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LE TEMPS D'UN RP

Les enfants de la lune. [PV Lulu] +18

Ezvana
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Tournesol
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Ezvana
Ven 19 Juil - 20:54

Sheog
Démon, c'est ainsi que l'on m'appelle. Personne ne me ressemble et je vis dans ma chambre, dans la cave de Mama. Depuis toujours, elle me marchande pour les lubies d'humains lors de soirées privés. Je me plie à ses ordres, ne connaissant rien d'autre, cherchant l'amour maternel et l'affection des humains que je croise.

Tant d'année se sont écoulés, je cherche toujours a savoir ce qui ce passe de l'autre côté de ces murs. Les livres ne suffisent plus à apaiser mon besoin de liberté. Depuis peu, Mama a engager une domestique si différente des autres. Aksana.


TW : Mention suicide et mutilation

Flèche de glace qui s’immisce, se glisse à l’intérieur de la candeur de l’amour, vient geler ce cœur qui tambourine pourtant si fort. La respiration est coupée sou l’intensité de la douleur alors que les muscles se figent, que toute l’émotion devient une statue pétrifiée. Peut-être était-ce une erreur ? Qu’il avait mal compris ? Peut-être que ses angoisses sont venues prendre possession de la voix de son Etoile ?

La pointe effilée s’enfonce encore un peu, s’approche toujours plus de ce palpitant malmené. Incompréhension qui tétanise le Titan Gris qui ose à peine battre des cils pour chasser la vision de cette féline feulant dans ses bras, souffrance qui lui fait ouvrir la bouche pour mieux respirer alors que l’impact lui broie les voies respiratoires. Soudain, la flamme dévorante n’était qu’un piège qui se referme autour de lui, de ses baisers incandescents il n’en ressentait que la morsure, de ses caresses langoureuses, il ne supportait plus le moindre picotement.
Cette langue froide vient lécher ses reins, arc électrique malvenu qui hérisse le bas de la crinière de nuit. Alors les bras s’ouvrent, libèrent le corps qui ne voulait plus être contre le sien. Un instant, les yeux d’opales suivent la personne qui ne désirait plus être avec lui.
Pourquoi pourquoi pourquoi ?

Si j'étais attirante, tu m'aurais déjà fait tienne.

Une litanie qui lui flagelle le crâne et balaye ses pensées cohérentes. Tant d'années à être formaté pour plaire aux autres, pour être un outil entre les mains des Humains, cela ne s'efface pas en une nuit bucolique. Il avait mal agi. Comment ? Aurait-il du la posséder là, au milieu du lac ? À ignorer les souffrances de ce corps tant aimées pour son propre plaisir ? Il aurait dû écouter.
Il aurait dû obéir.
Lui donner du plaisir, convenir à ses attentes. Briser ses inquiétudes pour que sa partenaire puisse être enchantée. Peut importe ses élucubrations, il devait serrer les crocs, plier l'échine, faire en sorte que celui ou celle qui partage sa nuit soit heureux. Depuis quand réfléchissait-il ? Il n'était qu'un Monstre, une Bête qu'on utilise. Il n'était qu'un objet de désir à saisir.
Monstre.Monstre.Monstre.

Alors, elle aussi … ? Même à ses yeux, il n'était que cela ?
Le poing se serre avec virulence, se pose sur cette poitrine alors qu'il vacille un instant, manque de s'écrouler. La queue bat l'eau avec vigueur, les ailes pèsent dans son dos. L'envie de les arracher, de se mutiler juste pour ne plus sentir ce poids inébranlable partant de ses omoplates.
Une grimace qui déforme les traits de l'Apollon qui devient autre chose, de plus sombre, de plus terrifiant. De ses plis qui plissent le nez, de ses crocs trop apparents. Se frapper la poitrine avec un bruit sourd qui semble résonner autour de lui. Le choc est violent, percutant, ouvre un peu plus une large zébrure.
Frapper. Pour que l'onde autour de lui émane de son corps qui vibre de l'intérieur à chaque fois.
Frapper encore. Encore. Encore. Frapper pour ne penser qu'à la souffrance physique et faire taire cette lamentation qui fuse de sa gorge, cette plainte d'un cœur meurtri qui retentis tel un éclair balayant le ciel.
Image barbare de ce poing maculé de sang qui continue sa danse macabre, ce visage relevé vers le ciel alors que des larmes s'accumulent dans les yeux d'argent, ce rictus de souffrance terrible comme s'il perdait son âme à chaque seconde écoulée.
Oh Lune, tu ne devais pas me consoler ?

Statue d'albâtre qui se fendille, qui vacille et s'écroule, alors que les forces le quittent et que les genoux ploient. Avalé par l'eau, il n'y avait plus que le sommet des épaules en dehors du lac, à moitié ici et ailleurs, dans les profondeurs trop sombres. Et alors il ferme les yeux et pleure, pleure à chaudes larmes lui qui ne plaisait à personne, lui qui était l'esclave de tout le monde. Peu importe ce qu'il pourrait faire, il restait cette bête idiote. Sinon, l'être qu'il aimait le plus sur cette terre ne serait pas partie, ne l'aurait pas quitté et laissé seul dans la nature.
Ce qui devait être beau a été déformé, par sa faute. Comme d’habitude.

De grandes mains abîmées viennent recouvrir son visage voilé par la honte, viennent essuyer les larmes salées par de l’eau claire. Le sang est balayé par les clapotis, mais la douleur elle est encore trop vive, trop intense. Elle lui brûle le peu d’âme qui lui restait.
Ses afflictions, n’auront-elles jamais de fin ?

Le temps passe, défile. Aucune notion du temps, seulement les étoiles bougent sur la surface du lac, la lune elle est plus loin, moins à son sommet. Le corps est engourdi par le froid, les dents claquent bruyamment. Lentement, mais sûrement, le corps se laisse aller, les ailes ne sont que des peaux de cuirs dansant dans l’eau, sans but, sans vie. Ses genoux c’était enfoncé dans la vase et désormais l’eau atteignait la pointe de son menton. Les yeux dans le vague, il n’y avait que ses angoisses et ses peurs qui s’y reflétaient.
Mais une pensée vient le percer le nuage brumeux, douce et terrifiante. Le froid avait calmé les douleurs de son corps, au début, c’était cuisant, pénible, puis peu à peu son propre poids avait déserté, son cœur avait ralenti, ses spasmes c’étaient calmés.
Et s’il se laissait couler… ?

Il ne savait pas nager. Il n’y avait personne autour de lui. Il lui suffisait de s’avancer un peu plus, de laisser l’eau parcourir son corps toujours plus haut, jusqu’à s’enfoncer dans la vase.
Lentement, une énergie fait mouvoir le corps qui s’avance, les pieds ne cherchent même plus à trouver un appui stable. Encore un peu, quelques mètres tout au plus, et tout pourra disparaître sous un manteau de froid. Tout sera en torpeur, somnolent.
Il lui suffirait d’ouvrir la bouche et d’inhaler.

Mama lui avait dit que c’était une mort affreuse, terrible, brûlante, on se sentait suffoquer. C’était pour cela que jamais il n’avait pris de bain ou avait vu la moindre étendue d’eau. « C’était pour sa sécurité. »
Déglutir alors que l’appréhension lui saisit la gorge alors que lentement, il sent l’eau monter, encore et encore, qu’il bascule en arrière pour se laisser choir dans l’eau stagnante. L’eau est trouble, cela l’effraie. Pourtant, il ne remonte pas, laisse sa longue chevelure devenir des algues autour de son corps, ses ailes s’étendant de toutes leurs envergures. Des bulles remontent de son nez.
Il lui suffit d’ouvrir la bouche et d’inhaler.

Et si elle était vraiment partie … ?
Et si Aksana n’était pas retourné au cabanon ? Et si elle c’était faîte attrapé ? Et si ses blessures ne faisaient qu’empirer ?
Elle n’avait peut-être pas envie de lui autour d’elle, mais il se devait d’être là pour elle. Il lui avait dit, il serait son amant, son meilleur ami. Son serviteur.
La stupeur lui donne un hoquet, l’eau rentre alors par ses narines, envahit sa bouche. Un hurlement silencieux alors que la brûlure manque de la faire défaillir, ses bras qui remuent dans l’eau de façon désordonnée. La panique lui fait écarquiller les yeux, le fait se tendre pour atteindre la surface si proche. Les pieds battent dans le vide, tentent de trouver un appui quelconque. Mais plus il s’agitait, plus le manque d’oxygène se faisait ressentir.
Réflexe alors que les ailes dans son dos s’agitent, claquent dans l’eau et lui donne une impulsion. Ce talon qui trouve alors la vase glissante, ce mouvement vers l’avant pour remonter. Sentir ses doigts franchir la surface lui donne un nouvel espoir, un talon arrive à toucher le fond et de sa force prodigieuse arrive à le faire remontrer avec force.

Tousser avant même de pouvoir prendre une longue respiration, évacuer la mort qui c'était glissé dans les moindres recoins. Presque un rugissement alors que les poumons se gonflent, d'une nouvelle naissance dans le cœur de la nuit, d'un éveil douloureux face à la faucheuse. Tremblant, de froid et de peur, le Gris s'approche du bord, fend l'eau de ses jambes, laisse l'encre sombre de sa chevelure lui collait à la peau. Parfois, il glisse, manque de rechuter. Vidé de toute énergie, il n'y avait que la détermination pour faire avancer le Titan. Alors qu'il sort, le poids des ailes se fait à nouveau sentir, l'air plus chaud que l'eau ravive la douleur, donne des picotements et des tremblements intempestifs à tout ce corps qui tressaute presque.

Pourtant, il avance lourdement, carcasse humide qui trouve enfin le cabanon. C'est en claquant violemment des dents qu'il entre, manque de trébucher alors que les ailes se prennent l'encadrure de la porte. Dégoulinant d'eau, il ne prête pas attention à son état, à sa souffrance. Il n'avait pas le droit au repos, à la libération pleine et entière.
Il ne pouvait pas se laisser aller, même si son existence était vaine, il la consacrerait à la Malhar, jusqu'à ce qu'elle le rejette complètement. Qu'elle l'utilise, qu'elle l'use. Qu'il ne devienne que l'ombre de lui-même.
Après tout, il a toujours été un esclave.
Juste un éclat quand il l'aperçoit, quand il prend conscience qu'elle était là, vivante. Puis les yeux de lune s'éteignent, la lumière se dissout pour ne laisser qu'un miroir lisse.

S'approcher de la trousse de soin, saisir ce dont il avait besoin avant de s'avancer vers la Féline. Chaque pas laissait une trace humide à son passage, les cheveux collés à son corps lui donnait un air malade. Le Titan n'était plus que l'ombre de lui-même, bien loin de sa glorieuse beauté effroyable.
S'accroupir près de la Bleue.

- Je dois te soigner.

À peine un murmure.
Qu'elle feule, qu'elle le frappe. Lui arrache la peau de ses griffes. Qu'elle le déteste, qu'elle le haïsse. Après tout, il n'était qu'un bon à rien.
Mais il se devait de la soigner. Une conscience aiguë lui ordonne d'agir, quelque chose au loin caché par sa peine. Pour elle, pour son avenir.

Appliquer les soins sans rien dire, sans jamais croiser son regard. Il l'évite comme on s'échappe de la morsure d'un fouet, comme lui se mettait à trembler face à son propre reflet. Il frisonne toujours, frémit constamment, mais ne se soucie pas de son état.
Même si elle l'évite, même si elle le repousse, il restera là. Impassible. Statue de chair, machine qui n'a plus qu'un seul objectif, celui de la soigner pour ne pas que ses blessures ne s'infectent ou empire.
Être réduit au minimum que lui laisse son cœur meurtri.


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Lulu
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Lulu
Mar 23 Juil - 21:19

Aksana

Est la descendance oubliée d’abominations morales, fruits maudits de malhars, le temps a ravi ses traits juvéniles, pour qu'elle devienne l'image fidèle d'une mère sans nom, égarée dans les ombres de l'abandon. Palpitant vacant qui ne demande qu’à ronronner sous la moindre caresse, mais les rares curieux craignent d'être engloutis par les ténèbres qui l'entourent. Ces malheureux ignorent que l’âme de l’orpheline brille d'une lueur douce, condamnée à suffoquer sous le poids des préjugés. Domestique qui frise l'esclavage sans même s'en douter, convaincue que, grâce à ses efforts infatigables, elle lavera l'honneur terni de sa lignée. Dévouée qui s'échine, jour après jour, entre les murs du manoir de Mama, la lueur d'espérance continue de briller dans ses yeux fatigués.

Enfin, le monde m'offre une main secourable, une opportunité d'ériger la preuve que mon lignage n'est pas aussi vicié que l'insinuent les sinistres murmures. Mes mains, maculées du bleu de l'infamie, sont prêtes à démontrer au monde qu'elles ne furent point créées pour disséminer que mensonges et tourments. En ce sanctuaire, j'ai trouvé asile, un rayon d'espoir scintillant faiblement... Et une étrange compagnie, dont la singularité miroite dans le miroir de la mienne. S h e o g, est son nom.
Vilaine bête difforme et haineuse, qui lui servait de palpitant, frémissait avec toute sa férocité au creux de sa poitrine. Elle s’y débattait, hurlait, crachait son venin, qui se répandait dans ce corps infecté, aspergeant même de son fiel brûlant l’esprit de son hôte esseulée. Aspects nauséabonds du parasite, sollicités depuis tant d’années, régnaient en maîtres dès que le vaisseau de chair menaçait de sombrer à la moindre tempête d’angoisse. Anéantir tout ce qui se trouvait autour, menaces ou non – car en cet instant, tous portaient le même masque grimaçant – au lieu de les laisser la noyer.
Arrivée au cabanon, la créature agitée offrait une vision terrifiante ; sa bouche béante laissait entrevoir des crocs humides, brillants sous les lueurs d’une lune souveraine. Ses épaules secouées de spasmes, tout comme sa poitrine, révélaient une bête au souffle court. Son regard, aussi fébrile que son apparence, brûlait d’un feu intense, celui-ci ravageant même sa peau, et ce, malgré les perles d'eau fraîches qui l'ornaient.
Impossible de faire la différence entre la malhar erratique et un chien sauvage, à la gueule écumante d'effort et d'angoisse, et dont les crocs étaient toujours tachés du sang de sa dernière proie. Tu n'avais jamais appris à glapir, à montrer là où tu avais mal, ni à mordre ta propre langue jusqu'au sang pour éviter de blesser les innocents. Chienne sans foyer que tu étais, ton unique talent résidait dans l'art de mordre, encore et toujours, jusqu'à l'os.
Elle n'était et ne serait jamais rien de plus qu'une créature vouée à l'euthanasie, pour le bien des autres autant que pour le sien.
Ils auraient pu le faire à l'orphelinat, soucieux de la voir mordre même les cœurs les plus doux, exaspérés de ne trouver aucun foyer à cause de son hostilité. Mais on ne pouvait plus mettre à mort une malhar, comme on abattait un chien souffrant ; les lois avaient évolué, ou plutôt, s'étaient dégradées selon certains.
Et puis, tu savais être douce et aimante lorsque ton âme voguait sur les eaux de la paisibilité, n'est-ce pas ? Il t'était inconcevable de penser que tu n'étais pas, au fond, gentille, qu'il n'y avait pas la moindre lueur d'espoir pour toi. Et d'ailleurs, tu ne savais même pas pourquoi tu mordais, tu ne pouvais pas être si cruelle.

Il n’y avait plus aucune lueur sur sa peau, désormais teintée des ténèbres d’une nuit sans lune ni étoiles. Ses pensées, tout aussi sombres, s’alourdissaient de détresse et de blessures profondes, et sa rationalité suffoquait sous leur poids oppressant. Il l’avait rejetée, lui aussi, comme tant d’autres avant lui. Il lui avait menti éhontément, tel son frère autrefois. Et naïvement, elle avait cru que l’histoire serait différente avec cette nouvelle âme. Hélas, toutes se révélaient semblables. Toutes, absolument toutes.
Aksana errait inlassablement dans la pièce, tel un poisson prisonnier d’un bocal étroit, ressassant à l’infini ces pensées venimeuses, les yeux noyés de larmes. Elle ignorait combien de temps s’était écoulé depuis sa fuite, mais les pâles lueurs de la lune s’affaiblissaient peu à peu à l’intérieur de l’habitacle en ruines.
Sheog n’était toujours pas de retour.
Il l’avait abandonnée, lui aussi, n’est-ce pas ? rugit-elle en secret, la rage incendiant ses prunelles derrière un voile vibrant de peine. Mais la rage s’essoufflait peu à peu, car aucun incendie n’était éternel, et le sien ne faisait pas exception à cette règle. Les flammes se renouvelaient difficilement, perdant progressivement leur emprise sur son être agité, et cette ultime accusation nauséabonde résonna dans le vide avant de se dissoudre en cendres.
Sheog n’était toujours pas de retour.
Et s’il avait été retrouvé par une horde d’humains furieux ? S’il s’était perdu dans les profondeurs obscures de la forêt ? S’il s’était gravement blessé, voire avalé par les abysses du lac ? Sa poitrine, autrefois brûlante de colère, se glaça soudainement. Une vive inquiétude figea son souffle et descendit en cavalcade jusqu’à ses entrailles, les assaillant de douleurs aiguës.
Pourquoi diable avait-elle fui ? Pour éviter de le mordre de nouveau ? Elle ne se pensait pas capable de tant de douceur. Non, elle s’en était allée comme un animal blessé, désireux de fuir ses agresseurs. Pourtant, en face d’elle ne resplendissait qu’une âme qui ne lui avait jamais fait de mal. Jamais, en était-elle vraiment certaine ? Au fond, Aksana espérait que l’improbable s’était produit, qu’il l’avait réellement rejetée, qu’elle ne s’était pas laissée duper par des blessures jamais guéries. Cette position serait plus simple, plus agréable, moins effrayante. Qu’on lui dise, que pour cette fois, ce n’était pas de sa faute.
En attendant, c’était elle, le monstre, qui l’avait abandonné dans la forêt, seul, dans la nuit et blessé.
Sa gorge se serra, comprimée, comme si une main d’acier l’étranglait, et soudain, le fauve cessa ses errances dans le vide pour se précipiter vers la porte, vers la nuit noire. Mais alors qu’elle s'apprêtait à franchir le seuil, une ombre titanesque l’engloutit soudain, telle une planète dévorant la lumière lunaire en passant devant elle.
Cette éclipse n’était autre que Sheog.

À nouveau, son cœur se figea, un frisson glacé fit trembler sa colonne vertébrale, aussi fragile qu'une cabane de torchis secouée par un tremblement de terre dévastateur. Son regard se fit fuyant, évitant soigneusement celui du Géant Gris, tandis qu’elle se retirait dans l'obscurité de la cabane, comme un chien coupable, conscient de ses fautes, attendant la punition inéluctable de son maître. Aksana savait, au plus profond d'elle-même, qu'elle avait mal réagi, la honte ternissant ses prunelles. La fuite n’était plus possible.
Puis, un bruit léger, rythmique, résonna dans la cabane. Interloquée, ses yeux se posèrent sur les pieds du colosse, découvrant un halo humide autour de lui. Il semblait trempé jusqu'aux os. Semblait, car elle n’osa pas lever le regard vers son visage, redoutant ce qu’elle pourrait y lire. Peut-être aurait-il dû la fuir.
Au lieu de cela, il s'approcha d’elle, se traînant péniblement jusqu’à sa silhouette, s’effondrant lourdement à ses côtés. Puis, sa voix monotone s’éleva dans l'habitacle, non pas comme le tonnerre, mais comme une brise timide osant à peine troubler le silence.
Il devait la soigner.
Il n'en avait pas le désir, il en avait l'obligation. Cela ne manquait pas de lui rappeler un discours récent, qui éveilla en elle un frisson d'effroi. Quelque chose ne tournait pas rond. Ses yeux, plus soucieux qu'à l'accoutumée, escaladèrent le corps de Sheog, découvrant de nouvelles blessures. Une en particulier attira son attention : ce regard vide d'expression.
Opalines jadis sources de doux éclats, et qui n'étaient plus que des abîmes infinis. Aucun sursaut d'amour, aucune étincelle de vie n'y brillaient. Ses yeux étaient devenus des cavernes dans lesquelles aucun écho résonnait. Ce même regard qu'il arborait lors de ses nuits sans repos, fixant les silhouettes de ceux et celles qui faisait de ses cauchemars sa réalité. Ce soir, ce vide lui était adressé.

Aksana eut l'impression d'être percutée violemment par une voiture lancée à pleine vitesse. L'effroi déversait en elle une pluie glaciale, dont chaque goutte mordait ses organes. Des douleurs aiguës lui saisissaient le ventre et la poitrine, plus vives encore que les assauts de poignards acérés et de poings furieux qui avaient autrefois maudit son corps. Elle aurait préféré qu'il la frappe, qu'il l'anéantisse, qu'il la tue, plutôt que d'être confrontée à ce vide abyssal.
Son cœur fébrile, malgré la tempête glaciale qui sévissait en elle, se mit à danser à un rythme affolé, tandis que ses prunelles se remplissaient de larmes chaudes. À nouveau, elle lui avait donné une excellente raison de la rejeter.

— « Sheog…? » appela-t-elle, la voix étranglée par le chagrin.

Il n’était plus. Elle, qui avait voulu transformer ce monde en un havre de paix pour lui, elle, qui lui avait promis une sécurité éternelle à ses côtés, elle, qui avait désiré l'affranchir de ses démons, se révélait, maintenant que les illusions s'étaient essoufflées, n'être pas meilleure qu’eux. Nulle lueur d'espoir n'avait jamais embrassé son âme, les visiteurs de l’orphelinat l’avaient deviné, son frère l’avait compris, et Sheog, un peu plus tardivement, en avait aussi saisi l'amère vérité. Les véritables monstres n’étaient pas les autres. Il n'y en avait jamais eu qu’un seul : elle, à la peau azur, à la joue balafrée, aussi affreuse que cette vermine de cœur qu’elle n’avait jamais tenté d’apaiser, de contenir, de soigner, d’écouter.
Piégée dans un feu de forêt, elle était à la fois le feu et la forêt,
En plus d’être la témoin qui l’observait se propager de loin.
Il avait fallu que l’auto-saboteuse anéantisse l’unique être qui l’avait prise sous son aile pour s'en rendre compte. Un sanglot soudain ébranla sa poitrine, et ses yeux couleur ciel se détournèrent aussitôt de cette figure jadis si douce, si aimante. Elle l’avait détruit, au moment même où il avait enfin conquis sa liberté, alors qu’il commençait à peine à guérir de ses blessures. C’était comme tuer un oisillon tout juste remis de ses afflictions, lors de son premier vol.
Sa honte était vive, brûlante, infiniment plus intense que la rage qui, habituellement, la consumait. D’un geste brusque, l’azurée s’écarta des doigts doux qui tentaient de soigner ses plaies. Elle aurait pu vomir devant toute cette tendresse qu’il lui offrait et dont elle ne se sentait plus digne. Qu’il l’abandonne, qu’il la laisse se décomposer dans un recoin de la cabane, qu’il trouve une autre âme, plus douce, capable de l’accueillir et de l’aimer dignement, qu’il scelle enfin ce destin qui aurait dû s’interrompre depuis longtemps ; Aksana n’était digne d’aucun cœur, encore moins de celui de Sheog.
Ses doigts escaladèrent son avant-bras, et ses griffes s’enfoncèrent férocement dans l’une des plaies pourtant recousues par des mains inconnues.

— « Tu ne me dois rien », articula-t-elle difficilement, luttant contre les crispations de sa gorge. « J’ai été ignoble avec toi » reconnut-elle, sa tête s’abaissant sous le poids de la honte.

Du sang maculait ses griffes survivantes, qu'elle frottait inlassablement contre sa plaie, comme pour se punir de sa propre cruauté.
Les mots qui sortaient de sa bouche étaient dénués de goût, fades et vides, incapables d’apaiser la soif de pardon qui la consumait en cet instant. Toute lueur d'espoir s'était éteinte en elle dès qu'elle avait croisé ce regard vide, le même que celui qu'il réservait à ses bourreaux.
Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi il tremblait en sa présence, pourquoi il la repoussait encore une fois. Était-ce parce qu'elle avait élevé la voix ? Parce qu'elle avait fui, l’abandonnant à son sort ? Il devait percevoir en elle quelque chose de plus profond, une noirceur cachée, une menace, tout comme les autres avant lui, qui le poussait à la craindre et à s’éloigner.

Aksana ressentait une douleur déchirante, comme si ses côtes étaient écartelées, son cœur offert en pâture à une nuée d'oiseaux voraces. Elle sentait leurs serres s'enfoncer dans sa chair à vif, leurs becs avides arracher un à un des lambeaux sanglants. Ses poumons, eux, luttaient en vain, comme si une main puissante la maintenait sous l'eau.
Elle était monstrueuse, indigne de toute affection. Et elle s'était crue douce, aimante, différente des autres humains. Illusion fallacieuse : elle avait toujours été pire, et cela ne changerait jamais. Elle était incapable de se contrôler, incapable de réfléchir avant de mordre.  me damnée, condamnée à errer, trop mutilée pour être reconnue, trop brisée pour aimer comme il se doit. Les années de tourments à l'orphelinat l'avaient détruite plus profondément qu'elle ne l'avait cru. Elle était devenue cette créature bestiale, au cœur amer, errant dans un désert sans fin, dupée par une chimère de douceur, d'amour, d'espoir.
Mais aujourd'hui, la vérité se révélait dans les yeux éteints de celui qu'elle aimait.
Contenir ses émotions, dissimuler ses pleurs, ses souffrances pourtant si vives. Elle ne désirait nullement attiser sa pitié. Il devait continuer à la haïr, à se méfier d’elle ; c’était sûrement son instinct qui lui chuchotait de faire attention, et elle ne désirait pas endormir celui-ci.

— « Je suis désolée, d’avoir dénié la vérité pendant aussi longtemps… Ce soir, je pense avoir vu dans tes yeux qui j’étais réellement » murmura-t-elle, les siens perdus dans le vide.

Qu’elle ne valait pas mieux que la Femme en Rouge, que Mama et le reste de ses ignobles clients. Se détacher un peu plus de son être, retrouver l’illusion d’un calme au cœur du drame. Cette mine vidée de toute émotion, n’était-elle pas un mauvais présage ?
Aksana n’était plus tout à fait présente, comment vouloir éprouver les sentiments d’un monstre ? C’était sa manière de se protéger elle-même, et surtout, de protéger l’Aimé suffisamment bousculé ce soir.

— « Tu mérites mieux que ça », murmura-t-elle, la mâchoire se contractant de douleur, tout en retenant ses larmes ; elle l’aimait, d’un amour dévorant, mais elle n’avait pas su se montrer digne de lui, et ce soir, il avait su le lui faire comprendre.

Pas question de l’abandonner non plus, tant qu’il désirerait sa présence et tant qu’il ne serait pas en sécurité, elle resterait à ses côtés. Elle était monstrueuse, oui, mais loyale.

— « C’est moi qui devrais prendre soin de toi… Ton état est plus préoccupant. »

Ce n’était pas à lui de prendre soin d’un de ses bourreaux. Et elle serait à jamais catégorique à ce sujet.
Prendre délicatement des mains du Gris de quoi le soigner, puis l'inviter à se reposer sur le lit. Son regard, perdu mais toujours aussi scintillant, parcourut la pièce en quête de quelque chose pour sécher son corps trempé. Ce n'était pas le moment d'attraper froid. Dès qu'elle se souvint des étoffes volées à un marchand, elle en sortit une de son sac, la glissant dans les mains du blessé, lui faisant silencieusement comprendre qu'il pouvait s'en servir pour se sécher.
Une fois déchargée de ce fardeau, la malhar prodigua machinalement les premiers soins, en silence, s’efforçant de maintenir une mine impassible ; sans colère, ni tristesse, vide de tout. Pourtant, les éclairs de son chagrin éclataient au loin dans ses prunelles éteintes.
Qu'il persiste à être indifférent à elle, ainsi, son départ futur serait d'autant plus facile pour lui, tout comme la possibilité de se lier à d'autres cœurs plus sereins. Et cela, même si cette perspective la briserait en mille morceaux, et qu'elle savait pertinemment qu'elle ne s'en remettrait jamais, de l'avoir laissé s'échapper autant que de l’avoir si violemment blessé.
Ezvana
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Ezvana
Sam 27 Juil - 20:12

Sheog
Démon, c'est ainsi que l'on m'appelle. Personne ne me ressemble et je vis dans ma chambre, dans la cave de Mama. Depuis toujours, elle me marchande pour les lubies d'humains lors de soirées privés. Je me plie à ses ordres, ne connaissant rien d'autre, cherchant l'amour maternel et l'affection des humains que je croise.

Tant d'année se sont écoulés, je cherche toujours a savoir ce qui ce passe de l'autre côté de ces murs. Les livres ne suffisent plus à apaiser mon besoin de liberté. Depuis peu, Mama a engager une domestique si différente des autres. Aksana.


La tête dodeline, peine à être maintenue droite. Collier étroit, étouffant, qui invisible, lui enserre le coup et l'empêche de se tenir droit. Négligemment, une griffe mal coupée gratte la peau, tente de défaire l'éternelle laisse qui le maintien, ce lien indissociable de son rang d'esclave.
La respiration racle le fond de la gorge asséchée par la nervosité, papier de verre qui l'empêche de garder son souffle dans ses poumons, pourtant les mouvements sont lents et calculés, une grande douceur émane des gestes de l'entité brisée. Un devoir qui lui étreint le ventre, lui ordonne de faire attention, de ne pas attiser le feu des blessures qu'il se devait de soigner. Un bon chien se devait de servir son maître, non ?

Impossible de se fondre dans le mensonge. C'était bien plus que cela. Malgré tout, malgré les horreurs que son cœur envoie à son esprit, le Gris ne pouvait s'empêcher de vouloir prendre soin de celle qu'il aimait. Il a toujours aimé la main qui le frappait, faire la différence lui était impossible. Oh, il avait bien plus mal, bien plus que quand le fouet s'abattait sur ses avant-bras ou son dos. C'était plus profond, plus intense, comme des insectes grignotant l'intérieur de son corps, lézardent le cœur qui s'ouvre millimètre après millimètres, que chaque battement n'était qu'une souffrance supplémentaire à devoir endiguer. Était-il en train de pourrir ? Était-il en train de mourir ? Peut-être. Alors il comprendrait malgré lui l'expression « avoir le cœur brisé. »

Des larmes coulent sur les joues de la Bleue et il ne les comprend pas. Ignoble ? Un instant, le Titan s’immobilise, peine à maîtriser les expressions de son visage alors qu’elle le repousse, qu’elle lui tend un tissu avant de le soigner. C’était donc cela ? Elle le faisait souffrir puis elle culpabilisait derrière. Maîtresse des afflictions qui le roule dans les ronces pour ensuite lui appliquer un baume apaisant. Souffrir pour être aimé. Pouvait-il accepter cela ?
Il n’avait pas le choix.
L’âme en peine, le cœur en manque d’affection, une peur de l’abandon qui lui fait mal et lui donne des sueurs froides. Un souffle plus lourd alors qu’un instant, le visage s’abaisse, le malheur appuyant lourdement sur sa nuque. Pitoyable créature qui est incapable de fuir, de s’éloigner de ce qui le faisait souffrir. Mieux vaut être mal accompagné qu’être seul.

Moment de faiblesse alors qu’une main se tend, attrape celle proche de son torse pour soigner la plaie d’un rouge vif. La porter à sa joue et coller son visage contre la paume, s’y frotter tel un chat en manque d’affection, tandis que les yeux se ferment, qu’une plainte glisse entre les lèvres bleuit part le froid. Chercher de la chaleur, une étreinte, une étincelle dans cette brume opaque.

- Pardonne moi cet écart. Un murmure douloureux tandis qu’il ouvre les paupières ou brille l’échos d’un amour indissoluble. Pardonne moi de t’avoir déçu, cela n’arrivera plus.

Nouveau mouvement de visage pour quérir la tendresse tant recherchée avant de se ressaisir, de fuir ce regard qui pouvait l'écharper vif, relâcher cette main qui pourrait lui écorner la couenne d'un mouvement vif. Mais il n'y avait qu'elle qui lui avait donné autant d'amour et son appétit c'était développé à chaque caresse, à chaque étreinte. Alors peu importe, s'il devait souffrir pour rattraper un semblant d'amour, il verrouillera sa mâchoire et endurera la situation.

Frisson qui le secoue, ébroue sa grande carcasse alors que le froid le saisit, que chaque filament de sa longue chevelure lui semble être une rivière froide collée à sa peau. Ses ailes pendent lamentablement de part et d'autre de son corps et chaque frisson lui fait mal, là où les os se sont brisés. Pourtant, il n'utilise pas ce morceau de tissus pour se sécher. Bloqué, figé, son esprit ne pense plus qu'à une chose, aider l'Etoile qui était partie au loin pour le laisser seul dans l'inconnu. Alors il s'active, tente de faire fonctionner les mécanismes grippés. Saisir de quoi soigner de ses mains trop grandes, de nettoyer les blessures de la Bleue qui s'agite, tente de le repousser. Pourtant, il est inflexible tout en étant conciliant. La laissé faire, la laissé soigner cette plaie à son torse sans pour autant arrêter ses propres gestes.

Tamponner avec douceur cette joue mutilée ou l'éclat des dents pouvait s'apercevoir. Saisir avec une tendresse évidente cette main aux griffes arrachées, désinfecter chaque blessure visible. Il ne comprenait pas vraiment l'action de chaque mécanisme, on ne le lui à jamais vraiment expliquer. Mais trop de fois on a dû soigner des plaies dues à une vigueur excessive des Humains. De plus, la présence d'Aksana à ses côtés lui avait appris certaines choses, alors il recopie comme un enfant qui tente de bien faire.

Méticuleux, il approche les doigts plus prêt de son visage, vérifie que toute trace de saleté soit retirée. Puis un nouvel élan, une pulsion. Ses lèvres froides qui viennent embrasser le bout d'un ongle malmené pour en chasser la souffrance. C'était comme s'il pouvait s'enivrer de son contact, que chaque fois qu'il touche une parcelle de peau il arrive à ranimer son cœur qui semble se figer dans la glace.

- Pardonne moi de t'avoir blessé. Pardonne moi. Pardonne moi. Je serais le plus fidèle serviteur, je serais le plus vouer des esclaves. J'allégerais tes peines, je te soutiendrais quoi qu'il se passe. Tant que tu accepteras ma présence, je serais ton ombre. Je te protégerais pour que plus personne n'ose te faire du mal ainsi.

Une supplique et le poids dans sa poitrine s'alourdit.
Mais alors qu'il se réchauffe, la froideur de sa peau le percute, chaque douleur revient à la charge avec la virulence d'un taureau furieux. Ses forces le quittaient peu à peu, s'évaporaient à chaque goutte d'eau s'écrasant au sol.
Se replier sur soi, rabattre ses bras autour de son corps alors qu'il recommençait à claquer des dents. Était-ce normal de ressentir du froid partout, même à l'intérieur de lui ? Il ne pouvait pas se permettre de s'affaiblir, il devait être un pilier, une arme prête à agir à tout moment.

La déraison qui bouscule ses pensées oppressantes. Soudain, le manque cruel de sa chambre se fait ressentir, l'envie de se terrer sous terre et de se protéger des intempéries du monde, retrouver le confort spartiate du seul endroit qu'il considérait comme chez lui. Une relative sécurité qui arrivait tout de même à soulager ses peurs. Il se sentait désemparé, nu au milieu de nulle part. Il avait cru que la présence d'Aksana lui suffirait pour se sentir à sa place partout où ils iront. Mais voilà qu'elle le repoussait, que son point de repère c'est éloigné.

Brusque monté d’énergie qui le fait se redresser, repousse cette présence trop proche de lui. Chose pathétique qui rampe presque sur le sol, de ses ailes rasant la poussière et laissant des sillons humides, de cette queue traînante qui émet un son désagréable. À quatre pattes sur le sol il s’avance vers un coin où il s’assoit, remonte ses genoux contre son corps et les bloquent de ses bras tremblants, les ailes venant se replier autour de lui en une barrière de peau frémissante. Se balancer d’avant en arrière, le visage enfoui dans ses avant-bras, vibrant de peur et de froid. Plus rien n’avait de sens, plus aucune règle n’ordonnait sa vie. Des décennies à se plier à des doctrines empêche l’esprit du Gris à s’expandre, à trouver une raison de vivre.
Il n’y avait qu’elle. Elle et encore elle. Le reste, c’était le néant.
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Lulu
Dim 28 Juil - 23:42

Aksana

Est la descendance oubliée d’abominations morales, fruits maudits de malhars, le temps a ravi ses traits juvéniles, pour qu'elle devienne l'image fidèle d'une mère sans nom, égarée dans les ombres de l'abandon. Palpitant vacant qui ne demande qu’à ronronner sous la moindre caresse, mais les rares curieux craignent d'être engloutis par les ténèbres qui l'entourent. Ces malheureux ignorent que l’âme de l’orpheline brille d'une lueur douce, condamnée à suffoquer sous le poids des préjugés. Domestique qui frise l'esclavage sans même s'en douter, convaincue que, grâce à ses efforts infatigables, elle lavera l'honneur terni de sa lignée. Dévouée qui s'échine, jour après jour, entre les murs du manoir de Mama, la lueur d'espérance continue de briller dans ses yeux fatigués.

Enfin, le monde m'offre une main secourable, une opportunité d'ériger la preuve que mon lignage n'est pas aussi vicié que l'insinuent les sinistres murmures. Mes mains, maculées du bleu de l'infamie, sont prêtes à démontrer au monde qu'elles ne furent point créées pour disséminer que mensonges et tourments. En ce sanctuaire, j'ai trouvé asile, un rayon d'espoir scintillant faiblement... Et une étrange compagnie, dont la singularité miroite dans le miroir de la mienne. S h e o g, est son nom.
Aksana n'était pas maîtresse de quoi que ce soit – et elle ne le serait jamais –, car pour se hisser à ce rang, il lui fallait d'abord avoir le contrôle. Or, elle-même demeurait captive de ses fièvres.
Auquel cas, lorsque lovée dans l'étreinte amoureuse, les lèvres grises lui soufflant tendrement qu'il n'était pas sage d'éprouver plus leurs corps, elle aurait dû, en toute lucidité, préférer l'évidente raison à la déraison incandescente. Oui, c'était ce qu'elle aurait dû faire, et la nuit aurait conservé sa douceur, sa chaleur, son calme apaisant ; et jamais ne se serait-elle laissée engloutir par ses terreurs primaires.
Jamais n'aurait-elle caressé l'idée de tout réduire en cendres.
Elle était un monstre, à sa manière ; une créature surgie des enfers, au cœur imparfait, abîmé, défiguré, troué tel un fruit pourri, prompt à être envahi par les vers – ou plutôt les démons.
Mais elle n'était pas machiavélique, ni manipulatrice, ni génie du mal. Elle n'était pas ce monstre affamé de discorde, se délectant des larmes d'autrui, détruisant les cœurs en fragments épars pour mieux savourer leurs miettes. Si elle avait été douée dans l'art de duper son monde, elle aurait quitté l'orphelinat en un clin d'œil. Mais hélas, elle y était restée captive jusqu'à sa majorité, et bien au-delà. Et ce, malgré les atrocités qu'elle avait enduré quotidiennement, malgré ces sévices qui lui arrachèrent ce soir-là, sa dernière chance d'être aimée un jour. Ce, alors qu’elle s’était tant languie d’être aimée du même amour célébré dans ses romans à l’eau de rose. Malheureusement, entre désirer et être à la hauteur, se trouvait un gouffre colossal.
Encore aujourd’hui, elle se trouvait incapable de discerner une main tendue, emplie de tendresse, d’une autre prête à la frapper. Alors, non, la malheureuse ne maîtrisait rien, pas même les élans de son propre cœur.

Il l’aimait d’un amour creux, aveugle. S’il se frottait contre sa peau, ce n’était pas pour se nourrir de sa chaleur, mais d'une quelconque chaleur. Comme un phalène était prêt à tournoyer autour de n'importe quelle source de lumière, même s'il s'agissait d'une provenant d'un feu de forêt. Oui, peu lui importait l’origine, il avait besoin d’être aimé, d’une affection, même spectrale. Elle ne valait pas mieux à ses yeux qu’un client, peut-être même n’existait-elle plus dans son regard. Et s'il ne voyait qu'une silhouette floue, aux mains tendres ?
Oser plonger ses prunelles jusque dans les siennes, plus ternes, pour s'en assurer. Malheureusement, s'y glisser fut comme se noyer dans une mer de brume, où de rares éclats luisaient, comme les pâles reflets de la lune sur un océan calme. Cette quiétude, loin d'être rassurante, évoquait celle des visages des mourants, attendant leur dernier souffle.
Comment Aksana aurait-elle pu désirer un tel drame ?
Sa gorge se serra de terreur, de chagrin. Si seulement elle pouvait s’étrangler davantage, mourir plutôt que de confronter cette vision d’horreur qu’elle avait, malgré elle, invoquée.
Les excuses résonnaient au loin, en mille échos, semblables aux pleurs funèbres des naufragés perdus. Son sang se glaça, sa mâchoire se crispa. Ses lèvres ne devaient pas être souillées par des excuses inutiles ; ce n’était pas lui qui avait appelé cette tempête destructrice.

Ni même à lui, de réparer les ravages qu'une autre avait laissés. Pourtant, ses doigts délicats effleurèrent sa joue avec une douceur exacerbée, nécessaire en raison des griffes tranchantes qui les couronnaient. Aksana ne put se délecter de ces soins, bien qu'ils fussent parmi les premiers qu'on lui prodiguait. Elle s'était toujours soignée elle-même, ou plutôt, elle avait veillé à éviter la gangrène, ne se soignant que lorsque ses plaies devenaient inquiétantes. Comme celle s'étendant sur sa joue, telle une crevasse faite de lambeau de chair.
L'humanité lui avait redonné son vrai visage ; Hel monstrueuse, vouée à répandre le chaos partout où elle errait.
Tu sens de légères pressions sur tes molaires.
Et sa mine s'abaissa soudainement, défaitiste, couche mortifère ajoutée à son chagrin déjà lourd à porter. Il continuerait à s'accentuer, jusqu'à étouffer la vermine, comme un pied écrasant inlassablement et toujours plus puissamment un cafard dont on veut vivement se débarrasser. Ne laissez pas les griffes de l'impatience vous irriter ; créature au cœur explosé, était enfin en train d'agoniser. Si elle continuait à survivre, ce n'était que pour guider l'Étoile vers les cieux. Dès qu'il y serait blotti, en sécurité, tendrement entouré, elle disparaîtrait dans l'obscurité.
Hélas, jusqu'ici, elle n'avait fait que l'éloigner de ces cieux libérateurs ; creusant petit à petit leurs tombes, oubliant qu'un seul corps était destiné à y reposer, le sien. Le monde se porterait bien mieux sans elle, lui de même.

— « Tu n’as rien fait de mal, Sheog... Ne t'excuse pas... C'est moi qui suis partie, moi qui t'ai blessé, moi qui t'ai malmené. Toi, tu n'as voulu que m'aimer, me rassurer », murmura-t-elle, la gorge enserrée par une angoisse tenace. « Et je t'ai attaqué. »

Tel un chien enragé, dont la cervelle avait été réduite en bouillie par des années de sévices. Elle n’avait su flairer la différence entre bienveillance et rejet, car ceux qui l'avaient élevée (détruite) lui avait appris à être plus familière avec l'un, que l'autre.

— « Tu ne seras pas mon serviteur, ni mon esclave » croc qui se planta férocement dans sa langue à l'énoncé de ces mots affreux, invraisemblables.

L’effroi glaçait son regard, pétrifiait les traits de son visage. Jamais elle n'aurait cru prononcer de telles paroles. Les dégâts qu'Aksana avait infligés étaient immenses, et elle se voyait désormais comme le monstre qu'elle craignait être.

— « Tu n’es pas censé cautionner tout ce que j'ai pu te faire subir. Tu as le droit d'être en colère, tu peux être furieux, rancunier même, lorsque les autres te blessent, te maltraitent. Ne pardonne pas ceux qui t’ont volé ta joie, ton insouciance, exige-leur plutôt des excuses. »

Exige-moi des excuses, que ses yeux imploraient. Mais il n’était pas encore tout à fait libéré des ténèbres de cette cave, des griffes de cette femme à la mine austère qui s’était faite passer, durant des années, pour une mère. Jamais il ne s’emporterait contre elle. Du moins, pas en cet instant, ni même alors que ses chaînes pendaient toujours, même dans le vide. Lui aussi avait le cœur brisé, l’esprit en lambeaux, mais d’une autre manière.
Si elle dévoilait trop souvent ses crocs, lui réprimait les siens trop gros. Ils étaient toujours, l’un et l’autre, ces deux petits, cerclés de figures menaçantes, pliant l’échine jusqu'à ce que les os se brisent, ou brandissant leurs griffes jusqu’à les arracher, dans l’espoir que cesse enfin ces souffrances cruelles.

— « Je m’excuse, Sheog » qu’elle articula avec sincérité, supplia presque, rideau humide couvrant toujours ses prunelles et derrière lequel se déchaînaient les loups affamés de culpabilité.

Une honte lourde pesait sur son corps, écrasait son regard, l’enchaînait au sol. Elle n’espérait pas inspirer l’ombre d’une empathie, ni le souffle d’une pitié, ni l’écho d’un pardon. Mais elle ne pouvait demeurer indifférente, silencieuse devant la douleur de l’Aimé, face à l’immense perte qu’elle venait de subir. La monstrueuse n’était pas dénuée de sentiments.
Qu’on considère ses pleurs, ses regards vides, sa détresse évidente, comme une manière de susciter la sympathie d’un autre cœur. Mais que dira-t-on lorsqu’elle continuera de se maudire violemment, de pleurer inlassablement, dès qu’il n’y aura plus personne pour la prendre en pitié ? La haine, le dégoût, le chagrin qu’elle ressentait avec une sensibilité démesurée, continueraient à la hanter, et rien, si ce n’est un jour le retour du sourire du Géant Gris, ne saurait la consoler.
Mais il était loin, ce soleil.
Ce soleil incandescent, qui lui avait apporté tant de bonheur.
Et sa chaleur, elle était loin aussi. Éloignée des entrailles glacées de cet habitacle en ruines – si tant est que l'on puisse lui accorder ce titre. C’était tout ce qu’elle avait trouvé pour le mettre à l’abri. Une culpabilité croissante, une honte qui se répandait en elle comme une encre noire sur une feuille mouillée, imprégnant chaque fibre de son être. Le corps humanoïde, composé de six milliards de cellules – elle l'avait découvert dans un ouvrage sur l’anatomie humaine – n’était qu’un champ fertile pour ce poison. Tant que chacune d’elles ne serait pas saturée de ce fiel, cette douleur grandirait. Encore, et encore, et encore. Jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’un amas de chair brûlante de dégoût envers elle-même.

Et en parlant d’amas de chair, elle en aperçut un autre se traînant péniblement vers un recoin obscur et poussiéreux de l'abri délabré. Vision poignante, meurtrière même, qu’Aksana s’empressa de ne pas contempler.
Vois comment tu l’as rendu misérable, souffrant, esseulé. Monstre, monstre, monstre.
Tout ce qu’elle lui apportait, pauvre âme qu’elle était mais riche de misère, n’était que chaos, tristesse, confusion. Peut-être se sentait-il même plus en sécurité dans les profondeurs du manoir, qu’ici, à ses côtés. Encore, elle échouait, quand se rendrait-elle à l’évidence qu’elle était damnée à ne jamais réussir à inspirer le bonheur, le confort, l’amour, à qui que ce soit ? Et pourtant, elle persistait, têtue (désespérée) qu’elle était. Quitte à faire souffrir les autres, quitte à faire souffrir le seul qu’elle aimait d’un amour démesurément grand.
Griffe restante qui perça un peu plus sa peau, et le carmin se déversa à nouveau. Ce n’était pas pour se distraire du chaos intérieur qui la consumait, mais plutôt pour insuffler une vie à cette rage dévorante qu’elle nourrissait contre elle-même. Pourtant, ce n’était pas en s’infligeant des sévices, en se laissant submerger par la haine corrosive qui ne cessait de s’exacerber, qu’elle parviendrait à apaiser les terreurs de l'Aimé, ni à réchauffer son corps frigorifié.
Et soudain, le néant, l’avènement d’un silence abyssal. Il n’était qu’à lui qu’elle devait désormais consacrer ses pensées. Ne plus gaspiller un seul songe, un seul souffle, une seule once de force pour elle-même, tant que le doux resterait terrifié.

— « Je vais allumer un feu », souffla sa voix claire, perçant l’obscurité et la froideur oppressante de la pièce.

À peine ces mots évanouis dans l’air glacial, qu'elle s’affairait déjà à rassembler quelques planches de bois abîmées, qu’elle jeta dans la cheminée. Trouvant dans son sac débordant de babioles une boîte d’allumettes, elle invoqua quelques braises timides qui bientôt se muèrent en flammes, dans l’antre de la cheminée.
Mission cheminée accomplie, Aksana attrapa le matelas troué du lit, le plaçant juste en face des flammes dansantes afin que le Gris puisse s’y étendre, s’y réchauffer un peu.

— « Tu as aussi besoin de manger, pour reprendre des forces... », et pour trouver au plus vite un lieu plus chaleureux.

Du sac, la malhar sortit diverses sucreries qu’elle avait dérobées, pour choyer les papilles et le ventre de l’ailé avec de nouvelles saveurs. Plus tard, elle chasserait ; la forêt regorgeait de petits animaux qu’elle pourrait aisément attraper.
Elle disposa soigneusement les délices sucrés près du matelas, pas trop loin du feu pour que les barres chocolatées ne fondent pas, mais suffisamment proches de la couchette improvisée pour que Sheog n’ait pas à faire trop d’effort pour les atteindre.

— « J’ai aussi des livres pour toi. Est-ce que tu aimerais que je te lise une histoire ? Comme on le faisait au manoir ? » proposa-t-elle, un nouveau livre reposant entre ses mains abîmées, les oreilles abaissées.

Peut-être avait-il besoin d’un repère ? Aksana n’avait jamais excellé dans l’art d’apaiser les cœurs troublés ; bien au contraire, sa présence semblait souvent exacerber les tourments. Cependant, elle ne pouvait concevoir de demeurer inactive, spectatrice impuissante face à l’angoisse palpable du Géant. Ainsi, elle espérait, en évoquant une habitude chérie de leur passé au manoir, insuffler un peu de quiétude en lui. Là-bas, cela avait toujours fonctionné.

— « Je peux aussi tresser tes cheveux… Est-ce que ça te plairait… ? » murmura-t-elle, les doigts recroquevillés sur la couverture du livre, une inquiétude frémissante dans son regard.

Elle avait peur, peur de ne pas réussir à l’apaiser, peur de le faillir encore une fois. Cette terreur la rongeait car elle se savait aussi capable d’échouer que de respirer.
Ce monde terrifiant et froid n’était pas celui qu’elle souhaitait lui faire découvrir. Jamais elle n’avait désiré cela. Jamais. Et pourtant, depuis leurs premiers pas dehors, il n’avait connu que cette réalité glaciale. C’était tout ce qu’elle avait su lui offrir, et cela la détruisait, la tuait un peu plus à chaque seconde.
Ezvana
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Ezvana
Mar 30 Juil - 4:40

Sheog
Démon, c'est ainsi que l'on m'appelle. Personne ne me ressemble et je vis dans ma chambre, dans la cave de Mama. Depuis toujours, elle me marchande pour les lubies d'humains lors de soirées privés. Je me plie à ses ordres, ne connaissant rien d'autre, cherchant l'amour maternel et l'affection des humains que je croise.

Tant d'année se sont écoulés, je cherche toujours a savoir ce qui ce passe de l'autre côté de ces murs. Les livres ne suffisent plus à apaiser mon besoin de liberté. Depuis peu, Mama a engager une domestique si différente des autres. Aksana.


Les mots sont des couperets de glace qui le lacèrent de l’intérieur, fonde à l’intérieur de son cœur pour le refroidir un peu plus. Souffrance éternelle de cet amour qui lutte, se bat pour rester vivant dans cet espace congelé, dans ce cœur qui lutte à chaque battement pour ne pas se perdre dans la douleur lancinante d’une cruelle vérité.
Il n’y avait plus aucune douceur, aucun éclat dans les paroles de l’être aimée. Des excuses qui semblent creuses, un sermon qui le fait trembler un peu plus, enfonce plus loin ce visage dans le creux de ses bras. Vouloir se terrer, creuser un trou, disparaître de la surface du monde. N’être plus qu’un grain de poussière plutôt que cette grande carcasse trop encombrante, inutile.
Il ne serait ni son serviteur, ni son esclave. Alors il sera son ombre. Il ne sera rien, rien qu’une silhouette non loin qui rappliquera quand elle le demandera.

Une plainte qui trahit sa peine, un reniflement perceptible alors que de l’eau coule le long de son visage, glisse de son nez. N’être même pas capable d’être digne de ce nom, de ne pas être capable d’être ce qu’il a toujours été. Toutes ces années d’emprisonnement l’ont formé et lui serviront d’une manière ou d’une autre, il apprendra encore. Devenir l’idéal de cette femme à la peau bleue qui semble jouer avec leurs sentiments à tous les deux.
Se raccrocher au dernier espoir, à ces visions de chaleur doucereuse dans cette cuisine, dans le creux de la nuit dans sa chambre. Cette bonté, cette beauté. S’il avait réussi à lui convenir à ce moment-là, peut être pourrait réussir à nouveau ?
Mais elle ne voulait pas de lui.

C’était cela l’amour ? Cela devait-il faire si mal ? Ne pas comprendre, dans les romans c’était incroyable, fabuleux. Pourquoi lui souffrait-il ainsi ? Personne d’autre ne l’avait atteint de cette manière.
Car jamais encore il était tombé amoureux.
Plissement de paupière pour avaler la douleur, la faire passer en arrière-plan. Là, dans sa poitrine, cela battait fort, si fort que cela résonne dans ses tempes. L’amour ? Il était bien cruel. Vicieux. A diluer de l’euphorie dans les veines pour qu’il devienne poison et nécrose les muscles. Avec une conviction naïve, il avait cru qu’avec elle, avec cette femme incroyable, cela serait différent. Loin des affres de ses soirées avec des Humaines. Tel le chien en manque de caresse, il avait tenté avec elle de trouver ce trésor, d’acquérir cette connaissance hors de portée. Pourtant, jamais son cœur n’avait chanté, jamais il n’eut des papillons dans le ventre. Il n’y avait qu’avec elle. Mais les jolis insectes mourraient un à un désormais.

Un feu remplit la cabane d’ombres trop grandes, un matelas est posé devant la cheminée. Cela lui fait peur, lui qui n’a jamais vu de flamme de sa vie, mais il n’a plus les capacités de s’exprimer. Obéir à l’ordre implicite, s’asseoir face aux flammes, recroquevillées sur lui-même. De la nourriture est disposée à ses côtés, mais la faim l’avait quitté comme l’éclat chaleureux dans son palpitant. Pas un regard vers les sucreries, pas un geste vers les offrandes qui n’avaient plus aucun intérêt. Plus rien n’en avait réellement désormais. Alors il tient ses jambes contre lui, tente de ne pas trop trembler alors que le froid mord sa peau avec férocité.
Ce visage qui tombe, se pose sur le haut d’un bras tuméfié. Fatigué le Gris, qui pousse un soupir. Épuisé le Titan qui s’écroule peu à peu, pièce par pièce, telle une statue de l’antiquité érodée par le temps et qui s’effondre. Toute sa gloire avait chut, il n’était plus que l’ombre de lui-même, la couronne roule sur le sol poussiéreux dans un clinquement inaudible.

Des larmes silencieuses qui serpentent sur ses joues, brûlantes et amers, quand il entend la douce parler de livre. Les griffes raclent la peau dans un spasme brutal, les ailes remuent, tressautent maladroitement avant de s’étendre sur les côtés dans un craquement. Douloureuse expérience de repenser à ses moments intimes, un cocon ouateux de bonheur et de candeur où il pouvait partager quelque chose avec son Etoile. Mais plombé le Monstre, qui ne peut que souffrir dans un demi-silence entrecoupé de sanglot difficilement retenu. Ne plus avoir la force de réagir, d’être ce qu’il devait être. Ce n’était même pas une rébellion de son esprit, une façon de reprendre le contrôle. Plutôt un abandon, une lassitude. Un soupir qui glisse entre les lèvres bleuit, un instant les yeux se ferment alors que derrière ses paupières closes danse la lumière de la cheminée. Incapable de parler, de formuler la moindre phrase, sa langue refusait de se délier, son corps ne répondait plus.

Une miette est lancée, une étincelle ravive la douleur. Désirait-il être coiffé ? Absolument. Plus que tout au monde il voulait sentir les mains de la bleue contre sa peau, sa chaleur l'envahir. C'était dérisoire, lamentable, il n'était vraiment qu'une faible créature à se jeter ainsi sur le moindre espoir. Mais il hoche la tête, ravale sa fierté si minime pour l'enterrer au loin. Si sa Reine pouvait lui donner cela, il l'accepterait.
Sentir la serviette qui éponge le surplus d'eau, sentir des mèches de cheveux se décoller de son épiderme. Nerveux le Gris, presque tremblant. De peur, d'anticipation, de manque de courage. Mais l'atonie de son corps l'empêche de remuer.

Alors, il se laisse aller, garde ses membres contre lui et regarde les flammes danser, laisse des mains le coiffer avec patience. Le temps passe dans le silence, à peine troubler par des respirations plus profondes. Puis comme hypnotisé par la chorégraphie du feu, les muscles se détendent, la peine s'alourdit et donne du poids sur la langue du Gris. Et puis il était de dos, cela lui donne la force de délier les mots tremblants.

- Tu ne m'aimes plus et je le comprends. Je ne suis pas un être capable d'être aimé, je suis bête et naïf. Un incapable. Je ne mérite pas tes sentiments.

La gorge qui se serre, les larmes qui inondent à nouveau ses yeux et dévalent les pommettes saillantes. Un sanglot qui s'étrangle, manque de le faire tousser. Ravaler cette boule terrible et amère.

- Mais sache que je t’aimerais toujours. Même si tu me rejettes, même si tu me tues, je ne cesserais jamais de t’aimer. Parce que c’est toi et personne d’autre. Que jamais mon cœur n’a chanté cette mélodie pour une autre âme.

Douce conviction dans ce ton plus ferme, mais soupiré, flamme éternelle qui crépite toujours dans ce cœur, dans cette âme. Même au plus bas, même rejeter, même à moitié mort, jamais il ne pourrait se défaire de sa présence.
Essuyer d’énièmes larmes d’une main vacillante, sans se soucier des hématomes, des griffures.

- Tu es mon âme-sœur, j’en suis persuadé.

Un chuchotement, à peine un courant d’air. C’était trop fragile, trop délicat, tel du verre soufflé qui pouvait se briser d’un murmure. Peut être était-ce un mirage, qu’il était bercé d’illusion de par sa nature innocente, que tout cela n’était qu’un mensonge pour le modeler une nouvelle fois. Mais le Gris se raccroche à ses souvenirs, à ses moments passés à deux. Même là-bas, dans le lac, avant que son monde ne s’effondre. Se gorger de cette fontaine viciée, jusqu’à plus soif, s’enivrer pour perdre pied et rester dans ce monde onirique.
Vidé, le Monstre, qui a à peine la force de se recroqueviller, qui tente d’armer son cœur pour d’autres attaques, d’autres pieux qui s’enfonceront dans sa poitrine. Mais au moins, il avait délivré les mots inscrits en lettre de feu dans son âme.
Au moins, il souffrira pour une bonne raison.

Lulu
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Lulu
Jeu 1 Aoû - 15:26

Aksana

Est la descendance oubliée d’abominations morales, fruits maudits de malhars, le temps a ravi ses traits juvéniles, pour qu'elle devienne l'image fidèle d'une mère sans nom, égarée dans les ombres de l'abandon. Palpitant vacant qui ne demande qu’à ronronner sous la moindre caresse, mais les rares curieux craignent d'être engloutis par les ténèbres qui l'entourent. Ces malheureux ignorent que l’âme de l’orpheline brille d'une lueur douce, condamnée à suffoquer sous le poids des préjugés. Domestique qui frise l'esclavage sans même s'en douter, convaincue que, grâce à ses efforts infatigables, elle lavera l'honneur terni de sa lignée. Dévouée qui s'échine, jour après jour, entre les murs du manoir de Mama, la lueur d'espérance continue de briller dans ses yeux fatigués.

Enfin, le monde m'offre une main secourable, une opportunité d'ériger la preuve que mon lignage n'est pas aussi vicié que l'insinuent les sinistres murmures. Mes mains, maculées du bleu de l'infamie, sont prêtes à démontrer au monde qu'elles ne furent point créées pour disséminer que mensonges et tourments. En ce sanctuaire, j'ai trouvé asile, un rayon d'espoir scintillant faiblement... Et une étrange compagnie, dont la singularité miroite dans le miroir de la mienne. S h e o g, est son nom.
Ce refuge de ruines et de poussière hurlait d’une atmosphère plus épouvantable que celle qui régnait dans la cave du manoir. Ici, aucune lueur bienfaitrice ne parvenait à percer les ténèbres, comme si les blessures béantes de l’argenté et les plaies affreuses de l'azurée exsudaient sans cesse des flots ravageurs d’un liquide aussi noir que l’encre, aussi poisseux que l’essence, noyant tout aussi bien les occupants que leurs maigres espoirs.
C’était comme se retrouver prisonnier dans la cale d’un navire en train de sombrer.
Leurs souffrances les faisaient suffoquer, la terreur se propageait comme la peste, et leurs yeux brûlaient sous l’effet d’une eau trop salée.
Face aux sanglots déchirants de Sheog et à ses tremblements incessants, Aksana ne put résister à l’assaut féroce d’une immense tristesse aux mains de plomb, qui l’assomma, elle qui s’efforçait tant bien que mal de ramener un peu d’air en ce lieu asphyxié par leur chagrin.
Mais tu ne pouvais pas, non, tu ne pouvais pas, résister à la puissance de ces torrents nerveux qui s’écoulaient à foison des yeux de ton astre adoré.
Ses sanglots déchirèrent son cœur, le transformant en une bouillie informe. Le chagrin embrasa chacune des alvéoles survivantes, incendie vorace qui, telle une onde de feu alimentée par l’essence, se propagea avec une fulgurance dévastatrice, gagnant sa gorge et ses yeux.
De nouveau, elle ne put retenir ses sanglots sonores, bien qu’elle écrasa ses lèvres d’une main désespérée, espérant étouffer chacun d’eux. Pour ne pas accabler davantage l’ailé. Lutte vaine, Aksana n’avait d’autre choix que de se laisser écraser, à l’instar de son cœur, par la roue impitoyable d’une tristesse aussi accablante qu’implacable.
Alors, elle pleure, pleure, pleure, pleure, souffre avec lui. Suffoque, aussi, immensément, comme si elle était harponnée par les profondeurs d’une mer déchaînée. Supporter la vision destructrice de l’Aimé, croulant, mourant à petit feu sous le poids de la détresse, lui était impossible. Elle s’était pourtant promis de contenir sa propre douleur, de se dresser en pilier pour soutenir le Géant vacillant, mais le sol, liquéfié par les larmes de celui-ci, se dérobait désormais sous ses pieds.

Puis, un mince filet d’espoir vint solidifier la terre sous ses pieds vacillants ; le Gris consentait à se laisser dorloter, à ressentir la caresse légère de ses mains délicates. Était-il seulement capable de discerner à qui ces mains aimantes appartenaient ?
Sans que le moindre frisson d'hésitation ne vienne troubler sa détermination, la malhar s’avança vers la silhouette prostrée de Sheog, s’attelant d’abord à éponger sa chevelure. Elle s’efforça à dompter les tremblements de ses mains, meurtries par les morsures cruelles de son chagrin, ses gestes n’en étaient pas moins empreints de douceur et de précision.
Dès qu'elle commença à le coiffer, elle s’appliqua avec dévotion et tendresse comme si, du bout de ses doigts, elle effleurait le plus précieux et le plus fragile des trésors que ce monde puisse offrir. N’était-ce pas réellement le cas ? Aux yeux de l’azurée, il l’était.
La peau de ses joues, de sa mâchoire, de sa gorge, commença lentement à se tendre. Ses larmes, jadis si abondantes, se tarissaient, disparaissant peu à peu, condamnant les traces de son immense souffrance à la sécheresse. Ses prunelles, comme hypnotisées, suivaient ses gestes mécaniques, ses doigts tressant avec minutie chaque mèche sombre, tandis qu’au plus profond de son être, sous l’amas putride qui avait pris la place de son cœur, un souffle chaud et tendre émergeait timidement, puis, gagnant en intensité, se fit de plus en plus fort.
Même si ses doigts abîmés effleuraient à peine ses cheveux, ce toucher lui apportait un réconfort, un bonheur plus profond que toutes les lectures à l'eau de rose, que toutes les escapades en compagnie de son frère, que tous les repas chauds, que toutes les caresses tendres ne lui avaient jamais procurés.
Alors, elle se recroquevilla discrètement, tandis que ses yeux se gorgeaient à nouveau de larmes ardentes. Quel douloureux supplice que de réaliser que sa dernière source de bonheur était vouée à s'évanouir. D'un geste nerveux de la main, l'orpheline essuya les larmes qui embuaient son regard, résolue à achever sa coiffure, à savourer intensément ce bonheur éphémère qui scintillait entre ses doigts et cheminait jusqu'à son cœur.
Graver cet instant dans sa poitrine, dans son esprit, lui construire un mausolée immense, avant qu’il ne s’évanouisse pour toujours.
Parce qu’il ne l’aimait plus, Sheog, n’est-ce pas ? Il ne l’aimait plus, et elle l’avait compris dès qu’il lui avait lancé son regard vide, identique à celui qu’il réservait à ses démons. Identique. Il ne l’aimait plus, et l’être tout entier de la malhar était destiné à devenir le cimetière de leurs tendres souvenirs. Bientôt, Aksana ne serait plus qu’un sanctuaire ambulant – moins beau, moins solaire que celui auquel elle avait aspiré –, et dans ses chairs fleurirait une atmosphère morne, oppressante, lourde de remords et de chagrin, semblable à celle que l’on ressent en errant sans fin, à toute heure et en toute saison, dans un cimetière abandonné.

Tu ne m’aimes plus.
Que tu penses entendre. L’avais-tu dit à haute voix ? Non, tu n’avais pas fait ça… Tu n’avais pas pu dire ça.
Des lames acérées jaillissaient parfois de ses lèvres bleues, tranchantes et impitoyables, mais cette fois-ci, elles n’étaient pas les instigatrices de cette pluie diluvienne de coutelas, qui vint déchirer aussitôt sa chair, transpercer son cœur, et éclater ses os un à un.
Ses mains paralysées, ses pupilles fixèrent le vide, tandis que son visage reflétait son choc et son effroi. Ce, alors que la pluie continuait inlassablement de s'abattre, et chaque lacération exacerbait la douleur qui la submergeait. Il allait finir par la tuer, non pas d’amour, mais de chagrin.

— « Tu penses que je ne t’aime plus…? » bredouilla-t-elle, la voix brisée par une peine abyssale.

Peut-être que cette peine passerait inaperçue, tout comme cet air suppliant, désespéré, qui lui avait échappé lorsqu'elle avait formulé sa dernière excuse.
De qui, ou plutôt de quoi, avait-elle l’air dans ses yeux ? D’un monstre, d’un être effroyable. Peu importaient les efforts de la pauvre âme pour déchirer ce voile mensonger, il continuait de la percevoir ainsi. Et il ne voyait pas, non, il ne voyait plus, l’amour qu’elle s’évertuait à distiller dans chacun de ses gestes, cet amour qui jaillissait de ses lèvres, cet amour qui arrachait à ses yeux des flots de larmes, cet amour qui la poussait à s’écraser, encore et encore, jusqu’à devenir plus pathétique qu’un rat.
À ses yeux, elle n'était qu'une créature dénuée d'amour, de tendresse et d'empathie ; une entité qui, pour lui, ne valait pas mieux que ses bourreaux. Pour elle aussi, il flirtait dangereusement avec la limite de rejoindre ses propres tortionnaires. Après tout, eux aussi, l'avaient perçue ainsi, comme un monstre dénué d'humanité, d'émotions, d'amour.
Pourtant, la bête en elle n'exposa pas ses crocs ; la force lui manquait désormais, et sa rage la terrifiait désormais. Ses oreilles s'aplatirent, preuve sincère de sa souffrance. Que pourrait-il interpréter de cette vision ? Croirait-il qu'elle préparait une attaque, prête à découvrir ses crocs ?
Les larmes étincelaient dans ses prunelles, dévalant ses joues comme un corps léger emporté par les flots féroces d'une cascade.

— « Mais… » souffla-t-elle, en proie à une détresse vive. « J’ai… préparé ce feu, car je t'ai vu tremblant de froid et j'espérais… qu'il puisse te réchauffer un peu… J’ai traîné le matelas jusqu’ici, pour que tu puisses t’étendre confortablement près de la chaleur… Je t’ai même déposé quelques friandises, au cas où ta faim se ferait ressentir… et où ça pourrait te faire plaisir… » murmura-t-elle, la voix brisée, le cœur aussi lourd que la lune, aussi souffrant qu’un lépreux en agonie. « Je me suis excusée aussi… et je m’excuse encore, et je serais capable de le faire à l’infini, même si tu ne me le demande pas… » ajouta-t-elle, profondément confuse. « Je t’ai demandé si tu souhaitais que je te lise une histoire… Je t’ai proposé de tresser tes cheveux… parce que je sais que tu aimes ça » confia-t-elle, étouffant un énième sanglot. « En te voyant souffrant, j’ai pleuré, plus que je ne l’ai jamais fait dans ma vie… et je suis incapable de retenir les larmes qui me viennent, à l’idée de ne jamais pouvoir réussir à te revoir sourire » cette fois-ci, elle ne put contenir son sanglot. « Et tu penses… que... je ne t’aime plus…? »

Sa gorge était écrasée par sa détresse, par son chagrin. Aksana peinait à déglutir sa propre salive, mais elle méprisait ses souffrances, de nouveau. Elles demeureraient éternellement insignifiantes à ses yeux, tant qu’elle n’aurait pas expié son péché.
Les membres alourdis, tremblants, la malheureuse s’agenouilla à ses côtés, non sur le matelas, mais sur les planches usées de cet habitacle misérable.

— « Mais peut-être que ça ne suffit pas… Je peux t’offrir davantage, il doit y avoir plus à te donner » murmura-t-elle, la panique crispant sa voix à l’idée qu’elle pourrait échouer à prouver d'une autre façon son affection, alors que jusqu’ici, il s’était satisfait de toutes ses attentions délicates.

Elle avait été un enfant privé d’amour, sans figure affective pour lui montrer la voie, l’orienter. Peut-être, non, il y avait certainement des idées, des gestes, des mots, qui lui échappaient encore.

— « Je suis désolée d’être ton âme-sœur, que le destin t'ai enchaîné à moi… Désolée que tu m’aimes… Je ne suis pas digne de toi, ni de quiconque… »souffla-t-elle, ses mains se rétractant sur elles-mêmes, ses griffes se plantant profondément dans sa chair, jusqu’à s’y retrouver coincées. « Mais je suis prête à me jeter dans ce feu » ajouta-t-elle, en lançant un regard rapide aux flammes. « Je suis prête à me noyer dans le lac, à mourir de faim pour te nourrir, à me faire poignarder pour assurer ta liberté, à me déchirer la peau pour t’en faire un manteau, à m’asphyxier pour que tu puisses respirer… » énuméra-t-elle, les larmes inondant toujours ses joues.

Prouver son amour à travers la souffrance, car l'orpheline n’avait, jusqu’ici, été que trop familière avec celle-ci. Habituée aux coups, aux griffures, aux crachats, aux insultes.

— « Je pensais que tu m’avais rejetée dans le lac… Je… n’avais pas compris que tes inquiétudes étaient sincères… Personne ne s’est jamais inquiété pour moi, personne ne s’est jamais soucié de me blesser » et encore moins de la tuer, sa mère, l'abandonnant bébé en plein hiver, en avait été la première preuve. « Alors j’ai cru… Que tu avais trouvé un prétexte pour me rejeter. Je sais que ça paraît insensé… Mais c’est ce que j’ai ressenti, et je m’excuse de m’être trompée » articula-t-elle de nouveau.

Elle était prête à faire de ses excuses des ponctuations, pour lui prouver le chagrin et la honte qui l’étranglaient.
Et qui l’écrasaient, au point que ses mains s’échouèrent sur le sol, ignorant les échardes qui le tapissaient, pour se prosterner devant l’Aimé, comme elle l’avait fait devant Dieu. La différence était que cette fois-ci, sa révérence était sincère.

— « Je t’aime, Sheog… Et je préférerais mourir plutôt que de te voir croire que je ne t’aime plus, plutôt que de te voir te considérer comme l’indigne de nous deux, plutôt que de te voir penser que je pourrais être capable de te tuer... » vomir un long sanglot à la prononciation de ses paroles lunaires; comment pouvait-il croire une telle chose d’elle ? « Je préfère mourir plutôt que de te voir, toi, mon âme-sœur, continuer à me percevoir comme un monstre. »

Cette mauvaise graine s’était déjà implantée dans son esprit, et elle était prête à porter ses fruits dès que Sheog serait enfin en sécurité.
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Ezvana
Dim 4 Aoû - 20:17

Sheog
Démon, c'est ainsi que l'on m'appelle. Personne ne me ressemble et je vis dans ma chambre, dans la cave de Mama. Depuis toujours, elle me marchande pour les lubies d'humains lors de soirées privés. Je me plie à ses ordres, ne connaissant rien d'autre, cherchant l'amour maternel et l'affection des humains que je croise.

Tant d'année se sont écoulés, je cherche toujours a savoir ce qui ce passe de l'autre côté de ces murs. Les livres ne suffisent plus à apaiser mon besoin de liberté. Depuis peu, Mama a engager une domestique si différente des autres. Aksana.


Ce sont les sanglots qui le tirent de sa léthargie, des hoquets de souffrance qu’il perçoit en arrière-plan, trop plongé dans sa transe qu’il n’arrive pas à comprendre les signaux envoyés. Alors il se tourne, fait ployer son corps pour la voir de profil. Ses yeux d’opales s’écarquillent en voyant le torrent de larmes dévaler le long de ses joues, la façon dont les yeux étaient rouges à force de délivrer des perles salines qui ne font que dégouliner le long des blessures. La douleur le transperce de par en par, modèle son cœur pour qu’il ne devienne qu’un muscle inutile qui bat à peine. Les oreilles basses, il écoute la litanie, les mots se bousculant de la bouche tuméfiée comme autant de grenade dégoupillée qui explosent contre l’esprit du Gris.

Incapable de parler, incapable de formuler des phrases qui pourraient apaiser la souffrance de l’être aimée. Loin, si loin l’Etoile qui s’est perdu dans le manteau sombre de la nuit, si haute qu’elle semble inatteignable. Pourtant, il entend la Sirène qui se lamente et il ne peut que relever le visage pour la regarder briller faiblement.
Tenir fermement ses jambes, comme un enfant qui affronte ses terreurs nocturnes, ce Titan prodigieux qui se recroqueville pitoyablement pour ne rien laisser aux mains sombres de la peur le tirer là-bas, au loin, dans ses terres qu’il ne connaissait pas. La bouche est sèche, la boule est amère et coincée dans la gorge, une boule infâme dont il voulait oublier la saveur.
Elle portait le goût de ses larmes.

Corps qui s'approche, se pose à ses côtés, mais il ne réagit pas. Son énergie vitale semblait ponctionnée, il n'arrivait tout simplement plus à penser de façon cohérente sans que des échos ne viennent le perturber.
Tout cela, c'était de sa faute. Encore une fois, il n'avait pas écouté, il n'avait pas obéi. Voilà à quoi ressemblent ses incartades, son incapacité à se plier formellement aux demandes. Cela engendre des pleurs, du malheur. Encore une fois il était le coupable.
Lourdeur qui fait ployer l'échine, encore un peu, plus bas.

Le feu crépite, un morceau de bois s'effondre. Le Gris sursaute et prend conscience de corps ployé vers l'avant, de ce front touchant le sol, de cette prière mystique qui lui était imposée.
Un long frisson qui le secoue, rabat ses ailes d'un mouvement brusque. La peur le tétanise, fouille dans ses entrailles pour venir mordre ses chairs et infuser un venin glacial. Un hoquet qui s'extirpe de sa gorge, cette façon dont il recule instinctivement.

- Ne fais pas ça.

Voix trop rauque, la frayeur de cette vision dilatant ses pupilles. Des visions qui le frappent, des images trop vraies pour être erroné. De lui, courbé en deux, priant pendant des heures le Dieu qui pouvait peut-être le libérer de sa vie de Démon, à se faire fouetter la plante des pieds s’il n’était pas asse fervent.
Celles d’humains, se mettant à genoux face à lui, quémandant des dons, une nuit de luxure que seul l’enfant du diable pouvait offrir. Ensuite, il ne devient plus que l’objet de leurs désirs un fantasme sombre entre les mains de personnes transpirantes et soupirants des insanités.
Cela le fait trembler, lui donne un haut-le-cœur. Une main mutilée qui recouvre la bouche pour retenir la nausée.

- Tu es parti.

De nouveau un murmure, à peine la force d’articuler, de dire à voix haute ce que son cœur hurlait. Le sel de ses larmes séchait lui tiraille la peau, la salive manque au Gris qui ne cesse de tourbillonner dans la tornade destructrice. Se sentir lacéré de l’intérieur, chaque mot arrachant un peu plus de ses forces, cisaillant sa chair, nécrosant les muscles. Comment se remettre d’une telle souffrance ?

- Dans le lac. J’ai cru que tu m’avais abandonné.

Détourner le regard, plonger dans le cœur des flammes comme si elles pouvaient lui apporter des réponses. Mais malgré la chaleur, ses yeux sont embués alors que les ronces s’enfoncent plus loin dans son ventre, s’étendent dans sa poitrine, s’agrippent à son cœur.

- Tu es parti, car je ne suis pas capable de te convenir, tu as pensé que je t’ai rabaissé. J’ai cru que tu ne voulais plus de moi, que tu préférais être loin plutôt que de poser ton regard sur moi. J’ai cru… J’ai cru que je n’étais pas suffisant.

La voix s’étrangle, meurt dans la gorge du Gris qui n’arrive pas à réprimer ses émotions.

- Je me suis dit que tu serais mieux sans moi. Qu’au final, mon existence n’avait plus de but. Mama m’a toujours dit que je devais servir les autres.

Un silence pour peser le poids de ses mots, de réaliser que oui, il aurait pu partir quelques heures plus tôt, seul, dans l’immensité de la nuit.

- Mais je ne pouvais pas.

Le corps qui craque alors qu’il bouge enfin de sa léthargie. Une main se tend et vient se glisser sous un bras, redresse ce corps bleu qui ne devait pas tenir ce genre de position. C’était impensable, dramatique.

- Je n'ai jamais regretté d'être tombé amoureux de toi. Et je ne recherche pas une dévotion telle que tu le décris. Tu n'as pas à faire plus pour que je te donne mon amour. J'ai juste… J'ai juste appris que je ne suffirais jamais à personne. Et j'ai cru… Que tu voulais te libérer de moi. Comme tous ceux qui sont entrés dans ma vie. Comme Mama me l'a appris.

Les sourcils qui ploient sous le poids de la douleur.

- Je me suis dit que… Qu'encore une fois, je n'avais pas été celui qu'il fallait. Tu étais devenu froide, distante et j'ai cru que je n'étais plus rien. Je suis désolé… Désolé de t'avoir fait souffrir. Mais j'étais perdu… Je suis perdu. Je ne sais pas comment faire.

S'approcher encore un peu, presque glisser sur le sol pour se rapprocher de la bleue. Quoi faire ? Comment faire ? On ne lui a jamais appris. Il n'y avait que les exemples des romans qui pouvaient le guider. Du dos des doigts il caresse la peau, encore hésitant sur la manière de faire.

- Pourquoi on se fait du mal comme ça ? On a déjà assez souffert, non ?

Une affirmation plus qu’une réelle question.
Tant vouloir l’approcher, la câliner, la cajoler de ses mains et de ses lèvres, de s’autoriser à de nouveau espérer. Mais la peur était présente, latente, celle de se faire rejeter plus durement encore, de recevoir une énième vague qui pourrait mettre à mal les barrières qu’il tentait d’ériger. Hésiter à s'en faire mal au crâne, les yeux vacillants, les mains tremblantes. Mais il se colle plus près encore, genoux contre genoux, déploie ses ailes pour les étirer tant bien que mal, les envelopper d’un cocon de peau et les plongeant dans une douceur chaleureuse. Il avait cru comprendre qu’elle aimait cela, cela lui plairait non ?
Saisir avec douceur ses mains, caresse de son pouce la peau d’azur, évite de ses prunelles les blessures qu’elle c’était infligé. Ployer son corps vers l’avant, même si ses jambes le dérangent, même si cela creuse son estomac vide. Approcher son visage du sien, venir appuyer son front contre le sien et fermer les yeux. Une respiration, plus lourde, plus longue. L’impression de vraiment pouvoir gonfler ses poumons pour la première fois depuis des heures. Chercher cette connexion si spéciale entre eux, même si elle était lointain et ténue.
Ranimer la lumière dans les ténèbres.


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Mer 7 Aoû - 19:31

Aksana

Est la descendance oubliée d’abominations morales, fruits maudits de malhars, le temps a ravi ses traits juvéniles, pour qu'elle devienne l'image fidèle d'une mère sans nom, égarée dans les ombres de l'abandon. Palpitant vacant qui ne demande qu’à ronronner sous la moindre caresse, mais les rares curieux craignent d'être engloutis par les ténèbres qui l'entourent. Ces malheureux ignorent que l’âme de l’orpheline brille d'une lueur douce, condamnée à suffoquer sous le poids des préjugés. Domestique qui frise l'esclavage sans même s'en douter, convaincue que, grâce à ses efforts infatigables, elle lavera l'honneur terni de sa lignée. Dévouée qui s'échine, jour après jour, entre les murs du manoir de Mama, la lueur d'espérance continue de briller dans ses yeux fatigués.

Enfin, le monde m'offre une main secourable, une opportunité d'ériger la preuve que mon lignage n'est pas aussi vicié que l'insinuent les sinistres murmures. Mes mains, maculées du bleu de l'infamie, sont prêtes à démontrer au monde qu'elles ne furent point créées pour disséminer que mensonges et tourments. En ce sanctuaire, j'ai trouvé asile, un rayon d'espoir scintillant faiblement... Et une étrange compagnie, dont la singularité miroite dans le miroir de la mienne. S h e o g, est son nom.
Les vents mauvais de la culpabilité faisaient trembler la mauvaise âme. Ce n'était pas lui qui avait failli, mais elle qui n'avait su être assez forte pour résister à cette furie dévastatrice qui empoisonnait son être.
Comme un serpent s'accaparant un nid jadis tendre et doux, dévorant sans remords les œufs de la raison, de la stabilité et de la tranquillité, pour y semer à la place ses rejetons aux entrailles corrompues par la rage et l'hostilité. Une famille chaotique – la seule qu'elle n'avait jamais eue – répandait son venin dans chaque veine, dès que celles-ci avaient le malheur de se rétrécir sous l'étreinte d'une émotion mal maîtrisée, qu'elle fût bonne ou mauvaise. Et elle, l'infestée, qui jamais ne s'était souciée de se purifier de ce mal, avait fini par mordre la main qui l'aimait.
Cette même main tendue, qui redressa la corrompue. Celle-ci aurait pu volontiers se fondre au sol pour prouver sa dévotion, sa servitude, mais elle amarra ses prunelles, aussi salées qu'esseulées, à la mine contrite du Géant Gris.

— « Tu es assez… Tu es assez, et même bien plus que ce que je mérite… C’est pourquoi je n’ai pas su te comprendre », murmura-t-elle d’une voix tremblante, fluette.

Mais à cet amour sincère, colossal, qu’il avait répandu autour de son cœur, elle n’y était pas totalement ignorante, car celui-ci imprégnait aussi le sien. Hélas, Aksana avait toujours été plus habile à offrir qu’à recevoir, plus à l’aise pour donner qu’accueillir.
Après une vingtaine d’années d’existence brutale et confuse, c’était la première fois qu’une autre âme lui offrait autant, et même encore aujourd’hui – son récent coup de sang en était la preuve – elle demeurait incapable de décrypter ce langage mystérieux.
Oui, la malhar était aussi perdue et confuse que lui. Il était alors inévitable que surgissent les à-coups, les heurts, tant qu’ils n’apprendraient ni à danser avec leurs sentiments, ni à libérer leurs membres des chaînes invisibles de leurs blessures passées, lesquelles ne cessaient de les faire trébucher alors qu’ils s’évertuaient à se stabiliser malgré leurs âmes lourdes de fêlures.

— « Je… Je ne sais pas non plus comment faire », se désola-t-elle, les membres tremblants.

Toutes ses récentes réactions en témoignaient ; elle avait tantôt feint le calme et la maîtrise, tantôt cédé aux larmes et aux blessures, s’écroulant sur le parquet et invoquant la miséricorde de sa propre moitié.
Puis vinrent ces caresses, aussi fines et légères que de la soie, et qui se répandirent timidement sur le dos de sa main crispée. Mélopée éthérée des corps, faisant peu à peu sombrer l'anchor. Cabèche frémit, s’extirpant des vagues fiévreuses pour goûter à l’air apaisé ; là-haut, au-dessus des flots trompeurs, ne sévissait plus une pluie diluvienne, mais une bruine en déclin. C’était comme si le pianotement menu des doigts opalins invoquait l’accalmie, l’aurore salvatrice et bienvenue, annonçant la fin d’une vilaine tempête nocturne. Les éclats demeuraient encore timides, succincts, grignotés par une grisaille tenace, prête à résister aux sursauts de lumière, à moins qu’un vent providentiel ne s’élève pour les dissiper d’un coup.
Et le naufragé-aimé continuait de pleurer à ses côtés, se demandant, dans un souffle confus et douloureux, pourquoi ils ne faisaient que se perdre dans les tempêtes, au lieu de se diriger vers le soleil.
Peut-être parce que les enfants de la lune étaient également ceux des tempêtes. Ils n’avaient connu que l’obscurité, les morsures des ondées sur leurs paupières, les coups de tonnerre sur leurs pauvres corps, les flots ravageurs qui n’avaient eu de cesse de les engloutir dans les abysses du désespoir. Mais ensemble, peut-être, oui, peut-être arriveraient-ils à se diriger vers cet horizon ensoleillé, qui leur tendait ses bras chauds et tendres depuis qu’ils s’étaient confié leur amour.

Une plainte douloureuse s’échappa des lèvres de l’amante bleue, sa poitrine secouée par un sanglot aussi féroce qu’un tremblement de terre. Ils avaient suffisamment souffert, oui, et elle ressentait les morsures de cette injustice qu’ils s’infligeaient sans le vouloir, jusqu’aux tréfonds de sa chair.
Et alors, dès que l’Aimé approcha sa silhouette tremblante et froide de la sienne toute aussi pâle, la malheureuse répondit à chacun de ses gestes avec un empressement désespéré. Comme s’il était un roc chauffé par le zénith, sur lequel son corps frigorifié et ballotté par les vagues tempétueuses venait de trouver refuge, stabilité, chaleur. Ses mains fébriles s’enlacèrent à celles tout aussi secouées du Gris, cherchant aussitôt à grimper le long de ses membres élancés, sans pourtant y parvenir, bloquées par leurs genoux collés.
Ce n’était qu’un fragile et timide obstacle face à la famine, à la détresse affectueuse de la malheureuse, qui désirait ardemment répondre à cet appel inespéré de complicité de l’ailé. Ses genoux se dérobèrent aussitôt, et son corps gracile se traîna jusqu’à atteindre celui du Géant, ses mains se refugiant contre les côtes, à l’orée de son dos meurtri, pour l’étreindre de toutes ses forces restantes. Peau contre peau, cœur contre cœur, pensée contre pensée ; son front ne quittait pas le sien, avide de renouer leur connexion perdue au cœur de la tempête. Les paupières s’abaissèrent en signe de confiance, les mains remontèrent en douceur jusqu’à l’arrière de ses épaules, pour le serrer plus fort contre elle.
S’il avait su invoquer l’aurore, elle serait le vent qui chasserait la grisaille.
Fille du chaos espérait faire souffler des vents moins teigneux et plus merveilleux.
Son corps serpenteux se muait en lierre autour de la gargouille aux ailes déployées, qui formaient désormais un vaste dôme noir – si cher à l’azurée – au-dessus de leurs têtes confuses. Nulle envie de l’étouffer de ses étreintes intenses, mais plutôt d’ajouter sa pierre à l’édifice fébrile, en quête de renfort pour se relever des ruines.
Alors, son cœur se mit à chanter, non plus de colère, de ressentiment, de culpabilité, mais de tendresse, de soulagement, d’amour ; phonèmes mélodieux qui se répandirent dans ses veines bleues, faisant danser des éclats de lumière à la surface de sa peau, comme si une nuée de lucioles virevoltaient sous la chair abîmée. Tendres étoiles charnelles firent naître de douces lueurs d’opales dans l’obscurité, dansant sur les vastes chairs ailées et meurtries, comme les scintillements d’une veilleuse sur les murs d’une chambre conquise par la nuit.
Deux astres en fusion, accouchant d’un univers d’illusions. Un cosmos intime, le leur, empire bâti en silence, à même leurs corps, où aucune tempête ne semblait pouvoir naître. Nulle cyclone, nulle tornade, nulle pluie, nul fracas ne sévissaient dans l'espace infini, il n'y existait là-bas que des mondes mourants, d’autres naissants, et d’autres émergeant des cendres des anciens.
Loin des cris, loin des larmes, loin du monde et de ses chaînes, peut-être là sauraient-ils danser au creux de ce cocon stellaire, sans perdre l’équilibre.
Les lèvres d’Aksana, telles des plumes légères, s’aventurèrent tendrement sur cette joue aux relents salins, qu’elle embrassa longuement, tendrement, intensément, comme pour dissiper les écumes de tristesse qui s’y était accumulée. Aussi bien sur ses propres lèvres que sur la peau de l’Opalin. Ce baiser, qui prit fin mais dont la bouche ne dit ni adieu, ni au revoir à cette peau adorée, car elles effleurèrent tendrement, les seules et uniques lèvres qu’elles se vouaient à aimer... Mais qu'elle ne désirait pas profaner.

— « Pardonne-moi pour cette nuit… Pour toi, jamais plus je ne me perdrai », souffla-t-elle, paupières closes, front affaissé contre le sien, lèvres contre lèvres. « Et je suis prête à tout faire pour réparer, regagner ta confiance, ton estime, tes baisers. À tout faire. Autant qu’à m’assurer qu’à l’avenir, je me tiendrai à tes côtés, et non plus contre toi », le monde les persécutait suffisamment pour qu’ils se déchirent mutuellement. « Je suis encore désolée de m’être perdue ce soir… Ça n’arrivera plus. »

Perles chaudes et salines transpercèrent le voile de chair qui voilait ses azurées, tandis que sa nuque s’affaissait pour échouer son front contre l’épaule de l’Adoré ; dans un ultime signe de pardon, dans une ultime quête d’absolution, de rédemption.
Avant que cette nuit infernale ne prenne peut-être fin, et qu’elle ne s’évanouisse définitivement au loin, à la manière d’un mauvais rêve.
Ezvana
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Ezvana
Sam 24 Aoû - 17:28

Sheog
Démon, c'est ainsi que l'on m'appelle. Personne ne me ressemble et je vis dans ma chambre, dans la cave de Mama. Depuis toujours, elle me marchande pour les lubies d'humains lors de soirées privés. Je me plie à ses ordres, ne connaissant rien d'autre, cherchant l'amour maternel et l'affection des humains que je croise.

Tant d'année se sont écoulés, je cherche toujours a savoir ce qui ce passe de l'autre côté de ces murs. Les livres ne suffisent plus à apaiser mon besoin de liberté. Depuis peu, Mama a engager une domestique si différente des autres. Aksana.


À fleurs de peau, aussi timide qu’un papillon qui c’était posé sur la peau bleue, prêt à s’enfuir au moindre faux mouvement, à la moindre respiration plus marquée. Frémissant le Titan qui cherche, tente de se lier à la féline. Montra-t-elle les crocs ou fera-t-elle patte de velours ?
Entité prête à se faire rabrouer, à reculer pour laisser plus d’espace à son aimée qui désirait peut-être plus d’espace. Mais il ne voulait pas. La vouloir là, encore plus près.
Et tel un assoiffé, alors qu’il sent les mains bleues le parcourir, il se précipite presque. Maladroit, mais dans un manque profond, il se plie un peu plus, glisse sur le sol pour que le corps se retrouve contre le sien. Le besoin impérieux de l’avoir tout contre lui, de sentir sa peau contre la sienne.
Leurs cœurs l’un contre l’autre, qui tambourinent furieusement tel un concert primaire et intense.
Les doigts tremblant, il caresse l’épiderme sensible et blessés, contournes les plaies et les ecchymoses en osant à peine frôler parfois la peau, comme si une empoignade trop volontaire réduirait l’astre en poussière d’étoiles.

Un instant les yeux se ferment alors qu’il savoure la douceur des lèvres sur lui, bouche qui s’entrouvre pour exhaler un soupir d’aise, l’impression d’avoir des touches de feu qui viennent parsemer sa peau de pétale chaud, chassant au loin les tremblements de froid qui lui tétanise les membres.
La douleur aurait pu éclore au sein de ses foyers ardents, mais le Gris était dans l’allégresse, chassant au loin les nuages sombres pour percer de ses yeux d’opales la voûte céleste. Le chemin c’était dégagé, même il y avait encore de l’humidité dans l’air, les restes d’une tempête assourdissante qui s’enfuit au loin. Mais désormais, il voyait la route, baigné par les reflets scintillants de son Etoile.

Des mots d'excuses qui glissent à ses oreilles, un recueillement qui le fait battre des cils alors qu'enfin il observe ce corps contre le sien. L'entourer de ses bras, la serrer plus fort pour que leurs cœurs chantent à nouveau ensemble, qu'ils s'apaisent dans un rythme plus doux, plus envoûtant, ou l'amour enveloppe les arrêtes coupantes de la culpabilité, de la colère. Ses larmes qu'il perçoit contre son épaule, ce froncement de sourcil alors qu'il préfère voir un sourire naître sur ses lèvres que la tristesse dansant dans ses prunelles.

Grande main griffée qui caresse la chevelure bleutée, un son résonnant dans la large poitrine, tel un ronronnement apaisant. Les vibrations seront là pour apaiser les humeurs de la féline, son contact est là pour la rassurer. Frotter délicatement sa joue contre cette oreille pointue, y déposer un baiser sur la pointe trop basse.
Moment d'intimité délicieux qui gonfle leurs poumons d'un nouvel air, plus frais, pure, bien loin de celui vicié qui encrasse l'âme. Enfin, ils se retrouvent, eux qui c'étaient perdu en route, de nouveau la lumière fuse et leurs palpitants chantent à l'unisson.
C'était si bon. Si doux. Si euphorisant. Se sentir entier, vivant, lui qui avait momentanément perdu une partie de lui dans la bataille. Oh, c'était encore fragile, maintenu à la va vite pour faire semblant, mais la blessure guérira. À ses côtés, il en aura toujours la force.

Un doigt qui vient relever le visage enfoui dans le creux de son cou, ses lèvres bleuit qui viennent se déposer sur le passage d’une larme salée, la goûter délicatement avant d’embrasser à nouveau les joues baignées de perles cristallines, nettoyer les derniers vestiges d’une culpabilité aiguë, s’approcher des lèvres qu’il embrasse tout d’abord délicatement, comme une demande timide mais viscérale.
Puis quand le souffle chaud de sa partenaire se mêle au sien, l’assurance arrive, vrilles argentées qui parcourent ses veines et raniment les muscles tendus. La bouche s’ouvre un peu plus, happe un peu plus cette respiration, la pointe d’une langue qui balaye la lèvre inférieure. Venir embrasser cette bouche tant désirée, avec une passion grandissante, tremblante et presque vindicative. Une promesse délivrée, celle que son amour n’a jamais été émoussé, jamais ce qu’il ressentait pour elle ne chutera. Éternelle comme la voie lactée.

Une main qui englobe ce visage, ce pousse qui caresse une joue, repousse une mèche humide. Ce bras qui entoure le corps, d’une traction puissance le soulève pour qu’elle soit sur ses hanches, qu’ils ne fassent plus qu’un le temps d’un échange amoureux. Le baiser se fait plus insistant, d’une intensité grandissante, à en avoir le souffle plus heurté. Chasser l’incertitude, balayer la peur.

Le craquement d’une aile abîmé alors que le corps ploie en arrière, que l’entité grise chute lentement sur le matelas en enserrant sa bien-aimée. Si large le Démon, que la Bleuté peut s’étendre sur lui sans choir sur le sol. La tenir d’un bras amoureux, la cajoler du bout des doigts qui parcourent le dos, les hanches, les épaules. C’était comme devoir reconnaître ce corps tendu contre le sien, l’apaiser alors qu’il l’embrasse encore, ne pas couper le lien si fragile entre eux. Puis, alors que le souffle semble manquer, il recule son visage, observe la néréide sur lui. Tendresse infinie qui nimbe les prunelles de lune qui semblent presque scintiller avec le reflet des flammes en leurs cœurs, à nouveau animer d’une raison de vivre, d’une volonté unique.

- Un jour, j’en aurai la force. Je te protégerais de quiconque, même de tes inquiétudes. Un jour, mes ailes seront asses puissantes pour nous porter tous les deux quand on se perdra. Un jour, je serai plus fort.

Délicat baisé déposé sur le front, soupir discret alors qu’il s’étend un peu plus, qu’il savoure juste la quiétude du moment. Après la tempête, le calme troublé par le crépitement de la cheminée était reposant.
Fixer le plafond en se perdant dans ses pensées devenues plus claires maintenant que l’angoisse acide tente encore de remonter le long de sa gorge, mais qu’il chasse d’une inspiration qui fait craquer ses vertèbres. C’était trop frais, trop intense pour être mis de côté, son désespoir avait été profond et avait laissé des traces brûlantes sur son cœur, il lui était difficile de concevoir qu’un esprit puisse passer d’un extrême à l’autre, seulement sous l’impulsion d’une seule personne. Tout était précaire, précieux, puisque tout pouvait être renversé d’un coup de colère. La leçon avait été douloureuse, mais il en retiendrait les connaissances avec assiduité.

Caler plus confortablement la bleuté contre lui, pour sentir sa respiration, pour entendre son cœur battre au même rythme que le sien, juste pour la sentir si proche de lui qu’ils semblent presque fusionner. Cela le rassure, apaise les craintes qui caressent son âme avec froideur.
Oui, devenir plus solide. Ne plus rester cet enfant trop naïf.
Devenir adulte.



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Lulu
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Lulu
Mar 27 Aoû - 14:24

Aksana

Est la descendance oubliée d’abominations morales, fruits maudits de malhars, le temps a ravi ses traits juvéniles, pour qu'elle devienne l'image fidèle d'une mère sans nom, égarée dans les ombres de l'abandon. Palpitant vacant qui ne demande qu’à ronronner sous la moindre caresse, mais les rares curieux craignent d'être engloutis par les ténèbres qui l'entourent. Ces malheureux ignorent que l’âme de l’orpheline brille d'une lueur douce, condamnée à suffoquer sous le poids des préjugés. Domestique qui frise l'esclavage sans même s'en douter, convaincue que, grâce à ses efforts infatigables, elle lavera l'honneur terni de sa lignée. Dévouée qui s'échine, jour après jour, entre les murs du manoir de Mama, la lueur d'espérance continue de briller dans ses yeux fatigués.

Enfin, le monde m'offre une main secourable, une opportunité d'ériger la preuve que mon lignage n'est pas aussi vicié que l'insinuent les sinistres murmures. Mes mains, maculées du bleu de l'infamie, sont prêtes à démontrer au monde qu'elles ne furent point créées pour disséminer que mensonges et tourments. En ce sanctuaire, j'ai trouvé asile, un rayon d'espoir scintillant faiblement... Et une étrange compagnie, dont la singularité miroite dans le miroir de la mienne. S h e o g, est son nom.
Ces lèvres, onctueuses comme le miel, douces comme des nuées de nuages, chaudes comme le feu qui découpait dans l'obscurité leurs silhouettes enlacées, s’échouèrent sur sa peau toujours parsemées des éclats tranchants d’une culpabilité lourde, tenace, comme de la mauvaise herbe. Rien de doux, rien de gracieux dans ces larmes amères ; elles n’étaient que des lames aiguisées, qui empêchaient ses plaies béantes de cicatriser.
Et tandis que ces lèvres accablées s’aventuraient, avec audace, sur ce champ de ronces, espérant y faire éclore quelque fragile floraison, la bleue put sentir, dans cet écrin d’orage qu’était sa poitrine, l’amour du gris se glisser délicatement dans ses artères, comme l’eau s’insinue dans les fissures d’une terre aride. Le passage fut laborieux, plus encore lorsque cette tendresse osée frôla le palpitant gorgé de haine pour lui-même. Cœur à la fois avide de rejeter cet amour dont il se jugeait indigne, et de l’accueillir chaleureusement, brûlant de désir à l'idée de recevoir ces caresses tant espérées.
Cette dualité se dissipa, aussitôt désarmée par cette évidence : vois comme il s’épuise à te rendre tes sourires, à panser tes blessures ; tu lui ferais le plus précieux des présents si, enfin, tu permettais à son amour de t’envahir, de briser ces digues froides et oppressantes que tu as élevées autour de ton être. Qu’il serait comblé, cet amant au cœur d’or, de te voir te noyer dans les flots de son amour. Et toi, pauvre âme en quête de rédemption, tu veux, de toute ta ferveur, faire de ce cœur noble le plus heureux du monde.
Aksana se laissa alors engloutir par ces flots lumineux, bien qu’elle ne parvenait pas à en discerner la source. L’aimait-il pour ce qu’elle était, une créature vile, aux crocs acérés, incapable d’autre chose que de blesser, décevoir, terrifier ? Ou l’aimait-il parce qu’il possédait ce cœur vaste et pur, avide de tout étreindre, tout réchauffer, tout embraser de son amour infini ? Qu’importait l’origine mystérieuse de cette affection immense ; en cette nuit orageuse, après l’avoir meurtri sous le joug de sa détresse, créature honteuse s’abandonna enfin à ses caresses. Que ses morsures ne souillent plus jamais cet amour naissant ; orpheline se scierait crocs et griffes, pour ne plus l'insulter, le blesser.

Leurs lèvres se mirent à danser dans une fusion ardente, engendrant une tempête d’azur et d’argent, déchaînée de leur amour, toujours aussi puissant malgré les blessures fraîches. Ils étaient un peu comme lui ; pas seulement vivants, mais aussi debout, vifs et ardents, malgré les plaies béantes qui marbraient leurs corps.
L’embrasser avec la même ferveur désespérée, lui confier son amour, avec la dévotion d'une fidèle aux genoux constellés d’ecchymoses et au soufflé tranché à force de prières. Son amour, toujours aussi vif, aussi infini que les abysses, se répandait en elle avec une ivresse toute-puissante nimbant ses lèvres d'une tendre volupté, les métamorphosant en papillons nocturnes, qui n'étaient non pas en quête de lumière, mais du corps cet être adoré, étendu là, vaste comme le monde – son monde – sous son corps fébrile.
Ils chassaient ensemble le froid et les ténèbres, à coups de baisers longs, passionnés, comme des torches vacillantes destinées à repousser l'obscurité qui hantait leurs cœurs. Et ainsi, les ombres dans son âme se retiraient lentement, tandis que sa tête se remplissait de vertiges. L'air se raréfiait, et la passion enserrait son esprit, jusqu'à ce que toute raison disparaisse.
Ses doigts graciles et usés se posèrent sous cette mâchoire saillante, caressant délicatement son menton, le soutenant avec tendresse, comme pour lui faire comprendre que ses lèvres avaient encore tant à lui confier, tant à lui offrir, et qu'elle avait encore tant à savourer de celles de son amant. Ces lèvres brûlantes, pleines d'audace, d'une impériosité sublime, d'une assurance qui réduisait en cendres toutes ses incertitudes.
Le battement frénétique de son cœur résonnait dans ses oreilles, martelait la peau de son cou, comme le galop de chevaux sauvages sur une terre aride. Sheog, sans doute, pouvait sentir ces palpitations effrénées, cet intérieur entier qui flambait pour lui. C’était comme si l’on pouvait voir sous sa peau ; la contraction de ses muscles, les sentiments qui ondoyaient dans son cœur, le sang circulant plus vite qu’à l'accoutumée, comme si Aksana était aussi limpide et lumineuse que l’eau d’une montagne, baignée par le soleil.

Et puis ses poumons se gonflèrent d'air, là où ses lèvres se vidèrent. Le baiser prit fin juste à temps, préservant les amants d'une petite asphyxie qui aurait pu les projeter sur les rives de l'inconscience. Mais leurs cœurs acharnés, eux, continuaient de battre l'un contre l'autre, tels deux fauves déchaînés, frappant avec frénésie les barreaux de leur geôle charnelle, dans l'espoir fébrile de se fondre l'un en l'autre.
Le froid n'avait plus d'emprise sur eux, leurs corps brûlants, leurs souffles mêlés, réchauffant la moindre parcelle de peau dénudée. Ils étaient comme plongés dans un bain brûlant en plein hiver, et une sensation de confort immense, de satisfaction intense, fit frissonner de plaisir la peau de la bleue.
Ses oreilles effilées, d'une grâce presque elfique, se dressèrent, avides de recueillir ces doux mots si chauds d’espoir. Le cœur avait envie de s’y brûler, d’à nouveau, se laisser submerger. Et elle-aussi aspirait à s'envoler avec lui, à flotter vers les cieux, à frôler la lune, à rêver. Ce soir, elle s’était suffisamment minée le moral, et un peu d’insouciance, de légèreté, ne lui ferait pas de mal.
Qu’elle redevienne cette jeune malhar, au cœur doux et à l’esprit rêveur.
Ses prunelles, encore encadrées de quelques sécheresses récentes, se plissèrent tendrement. Deux étoiles froissées, mais qui brillaient toujours, peut-être plus que jamais. Elle accueillait volontiers cette douceur, cette vague d'amour qui ruisselait des lèvres de l'Étoile. N'était-ce pas sublime, presque irréel même, de le voir encore étinceler, s'ériger en porteur d'espoir et de force, après avoir affronté une tempête si violente ? Il l’aimait d’une telle ardeur qu'il la bouleversait jusqu’à l’âme. Aksana sentit alors son cœur se serrer, non dans la douleur, mais dans une tendresse infinie, se changeant en cette boule d’amour pur, désireuse de s'exprimer, comme lui l'avait fait.

— « J’ai envie de... » murmura-t-elle, ses mains fines trouvant refuge sur le torse puissant du Géant, tandis que son corps se redressait légèrement, pour mieux plonger ses prunelles attendries dans les siennes. « Non, je le ferai... » rectifia-t-elle, son timbre empreint de résolution. « Toute cette énergie qui bouillonne en moi, cette force que mes colères et mes peurs ont si longtemps exploitée, je veux la tourner désormais vers l’amour que je te porte, vers ce désir brûlant de t'aider à poursuivre tes rêves... »

Ses prunelles se baissèrent un instant, comme voilées par la honte. N’aurait-elle pas dû choisir cette voie depuis le début ? Mais lorsqu’on n'a connu que la haine, lorsqu’on a appris à se mépriser ou à s’ignorer, il semblait parfois impossible d’imaginer un autre chemin. Elle s’était abandonnée, de la même façon que les adultes s’étaient détournés d’elle, perdant ce feu sacré qui l’avait autrefois animée, celui de prouver à ce monde cruel, et à elle-même, qu’une âme malhar n’était pas condamnée à perpétuer le malheur.

— « Je me suis égarée, j’ai laissé le venin des Hommes s’insinuer en moi, et je me suis bâtie sur leur haine... Je ne veux plus être cette créature farouche, emportée par la peur et la colère. Je suis fatiguée, je ne veux plus blesser les autres, ni me déchirer moi-même. J’imagine qu’entre vouloir et pouvoir s’ouvre un gouffre immense, mais… Je veux trouver la paix, pour nous, pour toi. »

Ses perles azurées se redressèrent, s'unissant à celles, si douces et captivantes, que détenaient Sheog. Comment, en contemplant un tel éclat d'amour, ne pourrait-elle pas trouver la force de se relever ? Ce souffle divin était l'essence même dont elle désirait se nourrir, l'amour incandescent sur lequel elle aspirait à se reconstruire. Si elle avait éveillé en lui le désir de s'émanciper de l'emprise de Mama, alors lui aussi pourrait insuffler en elle l'envie de se libérer de ses propres démons.
Ce soir-là, épuisée et quelque peu apaisée, la bleue se laissait séduire par l'envie d'y croire.  De croire, de se persuader même, qu’elle en serait capable.

— « Je panserai tes ailes brisées, je t'aiderai à réveiller cette force en toi », même s’il était déjà doté d’une puissance qu’elle-même, n’avait pas réussi à atteindre, mais à laquelle elle aspirait. « Cette force n’a jamais disparu. Elle sommeille, toute endolorie, attendant seulement qu'on lui accorde le temps de guérir, de scintiller... Un temps que personne ne t’a jamais accordé, et qui est tien désormais… D'ailleurs, cette force, elle s'est déjà manifestée, malgré tes peurs, malgré tes blessures... Ta présence ici en est la preuve, ta survie aussi… C’est grâce à toi, si nous nous sommes échappés » affirma-t-elle, les yeux scintillants d'amour, ses doigts effleurant tendrement ses joues, qu’elle caressait lentement. « Et j’ose à peine imaginer l'éclat de ta force lorsque tu auras guéri… Je suis convaincue que tu seras plus grand que Dieu lui-même. »

Ces mots s’échappèrent de ses lèvres avec une candeur presque enfantine, rappelant l’innocence des âmes jeunes, qui se mesurent à l’infini avec une exaltation naïve jusqu'à en perdre haleine. Mais au-delà de cette légèreté apparente, il y avait une certitude profonde, ancrée dans les entrailles d’Aksana ; il possédait cette aura écrasante et enchanteresse, semblable à celle d'une divinité oubliée. Elle croyait en lui, non pas de manière légère, mais avec une ferveur inébranlable.

— « Et même avant que tu ne t’élèves vers ces hauteurs célestes, je te vénérerai… Je t’aimerai nuits et jours » souffla-t-elle, un sourire tendre illuminant ses lèvres, dissipant enfin les dernières ombres sur son visage.

Puis, sans un mot de plus, elle scella à nouveau ses lèvres aux siennes, comme pour graver dans leur chair ce serment qu'elle s'engageait à honorer.
Elle-aussi, deviendrait plus solide, ne serait plus cette gamine terrorisée, hargneuse.
Elle-aussi, deviendrait enfin une adulte.


. . .


Trois nuits avaient glissé, trois nuits silencieuses, sans fracas, durant lesquelles ils avaient brisé les chaînes qui entravaient encore le corps diminué de Sheog et pansaient ensemble la moindre de leurs plaies.
Aksana se remémorait le contact âpre de l’aiguille contre sa joue lacérée, comme si une main froide l’avait forcée à se frotter à un fourré d’épines. La brûlure persistait encore sur sa peau meurtrie, mais cette souffrance physique n’était qu’un écho faiblard en comparaison à celle qui hantait son esprit. Comme une harpie planant au-dessus d’un corps agonisant, prête à fondre sur sa proie pour l'étouffer sous ses ailes ténébreuses, cette douleur psychique menaçait de la submerger à chaque instant. Pourtant, elle s’efforçait de détourner son esprit de cette menace, ne serait-ce qu'en s'épargnant d'imaginer l’horreur que pourrait inspirer la vision de son propre visage à elle-même, à Sheog, ou encore à des inconnus. Comme si le simple fait d'être née malhar ne constituait pas déjà une abomination en soi.
Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi les yeux de Sheog restaient vides d'effroi, de dégoût, alors qu’elle s’attendait pourtant à les découvrir dès qu'il l’enveloppait de ses prunelles. Peut-être lui aussi avait-il choisi de fermer les yeux sur l’infamie qui la marquait. C'en était mieux ainsi.
Désormais, la rivière d'azur qui lui servait de chevelure, ne se déversait plus que d’un seul côté ; le droit, celui qu’elle n'osait plus montrer au monde. Créature désormais toujours recroquevillé, dont la tête, légèrement inclinée, cherchait à dissimuler les stigmates, à préserver la position de ses cheveux. Quant à ses lèvres, elles se mouvaient désormais avec précaution, tentant d’éviter les sifflements disgracieux provoqués par sa blessure, ce, quitte à souffrir à chaque coucher, de vives tensions à la mâchoire.
Elle multipliait les stratagèmes, épuisants pour le corps, mais salvateurs pour l’esprit, lui permettant ainsi de consacrer ses pensées, sa concentration, à leur survie, à son devoir. Ainsi, elle parvenait à maintenir à distance le rapace qui guettait son effondrement.
Son activité était intense et résolue ; elle s’employait à coudre des vêtements décents, suffisamment amples et confortables pour son doux, veillait scrupuleusement à la bonne cicatrisation de ses plaies, chassait des petites proies pour se sustenter. Elle avait, d'ailleurs, enseigné à l’ailé sa méthode de chasse imparfaite mais quelque peu efficace. Elle plaçait ici et là des pièges frêles, puis récupérait leurs maigres prises dès le coucher du soleil, pour ensuite les préparer dans l'âtre chaud.
Plus tôt dans la journée, elle avait entrepris, avec une attention méticuleuse, de façonner une attelle à partir de branches sèches, destinée à soutenir l'aile meurtrie du Gris. Ainsi, lorsque le crépuscule enveloppa la forêt, leurs ombres, et qu'entre deux bouchées d'un écureuil fraîchement cuisiné, elle lui présenta son œuvre, dissimulant vainement derrière un sourire incertain les doutes qui l'habitaient quant à l'efficacité de son invention.

— « Ce serait pour ton aile souffrante... La maintenir en place pour lui permettre de guérir correctement. Je ne sais si ça sera efficace, mais je me suis dit qu'on pourrait y accorder une chance... » car voir le Gris le corps recourbé, en proie à la douleur transperçait son cœur d'une peine indicible, et malgré son ignorance en la matière, elle n'avait pu rester inactive face à sa détresse. « Tu veux l'essayer ? » murmura-t-elle, déposant délicatement l'attelle aux côtés de l'Argenté pour qu'il puisse l'examiner à loisir.

Ce soir-là, le souci assombrissait le regard azur de la jeune malhar. Son esprit semblait être préoccupé par ce qui se passait en dehors de leur refuge précaire, ses yeux scrutaient avec insistance les fenêtres barricadées, ses oreilles frémissaient au moindre bruit innocent.

— « Tu penses pouvoir... guérir, comme tu l'as fait au manoir ? » interrogea-t-elle d'une voix où perçait son inquiétude, ils ne pouvaient s’attarder ici plus longtemps. « Tout à l’heure… en cherchant l’écureuil… j’ai aperçu des empreintes autour de la cabane… et… »

Un frisson glacial lui parcourut l’échine, et l'angoisse alourdit sa poitrine, l’intimant au silence. Comme si prononcer ces mots pouvait invoquer la créature en cet instant même.

— « Elles n’étaient pas humaines… Elles en avaient la forme, mais… elles étaient pourvues de griffes longues, bien plus longues que les miennes, et presque semblables aux tiennes… Je crois que nous ne devrions pas nous attarder ici… Quoi que ça puisse être, il vaudrait mieux ne pas croiser sa route… »

Jamais Aksana n’avait observé de telles marques dans cette forêt. Mais si les malhars, les elfes, et des créatures colossales telles que Sheog pouvaient arpenter ce monde, alors peut-être d’autres entités peuplaient ce lieu, si reculé de la civilisation. Et face à l’incertitude, elle préférait laisser libre cours à sa méfiance, craignant tout particulièrement la possible existence d’une entité mystérieuse, alors qu'ils étaient tous les deux diminués.
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