"Tu l'es. Ma mère sera sans doute un peu grognon au début, mais tu l'es. Elle a fait la même chose avec mon père il y a longtemps, alors elle sait reconnaître ce genre de choses et elle passera outre ses réticences."

Gretel l'avait déjà accepté et, par effet ricochet, tout le reste de sa famille également.

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Après avoir récupéré le petit déjeuner, Hazel avait sourit au commentaire du loup, et elle s'était dressée sur la pointe des pieds pour l'embrasser avec un sourire.

"Ne le dévore pas, s'il te plaît. Je préfère que tu me dévores moi."

Asil était un vieux loup, à la stabilité incertaine. Mais autant qu'elle le pouvait elle le garderait du bon côté, simplement parce qu'elle ne supportait pas l'idée de le perdre. Elle tuerait Bran pour protéger Asil sans sourciller, mais cela serait détruire tant de vies par répercussion... Personne ne pouvait prendre la place du Marrok. Gretel un jour peut-être, mais dans très longtemps, et Hazel ne voulait de toute façon pas penser à la fin de cette histoire qui débutait à peine. Ça ne la dérangeait pas particulièrement qu'il soit possessif avec elle, tant qu'il évitait de croquer les employés. Elle s'installa à table pour dévorer son petit-déjeuner avec entrain, sans perdre une miette du spectacle d'Asil se baladant complètement nu sous ses yeux.

"C'est vrai, mais tu es beau peu importe ce que tu portes. Et j'aime beaucoup le jogging, ça.. ne cache rien."

Elle rit en lui adressant un regard lourd de sens. Aucun survêtement ne pouvait dissimuler une érection, et ça ça lui plaisait bien. Une fois repue, les dents propres et armée de sa canne et de son aigle de bois, Hazel récupéra son nécessaire rangé dans un petit sac qu'elle portait en bandoulière. Elle attrapa la main du loup quand il fut prêt, Opalia avait l'air d'accord avec Asil sur le fait de laisser les roses à leur place. Hazel laissa son compagnon conduire jusqu'à l'adresse fournie par son oncle, si bien qu'ils arrivèrent sur un terrain privé et reculé de la ville. La maison qui se dressait devant eux était gigantesque. Moderne, d'un blanc éclatant et dissimulant des jardins magnifiques. Hazel eut un frisson dès qu'elle sortit du véhicule. Elle n'avait jamais vu autant d'esprits au même endroit, même dans leur monde ils ne se regroupaient pas autant. Il y en avait partout, à tel point qu'elle se perdit un moment dans la contemplation de l'invisible autour d'elle. Du mouvement attira son attention : la porte s'ouvrit pour laisser apparaître un homme et une femme. Lui était grand mais fin, avec de longs cheveux noirs nattés et des yeux mauves dissimulant à peine le loup tapis derrière. Dans une meute classique, il aurait été Alpha. Il était au moins aussi dominant que l'alpha des tri-cities, et il avait visiblement du mal de voir ces gens envahir son territoire. Hazel pencha la tête. Non, il avait du mal à la voir elle, parce que Sierra était un danger pour elle et qu'un loup dominant devait protéger une oméga. Sa nièce. La fille de la soeur à laquelle il tenait tant, bien qu'elle soit partie.
Sierra ne paraissait pas du tout impressionnante, surtout à côté de son petit-fils, mais son regard dégageait quelque chose de vicieux qui faisait tout sauf inspirer confiance. Ses cheveux étaient teints d'un bleu proche de celui d'Hazel, mais elle arborait une afro fournie et une tenue bien plus couvrante que sa petite fille. Elle jeta d'ailleurs un oeil réprobateur à cette dernière tandis qu'elle s'approchait, puis elle s'intéressa au loup à ses côtés. Enfin, surtout à l'esprit qui l'accompagnait. Elle claqua la langue d'un air dédaigneux avant de soutenir le regard d'Hazel pour la contraindre à baisser le regard, ce qu'elle fit seulement par politesse.

"Au moins, tu n'es pas en retard, elle renifla lorsqu'ils s'approchèrent, fronçant les sourcils en constatant leurs odeurs mélangées. Je savais bien qu'Amara était incapable d'éduquer sa progéniture. Vous n'êtes pas mariés, et tu portes son odeur. Quelle indignité.
-Bonjour, Sierra la foudroya du regard, Hazel se contenta de sourire et de lui tendre la canne. Voici un présent de la part du Marrok. Je dois néanmoins vous prévenir qu'elle est plutôt têtue, mais il espère qu'elle se plaira en votre compagnie.
Une lueur d'intérêt apparut alors que l'Alpha se saisissait de l'artefact. Cette canne... Elle en avait suffisamment entendu parler pour savoir l'importance qu'elle revêtait. Hazel préféra ne pas préciser que la canne avait choisit la fille du chaos comme maîtresse et qu'elle ne resterait que le temps qu'Hazel ait récupéré Samuel, ainsi qu'elles l'avaient convenu.
-Et qui est cet homme que tu amènes ici ?"

La coylouve lui adressa un sourire en se mordillant la lèvre inférieure, laissant glisser lentement sa main le long de son torse.

"Oui, je suis beaucoup, beaucoup plus appétissante qu'un petit employé d'hôtellerie."

Elle avait volontairement rendu sa voix un peu plus rauque, avait capté son regard pour qu'il se rappelle combien elle était meilleure que n'importe qui. Elle préférait cent fois être son dîner, ne serait-ce que parce que ce serait bien plus amusant et plus agréable tous les deux.

-

Alors que le louveteau Asil bafouillait une réponse, Hazel sentit le regard de son oncle se poser sur lui. Elle pouvait presque lire dans son regard son interrogation, pourquoi envoyer une oméga et un loup soumis, plutôt que quelqu'un qui puisse la protéger. Sierra se contentait de le regarder avec tout le mépris dont elle était capable, sans réfléchir à ces choses-là, car Sierra n'était pas une louve à proprement parler. Elle avait les gênes, la dominance et certains codes, mais elle n'était pas métamorphe, contrairement à son fils. Elle méprisait tout ce qui était métamorphe car dans la famille, celles et ceux qui laissaient les gênes du loup prendre le dessus perdaient leurs capacités chamaniques, mais elle venait de réaliser qu'Hazel n'avait pas ce problème. Elle la haïssait pour ça, et évidemment, pour Serpent. Malgré toute l'animosité qui se dégageait d'elle, l'oméga paraissait parfaitement à son aise tandis qu'elle présentait son compagnon.

"Il s'appelle Asil, et il tenait à m'accompagner pour vous rencontrer. C'est l'un des loups de Bran.
-Ah, je vois qu'Amara a finalement retourné sa veste... Enfin, rien de bien étonnant, ce n'est pas la première fois.
-Le Marrok est un ennemi ?
[i]L'apparente tranquillité de Sierra dissimulait une rage féroce qui apparut un bref instant, faisant crisper les muscles de Will.[/b]
-Comment oses-tu... Il se prétend meilleur que nous, meilleur que les loups, et apte à les gouverner alors qu'il n'est rien de plus qu'une bête. Il est mortel, et n'a pas la sagesse des esprits. À croire que que le soutien que t'accorde gracieusement notre Roi te fait perdre la tête, pour dire de telles insanités.
-Je me permets simplement de le demander pour comprendre, s'il est un ennemi, pourquoi lui ravir un enfant et souiller notre famille ?[/b]

Sierra amorça un mouvement dans sa direction avant de s'immobiliser, pétrifiée par ce qu'elle voyait. Sur le corps d'Hazel, pas assez couvert par rapport à la saison, se dessinait le tatouage du serpent enroulé tout autour de son corps. Elle jura dans une langue qu'Hazel ne put reconnaître et se redressa comme si de rien n'était, essayant de faire baisser les yeux à son arrière-petite-fille... Qui ne fit même pas semblant d'être gênée par cet affrontement. L'Alpha grogna avant de se tourner vers Asil.

"Un esprit domestique ? Tu dois vraiment aimer les roses pour que cette créature en soit née. Est-ce que tu le vois ?
-Il peut seulement le ressentir.
-Ce n'est pas à toi que je parlais."

La jeune femme hocha vaguement les épaules, pas vraiment perturbée par l'agressivité de son ton. Elle adressa un sourire à son oncle pour le rassurer et prit la main d'Asil dans la sienne, sans crainte d'être encore jugée par Sierra. Elle ne lui trouverait jamais la moindre qualité, alors pourquoi se prendre la tête ?

Sierra toisa Asil de haut en bas, sans la moindre gêne, alors qu'il bafouillait une réponse tout à fait crédible. Un sourire de satisfaction étira ses lèvres perfides, et Hazel félicita mentalement son compagnon. Elle n'aimait pas vraiment la façon dont son arrière-grand-mère fixait le loup, mais elle ne pouvait rien dire pour le moment.

"Je vois que ma descendante n'a rien pu faire pour toi... Ce qui n'est guère étonnant. Je te donnerais bien quelques conseils, si tu es sage... Nous irons prendre le thé pendant que cette petite sauvageonne ira crapahuter à la recherche du fils de l'imposteur. Will, sois mignon et va tout nous préparer.
-Oui, madame.
Difficile pour d'autres loups de louper le malaise évident de Will. Tout en lui lui hurler de rester là, auprès de sa nièce, et surtout de rejeter l'autorité de Sierra qui était bien moins dominante que lui. Mais ici ce n'était pas les loups qui comptaient, mais la magie et la capacité de chacun, il ne pouvait pas la défier sur ce terrain. Alors il hocha la tête avant de retourner à l'intérieur de la bâtisse.
-En tant que protégée du Serpent, tu sauras bien te débrouiller toute seule pour retrouver le loup. Toi, suis-moi.
-Sois sage, je n'en aurai pas pour très longtemps, tu pourras lui poser toutes les questions que tu veux."

Elle adressa un doux sourire à Asil. Il pouvait occuper Sierra pendant qu'elle faisait venir Charles sur le territoire, elle s'occuperait de gérer les esprits tandis que le couple Cornick aiderait Samuel. Dès lors que les deux loups rejoignirent Will à l'intérieur, Hazel s'éclipsa à travers la forêt en suivant le murmure des esprits.

La maison était encore plus richement décorée à l'intérieur qu'elle ne le présageait. Sierra se déplaçait d'un pas vif et gracieux, menant Asil à un petit salon décorée dans des tons ocres comprenant un canapé d'époque, deux fauteuils assortis et une table de chêne. Elle prit naturellement place sur l'un des sièges qui lui semblait dédier et commença à verser du thé au jasmin dans chacune des deux tasses posées devant elle, laissant le soin à Asil de l'agrémenter de sucre, de citron, de miel ou de lait, ou encore se servir en biscuits. Elle croisa une jambe par-dessus l'autre en faisant tourner sa cuillère dans sa tasse bien qu'elle n'y ait rien ajouté.

"Asil, c'est bien ça ? C'est plutôt rare d'avoir ce genre d'esprit... Surtout qu'il te semble très fidèle. Et très ancien. Est-ce que tu as couché avec cette petite sauvage simplement pour me rencontrer ? Quoi qu'il en soit, je serais curieuse de savoir ce que tu aimes tant dans les roses..."

Elle ne doutait pas un instant qu'il puisse avoir simplement utilisé Hazel pour l'approcher elle, la passerelle reconnue des esprits. Asil ne lui semblait pas trop vieux, docile, et avec son esprit de rose il trouvait un intérêt certains à ses yeux. Elle avait justement deux louves tout juste majeure, et il n'avait pas de bague prouvant qu'il appartenait à une autre, alors...

Malgré le ton acerbe de Sierra celle-ci n'avait pas tort : Hazel n'eut aucun mal à se guider jusqu'au repaire du loup. Pour autant elle n'était pas tout à fait à l'aise, les esprits étaient... oppressants avec elle. Et pour beaucoup, ils étaient loyaux à l'Alpha malgré le statut particulier de l'Oméga auprès de leur roi. Une bonne passerelle était un pont entre le tangible et l'intangible qui permettait l'harmonie des mondes, mais pour cela il fallait conserver une certaine distance. Sierra ne le faisait pas. Elle créait des liens avec les esprits, elle les affectait, les rendaient trop sensibles ou trop réels. La coylouve se demandait bien pourquoi Serpent n'intervenait pas. Ou Coyote, qui était plus bénéfique que ne l'imaginaient la plupart des gens. Après avoir crapahuté un moment, elle repéra un endroit dépourvu de tout intangible, et les effluves typiques du loup pas très content. Bran lui avait dit que le loup de Samuel était l'un des plus sociables et des plus doux qui existent, malgré son grand âge, pourtant ce qu'elle voyait ne correspondait pas du tout à cette idée. Elle se trouvait malgré elle face à un loup blanc pas très grand mais particulièrement sale, autant par de la boue que du sang séché. Ses yeux bleus, qu'on lui avait décrit rieurs, étaient glacials. Il gronda quand il la vit, et elle s'agenouilla dans une posture de soumission tout en envoyant discrètement un message à Charles et Anna, qui ne devaient pas être très loin. Samuel avait l'air... perdu, effrayé aussi d'une certaine manière. Il ne la connaissait pas et elle n'était pas tout à fait louve alors oméga ou non, il la mettait en garde. L'un des esprits qu'elle avait interrogé sur le chemin lui avait raconté les faits : Samuel était venu pour enquêter sur l'affaire des changelins sur demande d'un ami, et avait atterri par mégarde sur le territoire de Sierra. Elle n'avait eu aucun scrupule à lancer sur lui ses esprits qui avaient rendu fou le loup, avant que celui-ci ne lui échappe en venant ici et en perturbant toutes les créatures du coin. Peu importait leur loyauté envers Sierra, les esprits étaient revenus à leur état le plus primaire et n'avaient pas supporté cette présence étrangère et agressive. S'il ne pouvait pas se calmer tout seul il fallait l'y contraindre, et c'était là que Charles entrait en jeu.

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Sierra n'avait jamais été très douée pour deviner les mensonges d'autrui, ce bien qu'elle prétende toujours le contraire. En réalité c'était simplement que les esprits étaient bavards et qu'elle avait une bonne oreille. Même si Asil était doué pour jouer un double-jeu, elle ne l'aurait pas repéré s'il lui mentait directement, elle n'entendait pas son cœur si elle ne se concentrait pas vraiment dessus, et elle ne le faisait pas quand elle pensait maîtriser la situation. Elle s'était détendue à mesure que Le Maure lui parlait de roses et d'esprit, sirotant son thé avec un petit sourire étirant ses lèvres.

"Un esprit né de la passion pour les roses... Ma foi, c'est assez intéressant. Peu importe ce qu'en dit cet imbécile de Marrok, les loups et la magie font plutôt bon ménage. Il est même très probable que les loups qui survivent au Changement soient de lointains descendants de mages, chamans ou que sais-je d'autre, la Terre n'a pas toujours accueilli autant d'Hommes en son sein. Parfois, ces loups ont même des capacités particulières, et il en faut pour créer un esprit, même inconsciemment. Tu sais, j'ai deux petites-filles en âge de se marier... Je pourrais t'apprendre bien des choses."

Son ton doucereux dissimulait mal l'avidité de son regard. Pour Bran, elle avait négocié une nuit car elle n'était pas en mesure d'en demander plus : il avait déjà une compagne et, en outre, c'était un très vieux et très puissant loup qu'elle ne pourrait pas modeler selon ses désirs. Ce que lui montrait Asil témoignait du contraire, alors elle n'avait aucune hésitation.

"Le fils du Marrok a semé une véritable pagaille sur mon territoire et a terrorisé les esprits dont je prends soin. Ce serait la moindre des choses que de me faire un présent à la hauteur de ma perte, et tu es le candidat idéal."