Sa réponse te choque plus que tu ne veux l'admettre, tu n'as jamais eu de problème avec ton loup, vous n'êtes pas toujours sur la même longueur d'onde et il est bien plus têtu que toi alors c'est souvent ton tour de céder, mais vous êtes une paire, un duo, vous êtes ensemble et c'est tout, rien ne se mettra entre ton loup et toi.

Or, là, Theo vient de dire que son loup... s'est coupé de lui ? Et pourquoi ? Tu n'oses mettre l'hypothèse que c'est en partie ta faute, parce que ça voudrait en dire trop, parce que ça te blesserait de savoir que Theo préférait se couper de son loup que de penser à toi. Pourtant, ça résonne dans ton esprit et la possibilité existe. Ton coeur rate un battement, mais de colère de cette fois-ci. Pedro cherche ton regard, tu fermes les yeux pour reprendre contenance, tu ne pensais pas être si facile à déchiffrer. Tu relèves la tête et souris, espérant que tout ça passe pour un choc, plutôt pour ce que c'est réellement.

- Woh, c'est terrible, je... j'imagine même pas. Désolé de te refaire vivre ça, ce n'était pas... je ne savais pas.

Tes mots s'emmêlent et tu t'en veux de t'excuser pour quelqu'un qui n'est pas ta faute, mais c'est vrai que tu as mis les pieds dans le plat.

Après un léger silence de votre part à tous les deux, Pedro prend la parole, songeant - avec justesse - que Theo comme toi ne savez plus trop quoi dire. Tu te passes une main dans les cheveux et laisse Chris prendre part à la conversation, restant sur le côté. Tu médites toutes ces paroles et ces implications. Qu'est-ce que ça dit sur toi ? Sur lui ? Sur vous ?

Tu commences, enfin, à t'ouvrir et à accepter le Theo qu'il est devenu, bientôt, tu en es certain, tu finiras par l'apprécier, mais il vous faudrait plus de temps et vous n'en avez pas. Demain sonne la fin de votre séjour perdu dans les bois, et vu que vous ne vous êtes pas entredéchirés, vos pères loueront leur expérience comme une réussite, tu grimaces à cette idée.

Le regard de Theo se pose sur toi à ce moment, merde, vos loups vous forcent à être au courant de chaque changement de situation de l'un comme de l'autre et, lentement, tous les regards se tournent vers toi. La conversation est en suspens. Tu prends ta respiration et t'expliques.

- Je songeais au retour, au fait que nos pères allaient se congratuler pour leur expérience réussie, comme si... nous n'avions pas frôler le danger extrême.

Tu te rappelles ses colères, votre première soirée à deux, la tension électrique entre vous, ta peur, tes doutes, ton désir. C'est terrible que tout soit mélangé. C'est terrible d'être là, comme si de rien n'était, alors qu'une part de toi n'a qu'une envie... et que tu la repousses parce que c'est trop dur. Tu les regardes.

- Je ne veux pas casser l'ambiance, mais... comment ça va se passer ensuite ? On va faire comme si de rien n'était après demain ? Ne plus jamais se revoir ?

Pedro ouvre et ferme la bouche à son tour, ne sachant pas si c'est à lui de parler ou pas, et toi, tu continues d'enfoncer le couteau, tu veux tout dire tant que tu as l'attention, tant que tu te sens un semblant de courage.

- Je refuse ça Theo, je... je ne sais pas si je t'apprécie ou si c'est mon loup qui me force à t'estimer, mais... je crois que j'en mourrais si tu m'ignores encore, si tu te fermes comme tu le fais à chaque fois, je... faut qu'on apprenne à vivre avec ce lien, même si je sais bien que tu n'en veux pas.

Tu t'adosses à la chaise, le souffle court, les mains moites. Tu évites son regard, tant tu sais que c'est son loup que tu verrais briller dans ses yeux.

- Je veux pas qu'on mette tout de côté, mais je ne sais pas ce que je veux non plus, c'est si... emmêlé.

Ta voix se brise et, cette fois-ci, tu le regardes.

Nath ferme les yeux alors que Pedro vous scrute, aux aguets. Tu n’as pas le temps de réagir que l’Omega reprend, s’excusant d’avoir posé la question. Il ne savait pas non, en effet... Comment aurait-il pu ?

Tu secoues doucement la tête pour indiquer que ce n’est rien, puis le silence s’installe. Tu fixes le feu sans plus savoir quoi dire. Pedro et Chris interviennent alors, pour ton plus grand soulagement. Mais tes pensées ne sont pas à la conversation. Tu t’es levé pour aider aux derniers préparatifs du repas, mais ton esprit, et ton loup, restent tournés vers Nath. Et lorsque ton loup se redresse soudain au fond de toi, tu tournes instinctivement le regard vers l’Omega. Les deux autres suivent le mouvement, alertés par l’accélération des battements de ton cœur, même si toi-même tu en ignore la raison...

Se sentant soudain observé, Nath finit par reprendre la parole. Ses paroles tes font détourner le regard et serrer les poings. Le danger extrême... c’est donc ainsi qu’il a ressentis la chose ? Comme une dangereuse menace ?

Si cette idée te blesse profondément, à quoi aurais-tu pu t’attendre d’autre ? Tu as déjà failli le tuer une fois... cela suffit à ce qu’il se sente menacé en permanence, non ?

Le regard à nouveau fixé sur le feu, les oreilles bourdonnantes, tu le laisses parler alors que Pedro et Chris se regardent sans savoir quoi répondre à ça. Ils n’ont pas d’informations concernant la suite du programme... Ils devaient juste s’assurer que ce séjour se passe au mieux et qu’il n’y ait pas de morts ou de blessés... Ce dernier point n’est apparemment pas des plus réussi, vu les paroles précédentes de Nath...

Pourtant, il ajoute qu’il mourrait si tout s’arrêtait comme ça, si chacun retournait à sa petite vie comme si de rien n’était. Mais ce ne sont pas ces mots qui te marquent... non...

”... faut qu'on apprenne à vivre avec ce lien, même si je sais bien que tu n'en veux pas.”

Sourcille froncés, tu te tournes lentement vers lui, mais il évite ton regard. Ton loup gémi en le voyant aussi perdu, mais toi... toi tu vacilles entre colère et... et tu ne sais pas en fait...

Le regard sombre, tu soutiens un instant le sien avant de détourner les yeux et de laisser échapper un petit rire nerveux.

"T’es sérieux...”  

Pedro et Chris restent immobiles, ne sachant pas trop s’ils doivent intervenir ou non. T’es pensées sont trop brouillons et tes émotions trop emmêlées que pour qu’ils sachent à quoi s’attendre...

Tu te passes une main dans les cheveux et reprend.

”Tu crois vraiment que je ne veux pas de ce lien ?”  

Nouveau rire nerveux, et tu continues d’une voix tremblante.

"Tu sais pourquoi mon loup s’est coupé de moi ? Parce que oui, c’est ce qui s’est passé...  Ce n’est pas moi qui l’ai refoulé... jamais je n’aurai pu faire ça...”  

Tu recule d’un pas, te rapprochant du feu dans ton dos mais voulant mettre de la distance avec Nath.

"Il m’en voulait de ne pas l’écouter... et surtout de ne pas m’écouter moi... Il m’en voulait de me voiler la face au point de risquer de commettre l’irréparable. Il me détestait d’être arrogant et con au point de refuser de faire face à la réalité...”

La colère monte, mais pas contre Nath, non... contre toi-même. Ta voix tremble de plus en plus alors qu’une boule de rage se forme dans ta gorge. Il veut que tu t’ouvres ? Très bien, et bien il va être servi...

"Parce que ce lien dont je ne veux soi-disant pas, je l’ai senti bien avant qu’on ne se retrouve ici, et j’ai préféré le faire passer pour une haine profonde plutôt que de l’accepter... Mais ça, tu vois, je l’ai pas compris tout de suite... et j’ai pas voulus y croire au début..”

Tu sens Pedro qui se love contre ton esprit pour essayer de t’apaiser, mais tu le repousses. Tu as besoin de cette colère pour que ça sorte...

"Parce que si j’y crois, ça veut dire que durant toutes ces années je t’ai fait souffrir uniquement parce que je refusais l’idée de pouvoir éprouver quelque chose pour un simple Omega d’une meute rivale... que cela aurait été indigne du grand Théo Kesler, abrutit de première catégorie qui se croyait mieux que tout le monde...”  

Chris se tiens prêt à réagir au moindre mouvement de l’un ou de l’autre. Ton loup, lui, reste tranquille, t’entourant de tout le soutiens qu’il peut.

"Ce lien a toujours été là... et j’en ai toujours voulus... mais j’étais trop con pour l’accepter à l’époque... et encore le mot est faible... et aujourd’hui...”  

Tu commences à te perdre, tu ne sais plus comment t’exprimer... pourtant tu continues comme tu peux.

"Si je refuse ce lien, ce n’est pas pour moi... Si l’un de nous deux n’en veut pas ici, ce n’est pas moi ! Et je comprends très bien... c’est tout à fait normal de ne pas pouvoir accepter l’idée d’un lien avec la personne qui a voulus nous tuer par pur égoïsme... Je t’ai assez fait souffrir, Nath... je refuse de continuer...”  

Tu as même pensé à mourir pour le libérer...

"Je veux juste trouver un moyen pour que tu puisses vivre heureux et en paix, sans que mon ombre ne te pèses en permanence... Je veux juste... que tu puisses oublier la peur que je provoque chez toi, quoi je dise ou fasse... je ne veux pas que tu te forces à m’accepter ou à m’apprécier...”  

Ou que son loup le fasse pour lui...

Rire moqueur, ton sec, mots tranchants, tout ce que tu attendais de Theo en somme. Tu ne dis rien, ce n'est plus ton tour, après tout, tu as tout lâché sans le laisser en placer une. Sauf que l'autre raison qui fait que tu restes silencieux, c'est que tu n'es pas entièrement surpris. Tu t'attendais à une réaction comme ça, depuis le temps, tu sais comment fonctionne Theo et puis tu avais deviné une partie.

Du moins, tu avais eu assez de temps depuis la découverte de votre lien pour remettre en éclairage quelques possibilités. Toi aussi, tu t'es senti attiré par ce lui depuis tout ce temps, tu ne pouvais t'en empêcher, tu allais le voir, tu allais l'asticoter, tu lui répondais, alors que tu savais pertinemment comment ça terminerait. Alors oui, tu peux comprendre qu'il te détestait parce qu'il ne voulait absolument pas de ce lien, pire, de toi. Et même si ça continue de te faire mal, tu ne bronches pas, parce que tout ça, tu le savais.

Ton visage reste neutre, tu ne détournes pas les yeux. Sa colère coule sur toi. Bon, tu apprends tout de même quelques petites choses, comme le fait que son loup ait préféré se couper de lui à cause de sa rage à ton encontre.

Ton loup est aux aguets, il surveille la colère de Theo et il a envie que tu t'avances vers lui, que tu le soutiennes, que tu le calmes, sauf que du coin des yeux, tu vois Pedro et Chris réagirent. Ce sont eux qui s'occuperont de ses états d'âme, toi tu es repoussé une fois de plus.

Parce que c'est ça, le pire : il choisit pour toi. Encore.

Une fois qu'il s'est tu, qu'il a tout lâché ce qu'il avait sur le coeur, tu laisses le silence planer. Juste un instant.

- Si je ne réponds pas tout de suite, c'est pour que tu fasses toi-même un point sur tes propres mots.

C'est peut être violent, mais il faut qu'il entende ses propres mots, qu'il ait conscience de ce qu'il vient de dire. Il a lâché tout ça sous l'effet de la colère, sous la culpabilité peut être, mais il l'a dit, et ça a du poids parce que c'est peut être la seule fois où il a autant parlé, où il s'est autant exposé.

Après un silence épais mais qui ne t'a pas semblé de trop, tu reprends, d'une voix plus douce.

- Theo, je dois t'avouer que tu ne m'as pas appris grand chose, j'avais deviné une partie de tout ça, parce que, et j'ai l'impression que tu l'oublies, ce lien marche dans les deux sens. Oui, tu as été un putain de connard, ça, c'est bon, on est tous au courant. Oui, tu m'as rejeté le premier, cette haine, comme tu le dis.

Les souvenirs menacent de refaire surface, tu les enfouis. Ce passé est résolu, c'est terminé, tu ne seras jamais plus ce petit Nath victime. Tu fermes les yeux un instant et reprend la parole en regardant Theo droit dans les yeux.

- Par contre, encore une fois, tu choisis pour moi. Tu te dis que je fonctionne de cette manière-là, tu te dis que je ne pourrais jamais te pardonner, que je ne pourrais jamais être heureux si tu es là. Et pourquoi tu penses ça ? Parce que toi, tu ne te pardonnes pas.

Tu es trop violent, c'est trop brusque. Pourtant, il a besoin de l'entendre.

- Tant que tu ne feras pas un pas dans ce sens, alors oui, c'est voué à l'échec et oui, je ne pourrais jamais te supporter. Sauf que, parfois, tu laisses tomber ta carapace, parfois tu oublies que tu te détestes et là... merde là, tu deviens intéressant. Bien sûr que sans ce lien, sans ces loups, je ne serais jamais allé vers toi. Mais j'ai pas eu le choix, et je t'assure que je pense être capable d'apprécier ... merde tu rougis de t'apprécier.  

Tu te relèves à ton tour, tu veux faire un pas vers lui, mais tu sais que ce n'est pas ce qu'il a besoin maintenant.

- Et c'est Nath qui parle, pas mon loup. Et oui, je te parle à toi, pas à ton loup. Maintenant, tu fais ce que tu veux, mais tu ne décides pas de t'éloigner de moi parce que c'est ce que tu penses être le mieux pour moi.

Et, même si tu ne le diras jamais, en réalité, tu as apprécié qu'il pense comme ça. Ses mots t'ont permis de mieux comprendre comment il fonctionnait et si tu détestes qu'il ait jugé mieux savoir ce qui était bon pour toi, tu es touché qu'il agisse pour toi uniquement.

Le silence s’installe un moment après que tu t'es-tu. Et lorsque Nath finit par répondre, ton cœur manque un battement et la colère remonte d’un cran. C’est quoi cette réponse ?!

Les dents serrées, tu veux répliquer, mais rien ne sort. Pedro et Chris vous observe avec un certain malaise. Finalement, tu prends une grande inspiration pour parler mais l’Omega te devance. Et ses mots... ses mots te clouent sur place. La chaleur du feu dans ton dos ne parvient pas à éliminer la sueur froide qui coule soudain le long de ta colonne vertébrale.  

Nath continue, soutenant ton regard figé. Les deux autres loups n’osent pas bouger non plus. Tu sens leur gêne, leur envie soudaine d’être partout ailleurs sauf ici, mais même s’il le voulait Pedro ne peut pas partir en te laissant ainsi, en état de choc... Parce que c’est ce que tu es, là, tout de suite... Figé, la gorge sèche et l’esprit bourdonnant, tu n’as rien à répondre à Nath. Ton loup reste immobile, tout comme toi.  

Alors que le temps semble s’étirer à l’infini, Pedro s’approche lentement de toi, prenant soin d’être dans ton champs de vision. Il pose doucement une main sur ton épaule et tente de te faire bouger. Tu restes encore un instant à fixer Nath avant de détourner le regard et de suivre l’Omega vers le chalet. Tu as besoin d’encaisser, il le sait...

Chris attend que vous soyez rentrez pour laisser échapper un sifflement entre ses dents.

- Quand tu tires, tu vise droit au cœur...

Ce n’est pas un reproche, mais bien une constatation. Il soupire et va chercher la viande pour la faire cuire.

- On ne le reverra pas de la soirée. Je lui apporterai à manger plus tard.

A l’intérieur, Pedro t’emmène jusqu’à ta chambre. Tu t’assieds sur le lit, toujours sous le choc. L’Omega hésite un instant avant de prendre la parole.

- C’était violent, mais il a raison...

Tu tiques, relevant les yeux sur lui avec un regard noir. L’ombre de ton loup traverse ton regard et l’Omega trésaille, mais ne bouge pas. Il est là pour ça, après tout, pour calmer ta colère ou tout autre émotions susceptibles de te faire péter un plomb. Mais tu restes assis, ne sachant pas quoi penser de ce qui vient de se passer...

Plusieurs minutes passent sans que tu ne bouges. Pedro finit par rejoindre les deux autres, te laissant seul avec toi-même, et avec ton loup...

Ce dernier se love contre ton esprit, cherchant à te réconforter. Toi... tu bug toujours... Les mots de Nath tournent en boucle dans ta tête, te donnant presque la nausée. Tu ne sais pas sur quoi tu es sensé t’arrêter... Le fait qu’il t’es psychanalysé en deux minutes chrono ou le fait qu’il ait avoué pouvoir t’apprécier ?

Tu appuies tes coudes sur tes genoux et enfui ta tête dans tes mains en soupirant. Bordel... t’es sensé faire quoi, maintenant... ?

Au moins, tu as le bon goût d'offrir une grimace gênée. Tu ne regrettes pas vraiment tes mots, même si tu sais qu'ils ont été durs et que ce n'était pas hyper sympa de ta part. Mais tu t'en fiches d'être sympa maintenant, tout ce que tu as besoin c'est qu'il avance lui, pour que tu puisses avancer toi. Tout est trop confus, mélangé, il y a des non-dits et des impossibilités qui vous bloquent dans vos retranchements, mais en réalité, vous pouvez travaillez dessus. Tu ne sais pas où ça va vous mener et tu t'en fiches un peu du résultat - pour l'instant - mais tu sais que tu es sur le bon chemin, car ton loup réagit avec toi. Ton loup est touché par la tristesse de Theo, mais il ne t'en veut pas, alors tu te doutes que tu as fait un pas dans le bon sens.

- Attends Chris, tu.. tu penses que je peux lui apporter à manger ?

Chris te dévisage un instant, comme surpris par ta proposition et il semble prêt à refuser, pensant que tu ne voulais qu'empirer le truc. Vraiment, il ne te porte pas dans son coeur ce bêta.

- Je veux juste, je fais pas, faire un pas en avant, comme je lui ai demandé de le faire. Je... S'il te plaît, je pense pas que ça va causer plus de tort.

En réalité, tu n'es pas certain de savoir pourquoi tu en ressens le besoin. Sûrement pour tenter de profiter de cette dernière soirée dans ce coin de paradis - quoi, isolé, tranquille et la possibilités d'être vous-même est forcément lieu paradisiaque - et de cette parenthèse hors du temps. Tu avais besoin de le faire se confronter à la réalité, mais toi non plus tu ne veux pas y retourner trop vite.

Pourtant, tu laisses passer quelques minutes, loooongues minutes qui se transforment une heure, puis une heure et demie. N'y tentant plus, tu confectionne une assiette de reste que tu fais réchauffer avant de monter devant la chambre de l'alpha. Tu sais qu'il t'a entendu, ou senti, qu'importe, mais tu toques tout de même et tu t'annonces.

- Theo ? C'est... Nath, je t'apporte un repas. Je... je peux entrer ?

Et s'il veut te refuser, il en a complètement le droit évidemment. Et puis tu ne l'aimes pas tant que ça. Alors pourquoi t'as le coeur serré à l'idée qu'il puisse te demander de partir sans te voir ?

Tu ne sais pas trop combien de temps passe. Tu as fini par te laisser glisser à terre, le dos appuyé contre le lit et les bras entourant tes jambes. Tu cogites à t’en arracher les cheveux... Tu sens l’odeur du feu et de la viande, mais cela ne te donne pas faim pour autant. Tu as l’estomac bien trop noué pour manger...

Au bout d’un moment indéfini, l’odeur de Nath se fait plus forte et tu finis par l’entendre à ta porte. Il frappe et te demande s’il peut entrer avec de quoi manger. Tu fixes la porte quelques secondes avant de te relever en grimaçant, raide d’être resté sans bouger aussi longtemps, pour aller lui ouvrir. Mais au moment où tu t’apprête à te diriger vers la porte, tu te rassieds au bord du lit.

"C’est ouvert...”

Ta voix est rauque. Tu ne veux pas lui faire face directement. Tu gardes le regard fixé sur le mur devant toi, la jambe tressautant légèrement. Ton loup est aux aguets, tu le sens fébrile à l’idée d’avoir Nath dans ta chambre, mais tu ne comptes pas le laisser prendre le dessus cette fois... La situation n’a pas besoin d’être envenimée plus qu’elle ne l’est déjà...

Tu te redresses légèrement lorsque l’Omega entre, mais tu ne le regarde pas, baissant les yeux à la place. Tu ne sais pas quoi dire. Que ce n’est pas si simple de se pardonner ? Que tu te détesteras toujours pour ce que tu as été et ce que tu as fait ? Que s’il choisit de rester près de toi il en souffrira, quoi qu’il en dise ?

Tu jettes un regard à l’assiette qu’il t’a amené puis détourne à nouveau les yeux. Il ne veut rien entendre de tout ça... tu le sais bien...

Il veut savoir la suite, mais tu n’en sais pas plus que lui... Tu serres un peu les poings pour calmer ton loup qui commence à s’agiter un peu trop, et finalement tu te décides à parler.

"Alors quoi... comment tu veux faire ça ? On s’organise des sorties et on voit lequel de nous deux craques en premier ?”

Il y a du sarcasme dans ta voix, mais surtout de la tristesse. Il ne veut pas que tu l’ignores, que tu t’éloignes ou que tu le rejettes, ça tu l’as bien compris. Mais vous ne pouvez pas non plus rester ici indéfiniment, vous avez chacun des responsabilités dans vos meutes respectives...

Tu soupires et passes tes mains sur ton visage, puis dans tes cheveux, avant de croiser les bras. Ton loup à faim, et tu refuses de savoir de quoi exactement, aussi l’ignores-tu royalement.

”Qu’on le veuille ou non, nos loups nous dirigent... et je suis bien placé pour savoir que les ignorer peut couter très cher...”

Tu fais une courte pause, ne sachant pas trop où tu vas avec ça...

"Si je suis en accord avec le miens... lui comme moi pourront te blesser de diverses manières car il nous est impossible de contrôler totalement l’autre...”

Tu relèves enfin les yeux sur Nath. Une lueur rougeâtre les colore brièvement, le temps d’un battement de cils, comme pour appuyer tes dires.

"Je veux juste que tu en sois en conscient...”

Tu n’es pas certain de t’être bien exprimé... mais tu fais ce que tu peux...

Il ne t'ouvre pas la porte, il ne te regarde pas quand tu rentres, super, ça annonce du bon du tout. Même si t'es dur, tu sais que tu l'as blessé et que c'est bien normal qu'il ait du mal. D'ailleurs, le fait qu'il n'ait même pas mangé aurait dû lui mettre la puce à l'oreille. Theo n'est pas du genre à avoir "pas faim"...

Ses mots sont plein de sarcasme, mais il n'y a aucun humour dans son ton. Evidemment qu'ils sont totalement bloqué dans une impasse qui les empêche tous les deux d'agir correctement. Sauf qu'il faut bien qu'il avance, d'un côté ou de l'autre, ils ne peuvent pas juste attendre que le temps passe et qu'ils voient ce qu'il adviendra, n'est-ce pas ?

- Ha. ha.

Il a séparé chaque syllabe, laissant de côté la moindre hilarité. Il reste debout, planté, après avoir déposé l'assiette bien sûr. Puis tu attends, qu'il parle à nouveau, ou qu'il bouge, qu'importe, tu es immobiles c'est à lui de faire un pas maintenant.

Et ce pas n'est pas vraiment ce que tu avais prévu, pas de ses mots qui ressemblent à une excuse, pas de ce regard qui brille de sa lueur rouge d'alpha. Va-t-il se mettre à t'ordonner des choses malgré vos meutes opposées ? Ou alors ... ou alors il t'averti de tout autre chose.

Tu soupires.

- Ok, j'en suis averti et conscient, souffles-tu d'une voix douce et légère.

Qu'est-ce que tu peux dire de plus ? Il t'a prévenu un million de fois déjà, tu es las de ses excuses, las de le voir se justifier, mais jamais essayer.

-  Parce que moi je ne te blesse jamais ? Parce que mon loup et moi on est parfaits ? Ah, non c'est qu'on est faibles que tu dois nous protéger. Tu me l'as répété toute ma vie, je suis un Oméga Theo, j'suis fait pour encaisser. Alors t'inquiète, je suis prêt. Enfin, je ne serais jamais prêt, ça c'est sûr, mais arrête de tourner autour du pot, essaie, juste essaie.

Tu en as marre de répéter la même chose, mais peut être que ces discussions n'ont lieu que dans ta tête.

- J'sais pas on pourrait peut être aller chasser une fois ensemble, c'est pas trop risqué comme activité ? Et on aime tous ça.

C'est plein de bonne volonté que tu proposes, tu espères juste le dérider un peu, voir l'autre sous sa carapace.

Nath répond dans un souffle. Et lorsqu’il te demande d’essayer, tu te passes les mains dans ta nuque en retenant un soupire. Il propose de chasser ensemble, comme aujourd’hui... C’est une idée oui, mais force est de constater que si ça fonctionne un temps, ça ne dure pas... vous en revenez toujours au même point au final...

Essaie...

Contenant ton loup, tu te lèves lentement et te tourne enfin vers l’Omega. La porte est ouverte derrière lui, il peut fuir à tout moment s’il le souhaite. Tu t’approches doucement, retenant ton souffle de peur que son odeur ne te fasse craquer.  

Tu t’arrêtes à un pas de lui, le regard rivé dans le sien, une lueur rougeoyante colorant légèrement tes yeux alors que ton loup s’agite de plus en plus. L’euphorie de la chasse, les émotions qui t’habitent, la proximité de Nath dans ta chambre... il est excité, dans tous les sens du terme... Tu vas devoir te transformer à nouveau pour qu’il puisse se défouler, mais pas tout de suite...  

La gorge sèche, tu attends de voir si Nath recule avant de t’approcher un peu plus, approchant tes lèvres de son oreille sans pour autant le toucher.

"Je suis le plus faible de nous deux...”

Ton cœur bat la chamade. Tu as une soudaine envie de mordre, non pas pour le blesser, mais pour le marquer... Cette idée te terrifie, mais tu ne bouges pourtant pas. Tu attends de voir quand il reculera, s’il recule... Tu tournes les yeux vers lui, le souffle court alors que vos visages ne sont qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.  

"Très bien... on pourra chasser oui... mais d’abord dis-moi une chose...”

Les ongles enfoncés dans tes paumes, ton regard vire au rouge alors que tu t’obliges à ne toujours pas bouger.

”De qui as-tu le plus peur... mon loup ou moi ?”

Tu penses déjà connaitre la réponse, mais tu veux en être certain. Si c’est bien celle que tu penses, alors as-tu peut-être une idée pour commencer... pour essayer, comme il dit...

Il s'approche, toujours plus près et tu te doutes qu'il te teste ou qu'il te transmet un message, alors tu restes immobile. De toute manière, son aura t'aurait empêché de bouger, la tension dans la pièce est à son comble et tu te rends compte que tu retenais même ta respiration quand tu inspires à nouveau.

Tu l'écoutes parler, murmurer ces mots, à ta destination. Ton coeur se met lui aussi à battre plus vite, comme le sien. Fichu ouïe sur développée et fichu loup qui s'adapte à celui d'en face.

La joie que tu ressens à le savoir si proche ne vient pas de toi.

Son regard, rouge, te fascine et tu ressens un frisson électrique qui te parcourt. Un frisson t'avertissant du danger.

- Je.. n'ai pas peur... de ton loup.

Tes mots sont hachés, comme s'ils avaient eu du mal à sortir. Comme si tu te battais contre un mensonge. En réalité, tu n'es pas certain que c'est de la bravoure ou que tu es en train de mentir, parce que son loup aime ton loup, il l'aime tellement que ton loup lui répond instinctivement. Alors, tu es certain qu'il ne pourrait pas te faire de mal. Et tu n'as peur que d'être brisé, de souffrir encore. Tu n'as pas peur de l'amour, pas peur des sentiments, de la passion, parce que toutes ces émotions tu les ressens au fond de toi, ils sont partagés par ton loup.

Il est toujours trop proche, il te suffirait de tendre la main pour le toucher, de pencher la tête pour l'embrasser, mais tu restes immobile.

- Je... je n'ai pas peur de toi dans le sens où tu l'entends...

Ta voix n'est qu'un murmure, tu voudrais baisser les yeux, mais tu veux lire dans les siens et puis, tu es hypnotisé par sa teinte, par sa posture.

- J'ai peur que tu me brises le coeur, Theo, pas que tu me fasses mal physiquement.

C'est la vérité, tu t'en rends compte au moment où tu le prononces. Il ne te fera plus mal, pas de cette manière du moins, physiquement, c'est terminé, il tient à toi malgré tout, il ne pourrait plus te battre ou te violenter. Par contre... oui, l'espoir et ton petit coeur fragile, il pourrait le briser.

Soudain, tu te rends compte de ce que tu dis ! Tu étais venu le rassurer, pas te confier ! Comment a-t-il retourné la situation de la sorte ?

L’Omega ne te lâche pas des yeux. Tu entends vos cœurs battre en rythme et son odeur d’assouplissant et de sable chaud t’enivre malgré tes efforts pour l’ignorer.  

Tremblant, Nath te répond qu’il n’a pas peur de ton loup. C’est bien ce que tu pensais...

Tu pinces légèrement les lèvres, t’apprêtant à quitter la pièce, mais il reprend, ajoutant qu’il n’a pas peur de toi non plus, ou du moins... pas dans le sens où tu l’entends...  

Vous ne vous lâchez pas des yeux, les tiens rougeoyants sous les assauts de ton loup. Et il continue, avouant de quoi il a peur. Et tu te fige face à ces aveux. Tes yeux s’écarquillent de surprise avant de reprendre leur couleur initiale. Ton loup s’est figé, lui aussi... Tu restes ainsi, immobile, quelques secondes, avant de détourner le regard avec un petit sourire bref. Tu poses alors une main sur son épaule, la serre légèrement en te retenant de ne pas le prendre dans tes bras, puis quitte la chambre sans un mot.

Tu reviens quelques minutes plus tard, 2 ou 3 tout au plus, sous ta forme lupine. Si toi tu bloques, ton loup lui n’attends que le contacte, alors tu lui laisses la main pour cette fois, pour voir comment ça se passe. Guilleret d’être à nouveau libéré et de ne pas être bridé, il vient se frotter aux jambes de Nath sans aucune gêne avant de sauter sur le lit et de renifler l’assiette dont il avale le morceau de viande d’une seule bouchée. Si Théo peut briser Nath, son loup ne pourra jamais lui faire de mal... alors autant commencer avec lui...