Nate était terriblement soulagé d’être arrivé au chevet de Matt. Il avait eu le temps de s’inquiéter, il avait eu le temps de s’imaginer le pire. Son patron était resté vague et Nate n’avait pas jugé bon de poser trop de questions. Il ne voulait pas embarrasser Matt. Pour rien au monde, il aurait cherché à trahir leur secret. Il avait beaucoup trop besoin de ce boulot. Mais ça avait été plus fort que lui : il fallait qu’il le voit de ses propres yeux, qu’il s’assure qu’il aille bien et, surtout, qu’il lui vienne en aide s’il en avait besoin. Il aurait aimé le serrer dans ses bras, prendre sa douleur, mais il s’était contenté de caresser tendrement son front. Et il s’était fait repousser. Une petite moue sur son visage, Nate n’avait rien objecté. Matt avait sans doute raison, ils devaient faire attention. La question qui avait suivi l’avait tout de suite un peu plus blessé. Nate inspira. Ce n’était pas le moment de craquer ou d’être désagréable. Il n’était pas sur un lit d’hôpital, lui. Matt si. Il avait fait des gros efforts mais il avait réussi à mettre un sourire sur son visage. Il allait faire comme si de rien n’était, il allait accepter d’entendre une question pareille après avoir envoyé bouler femme et enfant pour se précipiter au chevet de Matt. « Mais je suis inquiet. » qu’il avait dit après avoir croisé les bras sur son torse. Il s’était éloigné pour s’appuyer contre l’un des murs de la petite chambre. A cette distance au moins, ils n’éveilleraient les soupçons de personne. Il s’était tellement inquiété qu’il n’avait pas songé un seul instant à l’accueil que lui réserverait Matt et il s’il l’avait fait, il n’aurait probablement pas imaginé ça. Peu importe. Matt lui avait promis qu’il serait là pour lui et, aujourd’hui, il lui rendait la pareille. « Je suis venu et je reste. » qu’il avait prévenu ensuite. Il n’allait pas le laisser comme ça. Tant pis pour Alison… et pour son boulot. Il s’arrangerait. C’était bien l’avantage d’être son propre patron et d’avoir des salariés. « Au moins le temps que ça aille mieux. » qu’il avait précisé en rejetant sa tête contre le mur. Il se sentait tout de même mieux maintenant qu’il était là. Il avait un aperçu de ce qu’il se passait vraiment. Il avait laissé son regard s’attarder sur la jambe de Matt. Il se demandait comment ça avait pu arriver, si son métier n’était pas trop dangereux de toute façon pour qu’il se permette de le continuer. « Tu me racontes ? » Nate ne mentait pas, il était terriblement inquiet. Il lui faisait de la peine, coincé là, sur son lit d’hôpital. Ça devait le rendre dingue et il le savait.  

Je soupirais alors qu'il m'avouait être inquiet. Je devais me calmer. Je n'avais pas le droit de lui en vouloir pour ça. A sa place j'aurais pris le premier bus pour venir voir comment il allait. J'aurais traversé tout le pays même si il le fallait. Et connaissant mon patron, à part lui dire que j'avais eu un accident et que j'étais à l'hôpital il n'avait pas du lui dire grand chose.

Je soufflais un peu en le voyant s'éloigner. J'avais très froid d'un coup, en manque de sa présence même si cela n'avait duré qu'un instant. Mais c'était nécessaire. L'une des infirmières pouvait arriver à tout moment et nous surprendre. Pire encore, mon patron pouvait entrer. Ca ne ferait que confirmer les soupçons qu'il devait déjà avoir me concernant. Je n'avais aucun besoin de lui montrer que c'était vrai.

Nouveau soupir alors qu'il venait m'interroger sur ce qui s'était passé.

- J'étais entrain de bosser, la routine. Je déplaçais du matériel. Il y a eu un soucis. Pendant que la grue passait au dessus de mois un des câbles s'est détaché. Tout son contenu m'est tombé dessus. Ca aurait pu être pire. Je n'ai que la jambe en bouilli. Quelques centimètres plus haut et...

Je secouais doucement la tête. Il valait mieux ne pas y penser. Ca n'était pas arrivé. J'étais là et à part ma jambe qui me faisait un mal de chien, j'allais bien.

- J'en ai pour un mois environ sans poser le pied par terre. Puis tout un tas de rééducation derrière pour m'en remettre mais je devrais à peu près bien récupérer d'après le médecin.

Mais de là à reprendre le travail comme je le faisais avant il n'était certain de rien. Mon patron me paierait pendant un mois, il me l'avait promis mais après je devrais me démerder. Soit je repartais bosser, sans faire de rééducation. Soit je quittais ce boulot à la con et je partais, je partais loin d'ici.

- Puisque tu es là j'aimerais te demander un service...

J'espérais qu'il accepte. Je ne pouvais que compter sur lui pour faire ça.

- Le médecin ne veut pas me laisser rentrer parce que je suis seul.

Un abruti celui là. Je pouvais parfaitement me débrouiller seul. Je n'avais pas besoin qu'une infirmière vienne tous les jours me torcher le cul.

- Tu pourrais le convaincre de me laisser partir avec toi?

Nate avait secrètement vécu un de ces pires cauchemars : celui qu’il arrive quelque chose à la personne qu’il aime alors qu’il en est loin. Le coup de fil du patron de Matt lui avait fait l’effet d’une bombe. Ça lui avait retourné l’estomac, le coeur, et il n’avait rien su faire d’autre que de prendre sa voiture pour venir directement ici. Pendant l’année écoulée, ils avaient été plutôt heureux. Aussi heureux que possible en fait. Mais Nate se rendait compte que ça aurait pu s’envoler aussi rapidement et facilement que ça. Alors, bien sûr, les jours de Matt n’étaient pas menacés et Dieu merci. Mais ça restait grave. Ça l’était en tout cas aux yeux de Nate qui observait Matt sur son lit d’hôpital avec un pincement au coeur. Il aurait aimé être là avant… Il aurait aimé être là tout le temps. Cet événement ne faisait que le confirmer et lui rappeler cruellement que la majeure partie de son temps, il la passait au travail ou avec femme et enfant. Adossé au mur, Nate écoutait l’histoire de Matt avec une boule au ventre. Effectivement, quelques centimètres plus haut et ça aurait pu être bien plus dramatique. Nate se demandait comment il aurait réagit s’il avait appris au téléphone qu’il était décédé d’un accident de travail deux jours après. Un instant, il avait fermé les yeux pour repousser la douleur que cette simple pensée provoquait chez lui. « J’ignorais que ton travail était aussi… dangereux. » Sans doute parce qu’il l’avait sous-estimé. Si Nate avait toujours vu l’éventualité qu’il se tue au travail car il en faisait trop, il n’avait pas pensé à l’éventualité qu’il s’y blesse aussi gravement. C’était encore un autre fort contraste dans leur vie respective. Nate, lui, ne risquait pas grand chose au boulot. Il ne portait aucune charge lourde et ça faisait bien longtemps qu’il n’avait pas mis les pieds dans l’atelier où les mécaniciens partageaient toute la journée dans le cambouis. « Un mois… Ok. Je serai là. » Il lui faudra très certainement faire des allers-retour et passer quelques coups de fil mais c’était possible. En tout cas, il était bien décidé à le faire. S’il n’avait pas su être là tout de suite quand il s’était blessé, il serait là pour l’après. Et puis Matt eut ce service à lui demander, faveur qui fit hausser un sourcil à Nate. Bien sûr qu’il voulait partit d’ici. Ça ne l’étonnait pas beaucoup. Jouer les assistés, ça devait l’énerver plus que de raison. Nate se pinça les lèvres. Est-ce que c’était judicieux ? N’était-il pas mieux ici pour se soigner ? Il soupira. « Oui… Bien sûr. » qu’il avait fini par dire, plus pour faire plaisir à Matt que par réelle conviction. « Considère que c’est fait. » Il avait sourit, plus franchement cette fois. La personne qui résisterait à ses bons mots et à sa gentillesse n’était pas née. Nate savait toujours y faire quand il s’agissait de convaincre les autres. Et pour des raisons évidentes, Matt avait un peu plus de mal dans ce domaine. « Je vais voir si je peux le trouver. » Il avait fait quelques pas en direction de la porte et, comme si l’ambiance était beaucoup trop pesante pour lui, il avait dit avec humour : « Bouge pas. » Et il s’était lancé dans les couloirs à la recherche du fameux médecin qui pourrait faire sortir Matt d’ici.

Je ris en entendant sa remarque. Il avait eu le don de détendre un peu l'atmosphère. Ou alors c'était simplement son sourire, son si beau sourire, qui avait le don de me faire craquer chaque fois que je le voyais.

- Dépêche toi avant que je ne m'enfuis!!!

Je le laissais partir, espérant qu'il puisse revenir vite et surtout que je puisse quitter cet endroit. Elles étaient bien gentilles les infirmières mais j'avais littéralement l'impression d'étouffer en étant ici. J'avais besoin de partir, de rentrer chez moi, de retrouver mon quotidien et surtout de ne plus les avoir sur le dos dés que je voulais faire quelque chose. Et justement quand on parlait du loup...

J'en vis arriver une, toute sourire en portant sa bassine d'eau chaude. Elle ne tarderait pas à se trouver un mari celle là. C'était un joli petit brin de fille, toujours souriante et gentille avec tout le monde. Il se trouverait un mec qu'elle pourrait dorloter tous les jours comme elle le faisait avec ses patients. Elle devait tous les faire craquer, mais pas moi.

"Allons y Monsieur Jansen. Je vais vous aider à vous laver."

- Non non merci ça va aller. Mon ami est parti parler au docteur. Je vais rentrer chez moi.

"Mais vous n'allez pas rentrer en étant sale voyons. Allez, laissez moi faire."

Et elle commença à se pencher sur moi pour retirer mon drap. Je le tirais fermement vers moi, l'empêchant de me découvrir. C'est dans cette situation que Nate et le médecin nous trouvèrent. Je tirais sur mon drap d'un côté et elle tirait de l'autre. Elle continuait de piailler en insistant.

"Mais enfin Monsieur Jansen laissez moi faire!!!!"

- Je ne veux pas. Et de toute façon mon ami est là.

Elle finit par baisser les bras, mais parce que le médecin lui demanda de nous laisser. J'étais encore énervé. J'en avais ras le cul de ces filles qui insistaient tous les jours pour me laver. Je voulais juste partir. Et heureusement le médecin m'annonça qu'il me libérait. Il donna plusieurs ordonnances à Nate, des anti douleurs principalement. Il me donna aussi tout un tas de consignes. Je devais me reposer et bla bla bla. Je le reverrais dans un mois et il déciderait si oui ou non je pourrais me débarrasser de ces satanées béquilles. Un mois à marcher comme ça, je sentais que ça allait être loin. Mais au moins je pouvais partir. Je remerciais le docteur alors qu'il sortait. Une fois parti, j'en profitais pour virer le drap et tenter de m'asseoir au bord du lit.

- Aide moi à m'habiller si tu veux bien Nate, avant que l'autre folle ne vienne se mettre en tête de venir le faire.

Nate s’en voulait de ne pas avoir été là plus vite. S’il avait su, il aurait pris sa voiture dès le premier appel que Matt avait manqué. Il se sentait mal de l’imaginer seul dans cet hôpital. Si un tel accident lui était arrivé, il aurait pu compter sur sa femme, sa mère et sa belle-famille. Il n’aurait probablement jamais été seul, quelqu’un aurait toujours été là pour le veiller à son chevet. Mais Matt n’avait rien eu de tout ça et ça le désolait. Leurs situations respectives étaient injustes. Alors, même s’il n’approuvait pas forcément sa décision, il était allé parler au médecin qu’il avait sans surprise réussi à convaincre. Accompagné du dit médecin, il était revenu dans la chambre de Matt juste à temps pour assister à un spectacle digne de l’énergumène dont il était épris. Il était sur le lit, cramponné à ses draps, refusant d’être lavé. Nate réprima un sourire. Il ne se moquait pas, non. Ça lui faisait simplement du bien de reconnaître Matt : il ne changeait pas. Il avait toujours été comme ça. Fidèle à lui-même malgré les circonstances. Nate ne pouvait pas en dire de même le concernant. Le médecin donna des ordonnances à Nate et ses consignes à Matt que Nate avait écouté probablement bien plus attentivement que Matt lui-même. Retour dans un mois pour faire le point. Nate remercia le médecin qui quittait la chambre et déclencha un autre sourire quand Matt lui avait demandé de l’aider à s’habiller. Ça risquait de lui plaire de s’occuper de lui, Nate se voyait bien y prendre goût. Sans dire un mot d’abord, il l’avait aidé à se redresser puis à s’habiller. Douceur et patience, Nate avait toujours été pourvu de ces qualités. Ça ne lui demandait donc que peu d’efforts, d’autant plus qu’il s’agissait de Matt. « Elle fait son travail, tu sais. » Et si ça pouvait ressembler à des remontrances, ça n’en était pas en réalité. Nate n’aurait jamais osé. Ce n’était pas lui qui avait été coincé sur un lit d’hôpital pendant deux jours. « Elle était pas à ton goût ? » qu’il l’avait taquiné de nouveau, désireux de rendre l’ambiance plus légère. Matt devait bien avoir besoin de se changer les idées, les heures avaient du lui sembler longues ici. « Ce que t’es difficile, franchement. » qu’il avait rajouté en rigolant, l’aidant à se mettre debout avec ses béquilles pour l’escorter jusqu’à sa voiture. Ils marchaient à deux à l’heure, Matt n’ayant pas encore apprivoisé ses béquilles, mais Nate n’avait absolument rien dit. Ils auraient pu mettre trois heures qu’il n’aurait rien fait d’autre qu’être patient. Dans les couloirs, il s'efforçait d'éviter le regard de tout le monde. Il n'était jamais vraiment à l'aise de se montrer en public avec Matt, comme si tout le monde pouvait lire sur leurs visages qu'ils étaient plus que des amis.

Ouais ouais c'était peut être son boulot mais quand je lui disais non, c'était non. Elle ne pouvait pas le comprendre ça? C'était si compliqué que ça. Alors je marmonnais, continuant de râler.

- Je ne lui ai rien demandé moi...

Je voulais juste qu'on me foute la paix. Et je ne voulais surtout pas avoir à me foutre à poil devant une femme. Peut être que les autres mecs adoraient ça mais c'était loin d'être mon cas. Je m'asseyais tant bien que mal au bord du lit, grimaçant un peu à cause de la douleur. Je pouvais plier ma jambe mais ça avait tendance à tirer sur mes plaies. J'avais toute la jambe sous le genou sanglée dans une espèce d'attelle qui pesait une tonne. J'avais mal, mais ça me faisait du bien de pouvoir bouger et surtout de me dire que j'allais pouvoir quitter cet endroit. Je montrais mes vêtements à Nate, acceptant son aide pendant qu'il m'aidait à m'habiller. C'était plus facile de lui demander à lui qu'à l'infirmière. Il m'avait déjà vu nu et plus d'une fois, alors ça aidait un peu. Il me connaissait surtout. Il savait quand ça ne servait à rien de discuter avec moi ou de me forcer, ce qui n'était pas le cas de l'infirmière.

- C'est une femme surtout...

Je haussais vaguement les épaules en réponse à sa remarque sur le fait qu'elle ne me plaisait pas. Elle avait deux problèmes qui faisaient que jamais elle ne pourrait me plaindre. C'était une femme et elle n'était pas Nate.

Je finis par me mettre debout sur mes béquilles avec son aide encore une fois. Je flanchais un instant avant de me stabiliser et de partir à l'assaut des couloirs. C'était épuisant de marcher comme ça et douloureux aussi. Chaque saut que je faisais pour avancer, réveillait la douleur dans ma jambe. La traversée de l'hôpital me sembla durer des heures, grimper dans la voiture fut une épreuve aussi mais je parvins enfin à m'installer dedans avec un soupir de soulagement. Enfin, je quittais cet endroit maudit pour pouvoir rentrer chez moi.

- Merci d'être venu me chercher et de me raccompagner. Je crois que j'aurais pété un plomb si j'avais du rester là plus longtemps.

Je serais mieux chez moi. Je n'aurais personne pour venir m'emmerder. Je pourrais demander à ma voisine de me faire quelques courses. Je pourrais toujours me débrouiller pour me faire réchauffer une boite et je savais qu'elle viendrait de temps en temps le soir pour me préparer le diner. Je devrais pouvoir m'en sortir seul.

Je regardais un moment la route, perdu dans mes pensées avant d'engager à nouveau la conversation.

- Tu dois repartir quand?

Je n'étais pas pressé que ça arrive. Ca me faisait toujours du bien de le voir, de savoir qu'il était à mes côtés. Il me manquait... Mais je savais aussi qu'il avait son boulot, sa fille, sa femme... il ne pouvait pas tout plaquer pour moi.

Nate avait en apparence l’air calme. Intérieurement pourtant, il menait un vrai combat pour trouver comment s’organiser. Il était hors de question qu’il laisse seul Matt dans cet état et il allait devoir mobiliser son équipe pour le remplacer tout le mois qui allait suivre. Et puis… Il y avait Penny et Alison. Il allait leur dire quoi ? La vérité ? Nate leur mentait tellement qu’il ne savait pas dans quel mesure il serait judicieux de dire que Matt s’était blessé et qu’il avait besoin de lui. De plus, il ne pouvait décemment pas s’imaginer passer le mois loin de sa fille. Il allait rentrer les week-end au moins. Il ferait l’inverse de ce qu’il faisait actuellement : il passerait la semaine à s’occuper de Matt et il irait passer le week-end chez lui avec femme et enfant. Ça lui semblait être le meilleur compromis. Un compromis qu’il se gardait bien d’évoquer à Matt pour le moment. Il le connaissait… Il serait contre. Il lui dirait qu’il pouvait très bien se débrouiller sans lui et tout un tas de choses que Nate n’avait pas envie d’entendre. Il voulait être là pour le soutenir. Il n’avait pas eu l’occasion d’être immédiatement là quand il s’était blessé et il comptait bien se rattraper maintenant en étant d’un soutien infaillible. « Je sais. » que Nate avait patiemment concédé à un Matt ronchon. Il était compréhensif. Matt souffrait et sa condition physique n’avait pas fini de l’énerver. « Une jolie femme. » que Nate avait commenté avec un rire complice. Il ne faisait que le taquiner. Ni lui, ni Nate y étaient sensibles. Là où Matt ressentait de la gêne, d’autres hommes auraient été probablement ravis. Le trajet jusqu’à la voiture de Nate s’était déroulé dans le silence. Nate évitait de parler, il évitait aussi les regards. Il n’avait aucune envie qu’on se fasse des idées sur eux. Faire rentrer Matt dans la voiture avait été quelque peu délicat mais quand il y était enfin parvenu, Nate n’avait pas attendu pour démarrer le moteur. « J’aurais du être là avant mais… De rien. » qu’il avait répondu aux remerciements de son amant. Il était assez concentré sur la route qu’il ne connaissait pas très bien. Ce n’était pas son secteur ici, même s’il venait une fois par mois au moins. Le lieu qu’il connaissait le plus dans le coin, c’est l’intimité de l’appartement de Matt. Il se racla la gorge quand Matt lui avait demandé quand il repartait. « Il y a un paquet de cigarettes dans la boite à gants. Attrape-en deux s’il te plait. » Il n’allait pas ignorer la question, Matt ne serait pas dupe. Il avait juste besoin du réconfort d’une cigarette avant de lui annoncer sa décision de rester. « Je te l’ai déjà dit… Je reste le temps que tu ailles mieux. » qu’il avait fini par dire en expirant sa première bouffée de nicotine.

Je ne voyais pas pourquoi il se torturait. Il n'aurait pas pu être là plus tôt. J'étais resté un moment dans les vapes, sans pouvoir le contacter. Je l'avais fait dés que j'avais pu. Et avant... et bien personne au travail ne savait que Nate était la personne la plus importante dans ma vie et qu'il aurait fallu le contacter dés le premier jour. Dans ces conditions là, c'était impossible qu'il arrive plus tôt. Il avait déjà fait terriblement vite alors il n'avait pas à s'en vouloir.

Je soupirais en me penchant en avant pour attraper deux cigarettes. J'en allumais une avant de la lui tendre. Je me doutais que la suite de la conversation n'allait pas me plaindre. Il n'aurait pas cherché ce petit réconfort si il ne devait pas m'annoncer quelque chose de gênant. Je connaissais à bien le connaitre depuis le temps qu'on se fréquentait lui et moi.

Et ça ne tarda pas. Je soupirais de plus belle en l'entendant parler. Le temps que j'aille mieux... ça allait durer un bon mois avant que je n'aille mieux. Je ne pouvais pas lui demander de rester aussi longtemps avec moi. Il avait une vie. Je ne pouvais pas lui demander de tout plaquer comme ça du jour au lendemain juste pour s'occuper de moi. J'inspirais profondément, essayant de trouver les bons mots pour lui répondre sans le vexer. J'étais fatigué et je n'avais aucune envie de supporter une dispute entre nous. Je n'en voulais plus de toute façon de ces disputes. Je voulais juste qu'on profite ensemble.

- J'avoue que l'idée de t'avoir rien qu'à moi pendant tout un mois est vraiment tentante. Ca serait vraiment super même. Mais je sais aussi que tu as ton travail, ta famille, ta fille. Tu vas donner quelle excuse à ta femme? Tu feras comment pour ton boulot?

Je relachais la bouffée que je venais de prendre avant de poser ma main doucement sur sa cuisse.

- Je me débrouillerais ne t'inquiètes pas. Tu pourras passer me voir un peu plus souvent si tu veux, mais ne va pas te mettre dans la merde pour moi.

Nate avait la tête pleine de pensées mais il était déterminé : rien de ce que dira Matt ne le fera changer d’avis. Il sera là pour lui tout simplement parce qu’il ne pouvait pas supporter de faire autrement. Il tenait beaucoup trop à lui pour le laisser seul à son sort. Sans compter qu’il avait vraiment eu peur. Il se revoyait, sur le chemin aller, mort de trouille à l’idée de retrouver Matt sans savoir précisément ce qu’il avait. Matt avait soupiré. Si Nate n’avait pas réagit, ça ne lui avait pas échappé pour autant. Il savait exactement ce qu’il allait dire ensuite. Ou presque. Il ne s’était pas vraiment attendu à une réaction aussi pondérée. Ni à sa main sur sa cuisse. Par contre, il savait qu’il lui aurait tenu ce discours : il se débrouillerait. Evidemment. A vrai dire, Nate n’en doutait pas vraiment. Il lui connaissait évidement des ressources et une force de caractère incroyables. Mais il n’avait aucune envie qu’il se débrouille. Il voulait s’occuper de lui et c’était non négociable. Il jeta un rapide coup d’oeil sur Matt, se détournant de la route quelques secondes avant de se concentrer de nouveau. C’était assez étonnant, cette nouvelle façon de faire… Fut une époque ils se seraient engueulé. Nate appréciait et ça s’était vu au sourire qui était apparu sur son visage. « C’est très aimable de ta part de penser à mon foyer mais ce sont mes affaires. » qu’il avait commencé en prenant soin de choisir ses mots, un sourire toujours sur le visage. « Je rentrerais le week-end pour Penny. On se voit pas tellement plus le reste de la semaine entre l’école et le travail de toute façon. » et il rentrerait pour Penny seulement. Nate savait d’avance qu’il serait accueilli par une pluie de reproches par sa femme et il en était déjà exaspéré. Il faudra qu’il fasse des efforts considérables. Peut-être rentrer avec des cadeaux ? Il trouverait bien. Pour l’instant, ce n’était pas le plus urgent. « Et au boulot… C’est moi le patron. Personne va me virer si je suis pas là. J’ai confiance en mon équipe. Ca ira. Je passerais quelques coups de fil et j’irais le samedi avec Penny vérifier que tout va bien. » Nate s’était mis à réfléchir à voix haute. Tout lui paraissait parfaitement réalisable. Evidemment, ça allait lui demander de se couper en quatre mais il était tout disposé à faire ça pour Matt. « Tu vois, tout est sous contrôle. Je serai absolument pas dans la merde. » qu’il conclut en espérant parvenir à le convaincre. Il resterait de force s’il le fallait, c’est pas comme si Matt était en condition physique pour le foutre dehors, mais il préférait qu’ils se mettent d’accord.

Je détournais le regard, me concentrant sur le décor qui défilait par ma fenêtre. Je prenais le temps de digérer à tout ce qu'il venait de me dire. Il semblait avoir vraiment réfléchi à tout ça. Il ne cesserait pas de voir sa fille pendant un mois à cause de moi, pas vraiment en tout cas. Il semblait tout gérer pour son travail. Mais ça ne changeait rien au fait que je m'en voulais quand même de l'obliger à faire tout ça. Je méditais... me demandant ce que je pourrais lui dire. Je savais qu'il serait lui aussi incroyablement têtu à ce sujet là. Il ne lâcherait pas l'affaire. Il avait pris sa décision. Si je m'obstinais moi aussi on finirait par s'engueuler et c'était la dernière chose que je voulais. Alors une nouvelle fois je prenais mon temps, mesurant mes mots.

- Ok... je sais que tu ne changeras pas d'avis de toute façon.

Je le regardais avec un petit sourire sur les lèvres. Il était comme ça. On était deux têtes de mules. C'était un peu pour ça d'ailleurs que notre histoire était pleine de haut et de bas.

- Mais je ne peux pas m'empêcher de penser à ce que dira ta femme. Elle n'aimait déjà pas vraiment que tu viennes régulièrement le week end me voir alors un mois entier...

Elle allait crier ça c'était certain. Il avait beau ne pas en parler je savais très bien qu'elle détestait le voir partir pour me rejoindre. Je le sentais à sa voix les quelques fois où j'avais appelé et que j'étais tombé sur elle. Je pouvais sentir toute la haine qu'elle ressentait pour moi dans ces moments là. Alors ce départ... je savais qu'elle ne le prendrait pas bien. Je me sentais mal, pas pour elle, mais pour les reproches que Nate devrait endurer pour pouvoir être avec moi.

- Mais d'un point de vu tout à fait égoïste..

Je me mordis la lèvre en le fixant. Il venait de se garer devant mon appartement. Je savais qu'il y avait du monde qui passerait dans les rues. C'était impossible pour moi de l'embrasser et pourtant j'en avais tellement envie.

- Je suis heureux de pouvoir passer autant de temps avec toi.

Je me contentais d'un petit sourire avant de tenter de m'extraire de la voiture en marmonnant.

- Quand je pense que je dois monter un étage entier!!!