Il profitait du moment. Il essayait de ne pas superposer les images d’Aveline avec celle de Mathias, mais c’était peine perdu. Aveline avait toujours eu des traits masculins et elle ressemblait à Mathias, qui ressemblait aussi à Wilsonia. Leur ressemblance était frappante et il n’était pas réellement étonné d’avoir ressenti ce besoin de protection envers lui. Il avait eu besoin de le protéger et de le soustraire de tout ça. De toutes la violence et les actes désespérés des loups. Il profitait donc de la caresse de la jeune femme et de son calme pour apaiser son cœur. Sa tête contre son ventre, il écoutait les pulsations de son sang, l’écho de son chant dans sa cage thoracique et bien évidemment sa voix. Il essayait de revoir les choses dans une globalité plus grande.

- Tu es celle qui m’apaise, répondit-il avant même qu’elle ne puisse finir sa phrase.

Elle était quelqu’un pour lui donner des conseils. Sherwood, dans sa vie dissolue, ne faisait confiance qu’à peu de personne pour lui donner des conseils. Il n’en demandait pas. Cependant, la seule personne à pouvoir lui en donner, pour le moment, c’était elle. Elle savait tout et avait vue la vérité. Il se relève quand elle lui demande, pas possessif à ce point. Il apprécia qu’elle garde un contact avec lui, comme l’unique lien avec la terre ferme. Il en profite de ça. Loin d’être un pilier sur lequel s’avachir, il n’était pas le genre à vouloir donner à quelqu’un la lourde tâche d’être son pilier, elle était une lumière rassurante. Présente par sa propre force et n’existante pas pour lui, mais simplement par sa décision. Elle était posée et calme et elle ne l’aidait qu’avec cette lumière chaleureuse.

Il l’écoute parler de son descendant et son histoire. Il ne cille pas quand elle parle de ses travers et son passé. Il comprend mieux pourquoi il avait préféré oublié. Il se demande si c’était mieux d’oublier ou de savoir. Pour lui, qui ne se souvenait plus à cause d’un coup du sort, il trouvait cela dérangeant de ne plus se souvenir de son passé. Il n’aimait pas avoir oublié sa relation avec les autres loups et autres créatures du groupe de Wilsonia. Même si cela s’était fini tragiquement, avec lui à nouveau enfermé pour devenir un autre monstre utilisé pour les sorts. Il sent son cœur battre, mais pas de peur ou d’effroi, mais d’un sentiment plus doux et pur de compassion. Il voulait être un soutien pour Mathias maintenant. Il devait être un soutien. Enfin, s’il le veut bien. Ce qui n’était pas prêt d’arriver sans comprendre la nouvelle obsession du loup pour sa personne.

- Alors je dois simplement… devenir son ami ?

Il se mord les lèvres avant de rougir.

- La seule créature avec qui je me suis lié d’amitié, c’est Pirate.

Et ce n’était pas un euphémisme. S’il devait garder le secret sur sa filiation avec Mathias, il le pourrait aisément. Déjà, il n’était pas trop bavard. En plus, Mathias ne pourrait pas lui obliger à répondre s’il ne le décide pas. Sherwood pouvait aussi faire une partie de la réponse, véridique, en n’appuyant leur relation que sur Wilsonia et lui, non sur Aveline dont il n’avait jamais dit le nom en face de quiconque. Il observa la jeune femme et posa sa main à son tour sur son visage. Il caresse à peine sa peau, non pour une quelconque envie sexuelle, il touche juste en se rappelant qu’il avait toujours aimé caresser le visage de ceux qu’il apprécie. Le nez, surtout. Il passait son doigt entre les sourcils pour descendre jusqu’au bout du nez avec une douceur lente et réfléchit. Il fit alors quelque chose de rare. Quelque chose qu’il ne savait même pas faire. Il sourit. Il avait du respect pour Adam. Il appréciait parfois Ben et Warren. Mais s’il ne devait rien dire sur Mathias, peut-être pourrait-il venir dans sa meute ? Et s’il venait dans sa meute, il pourrait voir plus souvent la jeune femme ? Cette idée le fit sourire.

- Merci, de m’avoir permis de me souvenir que j’avais été apprécié.

Ne pas savoir que l’on avait été aimé… Il n’avait pas réalisé avant de se souvenir de ce moment, autour du feu qu’avait fait Wilsonia, que ça lui manquait réellement une famille. Wilsonia avait fait cuire des poissons avant de lui tendre pour qu’il le mange et l’avait appelé « fils ». C’est tout. Mais ce sentiment qui avait accompagné ce mot l’avait transporté. Wilsonia se fichait pas mal que Sherwood était plus vieux que lui. Il finit par toucher le bout du nez sans se départir de son sourire.

- Tu es une petite sorcière incroyable, fit-il avec douceur avant de réaliser son affront. Excusez-moi pour cette familiarité.

Il se lève et finit par se disputer mentalement. Il fallait qu’il arrête de la toucher, ou la caresser, ou même à la tutoyer… Déjà, il devait s’habituer à l’appeler par son prénom, ce qui le dérangeait bien plus que ce qu’il n’accepterait de le dire, alors si en plus il se mettait à être aussi familier. Il l’avait dit, il n’avait pas d’ami. Bien que respectueux et impliqué dans la meute, il n’avait pas fait de lien avec eux. Il en était incapable parce qu’il se sentait toujours un peu à part, différent. Il était le frère du Marrok, aussi. Un des premiers loups. Un des plus vieux. Et pourtant, il ne s’en souvenait pas.

- Comment était ma bibliothèque ? demanda-t-il pour savoir la quantité de travail à abattre dans son esprit.

Il cherche son regard et son attention, comme Pirate en effet. Il cherche à savoir quoi faire et à se mettre « dans la lignée » de ses pensées. Il ne sait pas exactement comment il pourrait faire pour cette situation bien inédite. Il allait apprendre, comme toujours, en profitant du réconfort qu’elle lui apportait. Ecoutant l’histoire de la meute de son père, il cille à peine en imaginant la souffrance et le désaroix. Comprendre que l’on a été elevé d’une certainement manière, pour être un soldat, et réalisait que l’on faisait mal depuis tout ce temps. Sa mère leur avait-elle fait ça ? Il n’a pas de souvenir, mais il sait ce que l’Histoire lui a transmis sur la mère des loups-garous. Celle qui utilisa sa famille pour créer les premiers et qui, ensuite, les manipula jusqu’à ce qu’un d’eux arrive à se rebeller. Ils avaient bien du apprendre à gérer leur loup selon les informations de cette tortionnaire… un peu comme la meute de la jeune femme. Et Mathias. Son descendant qui avait le même passé que lui, dans une moindre mesure.

- I understand. Time and space, and friendship, souffla-t-il pour toute réponse à sa tirade. Many wolf learn to be a Werewolf by themself. By instinct. But, if people play with their feeling…

Jouer avec les sentiments et les émotions n’était jamais une bonne idée. Que cela soit de les enterrer dans son esprit ou de les laisser libre. Le monde était une balance, et il n’avait aucune idée de qui lui avait dit ça, dans une lointaine époque. La balance entre le bien et le mal, la force et la faiblesse, le jour et la nuit. Il fallait continuellement être enclin à accepter cette balance et à la protéger pour ne pas devenir fou, dans un sens ou dans un autre. Un peu comme si on bouchait un trou d’un tuyau alors qu’il y avait une autre sortie ailleurs. La pression explosera de l’autre côté, noyant la zone et laissant la première asséchés. Il s’en voulait un peu, d’avoir été le premier loup avec sa famille. Il imagine bien que son frère et son neveu, qu’il avait rencontré même s’il l’ignore aussi, devrait s’en vouloir… parce que si aucun d’eux n’avait mordu des humains, les loups garous ne seraient pas aussi nombreux. Il savait, de l’Histoire à nouveau, que sa mère était la seule à savoir comment transformer un loup par magie. Le reste, même les expériences, était souvent fait avec un peu de magie, et beaucoup de sang de loup. Il s’excusa pour son action et tourna la tête vers la jeune femme quand elle parla du bordel de son esprit. Il fronça les sourcils, mécontent.

- I don’t like mess, énonça-t-il comme si la propreté de sa voiture ou la rigueur qu’il mettait en tout n’était pas évidente.

Il aimait les choses rangées et à leur place. Le fait est que la rigueur était de mise, chez lui, et en lui. Il l’avait cru en tout cas. Mais puisqu’elle parlait d’une chose détruite. Il se demande s’il devrait lui parler de la possibilité de l’emmener avec lui dans son propre esprit, comme elle l’avait fait pour le sien. Il pourrait l’y aider, peut-être. Mais la gêne qu’elle ressentit lui fit oublier son idée. Il étira ses lèvres dans une douce expression.

- If you love work on my head, you’re welcome. We’re not trully prepared for my memory, i guess. And i’m a really old man, if i believe in my little remembrance. My library need place.

Et pour les souvenirs des autres ? D’un coup, il se pose une question sur les liens de la meute et sur l’origine de la magie qui unit les loups en groupe. Avant d’être dans la meute d’Adam, il était prisonnier des sorcières, encore avant dans un groupe de personnes différentes avec seulement Wilsonia en loup solitaire, puis encore avant torturé par une autre sorcière et… encore avant… Il était dans une meute, composé de son frère, son père et son neveu. Est-ce qu’il était possible qu’elle trouve la mémoire partagée ? Un peu comme Bran qui pouvait rentrer dans la tête des gens et parler dans leur esprit ? Ou alors, il était juste très vieux. Il la suivit sans s’émouvoir de sa déclaration.

- You like me because of my brain, not my body, it’s a great compliment, finit-il par dire alors qu’il prit place et commença à commander le repas des loups, autant dire beaucoup de chose.

Il se dit qu’ils auraient peut-être du prévenir Mathias et Félix… mais Sherwood n’était pas exactement sûr de comment il allait pouvoir parler à son descendant sans rien lui dire. Et puis, ouais, il appréciait vraiment que la jeune femme l’apprécie pour sa particularité d’amnésique, ça le flattait parce qu’il se disait qu’il avait tout à découvrir avec elle.

- It's possible to go with you inside my head ? To help clean.

Ou pour la nourrir, pensa-t-il en lui tendant un bout de pain avec douceur. Heureusement qu’elle n’était resté qu’une semaine dans son esprit, alors…

- Why didn’t ask help of the Marrok ? To learn instinct and protect themself.

C’était une bonne question, de son point de vue. Pourquoi ne pas demander de l’aide à Bran ? Bien que celui-ci passe pour un monstre un peu trop strict, surtout après le coming out, il pouvait aussi se trouver logique et patient. Il avait élevé une changeuse, il avait aidé pas mal de gens en les prenant dans sa meute pour ensuite les faire partir. Après tout, n’avait-il pas entendu parler d’une meute avec des changeurs qui auraient élu domicile chez lui ? Il fallait bien avoir plus que de la dominance pour aider et soutenir. Enfin… après, le peu qu’il se rappelle de Bran Cornick, et non pas du Marrok, ne l’aider pas. Il voulait connaître son frère et avait une trop grande facilité à imaginer le reste de son caractère à partir des brides qu’il avait reprit grâce à la jeune femme. Il écouta la jeune femme… il l’écouta, et comme la première fois, l’idée qu’elle parte et le laisse ainsi le panique. Il le cache derrière ses pulsions. Il n’aimait pas l’idée que la solution à ses problèmes disparaisse ? Ou il n’aimait simplement l’idée de la voir disparaître.

- We found a solution. I mean…, We can search a solution.

Il avait besoin d’elle. Il l’observe. Il ne savait pas comment il allait faire. Elle avait commencé à défaire le barrage de gourdin et de bois fait par des millions de castors… elle ne pouvait pas décider de partir. Elle ne pouvait pas lui faire ça. Il se savait égoïste… il se savait terriblement stupide de voir le départ de la jeune femme comme un abandon au milieu de la guerre, mais il n’arrivait pas à faire autrement. Il avait peur de se retrouver avec ses pensées qui le submerge. Il se noierait si elle n’était pas là pour le soutenir. Mais il ne rajoutera rien. Il ne le dit pas. Parce qu’il sentait le besoin vital qu’elle avait de repartir chez elle. Ses mots lui firent pencher la tête.

- Thank you, i’m think. I like… I… I like your body. I mean. You are a beautiful girl.

Il se fustige mentalement. Il avait besoin de lui dire qu’il la trouvait belle… mais il ne pouvait pas lui dire, normalement. Il savait que les autres loups n’étaient pas là… et que Félix n’aurait pas apprécié qu’il lui dise ses pensées. Il repose un regard sur lui. Son loup se dit qu’il avait envie de se mettre contre son ventre, pour embrasser cette zone si tendre et lui faire sentir son odeur. Sherwood n’aimait pas cette idée. Non pas de désirer une personne, mais que cette même personne pourrait retrouver ses souvenirs pour en voir ses pensées, non ? Il la laissa manger en silence. Pensant à ses paroles. Il la vit tendre la nourriture, et sans hésitation, il se pencha pour prendre la bouchée. Il prit le dessert, profitant du goût dans sa bouche. Il se recula ensuite, laissant sa langue toucher ses lèvres pour en reprendre les restes.

- It’s tasty, thank you.

Il ne chercha pas à manger plus. Il se recule et réfléchit encore.

- Dangerous ? How ? And be monitored by medical attention, it’s would be suffisant ? I… I need to help, to clean my brain. Since… months i fight against memories. Because i believe that if… If i keep my brain without control, i would become crazy. I am afraid about that.

Surtout si elle disparait ensuite. Si elle part, il n’aura plus personne pour l’aider. Et puis… il aimait bien être avec elle, comme ça. Il aimait bien être en sa compagnie. Il aimait bien, tout court. Et il n’avait pas réellement de solution à leur souci.

Sherwood savait qu’elle avait raison… pour que cela soit du fait d’être trahi, ou bien du Marrok qui n’aurait pas aider… ou alors pas sans la certitude de pouvoir asseoir à nouveau sa dominance sur ce peuple. Quelque chose comme ça… mais ils auraient pu faire quelque chose. Adam, par exemple… il aurait pu faire quelque chose et leur venir en aide. Il l’espérait. Parce qu’il ne voulait pas d’un monde où la bienveillance avait éclipsé sous la recherche du pouvoir et la souffrance. Il avait trop connu de souffrance. Mathias était la preuve que la bonté existe. Il était né d’un sauvé et de la fille de son sauveur.

- I hope you’re wrong, murmura-t-il simplement.

Mais sa voix pouvait attester qu’il savait déjà qu’elle était dans la vérité, et que peut-être son frère n’aurait pas aider le groupe… ou alors, il l’aurait anéanti pour ne pas risquer quoi que ce soit. Le mort pour le bien commun. Malheureusement, pour être un loup très vieux mais sans se souvenir, il savait déjà qu’il était d’accord avec ce principe. Tuer un loup qu’on ne peut pas facilement changer pour sauver les personnes qui auraient voulu le changer, peut-être à blanc. C’était ainsi que réfléchissait un dirigeant, pas un frère ou un père. C’était une manière presque froide… Et Sherwood, bien que voulant être plus, ou l’espérant l’être au vue des quelques brides de souvenirs qui lui sont revenus, savait être un soldat. La mémoire du corps était plus forte que la mémoire de l’esprit. Son corps savait se défendre, il savait se battre. Sa patte en moins n’avait fait qu’augmenter sa violence pendant un conflit, pour gagner avant que sa faiblesse ne soit utilisée contre lui. C’était ainsi.

Il n’était pas stable, pour le moment, dans une tourmente qui ne faisait qu’augmenter au fur et à mesure de la certitude que la seule personne qui pouvait le garder sur les rails était devant lui. Même le Marrok ne pourrait pas arrêter son loup s’il décidait de se laisser submerger par les sensations qui l’assaillent. Il avait des années, des centaines d’années, des millénaires de souffrances condensés dans un loup martyrisé. Lui faire se souvenir de ses tortures ne sera jamais une bonne idée, mais tant qu’il ne se souvient pas, il ne serait pas complet. Il le sait. Il ne pourrait pas être comme Mathias et donner sa mémoire à une femme pour survivre. Il avait besoin d’être complet, au moins dans sa psyché. Il reposa ses yeux sur elle. Elle l’apaise. Il apprécie ça. Alors, il l’écoute. Et il étire ses lèvres en un sourire doux.

- With pleasure, mi… my lily.

Il ne rougissait même plus de l’appeler ainsi, à la place de « milady » qui lui venait tout naturellement aux lèvres. Il savait que ce surnom n’était pas apprécié par le loup protecteur, mais il s’en fichait, cela lui allait bien. Elle était comme la fleur qui permet au loup de reprendre contenance dans ce monde. Il la regarde.

- With Mathias, bien qu’il ne sache toujours pas comment il allait survivre à la proximité avec son fils.

Il écoute le reste des raisons d’un pour et contre étrange et magique. Les loups avaient du mal avec la magie, normalement. Lui l’acceptait plus facilement du fait de ses capacités spéciales. Quand elle se penche sur lui, il se bloque et la regarde faire sans bouger. Ce n’était pas pour sa mémoire qu’elle le toucha, cette fois, mais juste… instinctivement.

- I believe in you, fit-il avec un doux sourire et il brida le reste de ses paroles dans le fond de ses pensées.

Mais cela était dangereux. Parce que l’animal qu’il était très clairement avec observer la jeune femme se pencher, et l’idée de lui voler son doigts entre ses lèvres pour sucer le reste de nourriture l’avait traversé comme jamais auparavant. Il espérait vraiment qu’elle ne pourrait pas voir ses pensées.

- Work too, répondit-il, and i will check ill wolf with my pack… and may be found a solution for my grand-grand-son. I need to do something and i’m just learn that i have a family so…