Nate n’avait pas eu besoin qu’on lui force la main pour suivre Matt. Plus ils s’approchaient du lit, plus leurs vêtements semblaient obsolètes. Du décor qu’offrait l’appartement, Nate ne vit rien. Les yeux fermés la plupart du temps pour mieux apprécier les baisers de son amant, il entrouvrait de temps à autre les yeux pour apercevoir ce corps qu’il aimait tant. Maintenant qu’il était là, il se demandait comment il avait fait pour survivre trois ans sans ça. Il lui avait beaucoup trop manqué et ça allait bien au-delà de la simple histoire de sexe. Nate avait beau s’être marié à quelqu’un d’autre, il n’appartenait qu’à Matt. Son corps ne semblait ressentir du plaisir qu’au contact du sien, son coeur ne vibrait qu’auprès du sien. Alors quand Matt l’avait fait sien d’un premier coup de rein, Nate eut l’impression qu’il avait attendu une éternité. Il ne leur avait pourtant pas fallu beaucoup de temps pour se jeter l’un sur l’autre sitôt les retrouvailles effectuées. Mais bien avant cela, Nate avait attendu. Il aurait aimé suspendre ce temps pour toujours et regretta presque d’être arrivé à l’extase une fois terminé. Il récupérait son souffle, étrangement silencieux, profondément serein. Il était bien et le moment se passait de mot. La tendresse de Matt le réconfortait de la plus délicieuse des manières. « Oh, tu as copiné avec la voisine ? » que Nate s’amusa en venant installer confortablement sa tête sur le torse de Matt. L’ours qu’était Matt était donc définitivement sorti de sa tanière. Fini la ferme et bienvenue la vie en communauté. Ça devait lui faire tout drôle. En tout cas, Matt s’ouvrait de plus en plus à Nate et ce n’était pas pour lui déplaire. Quand il lui avait dit qu’il était heureux qu’il soit là, Nate n’avait pas su réprimer un sourire. Il avait hoché la tête avant d’embrasser le bas de la mâchoire de son amant. Il était heureux aussi et le mot était faible. « Ça va, t’es bien installé ? Ça te manque pas trop les bêtes ? » qu’il avait demandé avec un peu plus de sérieux, sachant à quel point Matt aimait les animaux. Probablement plus qu’il n’aimait les humains. La dernière fois qu’il l’avait vu, Nate avait été immédiatement inquiet. Il avait l’air d’aller mieux aujourd’hui ou peut-être que c’était sa venue qui lui allait bien.  

- Oui... je l'aide parfois avec son gosse. Parfois je reste diner chez elle, elle a pitié du fait que je ne sache pas cuisiner. Elle m'a passé de la lotion ou je sais pas quoi pour les mains.

Je lui montrais l'une de mes mains, la tournant devant lui pour qu'il voit qu'elle était à nouveau immaculée. Il n'y avait plus de traces de pétrole. Elles étaient toujours caleuses, endurcies par le travail, mais elles étaient déjà en bien meilleur état que la dernière fois qu'il les avait vu. J'avais aussi fait une petite folie en me payant des gants de protection. Je mettrais plus de temps à payer mes dettes mais pour la première fois de ma vie, je me laissais aller à avoir un peu de confort.

Je soupirais un peu alors qu'il venait me parler des bêtes. Bien entendu qu'elles me manquaient. Ca avait été toute ma vie pendant des années. Je ne m'étais jamais imaginé faire autre chose de ma vie que cow boy. Je m'étais toujours dit que je reprendrais la ferme familiale à la mort de mon père. J'avais des tas de projets en tête pour l'agrandir, en faire quelque chose de bien. Tout était parti en fumée en l'espace de quelques années. Maintenant je n'avais plus vraiment le choix. Je devais bosser pour vivre.

- Oui ça me manque... mais j'avais pas les moyens de racheter la ferme à mes soeurs. Le boulot que j'ai paye bien, plus que si j'allais bosser dans un ranch. Vu toutes les dettes que j'ai, je peux pas me permettre de gagner moins. Et puis, mon patron est plutôt cool. Il est pas emmerdant et les collègues non plus. Ils font la discussion tout seuls, j'ai pas besoin de me forcer à parler.

Je le serrais contre moi, souriant légèrement. Je cherchais ses lèvres pour l'embrasser avec envie avant de le fixer. Je voulais lui faire part du plan que j'avais mis au point pour qu'on puisse enfin se voir plus.

- J'ai un marché avec mon boss. Je fais des heures sup la semaine. Et il me donne un week end de libre de temps en temps. Je devrais pouvoir en avoir un une fois par mois si je bosse bien.

Personne ne m'attendait le soir quand je rentrais à la maison alors je m'en tapais de l'heure à laquelle je terminais. Mais pouvoir libérer des week end, pouvoir le voir lui plus souvent ça n'avait pas de prix.

Le visage de Nate s’était éclairé en entendant Matt parler. Il avait lancé ça sur le ton de la plaisanterie mais il se rendait compte que, oui, Matt s’était fait une amie. Ça lui faisait plaisir de ne pas le savoir seul. Enfin, pas tout le temps. Nate avait sourit en inspectant ses mains comme il le lui demandait. Jamais des mains ne lui avaient fait autant d’effet. Elles étaient parfaites. Elles ne ressemblaient pas vraiment aux siennes, on voyait qu’elles connaissaient l’usure du travail mais c’étaient les mains de Matt et elles étaient, de ce simple fait, parfaites. Nate intercepta la main que Matt brandissait devant lui pour l’embrasser du bout des lèvres. « Oui, je vois. C’est chouette que quelqu’un prenne soin de toi. » Nate était sincère. Il aurait tout donné pour être celui qui le chouchouterait mais, faute de pouvoir être à ses côtés, il se contenterait de le savoir entre les mains d’une bonne âme : sa voisine. « Qui sait. Peut-être qu’un jour tu retourneras bosser avec des bêtes… Ou peut-être que tu sera bien trop riche pour remettre les pieds dans une ferme. » Nate avait haussé les épaules. C’était bien tout le mal qu’il lui souhaitait. D’une manière ou d’une autre, Nate ne voulait que son bonheur. L’idée que Matt se tue à la tâche l’horripilait toujours autant mais il s’était gardé d’en parler. Ça faisait parti des limites à ne pas franchir et, franchement, Nate n’avait aucune envie de se prendre le bec avec Matt. Ça faisait beaucoup trop mal et il n’avait pas assez de temps pour ça. Il haussa un sourcil quand Matt lui avait parlé de pouvoir se voir une fois par mois. Nate avait été contraint de réfléchir à la proposition. Evidement, il voulait accepter. Mais il devait se rendre à l’évidence : Alison lui ferait une scène. Voire même des scènes. Il allait qu’il trouve une excuse en béton et il ne pourrait absolument pas demander à Matt de l’aider sur ce coup-là. Ça faisait aussi parti des limites à ne pas franchir. « Une fois par mois… » Nate s’était redressé, un sourire aux lèvres. Avec sa bouche, il était remonté du ventre de Matt jusqu’à son cou. Une fois tout proche de son oreille, il y avait glissé : « J’adorerais te voir une fois dans le mois. » Il adorerait le voir plus mais, clairement, il n’allait pas faire la fine bouche. C’était déjà énorme. Depuis qu’ils avaient quitté la ferme où ils s’étaient rencontrés, ils ne s’étaient jamais vus à une telle fréquence. Il avait déposé un dernier baiser dans son cou avant de se relever, enfilant ses sous-vêtements. « Alors tu me fais visiter ? » qu’il s’était exclamé, plein d’entrain.

Je doutais de pouvoir être un jour assez riche pour m'acheter ma propre ferme, encore moins d'être trop riche pour bosser dans une ferme. Pour le moment j'étais ici et je ne savais pas combien de temps ça durerait. Je ne faisais plus de projets pour mon avenir. Ca ne servait à rien. Ils finissaient toujours par être contrarié. Alors je travaillerais. Je rembourserais mes dettes comme je pourrais. Après... et bien après on verrait dans quelle situation je serais et ce que j'aurais envie de faire de ma vie.

Je souris alors qu'il venait m'embrasser, acceptant mon idée de se voir une fois par mois. J'avais eu un peu peur en lui soumettant l'idée. C'était facile pour moi maintenant, à part mon boulot personne ne m'empêchait de faire ce que je voulais. Je n'avais personne à qui rendre des comptes, personne qui venait critiquer les choix que je faisais. Je goutais pour la première fois à la vraie liberté, à la joie de vivre seul et j'adorais vraiment ça. Mais ce n'était pas la même chose pour Nate. Il devrait rendre des comptes à sa femme. Je ne savais pas comment ça se passerait pour lui. Est ce qu'elle accepterait facilement et sans rien dire? Devrait il supporter une scène à chaque fois qu'il aurait envie de me voir? Je n'en savais rien et je savais qu'il ne m'en parlerait pas. Elle faisait parti des sujets tabou qu'on avait décidé de ne pas aborder du week end.

Je me levais derrière lui, allant enfiler moi aussi mon caleçon et un tee shirt, histoire de ne pas me balader nu tout le week end ou de faire à manger à poil. Les éclaboussures d'huile sur un corps nu ça ne devait pas être la joie.

- Il n'y a pas grand chose à voir tu sais. Là c'est la chambre, comme tu l'as vu.

Je lui souris doucement avant d'aller pousser une petite porte.

- La salle de bain avec les toilettes.

Je repassais devant lui et quittais la pièce pour me rendre dans la pièce à vivre avec son coin cuisine.

- Et voilà on a fait le tour. J'ai pris de la viande chez le boucher. Ce sont des très bons morceaux tu peux me croire. Il nous garde toujours les meilleurs. On pourrait peut être déjeuner si tu en as envie. Et si tu veux bien cuisiner. Ca n'a pas changé, je suis toujours aussi nul.

Dans la vie de tous les jours, Nate avait perdu son insouciance. Il n’était plus ce jeune cowboy plein d’idéaux. Il était devenu cynique, amer, et il s’était réfugié dans des artifices tels que l’alcool et la cigarette pour mieux tenir. Dans le huit clos de l’appartement de Matt, il retrouvait de sa spontanéité. Il était heureux, sans compromis. Il ne faisait pas semblant d’être ce mari parfait ou ce patron irréprochable. Il était lui-même… Et Nate ne serait lui-même qu’au maximum d’un week-end par mois ce qui était énorme vu d’où ils venaient… Mais ce n’était rien en comparaison à ce qu’il aurait aimé s’ils n’avaient pas chacun des impératifs. Ça mériterait toutes les scènes qu’Alison lui ferait parce que, mon Dieu elle allait en faire. Nate se laissa guider dans l’appartement avec un sourire aux lèvres. Il était curieux et si l’endroit était simple, Nate avait quand même envie de tout voir. « Tu sais des fois je pense à toi… Bon, ok. Souvent. » qu’il avait commencé avec un petit rire. Le poids que Nate portait sur ses épaules semblait bien loin. « Et je me demande ce que tu fais, j’imagine… Maintenant quand je t’imaginerais, j’aurais le bon décor qui va avec. Alors tu vois, c’est pas grand chose… mais c’est beaucoup. C’est parfait ! » Et rien ne pouvait entacher la bonne humeur du chef d’entreprise qui repartit dans un rire quand son amant lui demanda de se mettre au fourneau. « Oui, je vais cuisiner mais d’abord… » Nate se dirigea vers ses affaires. Il commença à sortir les provisions qu’il avait ramené à commencer par des plats qu’il avait mis des heures à préparer la veille sous le regard médusé de sa femme. « Donc j’ai fait quelques plats qu’on pourra manger ce week-end… Ou pas. Tu peux les garder pour la semaine prochaine. » Il avait haussé les épaules en sortant les deux bouteilles de vin qu’il avait sorties spécialement de sa cave. Sans un mot, il les avait disposé sur la table accompagnées des cigarettes. « Des chocolats. » qu’il avait énoncé machinalement en allant les poser sur une étagère. « Et cerise sur le gâteau… » Nate lui tendit un carton où se trouvait la radio. L’envie de lui faire plaisir avec été beaucoup trop forte pour que le jeune trentenaire y résiste.  

Je souris alors qu'il m'avouait penser à moi souvent. Ca me remuait à chaque fois. Ca faisait tellement de bien de savoir que je n'étais pas le seul à ressentir ça, que lui aussi ne cessait de penser à moi, à chaque instant. Se sentir aimer... il n'y avait rien de plus enivrant.

- Je pense à toi aussi. Très souvent. J'évite juste de... de penser à ce que tu fais...

Parce que quand il n'était pas avec moi, il était avec sa femme et sa fille. Et je ne voulais pas penser à ça. Je ne voulais pas l'imaginer rentrer du travail et embrasser sa femme. Je ne voulais plus avoir la vision d'eux deux installés dans la cuisine, savourant un bon repas ensemble tout en se racontant leur journée. Mais surtout, je ne voulais pas savoir si il couchait encore avec elle. Je préférais faire comme si tout ça n'existait pas et juste profiter de ce moment avec lui.

Je secouais la tête alors que je le voyais déballer les affaires qu'il avait amené avec lui.

- Tu pensais vraiment que tu allais mourir de faim chez moi?

Je souriais en disant ça. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir, j'étais une calamité en cuisine et il le savait. Je survivais aujourd'hui avec les boites de conserve et parce que j'avais une voisine prête à me cuisiner de bons petits plats. Grâce à elle, j'avais de temps en temps des repas mangeables.

J'attrapais quand il les sortit les bouteilles de vin pour les remettre dans son sac.

- Ca je ne veux pas. Je n'ai pas besoin de boire.

Je le savais il buvait déjà beaucoup trop dans la semaine pour réussir à supporter sa femme. Mais ce week end c'était différent. Elle n'était pas là. Nous n'étions que tous les deux. Je ne voulais pas me dire qu'il avait besoin de boire pour passer le week end. J'aurais voulu qu'il puisse arrêter cette mauvaise manie. J'avais peur. Il pourrait très bien prendre la route un jour, ivre, et perdre le contrôle de sa voiture. Je ne supporterais pas l'idée de le perdre. Il était la seule chose qui restait dans ma vie.

J'attrapais les chocolats et les cigarettes avec plaisir avant de sourire en voyant le poste radio.

- Tu sais, tu n'étais pas obligé de venir avec tout ces cadeaux, mais merci. Je pourrais profiter de tes petits plats même quand tu ne seras pas là.

Je lui souris avant d'aller tout ranger. J'allumais la radio, la branchant sur une station de country et laissant la musique à un volume assez bas pour que nous puissions parler. Je sortis ma viande du frigo, la lui tendant pour l'inviter à cuisiner.

Il y avait quelque chose d’euphorisant dans ce que Matt lui apprenait. Mais pas que. Nate cilla quand il l’entendit dire qu’il essayait de ne pas penser à ce qu’il faisait quand il pensait à lui. Evidemment. Il n’y avait jamais pensé dans ce sens-là mais Matt n’avait pas le luxe de le savoir seul. Et il aurait aimé le rassurer, lui dire que son quotidien avec sa femme n’avait rien de réjouissant et que chaque jour qui passait les éloignait mais il ne pouvait pas. Ils en avaient convenu qu’ils n’en parleraient plus. Alors il avait révélé ses yeux bleus sur Matt avec un sourire triste. « Je vends des voitures, c’est pas si grave. » qu’il avait fini par répondre dans l’effort de détourner la conversation du sujet réel, comme s’il n’avait pas saisi ce que Matt sous-entendait. Et après tout, ce n’était pas tout à fait faux. Il passait plus de temps au travail que chez lui. « Non, non, non, je pensais que TU étais en train de mourir de faim. Franchement, ça devrait pas être autorisé de se nourrir que de conserves. » qu’il avait plaisanté en connaissance de cause. Il savait que le seul talent en cuisine de Matt était celui de d’utiliser l’ouvre conserve. Nate arqua un sourcil quand Matt replaça les bouteilles de vin qu’il avait apporté dans son sac. « Mais non. Garde-les. » qu’il s’entêta en les ressortant. « Tu les boiras plus tard… Ou tu peux toujours les offrir à ta voisine de ma part pour la remercier de s’occuper de toi. » qu’il avait rajouté sans se défaire de sa bonne humeur. Il ne prévoyait pas de boire ce week-end. Enfin, pas nécessairement. Si Matt ouvrait une bouteille devant lui, il aurait sans doute bien du mal à y résister mais il avait bien compris que ce n’était pas près d’arriver. Il connaissait son opinion sur le sujet, il savait que Matt pensait qu’il buvait de trop. Il n’était évidemment pas d’accord mais c’était la réalité. Ce sera probablement le premier truc qu’il fera en rentrant chez lui dimanche soir. « Ça me fait plaisir. » Il l’avait suivi du regard le temps qu’il branche la radio et qu’il l’allume. Nate ne se lasserait jamais de couvrir de petites attentions Matt. Et puis il avait sorti la viande du frigo, Nate s’était mis au travail en sifflotant sur la musique qui passait. Il avait laissé ses pensées divaguer. Sa vie aurait pu ressembler à ça… Et ça aurait été si bien. Mais ce qu’ils vivaient, ce n’était possible qu’un week-end dans le mois et ce ne serait jamais plus. Ils étaient passé à table dans un silence complaisant. Les moments où ils ne se disaient rien n’étaient jamais gênants. Ils avaient appris à fonctionner comme ça et c’était peut-être pas plus mal parce que la plupart de leurs grandes discussions avaient fini en disputes. « Ma mère s’est cassé la hanche y’a deux semaines… Tu devrais la voir, elle siffle tout le monde à son chevet pour un oui ou pour un non. Elle adore ça ! Elle commence à prendre de l’âge… Ça fait bizarre. » qu’il avait spontanément raconté en commençant à manger. Il ne comptait plus le nombre de fois qu’il avait du passer chez elle pour l’aider. Alison avait pris le relais ce week-end et elle allait évidement le lui reprocher.   

J'avais fini par les prendre ses bouteilles et surtout par aller les ranger dans un placard. Il était hors de question qu'on y touche du week end. Peut être que je les sortirais un soir pour les boire avec Sally, un de ces soirs où elle serait mal et où elle hésiterait à retourner avec son connard d'ex mari. Elle en aurait besoin pour se remonter le moral et éviter de craquer.

On alla cuisiner ensuite. Ou plutôt il allait cuisiner et moi je m'occupais de mettre la table et surtout de le regarder faire. On s'installa ensuite pour manger, profitant de ce silence qui n'avait jamais été gênant entre nous. Je savourais chaque instant, l'effleurant à chaque fois que j'en avais l'occasion, lui faisant du pied sous la table.

Je ris légèrement alors qu'il me parlait de sa mère. Je ne gardais pas un très bon souvenir de notre seule et unique rencontre. Et je n'oubliais pas qu'elle était une des raisons pour lesquelles on n'était pas ensemble. Il avait détesté mon père parce que j'avais été obligé de me sacrifier pour m'occuper de lui mais ce qu'avait fait sa mère était bien pire. Elle l'avait poussé, forcé même, à se marier. Elle l'avait enchainé pour toujours à une vie dont il n'avait jamais voulu. Mon père n'était plus là aujourd'hui pour me dicter la mienne mais sa mère... même quand elle ne serait plus là, ça ne changerait rien, lui il serait toujours marié à Alison. Elle avait gâché sa vie et la mienne. Je ne pouvais m'empêcher de la détester.

- Si elle est un minimum comme l'était mon père, je me doute qu'elle doit très mal vivre le fait d'être alitée et qu'elle doit te faire vivre un enfer.

Je secouais doucement la tête, reprenant une bouchée de mon steak.

- Qui s'occupe d'elle du coup vu que tu n'es pas là?

Les bouteilles de vin avaient rapidement disparues du champ de vision de Nate. Tant mieux. Il n’avait pas besoin d’y penser trop longtemps. Ce serait tentant sinon… Et Nate n’avait pas envie d’être tenté. Il devait montrer patte blanche devant Matt. Juste pour ne pas lui donner raison quand il disait qu’il avait un problème. L’alcoolisme, rien que le mot lui faisait peur. Il refusait catégoriquement d’en entendre parler. A table, Nate était venu faire la conversation naturellement. Il avait parlé de sa mère qui avait commencé par avoir des bobos de personnes âgées. L’idée de voir sa mère vieillir ne plaisait pas à Nate. Leur relation avait évoluée, c’est vrai, mais l’emprise qu’elle avait sur lui était toujours aussi grande. Tout ce qu’il faisait, c’était pour la rendre fière. Il avait l’impression d’y être arrivé. Mais ça ne l’empêchait d’être… étouffante. Son alitement avait été l’excuse parfaite pour appeler Nate toutes les deux minutes, pour le faire venir au premier besoin qu’elle avait. Malgré ça, il l’aimait… Et il n’avait aucune idée de la rancoeur que Matt nourrissait à son égard. D’ailleurs, il ne voyait pas les choses de la même façon que son amant. Il refuserait probablement d’admettre que sa mère avait joué un rôle dans les choix de vie qu’il avait fait, comme il refusait d’admettre qu’il avait un problème avec l’alcool. « Oh mon Dieu, oui ! Deux jours de pause, c’est parfait… » Nate avait rigolé en pensant à sa pauvre mère qui devait être très certainement occupée à casser du sucre sur son dos avec Alison. Pourquoi son fils avait-il quitté la ville alors qu’elle avait tant besoin de lui ? Ah, si elles savaient toutes les deux… Nate ne s’était pas attendu à la question qui avait suivi. Il s’était figé, les yeux légèrement écarquillés. Comment est-ce qu’il pouvait se tirer de là ? Est-ce qu’il était censé mentir ? Il n’avait aucune envie de mentir à Matt mais il avait encore moins envie de parler d’Alison, même rapidement. Il s’était frotté un sourcil du dos de la main, gêné. Les règles qu’ils avaient établies ensemble seraient bien plus difficiles qu’il ne le pensait à suivre. « Sa belle-fille. » qu’il finit par dire, pas très fier de lui. Il était incapable de lui mentir. C’était juste une manière détournée de dire que c’était Alison mais Nate espérait que Matt apprécierait l’effort et qu’il ne lui en voudrait pas. Si seulement il avait eu un frère… Il aurait pu s’en sortir sur cette pirouette. « Et toi alors ? Qu’est-ce tu racontes ? » qu’il s’empressa de demander pour changer de sujet le plus vite possible.   

Je haussais doucement les épaules alors qu'il tentait de changer de sujet. Ca y est, on y était. On n'avait pas tenu bien longtemps en évitant les sujets qui fâchaient. La belle fille de sa mère, c'était forcément sa femme. Jolie façon de ne pas la nommer... Je me doutais qu'elle allait lui en vouloir à mort d'être parti ce week end. Il l'avait planté pour aller baiser un autre homme pendant qu'elle devait se taper la garde de la vieille belle mère casse couille. Je doutais de plus en plus qu'on ait le droit à un autre week end.

- Je t'ai déjà tout raconté tu sais...

Il n'y avait rien de particulier à dire sur ma vie. J'avais quitté ma ferme, non sans beaucoup de difficultés. J'étais venu vivre ici. Je bossais toute la journée, par moment je gardais le fils de ma voisine le soir ou le dimanche pour qu'elle puisse aller faire des heures supp à son boulot. On dinait parfois tous les deux ensemble quand il était au lit. Elle parlait, se confiant à moi. Elle en avait chié dans sa vie. On était un peu pareil de ce point de vu là tous les deux. Sauf qu'elle parlait et moi je me contentais de l'écouter. Je la laissais faire. Elle me couvait, me materner un peu par moment, mais ça me faisait du bien d'avoir quelqu'un au quotidien. J'aurais simplement aimer que ce soit Nate qui tienne ce rôle.

Je finis par me lever pour aller débarrasser la table. Je le sentis me suivre et venir se plaquer contre mon dos. Je me retournais, venant le serrer contre moi, mon visage planqué contre son torse. Je le serrais, comme si j'avais voulu ne jamais le laisser partir. C'était un peu vrai. J'aurais voulu qu'il n'ait jamais à quitter cet appartement. Je m'en foutais qu'il soit petit et pas rempli plein de beaux objets. Je me foutais de toutes les questions matérielles. Je me foutais même de devoir faire chaque jour un métier que je n'aimais pas. Mais je n'arrivais pas à vivre sans l'avoir à mes côtés.

- Je déteste ça... ne pas en parler, faire semblant que ça n'existe pas, ça ne change rien. Je sais qu'elle est là. Je sais qu'elle existe. Que demain soir tu vas la retrouver, qu'elle va sûrement te faire la tête parce que tu l'as planté seule avec ta mère.

Je secouais la tête avant de la redresser pour venir l'embrasser avec envie. Je voulais juste qu'il me fasse oublier tout ça.

- Je suis désolé... oublions ça...

Je passais mes mains sous son tee shirt, le caressant doucement.

- Fais moi tout oublier Nate...