Ses regards me brûlent mais je tiens bon. Je resterai concentrée jusqu'à la fin.

–Tu sais, je peux rester immobile encore très longtemps si tu prévois de continuer à me regarder comme ça.
– Ça tombe bien, je pouffe en humectant mes lèvres. Je peux te regarder comme ça très très longtemps.

Ce n'est là qu'une demi plaisanterie finalement. Je le regarde depuis des jours sans me lasser.

– Dessine-moi comme un de tes français? me taquine-t-il gentiment.
– Je préférais que tu évites les films liés à des bateaux qui coulent pour tes références quand même.

Mes lèvres s'étirent aussitôt en un sourire espiègle. Je ne suis pas très cinéphile, mais ce n'est pas la première fois que l'on me fait cette blague. À force, je me suis presque sentie obligée de voir ce film… Trois ou quatre fois. Je pose mes crayons sur la table de nuit, essayant de ne pas éclater de rire devant l'expression de son visage et surtout cette pause si peu naturelle…

– Tu me montres ?
– Tiens, lui dis-je en lui tendant doucement le carnet. Ce n'est qu'un simple croquis pour l'instant. Je verrai pour le mettre en peinture quand… je pourrai.

Je viens ensuite m'allonger près de lui afin d'observer ses traits d'un peu plus près. J'ose découvrir son regard lorsque ce dernier se pose sur l'une de mes œuvres. Son avis m'intéresse, étrangement… Même si, ce n'est effectivement qu'une esquisse comprenant juste les grandes lignes de cette "histoire" que je rêve d'écrire et dont il est le héros. À travers elle, j'essaie de faire transparaître son incroyable douceur… Cette tendresse chaleureuse qui émane de lui comme une sorte de parfum enivrant… Tom m'inspire énormément d'émotions différentes et je sais qu'il est parfaitement impossible de toutes les représenter sur une même toile, mais je compte tout de même en dévoiler quelques-unes à travers celle-ci.

– Hop, assez regardé, je lance en lui retirant doucement le carnet des mains, le posant derrière moi sur le lit, avant de me blottir dans ses bras. Bonjour.

C'est en retrouvant sa chaleur que je réalise à quel point je pouvais avoir froid. En même temps, je n'avais pas cherché à m'encombrer du moindre vêtement et je m'étais contentée de poser une couverture sur les épaules… Je viens capturer ses lèvres avec un léger empressement, comme si je venais chercher une bouffée d'oxygène avant de m'écarter.

– Je réalise qu'il y a tout de même une toute petite faille dans mon plan, je soupire en jouant avec sa main. Je n'ai rien à manger et nous sommes dans une ville minuscule… Je ne suis pas certaine qu'il y ait un service de livraison…

Au fond, j'en sais trop rien. Je n'ai jamais cherché à me faire livrer quoi que ce soit. Je suppose que cela doit exister pour les personnes malades, aucun habitant de cette ville ne laisserait une personne en difficulté. Mais je ne me vois absolument pas jouer sur cette corde là. C'est pas du tout mon genre.

– Du coup, ce que je te propose, c'est de te laisser une petite heure, le temps pour moi de faire quelques courses tout en sortant Nix… Et pendant ce temps, tu peux t'occuper de tes coups de fils.

S'il doit contacter quelqu'un vivant sur la côte ouest, je doute que cette personne prenne bien ce petit coup de fil très matinal.

– Dans tous les cas, c'est le seul créneau que je te laisse… Après ça… je dépose un baiser lourd de sous-entendu sur ses lèvres. Tu pourras prendre tout le repos nécessaire.

Une heure et quarante cinq minutes plus tard, je suis de retour les bras chargés de mets divers et variés. Hors de question de ressortir aujourd'hui, alors j'ai veillé à acheter tout ce qu'il fallait pour nous alimenter. Je me suis également arrêtée chez Sean pour lui demander de lui emprunter sa voiture… et de garder Nix quelques jours. Je ne sais pas ce qui l'a le plus surpris entre le fait de m'absenter quelques jours ou de lui laisser mon chien. D'ailleurs… Je ne sais même pas combien de temps va durer mon absence… Pas plus de deux ou trois jours, je suppose.

Je dépose les clés de Betty ainsi que les sacs sur le comptoir de la cuisine puis je pars à la recherche de Tom.

Ma blague sur le Titanic a l'air de quand même l'amuser, même si je suppose que je ne suis pas la première personne qui lui sort cette phrase.

Elle pose enfin ses crayons sur la table de nuit, et me tend son carnet.

"– Tiens. Ce n'est qu'un simple croquis pour l'instant. Je verrai pour le mettre en peinture quand… je pourrai."

"- Tu veux me peindre ?"

Je suis incroyablement flatté. Surtout lorsque je vois la manière dont elle m'a représenté. Je n'ai aucune difficulté à reconnaître les traits de mon visage, et je souris en notant la tendresse qui se lit dans mes yeux, tout comme ce sourire tranquille sur mes lèvres.

Elle s'est allongée contre moi, et je passe un bras autour de ses épaules, tandis que je lève un peu plus le carnet pour l'observer à la lumière du matin.

Sur cette page, je donne l'impression d'un homme incroyablement détendu après une nuit de débauche. Les cheveux en bataille, ce drap qui ne masque pas grand chose…  J'aimerais être capable de dessiner comme elle, juste pour la représenter à mon tour avec ce regard particulier. Celui d'un amant. J'aimerais qu'elle réalise à quel point elle est belle, dans cette lumière matinale.

"- Tu as décidément beaucoup de talent", je lui souffle à l'oreille. "J'ai hâte de voir le résultat final"

Puis je souris avec amusement, tandis que mes yeux glissent sur un détail bien précis du dessin.

"- J'espère juste que tu n'as pas l'habitude de peindre d'autres hommes entièrement nus car je risque d'être un peu jaloux."

Et c'est à ce moment-là qu'elle décide de m'ôter le carnet des mains.

"– Hop, assez regardé. Bonjour"

Le carnet finit sur le lit, alors qu'Emily se blottit un peu plus contre moi.

"- Bonjour à toi aussi", je ris juste avant qu'elle m'embrasse. Et je ferme les yeux, répondant à son baiser. Il y a dans ce dernier encore quelques traces de la passion de la nuit précédente. Et je sais que ça pourrait vite déraper si nous ne prenons pas garde.

Une de mes mains s'égare déjà dans son dos, pour l'attirer un peu plus à moi.
Mais c'est exactement à ce moment là qu'elle reprend la parole.

"– Je réalise qu'il y a tout de même une toute petite faille dans mon plan. Je n'ai rien à manger et nous sommes dans une ville minuscule… Je ne suis pas certaine qu'il y ait un service de livraison…"

Je soupire. Je n'ai vraiment pas envie de bouger.

"– Du coup, ce que je te propose, c'est de te laisser une petite heure, le temps pour moi de faire quelques courses tout en sortant Nix… Et pendant ce temps, tu peux t'occuper de tes coups de fils."

"- Je suppose que c'est un bon compromis", je grogne contre ses lèvres. Je l'embrasse une nouvelle fois, appuyant ce baiser avec ferveur, et venant ensuite lui mordiller la lèvre inférieure.

"– Dans tous les cas, c'est le seul créneau que je te laisse… Après ça…"

Elle m'embrasse, et je sens dans ce baiser que nous sommes sur la même longueur d'onde.

"-Tu pourras prendre tout le repos nécessaire", elle termine ensuite.

J'éclate de rire. J'aime beaucoup ce programme.

"- C'est une promesse", je la préviens d'une voix rauque.

J'arrive à l'embrasser une nouvelle fois avant qu'elle ne se dérobe finalement à mon étreinte.
Et je prends le temps de m'étirer, tout en l'observant paresseusement s'habiller.



Ce n'est que lorsqu'elle quitte la chambre que j'arrive enfin à me sortir du lit.

Et j'enfile quelques vêtements que je trouve dans mon sac de voyage. Rien d'extraordinaire. Surtout des habits confortables qui, je l'espère, ne resteront pas sur moi très longtemps.

Mon premier objectif est de ranger quelques affaires. Des vêtements, ma guitare, mon passeport. Juste ce qu'il faut pour les prochains jours. Et surtout pour prendre l'avion le lendemain.

Puis j'allume mon téléphone, et j'ignore les diverses notifications pour composer le numéro de Barry.

"- Tom ! J'allais justement t'appeler. J'ai reçu hier les pièces pour ton pick-up !"

"- Oh vraiment ? C'est une excellente nouvelle ! Malheureusement, je vais devoir m'absenter"

Je lui explique rapidement la situation, sans pour autant entrer dans les détails, lui parlant simplement de la nécessité de me rendre à Las Vegas pour quelques jours, à cause de mon travail.

"- Et Mily n'a pas les clés ?"

J'avais brièvement évoqué avec lui le fait de laisser mes clés et le pick-up à Emily si je venais à partir quelques jours.
Mes explications suivantes doivent être assez maladroites, car Barry éclate de rire à l'autre bout du fil. Et il s'empresse de me taquiner.

"- Tu ne peux pas te passer d'elle, hein petit gars ?", me lance-t-il.

Je sais que j'ai les joues rouges, et mais je ris tout de même. Et nous passons quelques minutes à nous organiser. Et je conviens de récupérer l'engin dès mon retour.

Le coup de fil suivant est beaucoup plus tendu. Je fais un rapide calcul avant de numéroter. Il est environ 6 heures du matin à Las Vegas. Mais j'imagine que Jake sera déjà réveillé.
Et mon hypothèse s'avère exacte.

"- Tom ? Qu'est-ce que tu veux ?"

Je sens l'appréhension dans sa voix, et j'imagine qu'il craint que je lui annonce que finalement je ne viendrai pas.

"- Tu ne me laisses pas tomber, hein ?", ajoute-t-il juste après. "J'ai engagé beaucoup d'argent sur ce concert. Ce n'est pas le moment de faire le difficile."

"- Relax, Jake", je soupire. "J'arrive bien demain. J'ai juste un petit service à te demander."

Quelques secondes s'écoulent.

"- Quel genre de service ?" me demande-t-il ensuite d'un ton prudent.

"- J'amène quelqu'un avec moi. J'ai besoin d'un billet d'avion. Et d'une place de concert. En loge."

"- Ta nouvelle conquête, Tom ?" me lance-t-il. "Est-ce vraiment le moment ?"

"- Fais attention à ce que tu dis, Jake", je siffle. "Je pourrais bien décider de finalement ne pas venir. Et ce n'est pas comme si j'avais vraiment besoin de cet argent. En plus..."

J'ai horreur de faire ça, mais je sais que ça finira de le convaincre.

"- Imagine la réaction des journalistes lorsque je n'arriverai pas seul à l'aéroport.."

Je sais que je le tiens, et cela se vérifie juste après lorsqu'il commence à me parler rapidement, d'une voix forte. Visiblement, cette simple raison lui suffit.

"- Pas d'interview", je lui préviens toutefois lorsqu'il me pose la question. "Je n'ai pas envie de l'exposer comme une bête de foire ! Elle vient juste avec moi pour que nous restions ensemble, c'est tout."

Je lui donne le nom d'Emily, et Jake ne manque pas de me poser la question qui fâche.

"- Oui, c'est sa fille", je soupire. "Et non, elle n'aura pas envie d'en parler"

Je vois très mal Emily s'exprimer sur la relation avec son père. Elle ne sera pas là pour ça.

"- Un accès aux coulisses, et aux répétitions, bien sûr.", j'ajoute lorsqu'il me pose la question des accès à donner à Emily. "J'ai juste envie de rester avec elle."

S'en suit une longue tirade au sujet de la gestion de ma célébrité, et de la nécessité de rester à la une de la presse. Mais je n'écoute déjà plus.

"-Envoi-moi son billet d'avion dès que possible, Jake", je le coupe, mettant enfin un terme à la discussion. "Et merci ! Je te laisse, je dois y aller"

Je raccroche juste après, non sans avoir promis à Jake de continuer de mettre à jour mes réseaux sociaux. Visiblement, mes publications sur mon compte Instagram lui ont beaucoup plus. Soi-disant que ça améliore le lien avec mes fans, et que ça fait donc vendre plus de places de concerts.



Je soupire. Puis je rédige un bref SMS à l'attention de Jeff, pour lui indiquer qu'Emily sera avec moi demain à l'aéroport, et qu'il s'attende donc à nous récupérer tous les deux. Je n'ai pas de réponse, et j'imagine qu'il n'est pas encore levé.

J'ai à peine le temps de lire en vitesse quelques mails, et surtout un planning détaillé de l'heure des différentes répétitions, que Jake m'a déjà envoyé le billet d'avion d'Emily, ainsi qu'une place de concert. Je vérifie les quelques détails, et je le remercie aussitôt par retour de mail.

Comme preuve de bonne volonté, je lance Instagram, et j'hésite un long moment, avant de poser une simple photo de ma guitare et de mon sac de voyage, accompagnés d'une légende qui se veut relativement claire.




Bien plus tard, je suis installé sur le lit, ma guitare sur les genoux, et je murmure une chanson qui n'a pour l'instant pas de titre, lorsque j'entends la porte d'entrée s'ouvrir, suivie de bruits de pas.

J'ai le temps de poser mon instrument dans sa boite de transport, et de lancer mon carnet dans mon sac. Et lorsque je sors de la chambre, Emily arrive déjà à ma rencontre.

Je l'embrasse sans attendre. Ses lèvres sont fraiches, et je présume que la température n'est pas remontée dehors. Elle n'est partie qu'un peu moins de deux heures, mais elle m'a manqué.

Mes bras se nouent autour de sa taille, et je l'aide à se défaire de son manteau.

"- Tu seras ravie d'apprendre que tu as officiellement un billet d'avion et une place de concert", je murmure contre ses lèvres.

– J'espère juste que tu n'as pas l'habitude de peindre d'autres hommes entièrement nus car je risque d'être un peu jaloux.
– Bien-sûr que non, voyons, dis-je sur le ton de la plaisanterie, évite de regarder ce qui se trouve dans le placard au fond de mon atelier.

J'éclate de rire, il peut très bien fouiller si l'envie lui prend, il n'y trouvera rien du tout. Cela ne fait évidemment pas partie de mes habitudes. Je sais que les nus font partie intégrante de tous les programmes d'art, mais pour ma part, je n'y ai jamais participé. Et puis… Il y a nu et nu. Ici, je ne me suis pas contentée de représenter un homme dans le plus simple appareil, c'est une part de notre intimité que j'ai voulu représenter… Une chose que je n'ai jamais connu auparavant et que je ne partage qu'avec lui.

– Cela dit, je suis curieuse de savoir à quoi tu ressembles quand tu es jaloux, je le taquine en me faisant plus féline, juste avant de revenir me blottir dans ses bras.

Je n'ai plus qu'à faire quelques courses avant de régler certaines affaires. Après ça, je peux enfin rentrer chez moi pour respecter la suite de notre programme.

– Tu seras ravie d'apprendre que tu as officiellement un billet d'avion et une place de concert, vient-il murmurer contre mes lèvres.

Il fait peut-être froid dehors, mais je retrouve rapidement la chaleur contre lui… Sa chaleur.

– Génial, dis-je en l'entourant de mes bras. Tu veux manger quelque chose ou… je laisse flotter dans l'air alors que toute une série d'idées – parmi les plus indécentes – me traversent l'esprit.

C'est assez perturbant de ne penser plus qu'à ça... Nos corps enlacés, ses baisers brûlants, le son de ses soupirs… Mince, je dois être en train de rougir.

– Je vais faire du café, dis-je en m'éloignant. Ton manager n'a pas trop protesté pour ce changement de programme ? Combien dois-je à qui ?

Je lui lance un regard par dessus mon épaules tandis que je me charge de la cafetière. Je sais bien que l'argent ne doit pas lui manquer mais… Quand même, je n'aime pas vraiment l'idée de me faire offrir un voyage auquel… Je me suis clairement incrustée.

– Je m'occuperai de mon billet de retour, je suppose que je partirai avant toi.

"– Tu veux manger quelque chose ou…"

Elle laisse sa phrase en suspend, et je lui mords presque les lèvres lorsque je l'embrasse ensuite. Je suis devenu un peu trop vite accro au fait de m'abandonner dans ses bras. Mais je lis aisément dans son regard qu'il en est de même pour elle. Il ne faudrait pas grand chose pour que nous nous égarions à nous. Et l'attente, ce jeu du chat et de la souris, est encore plus délicieuse lorsque je sais que nous n'avons absolument rien de prévu pour aujourd'hui.

"- Je n'ai pas vraiment très faim", je lui réponds doucement.

Et je suis déçu quand elle desserre l'étreinte de ses bras autour de moi pour s'éloigner en direction de la cuisine.

"– Je vais faire du café. Ton manager n'a pas trop protesté pour ce changement de programme ? Combien dois-je à qui ?"

Je la suis aussitôt.

"- Du café est une excellente idée !", j'approuve. "Mon manager est égal à lui-même. Je lui ai fait comprendre que ta venue n'était pas négociable. Vis à vis de l'argent… Jake a tout payé, mais ça rentre dans les frais professionnels. Je ne suis pas certain qu'il accepte un remboursement."

Je dois admettre que j'ai pris l'habitude que tout soit pris en charge lorsqu'il s'agit de déplacement en vue d'un concert. Sur place, je gère moi-même mes dépenses. Mais pour ce qui est de l'avion et de l'hôtel, c'est toujours Jake qui s'occupe de payer.

"- Et si tu culpabilises, dis-toi juste qu'il arrivera d'une manière ou d'une autre à se faire de l'argent en demandant une commission encore plus chère aux photographes qui prendront des clichés de nous. Je crois que nous n'arriverons pas à y échapper. Même en continuant de leur assurer que tu n'es qu'une hallucination."

Je me place derrière elle, tandis qu'elle s'occupe de la cafetière.
Mes lèvres remontent de son cou à sa joue, jusqu'à venir lui mordiller le lobe de l'oreille.

"– Je m'occuperai de mon billet de retour, je suppose que je partirai avant toi", ajoute-t-elle.

"- Hmm, je ne serai pas bien loin derrière toi", je murmure en nouant un peu plus mes bras autour d'elle. "Tu me manqueras beaucoup trop."

Le café est vite prêt, et je me décolle d'Emily juste le temps d'attraper deux mugs, que je remplis du liquide brûlant.

"- Tu avais besoin d'une recharge d'énergie ?", je lui lance avec un clin d'œil taquin tout en trempant mes lèvres dans le breuvage.

Je lui vole un baiser, puis un second.

"Ce serait dommage de se fatiguer trop rapidement, surtout que nous avons la journée entière devant nous… N'est-ce-pas ?"

Les derniers mots ont été murmurés à son oreille, d'une voix rauque.
Je capture ses lèvres quelques secondes… Et je me décolle d'elle, pour venir innocemment m'appuyer contre le comptoir de la cuisine, et prendre une deuxième gorgée de café.

Je ne la lâche pas du regard, et mon sourire s'étire un peu plus.

"- Délicieux", je la complimente, mais sans pour autant préciser si je parle du café, ou de ses lèvres.

J'ai l'impression que nous sommes entrés dans une phase particulière de notre relation… Ou alors, c'est moi qui hallucine. Il a cette aura étrange et sensuelle autour de lui. Toutes ses paroles, ou presque, semblent chargées de sous-entendus. Le fait-il exprès ? Est-ce que je suis en train d'imaginer tout ça ?

J'essaie de chasser toutes ces idées de ma tête en me plongeant dans une conversation plus normale, plus terre à terre. Il n'y a rien de sensuel dans un billet d'avion, dans un remboursement ou dans le fait de rentrer avant lui après le concert… Et pourtant…

Quoiqu'il en soit, je la sens monter, cette sensation de chaleur. Elle redouble, même, dès lors qu'il se place dans mon dos… Ses lèvres se posent sur mon cou, mes joues et j'ai aussitôt l'impression que mes jambes perdent de leur rigidité et de leur force… Elles se transforment en coton. Je manque de défaillir lorsqu'il me mordille le lobe de l'oreille… Bon sang, il m'en faut donc si peu ?

– Hmm, je ne serai pas bien loin derrière toi, affirme-t-il en un murmure qui me fait frémir . Tu me manqueras beaucoup trop.

Ses bras m'abandonnent et j'ai de nouveau très froid. Il n'est pas très loin pourtant. Il est même juste à côté, à fouiller dans mes placards pour en tirer deux mugs.

– Vraiment ?

Je repars à la recherche de ses bras. Bon sang, cela devient comme instinctif… Une sorte de contact nécessaire.

– Tu avais besoin d'une recharge d'énergie ? me dit-il en affichant une mine espiègle délicieusement ponctuée par un clin d'œil.
– Non, c'était plutôt pour toi… Tu semblais si fatigué, alors je me suis dis qu'un café te ferait du bien, je rétorque avant de grimper sur mon comptoir pour m'y asseoir. Ainsi, je suis presque certaine de ne pas voir mes jambes céder.

–Ce serait dommage de se fatiguer trop rapidement, surtout que nous avons la journée entière devant nous… N'est-ce-pas ?

Quelle vile tentative de provocation que voilà. Je pourrai protester, mais en réalité, cela m'amuse finalement beaucoup. Et puis… Je le trouve tout simplement adorable avec ce sourire en coin. Nul doute qu'il a dû en séduire des femmes avec un sourire pareil. Je devrais peut-être m'offusquer d'être comme toutes ces filles là. Je devrais protester et revendiquer mon statut d'exception… Mais, à quoi bon ? Au fond, je suis comme elles après tout. La seule différence c'est que ce sourire, il m'est directement adressé.

– Délicieux.

Je vois. Il chercher très clairement à me rendre folle. Moi aussi je peux jouer. Je bois une gorgée de mon café puis je pose ma tasse à côté de moi. Je lui souris à mon tour puis je retire mon pull … J'use volontairement de mouvement très lents.

– Hm ? Tu disais ? j'ai très bien entendu, mais je préfère faire comme s'il se trouvait beaucoup trop loin de moi pour que les sons puissent parvenir jusqu'à mes oreilles. Je n'ai pas compris ce que tu disais…

Sans utiliser mes mains, je retire les bottines en les laissant choir sur le plancher qu'il m'a aidé à éponger le jour de notre rencontre. Quand était-ce déjà ? Quelques jours ? Quelques semaines ? Quelques années ? Je perds toute notion du temps
et de l'espace quandd il est dans les parages. Il n'y a plus que lui qui compte... Ce lui que j'ai cruellement envie de taquiner moi aussi.

J'éclate de rire lorsqu'elle me signale qu'il lui semblait que c'était moi qui avait besoin de café. Peut-être que j'ai dormi un peu trop longtemps ce matin. Mais à vrai dire, les activités de la veille m'ont fatigué. Ou peut-être que je me suis suffisamment relâché pour que le sommeil me trouve facilement.

En tout cas, je note que la manière avec laquelle je la taquine semble faire mouche. Je lis dans son regard qu'elle n'est pas complètement indifférente aux sous-entendus que je lui lance.

J'ai bien envie de faire durer les choses encore un peu.

Je ne m'attends pas à ce qu'elle entre dans mon jeu. Mais lorsqu'elle pose son mug sur le comptoir, et entreprend de retirer son pull, je suis incapable de la lâcher du regard.

Elle le fait exprès, cela ne fait aucun doute. Et il y a quelque chose de très sensuel dans la façon dont elle fait glisser le tissu sur elle, sur ses bras, sur son torse.
Elle porte un chemisier léger dessous, et cet dernier se soulève au passage, jusqu'à dévoiler en partie la peau de son ventre.

Je l'ai vu sans aucun vêtement hier, et même ce matin encore, mais il y a quelque chose de particulièrement haletant dans ce jeu qu'elle me propose.

"– Hm ? Tu disais ?"

Et je cligne des yeux, pas sûr de vraiment comprendre sa question.

"- Je n'ai pas compris ce que tu disais…", précise-t-elle.

Et il me faut de longues secondes pour réussir à retrouver le fil de la discussion. Suffisamment pour retrouver ma voix, et surtout un sourire confiant et charmeur.

Ses bottes tombent au sol, et le son de leur chute me fait presque sursauter.

"- Je disais que le café est délicieux", je déclare d'une voix rauque. "Et ça tombe bien, car j'ai l'impression que j'aurai besoin d'en boire une certaine quantité aujourd'hui."

J'en prends une nouvelle gorgée, et lui souris par dessus le mug.

"- Pour tenir le rythme", je me sens obligé d'ajouter.

Je m'avance ensuite en direction du comptoir, et fait courir mes doigts sur la cuisse d'Emily, sur le tissu doux de son jean. Positionné ainsi, elle est aussi grande que moi. Je n'aurais qu'à faire un pas de plus pour me caler complètement entre ses jambes. Et je pourrais ainsi me saisir de ses lèvres...

Mais non. Pas tout de suite.

"- Alors, que souhaites-tu faire à présent ?" je m'enquiers d'un ton parfaitement innocent en reculant à nouveau.

Je tourne le dos à Emily, faisant mine de me diriger vers la fenêtre pour contempler la vue. Et je retire au passage mon sweatshirt, dans lequel je commence à avoir particulièrement chaud. Je ne me suis pas encombré d'un t-shirt ou d'une chemise ce matin. Mais il fait chaud dans la pièce, et me balader torse-nu ne me pose aucun problème particulier. Surtout si Emily est là pour me regarder.

"- Est-ce que tu as un jeu de cartes ? Ou peut-être as-tu envie que je te laisses du temps pour peindre ?"

Je m'approche de nouveau d'elle, et cette fois je me place entre ses jambes, et vient effleurer ses lèvres des miennes.

"- Ou peut-être...", je lui chuchote à l'oreille.

Et je recule une nouvelle fois pour me saisir de ma tasse de café.

"- Ou peut-être pourrions-nous juste rester là, et occuper notre temps autrement ?, je conclus avec un sourire amusé.

Il y a quelques petits détails chez lui que je commence à reconnaître. La lueur dans son regard, subtile mais bien présente dans ses pupilles sombres… Ses yeux brillent tellement qu'ils m'évoquent deux perles noires. Ce regard est tout simplement envoûtant. Le son de sa voix aussi… Légèrement éraillée, comme s'il avait la gorge sèche. Je sais que c'est moi qui provoque ça et la fierté que j'en retire me donne presque envie de ronronner. À la plage, je me contente de boire une gorgée de si délicieux café, avant de retirer l'excédent en me mordillant la lèvre.

– Pour tenir le rythme.
– Quel rythme ? je demande, toujours aussi taquine tandis qu'il se rapproche pour venir poser ses mains sur mes cuisses.

Mon jean semble de trop, mais je préfère le garder encore un peu. Ce jeu commence sérieusement à me plaire, tout comme cette tension qui s'éveille entre nous. Il est si proche que je peux sentir son souffle sur mon visage. Il sent le café et la chaleur d'un vent d'été. Je m'attends à ce qu'il se rapproche davantage, qu'il réduise cette distance infâme entre nous… Mais il n'en fait rien, il attend… Clairement, il veut me faire languir.

– Alors, que souhaites-tu faire à présent ?

Je ne dis rien et me contente de sourire en le regardant me tourner le dos… Dos qui retrouve finalement sa liberté lorsqu'il retire son pull… Mes yeux se posent sur les muscles qui s'étire et se meuvent à chaque mouvement… La marque de mes ongles est encore parfaitement visible et… mince, depuis quand ai-je cessé de respirer moi ? Je peine à déglutir et je commence à avoir sérieusement chaud. J'ouvre alors quelques boutons de mon chemisier, juste assez pour exposer mes clavicule et la naissance de mes seins… Je ne porte rien en dessous.
– Est-ce que tu as un jeu de cartes ? Ou peut-être as-tu envie que je te laisse du temps pour peindre ?
– Tu voudrais poser pour moi ? je propose à demi sérieuse, ma poitrine se serrant un peu plus lorsqu'il revient vers moi pour doucement effleurer mes lèvres.

Je souris.

– Ou peut-être…
Quel homme diabolique finalement… Voilà qu'il recule de nouveau pour récupérer sa tasse…

J'ouvre un autre bouton.

– Ou peut-être pourrions-nous juste rester là, et occuper notre temps autrement ?
– Hm… Je sais ce que tu veux, je soupire en descendant de mon petit promontoire.

J'ouvre le bouton de mon jean, ma braguette et je le laisse glisser jusqu'au sol. Je prends une mine espiègle et je sais que mon regard brille autant que le sien… Je m'approche, lentement… Je me saisis de sa tasse pour la poser sur le comptoir, juste derrière lui… Je l'entoure de mes bras, mon regard perdu quelque part sur les lèvres que je viens doucement chatouiller à mon tour…

– Je sais que tu veux… je susurre à son oreille. Faire une partie de Scrabble.

Je lui offre un grand sourire satisfait avant de reculer pour remonter sur mon comptoir. Moi aussi, je peux jouer… Et je peux jouer très longtemps à ce jeu.

"– Tu voudrais poser pour moi ? "

J'hausse un sourcil, mais j'ai la gorge trop serrée pour répondre immédiatement.
Et à vrai dire, mon attention est entièrement focalisée sur les boutons de son chemisier, et sur cette peau qui se dévoile peu à peu.
Elle n'a rien en dessous, et mon cerveau fait un arrêt sur image.

"- Pourquoi pas", j'arrive finalement à articuler.

La gorgée de café que je bois ensuite me fait un bien fou. Assez pour retrouver une certaine maîtrise de ma voix. Je continue mon manège, la provoquant un peu plus.

Et j'essaie de ne pas suivre des yeux ses doigts alors qu'elle ouvre un nouveau bouton de son chemisier.

"- Ou peut-être pourrions-nous juste rester là, et occuper notre temps autrement ?

Je la taquine, mais je sais que je me fais peu à peu avoir à mon propre jeu.

Je garde mon regard planté dans le sien, même si je peux distinguer dans l'extrémité de mon champ de vision le décolleté plongeant qu'elle m'offre à présent.
Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour que je puisse tracer du bout des doigts le galbe de ses seins.
Ma main tremble autour de ma tasse.

"– Hm… Je sais ce que tu veux", soupire-t-elle.
"- Oh, vraiment ?"

Je croise mes bras sur mon torse, dans l'impression parfaite d'un homme qui maitrise la situation. Mais ce n'est absolument pas le cas.
Et je perds mon sourire moqueur lorsqu'elle descend du comptoir et qu'elle déboutonne son jean.
Elle ne va tout de même pas...
Le vêtement tombe au sol, et elle me lance un regard espiègle.

Je n'ose pas bouger quand elle s'approche de moi.
Elle me frôle en venant attraper ma tasse de café, pour la poser derrière moi.
Je sens son parfum, et cette chaleur qui l'accompagne. Cette dernière se propage jusque dans mon ventre.

Quand ses bras se nouent autour de moi, j'ose enfin pencher la tête en avant, et venir à la rencontre de ses lèvres qui viennent taquiner les miennes.

Une de mes main effleure la peau nue de l'intérieur de sa cuisse, et remonte lentement sur cette dernière, tandis que l'autre joue déjà avec l'un des derniers boutons de son chemisier.

Mon pouce caresse brièvement la peau dévoilée par les boutons déjà ouverts...

"– Je sais que tu veux…", souffle-t-elle à mon oreille. "Faire une partie de Scrabble."

De Scrabble? J'éclate de rire, perdant la façade parfaitement sereine que j'avais essayé de construire. Et je fais déjà l'inventaire de mon vocabulaire le plus osé pour calculer lequel me rapporterait le plus de points.

Mes doigts se sont figés sur le bouton de son chemisier. Et je n'ai même pas le temps d'en ouvrir un seul qu'elle s'éloigne déjà pour remonter sur ce fichu comptoir.

Cause de la mort : frustration.

Surtout avec ce sourire moqueur qu'elle me lance.
Je fais la moue. J'ai horreur de perdre, mais force est de constater que je n'en mène pas bien large. Elle sait pertinemment l'effet qu'elle a sur moi, et ce dernier se lit sans aucun doute aisément dans mes yeux...

Mon jean, pourtant confortable, commence à me paraitre vraiment très étroit.

"- Va pour une partie de Scrabble", je lui réponds tout de même après m'être raclé la gorge. "Une préférence sur le lot gagné par le vainqueur ?"

J'hausse un sourcil moqueur, et me décide finalement à déboutonner ce jean qui me serre décidément beaucoup trop.
Mais sans pour autant le faire glisser sur mes hanches. Je n'ai rien en dessous, et je n'ai pas envie de me dévoiler complètement. Je l'ouvre donc juste un peu, simplement ce qu'il faut pour éviter à chaque mouvement d'accentuer cette pression sur cette partie bien précise de mon anatomie.
Et c'est encore mieux si cette ouverture donne à ma partenaire un premier aperçu de ce qui l'attend ensuite... à condition que ce petit jeu nous y mène enfin.

Nous nous dévisageons de longues secondes, pour savoir lequel de nous deux va céder en premier.

Je dois dire que je suis plutôt fière de ma petite blague. Je le suis d'autant plus quand il éclate de rire … Je viens de marquer un point.

De retour sur mon promontoire, je lui lance un regard qui se veut perçant. Je m'amuse beaucoup de cette situation et cela doit aisément se lire dans le sourire que j'affiche et qui s'étire plus encore. Mais je dois prendre garde, un peu plus et je ressemblerai au chat du Cheshire ce qui risque fort de briser tout effet.

– Va pour une partie de Scrabble. Une préférence sur le lot gagné par le vainqueur ?
– Pas vraiment non, mais je suis certaine que tu as déjà une idée en tête, j'assure en écartant les jambes de quelques centimètres en le voyant déboutonner son jean. Tu te sens peut-être à l'étroit ?

Je me mordille la lèvre, souriant toujours autant. J'ai au moins cet avantage sur lui… Il est incapable de voir l'effet de cette situation sur mon anatomie.

– Je crois que la boîte de jeu est rangée dans le buffet… À moins que ce ne soit dans le placard de ma chambre… J'ai comme un doute…

J'agite légèrement les jambes puis je récupère ma tasse pour boire une autre gorgée de ce café qui refroidit… Contrairement à nous. Plus ce jeu avance et plus mon esprit se fait envahir par des images qui se font de plus en plus obscènes. Je pourrais m'en sentir gênée, pourtant il n'en est rien. Au contraire, avec lui tout me paraît si simple… si normal. Je n'ai pas à me poser la moindre question.

Je meurs d'envie de le toucher… de m'emparer de ses lèvres et de passer mes mains dans ses cheveux… Malgré tout, je résiste. Il est hors de question que je cède la première. À la place, j'ouvre un autre bouton de mon chemisier.

"- Tu te sens peut-être à l'étroit ?"

Je soupire, et je ferme les yeux quelques secondes pour tenter de regagner un tant soit peu le contrôle de moi-même. Mais c'est peine perdue.

"- Tu devrais le savoir, n'est-ce-pas ?", je murmure d'une voix rauque. "Et tu n'avais pas l'air de t'en plaindre, hier soir."

Elle prend décidément un malin plaisir à jouer avec mes nerfs. Elle écarte les jambes, comme pour me torturer un peu plus. J'ai juste envie de me glisser entre ces dernières.

Elle se mord la lèvre. J'ai envie de l'embrasser.

"– Je crois que la boîte de jeu est rangée dans le buffet… À moins que ce ne soit dans le placard de ma chambre… J'ai comme un doute…"

J'ai envie de remplacer ce sourire provocateur par autre chose. Peut être simplement par l'expression qu'elle avait la veille lorsqu'elle s'abandonnait dans mes bras.

Et la voilà qui déboutonne encore son chemisier. Ce dernier ne tient plus que par miracle. Ou par ce dernier bouton qui ne cache plus grand chose à présent.

Je lâche un juron à mi-voix. C'est impossible de lui résister.

"- Dans la chambre ?"

Je me redresse, m'appuyant sur le plan de travail contre lequel je m'étais appuyé. Et je m'avance vers elle, le regard fixé sur ses lèvres.
J'ignore mon jean, qui menace à tout moment de glisser le long de mes jambes.
Plus rien ne m'importe en dehors d'Emily, et de ce foutu sourire que j'ai envie de goûter sur ses lèvres.

- Tu m'accompagne pour aller vérifier ?" je souffle lorsque j'arrive à sa hauteur.

Puis je croise son regard. Et je sais que j'ai perdu.
Je n'hésite qu'une demie-seconde, je me saisis de des lèvres en un baiser qui n'a plus rien d'un jeu.

Je l'attire à moi, mes doigts courant sur ses flancs. Et je viens enfin retirer le dernier bouton de son chemisier. Celui qui allait de pair avec ce qui me restait de self-control.