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LE TEMPS D'UN RP

Au-delà des mirages, le monde est nôtre [ ft Frida K.]

Lobscure
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Lobscure
Mar 20 Aoû - 3:10

Elda Tullia
Sacerdos

J'ai 17 ans et je vis à Rome. Dans la vie, je suis la fille d’un haut général de guerre et je le vis au gré de ses aspirations. Sinon, en raison de mon statut je suis l’objet de désir de tous les patriciens en quête d’union, mais grâce à mes machinations je parviens à échapper cette destinée médiocre que m’impose ma condition.


(♪) Chanson thème - Elda

Elda incarne une force tranquille, un contraste saisissant entre l'innocence qui nimbe son visage et la tempête qui gronde en son sein. Elle porte sur ses épaules le poids de la colère et de la jalousie qui la dévorent, une flamme ardente dissimulée derrière un masque de douceur, mais ce qu’elle dégage n’est que froideur.

Rose négligée qui n’aspire qu’à s’élever, elle est pourtant éclipsée par l'éclat du soleil fraternel. Mais sous le masque de l'Apollon altier, ce héros de pacotille ivre de faux exploits dans l'arène, Elda sait discerner la marionnette des jeux politiques familiaux. Elle aspire secrètement à une destinée qui lui appartient. Son esprit vif et acéré, arborant les reflets d’une intelligence rare, se nourrit de ses ambitions insatiables.




Rêverie:

Se détournant d’Ulter pour plonger dans l'eau, Elda fit quelques brassés dans l’étang pour profiter de la fraîcheur que lui offrait ce moment avant de regagner le rivage. Elle guetta savamment la réaction du germain en émergeant de l’eau cristalline, qui en se retournant baissa aussitôt les yeux comme brûlé par l'audace de son propre désir. Elda réprima un petit sourire d’outrepasser ses lèvres lorsqu’elle en a eu la confirmation en un seul regard ; le germain n’était donc pas insensible à ses charmes. Consciente de son manque de pudeur, la jeune domina alla s’adosser à l’autre extrémité du tronc rugueux où se trouvait Ulter pour s’effacer de son champ de vision et ainsi lui permettre de répondre intelligemment à sa question. Elle attendit, le laissant s'enliser dans ses réflexions sur les querelles entre leurs deux peuples, avant de rompre le silence d'une voix basse, mais incisive.
— Je ne parle pas de convenances, de devoir, ni même de politique. Je parle d’instinct. De ces forces qui nous animent malgré nous, qui échappent à la raison. De ces désirs qui nous consument… et de ces et ces pulsions l’on ne peut réprimer, fit-elle en essorant les pans de sa robe imbibés d’eau qui s’égouttait à ses pieds.
Car, bien que le sort d’Ulter entre les mains des Sacerdos pouvait lui sembler pour l’instant clément, ce n’était qu'une question de temps avant que ne s’ajoute à son titre de captif, le spectateur impuissant du massacre imminent des siens perpétrés par son père au nom de Rome. Et combien de fois, Elda elle-même, avait-elle caressé l'idée de céder à ses impulsions, d'étancher sa soif de vengeance en égorgeant son propre frère ? Cela pour un tort bien moins grave, si pas moins capital.«  C’est là que tu trompes Ulter. En temps de grâce et d’abondance comme ce jour-ci, tu n’as certes aucunes raisons de vouloir t’en prendre à l’individu que je suis, mais tu fais alors l’erreur d’oublier qu’en cet instant je suis Elda Tullia Sacerdos, fille de Flavius Sacerdos, général des armées romaines qui oppriment en ce moment même ton peuple. Un simple de mes murmures soufflé à l’oreille de mon père pourrait sceller le sort de ton village si tel était mon caprice. Certes, tu n’as aucune raison pour l’heure de t’en prendre à ma personne, mais n’en doutes pas que les raisons viendront en des temps plus sombres… Et à ce moment-là, il sera trop tard et tu te maudiras d’avoir oublié qui je suis. Qui je suis réellement, termina-t-elle en se détachant du tronc pour s'avancer vers l'étang. Sa voix s'était faite plus douce, au-delà de la gravité de ses propos. Elle observa distraitement les mouvements des grenouilles et le bruissement des joncs, une mélancolie douce-amère l'envahissant. Ses paroles, plus qu'un avertissement, étaient une confession voilée. Si elle ressentait quelques affections pour Ulter, elle savait néanmoins que le moindre éclat aux par-delà les frontières les détournerai l’un de l’autre. Elle espérait ainsi qu’il s’en souvienne pour lui éviter, peut-être, des souffrances inutiles. « Tu sais Ulter… Je donnerai ma vie pour Rome. » lança-t-elle dans un souffle en se retournant pour croiser les yeux de l’otage qui semblaient soudain capables de soutenir son regard malgré la presque nudité qui la couvrait par la transparence du tissu détrempé. « Cela n’empêche pas qu’il y a des jours où je voudrais la voir brûler. »

Le jeune homme se releva lentement à ses paroles, quittant le refuge des arbres pour avancer vers la mare à son tour. L’eau troublée par ses pas sembla refléter l’agitation qui grondait en lui. Elda qui espérait ne pas l’avoir trop ébranlé l’observait à distance, attentive à ce qui se dessinait dans son esprit. La jeune femme s’assit non loin de lui, détaillant ses traits avec une grande attention, se surprenant même à admirer plus que de raison sa longue chevelure tressée. L’esprit du jeune homme vagabondait, visiblement, puisque revisitant l’évocation qu’il avait faite du poème de l’autre jour. Un poème qui étrangement les unissait dans leur malheur comme ils semblaient si bien le lui dire.
Elle baissa les yeux. Un papillon monarque s’était posé délicatement sur le genou du germain, ses ailes vibrant d'une beauté fragile avant de reprendre son envol.
— Nous sommes suspendus oui, mais comme ce papillon échappé du tombeau, notre mort est un sommeil et notre tombe un berceau.
Sur ces mots plus légers, la jeune femme abandonna leurs différences pour profiter pleinement de ce que leurs similitudes lui apportaient comme paix d’esprit.

Ulter fit boire Magnus, et sous le regard d’Elda, il s’agenouilla avec une dévotion presque sacrée pour déloger avec application les graviers logés dans les sabots de l’étalon. Il y avait, dans ce geste en apparence anodin, une intensité douce et troublante à la fois qui vient arracher un frisson inattendu à Elda, comme si une partie d’elle-même s’éveillait pour la première fois. La réalité, implacable et brusque, la ramena à elle lorsque Magnus, dans un mouvement vif, secoua sa crinière, envoyant une myriade de gouttelettes scintillantes sur leurs visages. Sur le coup de la surprise, un rire cristallin s’échappa de ses lèvres, éclatant dans l’air comme un écho improbable de joie et c’était là dans ce rire, un miracle dans son univers si souvent teinté de gravité. Le regard qu’elle lança à Ulter par la suite, n’avait plus rien d’une séduction surjoué pour sous-tirer quelques aveux au germain. C’était le résultat de l’attachement le plus sincère et le plus inestimable dans le cœur de la domina.

¤

Les semaines défilaient, et il semblait à Elda que les jours étaient plus lumineux. Elle privilégiait de plus en plus la compagnie du germain qui égayait ses journées, à ses escapades en solitaire dans la capitale. Ce jour-là, une énième aventure à cheval les avait menés à travers des paysages familiers devenus soudainement fascinants pour la jeune femme. Elda se sentait presque invincible, protégée par la beauté et la tranquillité du paysage, au-dessus de toutes convenances, mais soudain, ce sentiment de sécurité fut brisé lorsqu’au tournant d’un chemin boisé, des bruits brusques et discordants troublèrent la sérénité de leur promenade et que des figures menaçantes surgirent des buissons comme des ombres malveillantes…

¤

Elda glissa du dos d’Aurea qui s’était cabré sur ses pattes arrières lorsque l’un des brigands avait tiré sur la bride de l’animal pour atteindre la domina. Son corps s’échoua lourdement au sol, et le souffle court, elle fut bien vite submergée. Les mains sales fourmillaient par dizaine sur sa peau avec une avidité qui lui leva le cœur et Elda ne cessait de se débattre avec une rage folle. Malheureusement, ses mouvements étaient lents, alourdis par la boue qui s’imprégnait à ses vêtements et du surnombre d'individus auxquels ils étaient confrontés. Leurs rires grossiers résonnaient dans ses oreilles, amplifiant une rage sourde et cette peur lancinante au ventre qui n’étaient pas sans lui rappeler celle de ses nuits. Et soudain, au milieu du chaos, elle aperçut une silhouette familière. Celle d’Ulter, fondant sur ses agresseurs avec une violence qu’elle ne lui connaissait pas. La branche qu’il maniait s’écrasa avec un bruit sourd contre les crânes les plus proches, arrachant leur attention de la jeune femme qui en profita pour rouler sur le côté. Elda sentit alors une vague d’adrénaline pure envahir son corps. Libérée de leur poigne brutale, ses mains cherchaient au sol à s’agripper à tout ce qui pouvait lui donner un avantage. Là, sous ses doigts tremblants, une pierre aux contours contondants. Serrant avec une force désespérée sa seule défense tandis qu’elle se redressait sur ses pieds, elle asséna d’un geste rapide un coup sur le crâne du brigand le plus proche. Son souffle se figea lorsqu’elle entendit le craquement sinistre de l’impact. Le malheureux tituba en arrière de deux pas, ses yeux se voilant avant qu'il ne s'effondre à ses pieds. Saisie par la stupeur, Elda laissa aussitôt la pierre glisser de sa main. Mais lorsqu’elle aperçut l’un des assaillants prêt à porter un coup fatal à Ulter, elle n’hésita pas une seconde. Se jetant sur le bandit avec toute la force que son corps pouvait rassembler, elle parvint à le déséquilibrer. Une rage féroce s'empara d'elle, et elle frappa sans relâche avec acharnement, ses poings martelant l'homme avec une violence désespérée malgré la force des coups qu'elle subissait en retour. La douleur dans ses muscles était éclipsée par la nécessité de survivre.

La lutte était âpre, certains brigands, bien qu’ébranlés, tentaient encore de les submerger, mais Elda se montrait farouche et Ulter se battaient avec expérience, chacun alimentant la force de l’autre dans la volonté de se protéger mutuellement. Heureusement, c’est l’arrivée de quelques de leurs soldats armés alertés par les domestiques qui les firent se disperser pour de bon sous la fureur scandée d’Ulter. Impressionnée, Elda observa le jeune homme s'emporter, essuyant d’un revers de main la boue qui maculait son visage. Ses doigts tremblaient encore de la violence à laquelle elle venait de prendre part malgré elle. Ses muscles, tendus à l’extrême, commençaient tout juste à se relâcher, mais son esprit était encore en proie à cette rage assourdissante de ce qu’ils avaient voulu lui faire subir et un profond dédain la submergea alors en voyant apparaître entre les collines, Caïus au loin. Elle jeta un coup d’œil vers Ulter qui, haletant, était courbé en deux, et elle ressentit une bouffée de gratitude à l’égard du germain qui s’était révélée être un allié précieux. Qui sait ce qu’il lui serait arrivé si elle s’était retrouvée toute seule face à cette meute...
— Rien de cassé, Ulter, répondit-elle d’une voix rauque, tentant de dissimuler l’émotion. Merci… pour ta bravoure.

Elle se redressa lentement, inspirant profondément pour reprendre son souffle et son calme. Les gardes s’étaient regroupés autour d’elle, leur présence imposante contrastant avec la fatigue qui pesait sur ses épaules. Elle jeta un regard glacial sur le bandit assommé par Ulter à ses pieds.
— Amenez-le à la villa, il répondra pour les actes de ses compères, son regard se glissa ensuite sur le corps inanimé de celui-ci dont elle avait fendu le crâne. Un frisson la parcourut, mais elle n’en démontra rien et ne laisse aucune once de faiblesse transparaitre sur son visage. « Et celui-là… laissez-le aux charognards. Je reviendrais visiter sa carcasse. » Son ton était calme, mais dédaigneux. Les yeux baissés sur le corps inanimé, elle ne remarqua pas de suite la présence de son clinquant de frère que lorsque celui-ci s’insurgeât pour rejeter le blâme, sans prendre le temps d’un constat, sur Ulter. Le sang d’Elda ne fit qu’un tour dans ses veines lorsque Caïus lui ordonna ensuite de se taire lorsqu'il voulu se défendre d'une telle avanie.
— Assez !! Je ne te permets pas de t’adresser ainsi à celui à qui tu dois ma vie !
Elda serra les poings, luttant pour maîtriser la colère qui menaçait de la submerger, encore aux prises avec l’adrénaline qui lui parcourait le corps. Son regard perça celui de son frère avec une intensité brûlante. Caïus, surpris par la fureur de la jeune femme, fixa sa sœur d’un regard médisant. Ses traits se durcirent davantage. Il sauta de son cheval pour s’avancer vers elle, l’arrogance palpable dans le moindre de ses gestes. Il ne tolérait certainement pas que quiconque prenne l’ascendant sur lui, encore moins devant un tel public.
— Je n’y crois pas une seconde ! Qui te dit qu’il ne s’agissait pas de quelques-uns de ses complices ? fit-il, cherchant à masquer son manque d’arguments, ce qui fit persifler Elda entre ses dents avec mépris.
— Des complices ?! Quelle absurdité, Caïus ! Tu oses souiller le courage de quelqu’un qui, malgré sa condition, a risqué sa vie pour nous ? L’ignominie de tes paroles révèle bien plus sur toi que sur lui. Il mérite notre respect, non ta colère aveugle. Que ta prétendue noblesse ne soit pas un masque dissimulant ton indigne lâcheté ! Tu me fais peine à voir, à toujours prétendre être supérieur, alors que ton arrogance te rend ridicule !
Caïus se redressa, les traits déformés par une rage incontrôlable. Il leva la main et, sans crier gare, gifla sa sœur d’une violence inouïe. La claque retentit dans l'air comme un coup de tonnerre, mais Elda encaissa le choc avec une stabilité troublante. Elle redressa lentement la tête, soutenant le regard de son frère avec dignité. Sa joue, rougie par la frappe, brûlait sous l’effet de l'humiliation, mais ses yeux demeuraient sombres et imperturbables.
— Tu t’oublies sœurette. N’oublie pas à qui tu t’adresses.
— Et toi donc… fit-elle amère.
La jeune domina se détourna avec désinvolture pour remonter en selle sur le dos d’Aurea d’un bond gracile, puis sans un regard pour l’assemblée, annonça : « Que j’apprenne que vous avez touché un cheveu de l’otage et vous répondrez de la colère de mon père et la mienne. » Sur ces paroles pleines de menaces, elle partit au galop, ses pensées se retirant dans des recoins plus sombres de l'esprit. Elle venait de causer la mort d’un homme sans en souffrir du vertige. Cela l'a troubla tout autant que cela la galvanisait. Car c'était la première fois qu'enfin, Elda se sentait capable de faire payer le juste prix à quiconque osait dorénavant sous-estimer la femme qu'elle était.



Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
- B.P.

KoalaVolant
Au-delà des mirages, le monde est nôtre [ ft Frida K.] - Page 2 0us6
Frida K.
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Tournesol
Frida K.
Ven 6 Sep - 16:29

Ulter
J'ai 19 ans et je viens de Germanie, mais suis déplacé à Rome. Je suis cavalier & homme de savoir dans ma tribu, cependant me voici désormais otage de l'Empire. Du reste, en raison de ce que les chefs appellent "don" des Dieux, j'ai la "mémoire absolue" et je vis la chose de façon très inégale selon les moments.

RP avec @Lobscure
Un cadre idyllique devenait l’étonnant théâtre d’une conversation grave, mais qui devait finir par arriver. Tandis qu’Elda mentionnait la force des instincts, Ulter prenait conscience d’à quel point il avait toujours été dans la retenue desdits instincts. Faire ce que doit, s’effacer, beaucoup réfléchir avant de se laisser aller à une pulsion… tant dans sa tribu qu’ici à Rome, le jeune homme ne pouvait que reconnaître le peu de place qu’il laissait aux envies non réfléchies qui pouvaient sommeiller en lui.
Et en l’occurrence, il ne pouvait nier l’éveil de certains de ces instincts, au contact si proche avec l’étang, la nature dans ses plus beaux apparats, et Elda dont l’esprit autant que l’apparence ne le laissaient pas indifférents. Pour le coup, oui, des instincts bourdonnaient.
Ulter ne raccrocha véritablement la conversation, ne sortit de son trouble que lorsque la domina rappela sa position, ses pouvoirs, sa bonne entente avec son père.

« Je n’oublie pas qui vous êtes. Seulement, si même je vous demandais quelque chose pour les miens, quelles raisons auriez-vous, vous, Romaine et fille de général, de remettre en cause les plans d’expansion de Rome ? » Et d’ajouter, plus détendu : « Pour mes beaux yeux, ce serait un peu léger ? »

Et si elle envisageait des solutions plus brutales et radicales, comme la menacer pour obtenir qu’elle influence son père, Ulter trouverait la chose follement imprudente. Il y avait suffisamment de monde tout autour, aux ordres d’Elda et de sa famille, pour empêcher une quelconque tentative de violence. Il serait délirant de tout perdre sur un coup de tête pareil. Quant à ce bout de tissu tâché de sang, cela semblait aussi léger, pour demander des explications et peut-être trouver quelque secret compromettant à mettre dans la balance. Car après tout, hormis l’inimitié entre Elda et son frère Caïs, il n’avait rien noté de complot ou quelque violence depuis qu’il était là.
Ce fut le moment surprenant que la jeune femme choisit pour lui faire une confidence pour le moins abrupte. Comme si elle gardait cela en elle, comme un de ces instincts qu’on bâillonne, mais qui parfois n’y tient plus de rester caché et demande à s’exprimer. Une Rome à qui Elda se vouait… tout en la détestant.

« Pourquoi ? » rebondit-il donc simplement, sans détour, tant au sujet des motifs que la domina avait d’aimer Rome… que pour ceux qui lui donnaient des envies incendiaires.
Ulter pensait entrevoir une raison de cette haine : les empêchement que l’extrême virilisme de l’Empire imposaient aux femmes intelligences qui, comme elle, rêveraient d’une place meilleure. Mais y avait-il d’autres griefs à jeter à la face de Rome ?

Ulter aura à son tour fait quelques pas du côté de l’eau, laissant la détente revenir en lui et dans la conversation. Comme il allait se relever, il poussa un petit « Oh ! » surpris et attendri, en repérant le papillon venu sur le rocher qu’était son genou à l’échelle de ce discret insecte. Il ne bougea pas, laissant le temps au papillon de rester un peu là avant de reprendre son vol.
Et les paroles d’Elda le touchèrent. Ce n’était pas pour rien que le papillon symbolisait la mort. Si fragile, avec sa vie d’une ou deux journées grand maximum entre deux infinis. Assurément oui, lui aussi était suspendu dans un instant de conscience avant de s’éteindre sans avoir eu le temps de rien découvrir…

« C’est beau. » dit-il, non sans trouver écho en lui de ce que cela disait de la précarité de sa situation. Il préféra ne pas s’appesantir en lugubres pensées et céda plutôt à une autre curiosité que lui inspiraient les images poétiques convoquées par Elda : « Avez-vous déjà songé à écrire ? »

Magnus réclama alors un peu d’attention par ses remuements. Alors qu’Ulter achevait de prendre soin de la monture, en se redressant il croisa les yeux de la jeune femme arrêtés sur lui, songeurs et si pleins de charme dans leur éclat. Et dans ce regard, rien d’impérieux, rien de composé, mais presque une simplicité où Ulter crut voir un attachement sincère, profond. Aussi, sans trop réfléchir, écouta-t-il cette fois-ci ces dangereux instincts dont il était question plutôt : il sourit pour réponse. D’un sourire comme une porte ouverte, un accueil des sentiments qui se dessinaient.

¤

À peine Ulter avait-il assommé l’intrus qui s’en prenait à Elda, qu’il fut à son tour les poignes brutales d’un adversaire bien décidé à lui faire la peau. Il lutta, frappa… jusqu’à ce que l’ennemi s’effondre après une seconde en suspend. Une pierre ensanglantée tombée à terre. La main tremblante d’Elda, son regard plein de stupeur… Le Germain n’eut aucun mal à comprendre : elle venait de tuer pour lui.
Ils se remettaient tous deux de leurs effrois et molestèrent les autres intrus avec toute la rage sauvage dont ils étaient capables. Jusqu’à ce que l’approche des soldats décidèrent les troupes à décamper sans demander leur reste.

Ces ordures de brigands décampaient enfin, à l’exception du complice assommé à terre. Dents serrées, presque à les sentir se fendre, Ulter travailla à faire redescendre sa colère. Il se surprenait presque à avoir explosé en tant de fureurs, dans son cri, ses menaces et ses gestes, mais il n’en fallait pas moins devant l’urgence de la situation.
Alors seulement, en regardant Elda reprendre son calme une fois la furie des combats redescendue, le Germain notait son regard sifflant, sa stature d’arc tendu. Une véritable guerrière semblait là s’être éveillée, encore pleine de ce que lui avait procuré sa propre violence. La fermeté, l’acuité avec laquelle elle avait tué cet attaquant… L’image resterait pour toujours dans l’esprit d’Ulter. Ils s’étaient sauvé la mise l’un-l’autre ce jour-là, et leurs violences respectives les avaient emplis d’une si surprenante force ! L’otage en vint à se dire qu’à eux deux, dans des états pareils, ils seraient capable de sacrées choses !

« M… Merci à vous. » haleta-t-il à son tour avant de cracher un petit caillou de sang. Ils se devaient la vie, aussi étonnant que cela lui semble encore. Pourtant, une partie de lui, émue, voyait combien ils étaient portés l’un-l’autre à se protéger.

Ces émotions furent de courte durée. En se relevant, en reprenant son souffle, les mains à ses genoux endoloris, Ulter écouta Elda donner ses ordres. Elle avait retrouvé toute son inébranlable autorité et les gardes ne se firent pas prier : on emmenait l’homme assommé en geôles, on donna un coup de pied dans le cadavre pour le pousser dans un trou où il pourrirait.
Mais un autre ennemi arrivait… Ulter suivit l’infect échange entre la sœur et le frère, abasourdi par les arguments de ce dernier. Il allait rétorquer, mais ce fut Elda qui prit sa défense, d’une voix virulente et pleine de colère comme l’otage ne lui avait jamais entendue ! Stupéfait, il se dit qu’Elda brûlait encore de cette violence qui s’était mise à flamber en elle, lorsqu’elle avait tué cette homme. La combattante était toujours là, et Ulter prit un brin de plaisir à l’entendre servir à Caïus les invectives qu’il méritait. Plaisir qu’il dissimula cependant sous un visage grave et fermé.
Sa reconnaissance fut sans borne à entendre comme la jeune femme le défendait, avec quelle puissance et quel aplomb.
Soudain, lorsque la main de Caïus partit pour gifler sa sœur, Ulter essaya de l’interrompre en vol en lui opposant son propre bras, mais trop tard : le coup atteignit la domina. De colère, le Germain eut envie de cracher cette glaire qui lui était remonté dans la gorge. Il se contint toutefois, gardant aplomb et mine sévère, à l’instar d’Elda qui redressait la tête d’un calme froid.

Dans un silence de mort, les soldats acquiescèrent à ses derniers ordres. Caïus quant à lui mourait d’envie de porter un nouveau coup à cette insolente de sœur, cependant il prit une seconde de réflexion et jugea que son image en avait assez pâti. Il était humilié… mais pour le moment, il gagnerait à ne pas répliquer.
Sur ce, Elda remonta à cheval et s'éloigna, laissant Caïus en plan. Ulter alla lui aussi récupérer Magnus, qu'il monta dans un élan plein de sécheresse. Un claquement autoritaire de ses pieds à ses flancs le fit démarrer assez vite pour qu'il rejoigne bientôt la domina.

Dans un regard de mépris, Caïus vit s'éloigner sa sœur et l’otage. Tout seul comme un imbécile, il se résolut à tourner les talons. Ses pensées étaient déjà occupées à réfléchir à des manières de se débarrasser de cet indésirable barbare. Lui, à cause de qui sa sœur avait osé le mordre en public de ses paroles acerbes. Il devait accélérer les choses. Il devait retrouver l’ascendant sur Elda et débarrasser la domus de l’infection qu’Ulter y représentait à ses yeux. Sans cette mauvaise influence, Caïus imaginait qu’il reprendrait le contrôle de la maisonnée, et surtout de sa sœur.

Ulter de son côté avait rattrapé Elda. Leurs chevaux avançaient maintenant au pas. Après avoir pris soin de laisser à la jeune femme le temps de décompresser, l'otage se tourna lentement vers elle. D’une grimace, il chassa la mouche qui venait de se poser sur la coupure saignante à sa joue.

« J’ai côtoyé de grandes guerrières dans ma vie. Je peux dire aujourd’hui que vous en faites partie. » dit-il, encore marqué par ce qu’il venait de voir. « Je n’oublierai jamais ce que vous venez de faire pour moi. » souffla-t-il, pensant désormais moins à l’affrontement contre les brigands, qu’à la bravoure et la fureur avec lesquelles Elda avait, pour lui, parlé à son frère.
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Dim 3 Nov - 3:31

Elda Tullia
Sacerdos

J'ai 17 ans et je vis à Rome. Dans la vie, je suis la fille d’un haut général de guerre et je le vis au gré de ses aspirations. Sinon, en raison de mon statut je suis l’objet de désir de tous les patriciens en quête d’union, mais grâce à mes machinations je parviens à échapper cette destinée médiocre que m’impose ma condition.


(♪) Chanson thème - Elda

Elda incarne une force tranquille, un contraste saisissant entre l'innocence qui nimbe son visage et la tempête qui gronde en son sein. Elle porte sur ses épaules le poids de la colère et de la jalousie qui la dévorent, une flamme ardente dissimulée derrière un masque de douceur, mais ce qu’elle dégage n’est que froideur.

Rose négligée qui n’aspire qu’à s’élever, elle est pourtant éclipsée par l'éclat du soleil fraternel. Mais sous le masque de l'Apollon altier, ce héros de pacotille ivre de faux exploits dans l'arène, Elda sait discerner la marionnette des jeux politiques familiaux. Elle aspire secrètement à une destinée qui lui appartient. Son esprit vif et acéré, arborant les reflets d’une intelligence rare, se nourrit de ses ambitions insatiables.




Bella ciao:

L’air cinglait son visage, fouetté par la vitesse déchaînée de sa monture, arrachant aux plis de son âme les dernières larmes de rage. Les gouttes salées glissaient, brûlantes, sur la courbe de sa joue encore marquée par la gifle de Caïus. Son souffle se brisait par instants, aspiré dans les bourrasques imprévisibles d’un ciel tourmenté, une sorte de tempête intérieure se mêlant à celle du dehors. Au rythme du galop, des fragments de mémoire s’entrechoquaient dans son esprit, revenant, insistants : ce moment fort au bord de l’étang, le regard emprunt de douceur et interrogateur d’Ulter, et cette question suspendue, simple et impénétrable :«  Pourquoi ? »

Pourquoi cet appétit pour la destruction, et pas seulement de Rome, même si là était la limite de son interrogation. Pour ces éclats brutaux qui écorchaient tout ce qu’elle touchait ? Elle n’avait pas su répondre ; elle lui avait offert un sourire énigmatique, une façade qui dissimulait une vérité encore insaisissable. Elle-même ne savait pas ce dont elle était faite. Aujourd’hui en était la preuve, puisqu’elle venait de se surprendre elle-même.

Ses pensées revinrent inévitablement à Caïus. Elda éprouvait pour lui un sentiment d’admiration, peut-être même d’envie, non pour ses qualités — car elle n’y voyait ni finesse d’esprit, ni courage, ni même quelque éclat véritable — mais pour tout ce qu’il représentait, pour ce que lui seul pouvait incarner sans effort. Caïus, de par sa naissance et sa position, inspirait une forme de respect indiscutable. Il se trouvait aux commandes d’une vie éclatante de promesses, pleine d’avenues que lui seul semblait ignorer.

Somme toute, il était libre. Ce qu’elle ne serait jamais vraiment.

Elle, jamais, n’avait pu revendiquer un tiers de cette liberté. Toujours contrainte, modelée, jugée — assignée au rôle d’ornement brillant dans l’ombre d’hommes qui, sans vergogne, estimaient qu’elle leur appartenait. D’une façon ou d’une autre.

Elda avançait au pas, les rênes d’Aurea serrées entre ses doigts encore engourdis par l’effort et la violence. Le sillage du galop avait laissé derrière elle une traînée de pensées entremêlées, mais l’approche d’Ulter apportait un calme inattendu. La tension de son corps, comme un arc bandé trop longtemps, se relâchait par degrés. Elle ne tourna pas immédiatement la tête vers lui, préférant s’absorber dans l’horizon émaillé de collines et de cyprès figés dans la lumière vacillante du crépuscule.

Le silence s’étirait, tissé de respirations rauques et du froissement des crinières, jusqu’à ce que la voix d’Ulter, basse et profonde, tranche la quiétude. Ses mots la touchèrent plus qu’elle n’osa l’admettre, ébranlant cette carapace de fer apparente qu’elle s’était forgée au fil des années. Elle tourna lentement son regard vers lui, et ses yeux, sombres et insondables, se perdirent un instant dans les siens avant de se glisser sur cette entaille qu’il avait à la joue.

« Guerrière. » Un sourire, fugace et chargé de pensées secrètes, effleura ses lèvres. Le soupir qui s’échappa d’elle était à la fois doux et lourd, empli de cette connaissance intime de ses propres contradictions. Cette définition, bien que flatteuse, restait incomplète dans le cas de la jeune domina. Elle était bien plus que ce que son entourage voulait voir : une architecte, une stratège née, façonnant le monde à sa guise.

Les pas des chevaux ralentissaient davantage, comme s’ils savaient que le poids des paroles nécessitait un souffle plus lent. Elda détourna finalement les yeux, laissant le vent effacer les dernières traces d’un rire nerveux et d’un sanglot ravalé. On oubliait trop souvent qu’au-delà de ses airs de femme résolue, Elda portait encore l’empreinte de l’enfance. Prisonnière entre deux âges, entre femme et enfant. Et en elle, la violence apprise en ce jour coexistait avec un besoin presque douloureux de signification qui la laissait déboussolée, plus qu’elle ne voulait le montrer.
Un sourire mi-gêné effleura les lèvres d'Elda néanmoins à son compliment.
— Je ne sais si je mérite ce titre, dit-elle finalement, sa voix teintée d’un souffle léger. Je ne pourrais prétendre rivaliser avec les femmes de ta tribu qui, j’imagine, ne se seraient pas laissées ainsi traîner dans la boue…

Elle laissa son sourire se ternir doucement à la vue de la villa qui se dessinait au loin.
— Moi non plus, je n’oublierai pas, Ulter… souffla-t-elle enfin, plus pour elle-même que pour lui. Elle retourna son attention sur le germain à ses côtés. Ses lèvres s’étirèrent de nouveau dans un sourire rare et triste à la fois, où la dureté de ses traits était éclipsée par une lueur fragile.

¤

Le matin enveloppait doucement la villa d'une lumière bleutée, chassant les ombres au gré de sa progression. Flavius Sacerdos, imposant dans sa tenue de général, se tenait dans l'atrium, le regard durci par les récents événements de la veille, notamment lorsqu’il se posa sur sa fille, d’ordinaire la première levée de la maisonnée, qui, pleine de curiosité, s’avançait à sa rencontre dans une longue robe de lin dissimulant ses nombreux hématomes.
— Elda, dit-il d'une voix grave mais teintée d'inquiétude, je suis heureux de te voir avant mon départ. Je pars à l’aube pour superviser l’avancée de nos troupes aux frontières. Les récents événements m'ont rappelé combien la sécurité de cette maison est précieuse, ajouta-t-il, son regard se durcissant brièvement à l'évocation de l'attaque des brigands. J’ai déjà ordonné le doublement des gardes.
Elda hocha la tête, retenant le tremblement qui menaçait de trahir son ressenti. L'attaque de la veille résonnait encore en elle et persistant sur sa peau. Mais l'annonce de son père apporta une ombre de soulagement — jusqu'à ce qu'il ajoute, d'une voix lourde de sens :
— Caïus représentera mon autorité ici. Il veillera sur la villa en mon absence.
La perspective d’être libérée de l'emprise de Caïus l’avait effleurée un instant. Le jeune homme, déjà levé et épiant la conversation, se tenait non loin de là, arborant un sourire de satisfaction, son regard fier et méprisant glissant sur elle comme une ombre malveillante.
— Je saurai veiller sur la maison, père, assura Caïus, une lueur calculatrice dans les yeux. La villa et tout ce qui s’y trouve seront entre de bonnes mains.
Les mots résonnèrent avec une promesse silencieuse, lourde de menaces. Elda, le dos droit et le visage impassible, inclina légèrement la tête à l’égard de son père. Pourtant, derrière cette apparence maîtrisée, un tumulte grondait. Celui-ci, sincèrement soucieux du bien-être de sa maison, n'avait aucune idée du pouvoir qu’il venait de léguer à son fils et de la tension qu’il laissait derrière lui.

Lorsqu’il s’éloigna pour préparer son départ, Caïus s’approcha d'Elda, son sourire s'étirant en un rictus déplaisant.
— Espérons que tu ne me donnes pas de raisons de rappeler une fois encore qui détient l’autorité ici.
Elle le fixa, ses yeux noirs étincelant de défi et de colère retenue. Si Flavius incarnait la force de fer de l’empire, alors Caïus représentait le despotisme domestique dans toute sa cruauté voilée. Mais au-delà de cette énième confrontation puérile dont elle était si coutumière, une inquiétude plus insidieuse s'insinua en elle : Ulter. Qu’adviendrait-il de l’otage sans la présence du général pour tempérer l’arrogance et les pulsions de Caïus ? Cette question vrillait l’esprit d’Elda. Elle se défit de son frère, détournant son regard de ce sourire suffisant et s’éloigna d’un pas mesuré mais tendu, cherchant un lieu, n’importe lequel, où sa présence ne se ferait pas sentir.

Elle se dirigea vers la bibliothèque, sanctuaire de ses pensées les plus intimes et refuge tacite de ses rencontres avec Ulter. Elle entra dans la pièce, laissant la porte se refermer lentement derrière elle. L’odeur familière des parchemins et du bois poli l’accueillit, lui offrant un instant de répit. Ici, au moins, elle pouvait masquer sa peur sous le masque de la réflexion. Elle s’adossa contre l’une des étagères, passant une main tremblante sur son front pour effacer la sueur froide qui perlait à sa peau.

Ses pensées tournaient autour de Caïus, de son regard parfois dément, de l’étincelle de cruauté qu’il croyait si bien dissimuler. Elle connaissait sa jalousie et son besoin insatiable de contrôle, surtout sur elle. Sans Flavius, il n’aurait plus de frein, et Ulter qui l'avait déjà humilié par sa bravoure, deviendrait une cible de choix.

La porte émit un léger grincement derrière elle, la tirant de ses réflexions. Une silhouette familière se profila dans l'encadrement, et un souffle qu'elle ne savait pas retenir s'échappa de ses lèvres. Ulter entra, l’inquiétude dans le regard et la détermination dans l'attitude.



Le dernier acte est sanglant


quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
- B.P.

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