as envie qu’ils te laissent tranquille... Tu sens l’odeur de l’Omega sur ton lit, et tu veux juste t’y blottir et ne plus le quitter...

Malheureusement, l’heure du départ arrive. Tu rejoins Pedro et Chris dehors avec ton sac. Lorsque Nath arrive à son tour, vous gardez tous les deux le silence.

La première voiture arrive pour lui. Tant mieux... tu préfères que ce soit lui qui parte en premier car tu n’es pas certain que toi tu aurais pu le laisser là...

Au moment de monter dans la voiture, il se tourne vers toi et vos regards se soutiennent un instant avant qu’il ne se détourne et referme la portière sur lui. Tu suis la voiture des yeux, paralysé. Le voir s’éloigner te donne l’impression qu’on t’arrache une partie de toi...

Ton loup hurle de désespoir. Vous vous reverrez, pourtant, n’est-ce pas ? Cette nuit à prouver que vous en êtes capables... alors pourquoi tu te sens soudain vide de toute vie ?

Tu sens à peine Pedro t’attraper le bras pour te faire rentrer dans votre voiture que tu n’as même pas entendue arriver...

Ton père n’est pas là. Tu dois le retrouver chez vous...

Tant mieux. Tu n’es pas en état de parler pour l’instant...

Le trajet se passe dans une semi-conscience alors que ton esprit est entièrement tourné vers Nath. A quoi pense-t-il en ce moment ? Qu’a-t-il conclu de cette semaine ? Où en êtes-vous exactement... ?

Lorsque la voiture s’immobilise, tu sens enfin ton père qui force le passage dans ton esprit avec force. Tu ne t’es même pas rendu compte que tu avais fermé tes pensées. Tu sursautes sous l’assaut et grimace. Merde... tu n’as même pas droit à un peu de répit...

Sans attendre plus, tu sors de la voiture, attrape ton sac et te diriges vers le bureau de l’Alpha, suivi de près par un Pedro blême et un Chris au visage plus fermé que jamais.

Lorsque tu te retrouves face à lui, il ne tarde pas à demander le compte rendu de la semaine. Face à ton silence, c’est l’Omega qui prend la parole.

- Ca n’a pas été simple au début, mais il y a du mieux... Ils... peuvent se côtoyer..., mais c’est plus simple sous leur forme lupine... Ce qui est sûr c’est que... plus ils restent séparés et moins bon c’est pour eux...

Tu tournes un regard à la fois surpris et effaré vers Pedro. C’est quoi ce compte rendu ?! Il vous à psychanalysé durant la semaine ou quoi ? D’où est-ce qu’il sort cette conclusion ?!

Ton père soupire puis t’observe un moment avant de reprendre.

- Tu es dans un sale état... Mais si au moins vous ne cherchez plus à vous entre-tuer, c’est déjà ça...

Il fait une courte pause, puis continue.

- Pour ce qui est du fait d’être séparés... Si vous ne luttez plus contre votre lien ça devrait être plus simple de ne vous voir que de temps en temps... le temps d’être certains que les choses évoluent... bien...

Tu sens ton père hésitant. Il ne sait pas comment agir face à cette situation totalement inédite pour lui. Et tu sais qu’il fait au mieux, mais tu as pourtant envie de lui hurler dessus, de lui dire que rien ne s’est passé correctement, que la seule solution trouvée pour l’instant est que tu ne le côtoie qu’en étant loup et qu’en fait ça te convient très bien ainsi, parce que ton loup, Nath l’accepte, et que pouvoir lui laisser la main te fait un bien fou...

Mais tu gardes le silence alors que ton père reprend.

- Et si jamais ça ne fonctionne pas sur le long terme... tu retourneras simplement en Angleterre...

Ces mots te font l’effet d’une balle en plein cœur. Ça, tu ne t’y attendais absolument pas... Pedro parait aussi surpris que toi, et surtout effrayé.

"Mais... ça le tu...”

Tu le fais taire d’un signe, le visage soudain fermé. Ça te tuerait surement, oui, mais si vous devez en arriver là alors ça n’aura plus d’importance...

Sans un mot, sans t’assurer que ton père à terminer, tu quittes le bureau, te transforme sans attendre et quitte le territoire en courant jusqu’à ce que ton loup n’en puisse plus. Alors, épuisé et tremblant, tu te rends à la frontière du territoire des Grey et t’y effondres sans reprendre forme humaine, et tu te laisses submerger par ton loup afin de ne plus rien sentir, de ne plus rien penser. Il semble si bien gérer les choses, lui, alors qu’il les gère... et qu’on te foute la paix...