Le contact qui se rompt doucement, comme si c’était d’une certaine manière à contrecœur. Je redresse alors rapidement la tête, craignant avoir fait quelque chose de mal, dit quelque chose de mal et grimace avant de manquer de sursauter lorsque je sens ses mains dans mon dos. Je souris alors, venant alors prendre son cou dans mes bras, le rapprochant un peu plus de moi. Je sens son visage sur mon épaule et je penche alors ma tête pour la coller contre la sienne et inspire profondément. Mais il m’avait entendu, dans mon murmure et avait réalisé l’un de mes souhaits et j’espérais alors pouvoir réaliser le sien.

Je me rapproche un peu, nichant alors mon nez dans son cou, fermant les yeux. Je veux pouvoir profiter de tout ça, de cet instant, rien que de cet instant. Quelques secondes, qui semble une éternité, mieux que n’importe quel vœu ou rêves que je pouvais imaginer ? Je souris doucement en l’entendant dire et rigoles nerveusement. Je recule alors un peu, essayant de mieux me positionner, posant mes mains sur ses épaules et une de mes jambes sur les siennes. Je pouffe un peu.

- J’ai… pas l’habitude des… câlins aussi, mais… je… je sais pas… avec toi ça… ça me paraissait… si..

Je recule un peu plus et me gratte le poignet, par habitude, par nervosité. Mais je sens alors des cicatrices. Je bug doucement avant de remonter mes manches pour éviter qu’il ne voit quelque chose de désagréable lui aussi. Je sais de quoi il s’agit et je ne veux pas en parler de suite… De ce mauvais souvenir. Un très mauvais souvenir. Un séjour à l’hôpital et cette maudite période où j’avais bien failli le perdre. Je me mords la lèvre et baisse un peu la tête.

- Pardon… Je ...

Je me gratte la tempe et secoue la tête. Je reviens chercher sa main, la serrant aussi fort que possible, par réflexe et sourit, essayant de trouver de nouveau mes mots. Et maintenant ?

Il avait fini par s'éloigner, pas complètement mais il n'était plus blotti contre moi. Il me laissait avec une impression de froid. J'avais un peu trop apprécié sa présence contre moi et il m'en avait privé bien trop vite. J'aurais pu rester là la journée entière à simplement le tenir dans mes bras. J'aurais voulu que mon étreinte efface toute la peine qu'il avait pu ressentir dans sa vie. Je voulais qu'il se sente comme dans un havre de paix entre mes bras, un refuge où rien ne pouvait lui arriver.

Non... c'était plus que ça. Je voulais qu'il m'aime, qu'il partage mes sentiments. Mais je ne savais rien. Il m'appelait son étoile mais était ce par amitié qu'il m'appelait ainsi ou plus... le plus que j'aurais aimé. Je ne savais pas. Je ne savais rien. Je ne savais pas si je lui plaisais physiquement ou non. Et au delà de ça je lui plaisais tout court ou non. Je ne savais pas si lui aussi rêvait de la même chose que moi, de pouvoir être avec moi, s'embrasser, être un couple horriblement banal.

Je n'osais pas voir dans certaines de ses paroles des signes encourageants. Le "mon étoile" qui ressortait parfois dans son discours, la fin de sa phrase en suspend sur notre légère et trop brève étreinte... Parce qu'il y avait tellement de choses qu'il ne savait pas sur moi et qui pourraient le faire fuir. Alors même si il avait eu des sentiments pour moi, est ce que ces derniers survivraient à notre rencontre?

Je serrais doucement sa main alors qu'il venait me demander pardon. De quoi? Ca je n'en savais rien. D'être parti de mes bras? Certainement. Mais je ne lui en voulais pas. La situation était beaucoup trop étrange pour qu'on puisse être à l'aise tous les deux.

- Ce n'est rien...

Je ne savais pas exactement ce que je lui pardonnais mais je savais que j'étais prêt à tout lui pardonner à lui. Je pouvais tout accepter, tout pardonner parce qu'il était lui tout simplement.

- Est ce que... est ce que tu accepterais de me jouer quelque chose au piano...? On en avait parlé une fois...

Dans une de nos nombreuses lettres il m'avait avoué jouer au piano et j'avais espéré pouvoir l'entendre jouer un jour. Peut être que ça nous aiderait à nous détendre un peu. On ne serait plus obligé de meubler la conversation.

Ce n’est rien. Oui, sûrement. C’est ce qu’il me dit, ce qu’il affirme. Mais je n’en suis pas sûr. Je ne suis sûr de rien et un bout de mon cerveau me le dit. Je me ronge doucement, par crainte. Mais une crainte qui nous correspond bien, qui semble être ressenti ensemble, sans que l’on ne s’en rend compte, trop aveugle. Comme d’habitude. Je serre sa main dans la mienne, cherchant à entrelacer mes doigts aux siens, comme un réflexe impulsif, un besoin soudain qui me semble urgent de combler. Un geste anodin qui en dit beaucoup tant qu’il ne coupe pas le contact.

Je redresse un peu la tête quand il parle du piano et sourit. Je jette alors un coup d’œil à ma chambre, où trône l’instrument. Je me lève, sans lâcher sa main et le regarde, un peu d’espoir dans le fond, attendant qu’il me suive alors que je commence à avancer. Je prends une grande inspiration en arrivant devant la porte de ma chambre et me pince les lèvres.

- Fait… Fait pas attention au bazar hein ?

Que je demande, nerveusement en ouvrant, laissant alors nos regards se poser sur le piano, où en face, sur le mur, ses dessins sont exposés. Le lit est rangé, parfaitement bien agencé, les cousins, les peluches… La photo de tes amis sur la table de chevet. Les étagères où les livres sont classés par genre et nom d’auteur. Le tableau périodique bien en évidence sur un autre mur. Je me pince les lèvres, cherchant un endroit où il pourrait se poser. Je me tourne vers lui, manquant sans faire exprès de me cogner le front contre le sien, et baisse les yeux par habitude. Il était trop proche, sans que je m’en rende compte, que je réalise.

- Je.. Hum…

Je me masse la nuque et souris doucement.

- Tu… Tu peux te poser sur le lit… Le… Le temps que je… Mette tout en place.

Je me levais avec lui, ma main toujours dans la sienne. Je ne voulais pas rompre ce contact. Le peu qu'il me donnait avait une telle importance à mes yeux... je ne voulais pas y renoncer un seul instant. Alors je gardais sa main dans la mienne, le suppliant intérieurement de ne pas me l'enlever trop vite.

Je le suivis dans la chambre, lâchant un petit rire en découvrant la chambre après qu'il m'ait prévenu.

- Le bazar hein...

Si c'était ça du bazar pour lui je me demandais ce qu'il penserait de ma propre chambre. Tout était à sa place, parfaitement rangé. Il n'y avait pas une chose qui trainait dans le coin. Je notais, un peu intimidé que mes dessins étaient affichés au mur, les quelques uns que j'avais accepté de lui envoyer. Il y en avait bien plus dans mes carnets. Des pages et des pages de dessins sans importance. Enfin... ils étaient pour moi mais ne le serait pour personne d'autre. Les gens les jugeraient certainement trop bizarres comme son ami, ou trop médiocre certainement.

Je hochais doucement la tête alors qu'il venait de me demander de m'installer sur le lit. Je lâchais à contre coeur sa main avant de m'asseoir sur son lit.

- Ok, je te laisse faire.

Je lui souris alors que je venais attendre sagement qu'il s'installe et se mette à jouer. J'y avais pensé assez souvent à ce moment, à quand je pourrais l'entendre jouer. J'y pensais depuis qu'il m'avait dit qu'il jouait du piano. Mais je devais reconnaitre que je ne l'avais jamais imaginé se déroulant ainsi. Je ne pensais pas me trouver sagement assis sur le lit pendant qu'il jouerait de son côté. Dans mes fantasmes j'étais assis à côté de lui, mes bras autour de sa taille. J'aurais pu m'amuser à le distraire en l'embrassant doucement. Petit moment horriblement adorable d'un couple, le genre de truc qui m'aurait insupporté mais que j'avais envie de faire avec lui.

Le petit rire de mon Étoile me fait rappeler que notre notion du bazar doit être assez différente. Je remarque facilement du regard les petits détails cachés, les papiers par terre, terrés entre deux livres parfaitement alignés. Des bouts de feuilles arrachés plus petit qu’une paume de main qui se sont perdus derrière des meubles et de la fine poussière qui doit sûrement se trouver sur les étagères et les hauts des livres. Je sais au fond de mon esprit qu’ils existent, je sais que quelque part, si j’y passe le doigt et je verrais le léger voile gris resté sur ma peau.

Je pouffe doucement en réponse et je hoche la tête en me grattant la tempe. J’avais vu aussi son regard qui s’était posé sur les dessins encadrés. Je me pince les lèvres. C’était peut-être beaucoup pour lui, mais pour moi, c’était aussi un rappel de tout. Un rappel de notre histoire, un rappel du début bancal de cette relation naissance qui se tisse doucement entre nous. S’il en existe une.

- Oui… C’est… Il y a encore des trucs que je dois jeter, je n’ai pas eu le temps d’y penser… Vu que tu arrivais.

Que je rajoute doucement avant de le voir reculer vers le lit. Je réfléchis doucement avant de tirer le tabouret long pour l’installer correctement. Je tente de voir ce que je pourrais lui jouer en jetant un regard vers l’étagère à côté, contenant mille partitions emprunté ailleurs, réécrire de ma main. Qu’est-ce qui pourrait lui plaire, lui parler ? Je me pose devant mon clavier, touchant doucement les touches blanches et noires du bout des doigts avant que doucement, lentement. Je souris, redressant le regard vers lui, sans le vouloir, m’étant posé sur le côté gauche du tabouret, bien trop habitué à être rejoint quelques fois par ma sœur.

Je commence doucement à jouer, laissant l’émotion venir d’elle-même alors que la musique envahie la chambre… Hypnotiser. Je pourrais ne pas sentir ou voir s’il se rapprochait de moi, trop concentré sur ce que je fais. Pour lui. Pour essayer de lui retransmettre par la musique tout ce que je ressens, au-delà des mots.



(Watergun - Remo Forrer)

- Ce n'est rien, c'est très bien comme ça.

Je n'étais pas venu pour visiter son appartement, encore moins pour critiquer sa façon de s'occuper de celui ci. Avec nos horaires de folie, nous avions à peine le temps d'entretenir le notre avec ma mère. Il était souvent en désordre et ma chambre, n'en parlons pas. Alors je n'allais pas m'arrêter sur un ou deux papiers qui trainaient peut être et sur des infimes traces de poussière. J'étais venu pour lui, pour le rencontrer, apprendre à le connaitre davantage en vrai.

Je l'écoutais jouer, silencieusement, n'osant pas l'interrompre. Je n'osais pas m'approcher de peur de l'effrayer, de briser cet instant. La mélodie qu'il jouait... elle avait le don de m'emporter, de me faire vibrer avec lui. Il était si beau, concentré ainsi. Je ne pouvais détacher mes yeux de ses traits, de son air concentré, totalement absorbé par sa musique. Et il m'emportait avec lui.

Il me fallut quelques instant pour retrouver mes esprits quand il s'arrêta de jouer, pour comprendre qu'il avait fini et sortir de ma contemplation. Je m'éclaircis doucement la gorge, retrouvant un peu la maitrise de moi même.

- C'est... c'était très beau. Tu joues très bien. Merci...

J'espérais qu'il comprenne dans ce simple merci, toutes les émotions qu'il m'avait fait ressentir. J'en doutais. J'étais vraiment beaucoup trop nul pour parler de ce que je ressentais, pour lui dire à quel point je tenais à lui, comme je le trouvais beau, sublime, que j'aurais pu rester des heures à l'écouter jouer pour moi...

- Tu veux qu'on se fasse livrer quelque chose à manger?

A la place je me réfugiais dans un sujet bateau... le repas... comme si j'avais vraiment eu faim.

Le silence retombe après quelques minutes, à la dernière note jouée. J’ouvre les yeux, pour reprendre conscience de mon environnement. Je lève un peu mes mains des touches, revenant alors à ce silence, revenant lentement au présent, au monde réel et me tourne doucement vers mon Étoile, incapable de savoir à l’avance sa réaction, s’il a aimé ou non. Il y a un temps. Un temps d’absence où je suis alors capable de l’observer, de scruter son visage et de me perdre dans son regard. Il se racle la gorge, arrivant enfin à briser ce moment de plénitude. Je souris doucement et me gratte mollement le bras.

- Oh. Je ne dirais pas ça.

Je secoue la tête en me rapprochant de lui, me massant la paume de la main pour me contenir un peu. Je baisse un peu le regard en essayant de trouver mes mots pour exprimer ce que je ressentais vis à vis de ma propre façon de jouer.

- J’ai déjà entendu mieux. Des gens qui avaient pris de vrai cours, qui sont en orchestre ou au Conservatoire. Moi, je me contente de recopier ce que j’entends.

J’arrive à me calmer doucement, levant la tête en souriant, plus détendu, étrangement. Ou alors c’est parce que je me sens à l’aise avec le sujet de discussion, qui sait.

- Il y a des gens qui peuvent mettre encore plus d’émotion dans ce qu’ils font, dans leur jeu de doigts, dans leur musique, je n’ai pas la prétention d’avoir ce niveau.

Je me mords la lèvre soudainement avant d’en rajouter. Je sais que je parle trop sous l’émotion, quand j’entame une conversation qui pourrait me tenir à cœur, et la musique en fait parti. Je tique alors sur ce qu’il rajoute et me facepalm doucement. Merde, le repas.

- Tu as faim ? J’ai de quoi faire dans le frigo. J’avais préparé quelque chose en avance, au cas où, ne connaissant pas tes habitudes. Tu manges de tout ?

Que je demande alors que je commence à m’affoler, me lever et réfléchir en vitesse avant de me figer pour le regarder.

- Mon Étoile ?

Je l'écoutais parler avec plaisir, ne me gênant pas pour le mater tout en le faisant. Je n'étais pas d'accord avec lui. J'adorais sa façon de jouer. Il était trop dur avec lui même. Il n'avait peut être pas la technique des grands pianiste mais il y avait eu une émotion qui m'avait touché. J'aurais pu rester des heures à l'écouter jouer sans aucun problème, beaucoup plus facilement qu'un pro. Peut être un peu parce que c'était lui aussi, parce que je ne cessais de vouloir l'admirer. Après tant de temps passé à lui écrire, à me l'imaginer, le voir était à la fois effrayant et plaisant.

Non je n'avais pas spécialement faim mais je me disais que ça pourrait nous faire une occupation, meubler un peu les moments gênants qu'il y avait encore entre nous. Peut être que de partager un repas nous permettrait de nous détendre un peu plus facilement. Je l'espérais en tout cas.

Je souris en le voyant s'agiter, parler à tout va, presque fébrilement. Il semblait presque aussi stressé que moi. On faisait une belle paire tous les deux. On était mal à l'aise. On ne savait pas quoi faire, aucune idée de comment agir de manière naturelle l'un avec l'autre. Si j'avais eu une petite idée de ce qu'il pensait, ce qu'il avait envie, ce qu'il ressentait pour moi j'aurais peut être pu me détendre un peu. Que voulait il? Avait il envie qu'on ait une vraie relation? Mourait il d'envie lui aussi de goûter aux lèvres de l'autre? Ou étais je le seul à me faire des films de ce genre dans ma tête? La dernière option était la plus probable.

Je lui fis un petit sourire cependant avant de lui répondre.

- Je ne suis pas difficile. Quoi que tu fasses je l'aimerais.

Et quoi qu'il fasse je resterais fou de lui.

Je m'agitais un peu mal à l'aise, le suivant dans la cuisine sans trop savoir quoi faire de mes mains.

- Je peux t'aider à préparer quelque chose? Mettre la table?

N'importe quoi qui m'éviterait de rester planté au milieu de la cuisine sans savoir quoi faire ni quoi dire.