Son regard - vers ta chemise ? - t'as surpris, ce n'est que lorsque tu retournes dans ta chambre que tu vois qu'elle n'est pas boutonnée, tu te sens idiot, mais tu ne comprends toujours pas pourquoi il t'a regardé comme ça. Tu t'es fait juger, c'est certain, mais il y avait un autre sentiment que tu n'as pas pu noter et ça te frustre. T'imagine déjà les insultes au lycée le lendemain, pourvu qu'il n'ait pas pris de photo pour se foutre de toi. Tu frissonnes en te demandant pourquoi t'as été aussi con de sortir, tu croyais que ça servirait à quoi de se moquer ouvertement de lui ?

Et dire que t'es pas invité à cette réunion. Tu fais les cent pas dans ta chambre en attendant le verdict et espérant être au courant rapidement.

Heureusement, tu fais partie de la traque. Oh, juste en back-up et surtout pour que tu apprennes les filets du métier, mais l'occasion était trop belle pour que tu restes cloitré dans ta chambre. Ton père t'as même fait l'honneur de te laisser te débrouiller seul, il souhaite que tu observes, agisses si tu en ressens le besoin ou que t'es attaqué, mais le but c'est plus d'être derrière la ligne, pas devant. Alors tu fais ça, tu observes, tu suis, tu apprends. T'es pas chiant comme gamin, tu sais écouter les ordres, mais uniquement ceux des adultes qui ont du sens, les ordres de Theo, tu ne les as jamais écouté.

Penser à lui te fait sentir son odeur, et tu écarquilles les yeux. Quand la délégation Kesler est arrivée, il n'était pas là, tu avais été soulagé et là... tu la sens son odeur, encore plus forte que jamais. Toujours aussi douce et pourtant... pourtant il y a quelque chose en plus, une odeur qu'il n'a pas sur lui d'habitude ou alors c'est que tu es trop occupé à bloquer le tout que tu ne la sens pas ? Pourquoi est-ce qu'il y a une odeur d'essence ? Inquiet, tu décides d'aller au devant du danger, plongeant droit dans le putain de piège qu'il veut sûrement te tendre, mais t'es incapable de résister. On t'a mis en arrière exactement pour cette raison !

Soudain, t'es face à un énorme loup noir, avec juste une tâche blanche, tu ne l'as jamais vu en loup, mais ses yeux rouge ne te trompe pas. T'es face au loup de Theo. Tu frissonnes, toi le mince loup marron clair, ton poil est soyeux, fin, mais ce sont des caractéristiques de beauté, pas comme la force brute que Theo dégage. Tu te figes un instant puis tu prends position. Les deux pattes avant ancrée dans le sol, la tête relevée, tu le regardes et tu grognes. Pas un grognement de colère ou de puissance, non, un léger grognement interrogatif. Pourquoi es-tu là ? lui demandes-tu, inquiet et t'espères vraiment qu'il va te répondre gentiment, mais vu l'étincelle au fond de ses yeux, tu n'y crois pas.

Nath vient à toi. Si tu n’as jamais vu son loup, tu le reconnais tout de suite à son odeur, même si elle est légèrement différente sous sa forme animale. A l’assouplissant se mêle une odeur de... sable chaud... comme son poil... Tu t’ébroue pour refouler l’envie de ton loup d’aller se frotter à lui et grogne en montrant les crocs, tant pour faire peur à Nath que pour mettre en garde ta bête.

Tu dois rester concentrer, garder la main...

Nath t’interpelle, se demandant ce que tu fais là. Tu commences à faire des allers-retours face à lui dans une démarche menaçante, grognant à nouveau.

"Et toi, pourquoi t’es là ?"  

Tu claques sèchement des crocs. Ta colère est palpable, tu veux l’attaquer...

Il n’y a pourtant aucunes autres raisons que des excuses bidon à cette colère...

Cette haine que tu as envers l’Omega, ce ressentiment... tu n’as jamais pris la peine de l’expliquer, de creuser le pourquoi...

Ton loup tente de te calmer, ce qui a pour effet d’attiser un peu plus le feu au fond de tes yeux. Tu veux mordre...

Tu grognes plus fort alors que tu t’approches lentement de Nath, prêt à bondir au moindre mouvement de sa part.  

On pourrait croire que c’est l’animale qui prend le pas, mais non, c’est bien l’humain qui agit sous la peau de loup. Nath n’a rien fait à part être là... Tu ne peux pas louper cette occasion...

Il est terriblement terrifiant. Ses grosses pattes qui s'enfoncent dans la terre à chacun de ses pas, sa queue qui fouette l'air quand il passe près de toi, sa fourrure qui semble être gonflée en signe de fierté pour te montrer qui est le chef. Tout en lui te hurle que tu es en danger, tout dans son comportement est problématique et te fait peur, pourtant tu ne bouges pas.

Tu devrais, mais tu n'essaies même pas. Tu restes immobile, essayant même de respirer le plus calmement possible. Dans ta meute, tu as commencé à comprendre ce que tu devais faire face à certains loups, tu ressens l'émotion et tu tentes de la canaliser. Pour certain, il faut que tu te fasses petit, pour d'autre joueur, pour d'autres encore, faut que tu te jettes à corps perdu sur eux pour défouler leur pulsion.

Seulement, pour Theo, t'en sais rien. Enfin, la seule chose que tu sais, c'est qu'il aime se défouler sur toi, qu'il aime te grogner dessus et que ça fait des années qu'il a envie de te mordre, mais là, tout de suite, tu n'es pas certain que ça aiderait vraiment. Il continue d'être en colère même après t'avoir mis à terre sous forme humaine, pourquoi serait-il mieux après une attaque de loup ?

Tu inspires prudemment et son odeur te frappe de plein fouet. En plus de l'odeur de la pluie sur la terre mouillée, de l'odeur de l'herbe retournée par les nombreuses pattes de la meute et de l'odeur des autres loups. Mais c'est son odeur à lui qui t'agresse, celle de l'essence et cette douceur sur laquelle tu n'arrives pas à mettre un mot. Est-ce un bonbon ? Ou du caramel ? Tu secoues le museau.

Attention

Avec ta meute, vous arrivez à vous comprendre, vous partagez des signaux, et puis, la pression de l'alpha à l'intérieur de vos têtes vous aide à vous organiser. Theo et toi n'êtes pas de la même meute, vous ne pouvez pas échanger ensemble, la seule chose que tu arrives à transmettre, c'est cet avertissement. Parce que t'as peur de ce qu'il pourrait faire, à toi ou aux autres.

Tu sais que c'est une erreur, pourtant tu te redresses. Tu lui bloques la route, tu le regardes droit dans les yeux. Il n'est pas censé se retrouver là et tu ne le laisseras pas faire de mal à ta meute. Tant pis, si c'est toi qui prend encore une fois.

Bien une façon de penser d'Oméga ça, tu as finalement accepté pleinement qui tu es.

L’Omega ne bouge pas. C’est qu’il semble avoir bien appris son rôle... Tu souffles brusquement par le museau à cette idée, comme si elle te démangeait. Nath lance un avertissement avant de se redresser et de te faire face. Il devrait s’aplatir, se soumettre, mais il s’y refuse. Alors, sans plus de mise en garde, tu lui saute dessus. Tu l’attrapes à revers, tes crocs cherchant instinctivement à l’attraper au cou pour le mettre à terre.  

Tu attaques sans réfléchir... et tu oublies un point primordial : si toi tu as bloqué le lien avec ta meute, lui est toujours connecté à la sienne...

Alors que vous luttez, tu ne prends même pas conscience que tu viens probablement de signer ta perte...  

Tout ça pour quoi... ? Tu ne saurais même pas le dire...

Combat de loups:

Il saute, c'est si soudain et si prévisible à la fois. Tu ne te décales pas, tu attends, sur tes appuis de prendre le coup en pleine face. C'est la partie déplaisante de ta condition d'oméga, mais pourtant, tu sais qu'il faut que tu agisses de la sorte. Theo ne se calmera pas sans t'avoir mis une bonne raclée et tu préfères qu'il fasse ça plutôt qu'il mette à mal toute la mission.

Il saute donc, sur toi et ses crocs cherchent un point faible, se refermant sur ta peau, sur tes poils. Tu sais qu'il vise ton cou, le point le plus vulnérable, mais ça ne t'empêche pas de rester sur place. Tu secoues la tête, tu essaies d'éviter d'être trop sérieusement blessé, mais tu ne fuis pas. Tu assumes sa rage et tu te la prends en pleine face.

Soudain, la douleur te fait pousser un hurlement. Tu n'essaies pas de lui faire mal, tu essaies juste de le contenir, or lui il veut gagner en te blessant. Il a donc cette énorme avantage sur toi de n'en avoir rien à faire. Tu pousses donc ce hurlement malgré toi. Tu aurais aimé rester silencieux, mais c'est un réflexe, tu as peur, tu as mal.

Dans ton esprit, une pression se fait soudainement. C'est ton père, ton alpha, il te demande ce qu'il se passe, il s'inquiète. Tu lis aussi qu'il est sur une piste et que ton hurlement peut avoir attirer l'attention. Tu ne sais pas si c'est bon ou si c'est mauvais. Ton esprit lui, n'envoie qu'une seule information theo kresler. Tu veux qu'ils comprennent que c'est dangereux pour toi, sans être primordial pour l'expédition. Tu sais qu'avec ce nom, ton père saura prendre la bonne décision.

Tu ne peux pas fermer ton esprit à la meute, donc tu sens qu'il se passe quelque chose dans cette conversation silencieuse que seuls les loups d'une même meute peuvent avoir, mais tu te concentres uniquement sur Theo qui n'a pas arrêté une seconde. Tu te défends du mieux que tu peux, mais il a des années de bagarre devant lui, il a l'avantage de la force, du poids et de l'intelligence stratégique. Tu as beau faire au mieux, si personne n'arrive, tu sais que tu es mal barré.

Stop le supplies-tu d'un gémissement inutile.

Nath ne répond pas à tes attaques, se contentant de se défendre comme il peut. Tu sens son sang dans ta gueule alors que tu le mords à plusieurs reprises. Tu veux qu'il réagisse, qu'il contre-attaque, mais il ne fait rien. Il lance juste une supplique qui n'a absolument aucun effet sur toi. Mais alors que tu t'écartes pour mieux réattaquer, un hurlement se fait soudain entendre. Aussitôt, tu t'aplatis au sol, la tête entre tes pattes avant, gémissant de douleur. Ton père...

L'Alpha a passé ton blocage et est en train de forcer ta métamorphose humaine. La douleur est inimaginable alors que tu luttes vainement... Les geignements de loup se muent peu à peu en cris alors que tu redeviens humain, de façon beaucoup trop rapide...

Recroquevillé au sol, tremblant et perclus de douleur, tu es couvert de sang et de terre, et surtout tu es nu comme un ver...

La nudité ne te gêne pas en temps normal, mais cette situation n'a rien de normale...

Ton père, toujours sous forme de loup, s'approche de toi. Il est dans une colère noire et celle-ci te vrille la tête sans ménagement. Tu as attaqué un allié sans raison, fortement compromis une traque et, surtout, tu as déshonoré ta meute en te comportant comme un idiot.  

Les larmes coulent sur tes joues malgré toi.  

Ton père est seul, le reste de la meute continuant la traque.  Il t’ordonne de te relever, mais tu n’y arrives pas, la pression étant beaucoup trop forte. Il t’attrape alors le poignet sans ménagement pour te tirer, laissant des marques de crocs profondes dans ta peau. Tu n’arrives pas à retenir le cri de surprise mêlé à un sanglot. Tu ne cherches pourtant pas à t’excuser, toujours aveuglé par cette rage incompréhensible qui t’habite. Tu tournes les yeux vers Nath qui a été rejoint par deux membres de sa propre meute. Ils lèchent ses blessures et analyse l’étendue des dégâts que tu as causés. La respiration saccadée, tu détournes le regard vers ton père qui grogne pour que tu te relèves, menaçant. Faible, tu te mets debout tant bien que mal, cachant comme tu peux ta nudité. Derrière ton père, dans ton esprit, tu sens l’agitation des autres. La mission s’est compliquée... probablement par ta faute...  

Ton père te fixe jusqu’à ce que tu finisses par baisser les yeux puis il se détourne et se met en marche. Il ne relâche pas la pression et tu peine à le suivre, tout ton corps hurlant de mal et ta tête étant sur le point d’exploser. Ce n’est pas terminé...  

Tu as de la chance qu’il ne t’ait pas achevé sur place... mais même si la meute passe avant tout, tu restes son fils unique...

Tu tournes une dernière fois les yeux vers le loup sable et sang. Malgré les larmes sur tes joues, la douleur et la honte, tu arrives encore à le fusiller du regard. C’est de sa faute... Tout est de sa faute...

La douleur t'abruti l'esprit, tu sens l'odeur du sang qui afflue de ton corps, tu as mal, mais tu ne bouges pas, tu continues de subir coup sur coup jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que de l'air autour de toi, jusqu'à ce tu puisses respirer à nouveau, jusqu'à ce que tu tombes de fatigue. Tu fermes les yeux un instant et tes épaules s'affaissent. Mais ce n'est pas le sol que tu rencontres, c'est ton frère aîné. Le futur alpha de la meute, celui qui prendra les rennes quand il le faudra, celui qui a couru à ton secours. Tu meurs de honte et de soulagement, c'est un étrange cocktail d'émotion qui te parcourt, et tu ne sais plus très bien quoi penser.

Les langues râpeuses qui referment tes plaies te font du bien, tu n'es vraiment plus en danger. Tu soupires, respires, tu fermes les yeux. Tu es en sécurité, pourtant, un instinct te force à le regarder, lui. Cet adolescent qui est à l'origine de tous tes problèmes, celui qui ne te veut que du mal et qui ne sait rien faire sinon t'humilier, te rabaisser, te blesser. C'est la première fois qu'il est allé si loin, mais tu sais que ce n'est sûrement pas la dernière. Alors tu tournes la tête.

Et tu le vois, nu, traîné par son père. Cet alpha-là est... terrifiant. Pas étonnant que le loup de Theo t'ait paru énorme, vu le père qu'il a. Mais en humain à côté de l'alpha des Kesler, tu te dis que Theo n'en mène pas large. Il a le poignet en sang, il n'est pas stable sur ses jambes et son visage est tellement froncé... Tu imagines la pression qu'il ressent, tu sais de quoi est capable un alpha déchaîné et tu as peur pour lui. Tu ne comprends pas pourquoi, mais tu es sûr que c'est ce que tu ressens. Toi t'es un Oméga, toi t'as l'habitude, tu sais supporter la douleur, les coups, tu sais contenter les autres... Theo lui, ne sait pas s'écraser. Et pourtant, au lieu de jubiler de le voir comme ça, tu ressens un grande peine. Et bon sang, ça t'énerve !

Alors que le combat de regard s'éternise, tu vois que Theo le perd, tu sens qu'il vient de se briser quelque chose en lui. Et, quand ce dernier te jette un regard, tu paniques. Son regard humain noir, c'est celui que tu connais, celui que tu t'es pris des milliers de fois au lycée, pourtant, tu es incapable d'y répondre de la même manière, tu as vu de quoi son père est fait et... malgré toi tu réponds pardon en baissant le regard.

Quand tu oses enfin relever tes yeux, il a disparu.

Tu as passé deux jours alité, totalement couvé par ton frère qui s'est mis à grogner dès qu'on est venu te voir. Pourtant, tu n'es pas si blessé, tu penses que la blessure est plus psychologique pour ta famille. Ils n'ont jamais su ce que Theo te faisait subir, tu as toujours pris soin de marquer tes bleus, tes dépressions et ta peur. Aujourd'hui, tu sens une nouvelle tension dans l'air, tu veux te lever, tu veux te transformer, tu veux aller courir pour sentir dans tes veines cette énergie incroyable, mais tu dois rester au sein de la meute, dans la maison familiale. Tu soupires pour la millième fois et demande à aller aux toilettes.

En réalité, tu veux juste te dégourdir les pattes. Quand tu arrives en bas de l'escalier, tu vérifies que personne ne te regarde et sort sur le perron, t'as même pas le temps d'aller bien loin que tu reconnais l'odeur. Tu te figes et en un instant, la moitié de ta famille se tient derrière toi. Ils savaient. Toi non. Tu ne comprends pas.

Qu'est-ce que Theo vient foutre chez toi ?

Tu as morflé... Il t’a fallu un temps monstrueux pour rentrer chez toi à pieds nus, faible et blessé, et honteux... Non pas de tes actes, mais de la situation de vulnérabilité dans laquelle tu te trouvais. Ton père t’attendait, redevenu humain. Tu as pris une raclée et l’engueulade de ta vie. Tu as été forcé d’aller au lycée malgré ton état de faiblesse (la métamorphose forcée t’a marqué...). Nath, lui, n’y était pas.  

Pendant deux jours, tu as subi une pression constante de la part de ton père, y compris pendant les cours, t’épuisant un peu plus à chaque instant. Il veut te briser... Te faire faire rentrer dans les rangs une bonne fois pour toute. Et ton loup, lui, reste bien caché, comme si ce qui s’est passé l’avait traumatisé... La pleine lune est toute proche... Tu vas subir...

Le samedi matin, il t’attend dans son bureau pour t’annoncer ta sentence. Tu protestes, mais il te coupe rapidement toute tentative de rébellion. Et s’est ainsi que vous vous retrouver à nouveau chez les Grey. Toi, pâle et cerné, mais gardant la tête haute. Presque toute ta meute est là, en retrait derrière ton père et toi. Celui-ci te tient fermement par la nuque, appuyant ainsi un peu plus son autorité sur toi. Nath se tiens sur le perron, sa famille derrière lui. Tu le fixe un instant sans le voir, grimace lorsque ton père serre un peu les doigts et te redresses alors que ton Alpha prend la parole.

- En tant qu’Alpha des Kesler, ma meute et moi-même sommes ici pour nous excuser pour le comportement de l’un de nos membres envers votre Omega. Afin de montrer notre bonne foi et prouver que ses actes étaient indépendants de nous, sa punition sera l’exile jusqu’à ses 21 ans.

En tant que père de Theo, je tenais également à m’excuser personnellement pour n’avoir pas pu le gérer mieux et empêcher que les choses ne dérapent de la sorte.”

Tu respires à peine. L’exile... Il n’y a rien de pire pour un loup... Plus de trois ans loin de ta meute... Ton père ne te laisse même pas terminer l’année. Tu as fait trop de dégâts et tu as mis en péril la meute... Il n’a pas le choix...

Tu relèves la tête un peu plus dans une posture fière malgré la douleur dans ton crane. Tu ne plieras pas face à cette humiliation publique. Une nouvelle pression sur ta nuque t’indique c’est à toi. Tu regardes alors à nouveau Nath, intensément cette fois, et prend la parole à ton tour.

"Nath... Je sais que cela ne suffira pas, mais je m’excuse pour ce qui s’est passé dans les bois et pour tout ce que je t’ai fait subir jusqu’à maintenant. J’acceptes ma punition pour t’avoir menacé et blessé. Et je m’excuse auprès de ta meute pour avoir agis comme un imbécile..."

Tes paroles sont récitées... Il n’y a rien de sincère dans tes mots. Seul se dégage la rage d’être ainsi exposé et humilier face aux Grey, et particulièrement face à cette mauviette qui a appelé à l’aide au lieu de se défendre lui-même. Un putain d’Omega...

Ta respiration se bloque et tu pâli un peu plus alors que les griffes de ton père s’enfoncent un peu dans ta nuque. Il n’est pas satisfait... Alors tu reprends, un sanglot dans la voix qui n’a rien à voir avec tes excuses mais bien à cause de ton Alpha.

"Je suis sincèrement désolé...”

Tu détournes les yeux alors qu’une boule se forme dans ta gorge. Tu enrages. Tu sens ton loup remuer faiblement alors que l’odeur de Nath t’atteint et tu sens des larmes de colère te brûler les yeux. Jamais de ta vie tu n’as subi une honte pareille, et il ne paiera même pas pour ça... Ni lui, ni ton loup qui se refuse désormais à toi. Tout ce que tu as gagné, c’est un exile... Tu as récolté ce que tu as semé...

Ils sont venus pour des excuses et t'en es tout retourné. Tu sais bien qu'il n'y a rien de pire pour Theo et que tu risques de le payer ultra cher en retour. T'as envie de stopper son père, qu'il cesse tout de suite, tu préfères encore souffrir en silence que de voir les lèvres de Theo remuer ces mots, mais l'alpha n'a pas terminé et tu pousses un cri de surprise - qui te vaut quelques regards - à l'évocation de la mesure prise.

Un exil. Pour de longues années. Tu ne sais pas ce que tu en penses, tu ne sais pas si t'es heureux, ou si t'as peur de la vengeance qu'il va préparer tout ce temps. 21 ans, c'est si vieux 21 ans, il a le temps de tourner bien comme mal. Il a le temps d'organiser ton meurtre aussi. Et puis, malgré toute la joie à l'idée d'être réellement débarrassé de lui pour de longues années, t'as aussi la peur de comment ça va être réellement ? Comment vivre dans un paysage sans Theo, sans le roi du lycée ? Il est ton harceleur en chef, mais il a toujours été là. Sans lui, t'as un peu peur de prendre trop la confiance, de te sentir bien et que le retour ne soit qu'un nouvel enfer à portée de main.

Et quand Theo prend enfin la parole et qu'il prononce ces excuses, tu comprends tout de suite que tu as raison. Quand il reviendra, tu seras un loup mort. Tu déglutis avec difficulté, totalement conscience des sous-entendu alors que tout le monde trouve sa démarche acceptable et acceptée. Sauf son Père apparemment, puisqu'il resserre ses doigts contre la nuque de Theo, puisque le visage de ce dernier pâlit et tu y lis un éclair de douleur, l'humiliation se mêle à la souffrance et la larme qu'il verse te dégoûte. Theo n'apprendra jamais rien. T'en es convaincu. Ces quelques années sans lui ne seront que le calme avant la tempête.

Theo se détourne et s'éloigne avant même que tu n'aies eu le temps de répondre, mais de toute manière, tu n'as rien à lui dire.

- Merci, monsieur Kesler, murmures-tu dans le vent.

Tu sais qu'il va t'entendre, avec son ouïe de loup, tu n'as pas besoin d'élever la voix. Puis, toi-même, tu te détournes. Tu ne sais pas pourquoi, mais tu ressens le besoin de pleurer. Peut être bien qu'il y aura quelques larmes de joie tout de même. Ton frère sourit comme si c'était Noël, tu lui réponds comme tu peux. Il ne comprendrait pas que ces fausses excuses ne sont rien, en comparaison avec tout ce que tu as subi.

Plus de trois ans... Trois longues années que tu n'avais plus remis les pieds en ville. Ton père et ta mère sont venu ta voir en Angleterre, mais ton père refusait que tu reviennes. Il a fallu du temps pour remettre les choses en place, apaiser les tensions... Mais cette fois il n'a pas le choix, tu vas avoir 21 ans, il doit te transmettre le flambeau...  

Tu t'es assagi, mais aussi beaucoup renfermé sur toi-même à force de vivre avec un vieux loup solitaire bourru...

Tu es arrivé chez lui plein de fougue et de colère, il lui a fallu plusieurs mois pour réussir à te mater, mais il a fini par y arriver. Et aujourd’hui, tu n'es plus que l'ombre de ce que tu étais trois ans plus tôt.

A ton arrivée chez le vieux, comme tu l’appelles désormais affectueusement, tu étais brisé. Le vide en toi était immense. En effet, tu étais trop loin pour sentir le lien de meute et ton loup refusait toujours de se montrer. Ajouter à ça le calme de la forêt immense comparée à la ville, et tu avais l’impression d’être... mort... Tu étais fortement affaibli par la dernière pleine lune durant laquelle tu as dû lutter pour, au final, ne pas réussir à te métamorphoser. Tu ne savais même pas que c’était possible... Refouler son loup, oui, mais que ce soit lui qui se refuse à sortir...  

Tu as passé cette horrible nuit à pleurer dans la fourrure de ta mère qui n’a pas quitter ton chevet, terrassé par la fièvre. Une expérience que tu n’es pas près d’oublier... D’autant qu’il en a été de même durant plusieurs lunes, sauf que là, tu étais seul...

Il t’a fallu des mois pour te réconcilier avec ton loup, et avec toi-même... En fait, ce n’est que lorsque le vieux a réussi à percer tes défenses que les choses ont commencer à s’améliorer. Il n’avait pourtant rien demander. Ce n’est que parce qu’il devait une faveur à ton père qu’il a accepté de t’accueillir. Pour lui aussi, ça n’a pas été facile, et pourtant tu jurerais l’avoir vu versé une larme lors de ton départ...

Durant ces trois années à couper du bois loin du monde, tu as eu tout le temps de réfléchir. Tu as beaucoup repensé à ton adolescence et, par la même occasion, à Nath... A chaque fois que tu penses à lui, ton loup gronde : de colère, de honte et... D'autre chose.... Que tu n'arrives toujours pas vraiment à identifier.

La colère n'est pas dirigée vers l'Oméga mais contre toi. Ton loup t'en veux pour ce qui s'est passé à l'époque. Toi aussi, désormais... Tu t'es conduit comme un crétin, et même pire... Tu ne chercheras pourtant pas son pardon, car il te reste encore une fierté mal placée qui t'empêche de penser à cette possibilité (même si as fini par comprendre et accepter que tu es l’unique fautif dans ta situation, il reste une rancœur envers lui par rapport à votre dernière rencontre...) et que, de toute façon, il ne te pardonnera jamais....

Ton arrogance t'empêchait d'apprécier quelqu'un de si inférieur à toi, selon ton point de vue... C'était alors plus simple de le détester à mort plutôt que de reconnaître qu'il t'intriguait...

Depuis, tu as appris à reconnaître l'importance des Omégas au sein de la meute, et tu as compris que tu leur devais du respect.

Le retour en Floride est moins chaotique que le départ. Tu as encore grandi, mûri, repris du poil de la bête (dans tous les sens du terme) ... Le travail manuel et les longues balades en forêt ont développer un peu plus ta musculature. Malgré tout, le retour à la civilisation fait mal...

En Angleterre, les rare fois où tu quittais la forêt c’était pour te rendre au village le plus proche afin de profiter du réseau pour contacter ta famille ou pour emprunter des livres à la petite bibliothèque. Il faisait calme, tranquille. Ici, tes sens sont agressés par les bruits et les odeurs que tu n’as plus l’habitude de gérer. La reconnexion avec la meute te fait également un effet bizarre. Tu t’étais fait au fait d’être seul avec toi-même, et là, ressentir tous les autres... C’est étrange...

Tu es rentré quelques jours avant la passation. Ton père est satisfait de ce que tu es devenu, ta mère as pleurée de joie en te voyant. Un peu perdu, tu décides de te rendre en ville, ressortant ta moto du garage, afin de te refamiliariser avec les lieux. Tu as un peu peur de croiser des anciens potes de classe. Tu es partit tellement vite, sans prévenir personne... Pour l’école, tu es tombé gravement malade et tu as été soigné à l’étranger. Tu n’as eu aucun contact avec personne durant l’exil. Tu n’as toujours pas osé retourner sur les réseaux sociaux de peur d’être submerger par les messages, appels et notifications...

Tu as aussi peur de le croiser lui... Nath...  

Et comme si le destin voulait te jouer un mauvais tour, alors que tu penses à lui, ton loup se redresse au fond de toi alors que tu perçois son odeur. Tu soupire en maudissant cette fichue loi de Murphy qui a dû provoquer cette situation... Tu t’apprêtes à faire demi-tour pour t’éloigner de la source mais tu figes soudain.

Quelque chose ne va pas... L'odeur est plus fort, plus entêtante... Plus envoûtante... Tu écarquille les yeux de surprise. C'est impossible... Et pourtant, le grondement appréciateur de ton loup en réaction à l'odeur qui te chatouille les narines ne trompe pas... Merde...  

Tu secoues la tête, refusant de penser à la cause de cette réaction....  

Les loups peuvent rencontrer leur âme-sœur à partir de leurs 18 ans. Tu étais en pleine forêt à ce moment-là, et ton état mental avait grandement calmé tes ardeurs... Tu ne pensais plus du tout à ça... et tu ne veux toujours pas y penser !

Tu paniques. Tu tournes les talons, bouscule quelqu’un sans faire exprès, t’excuses maladroitement, relève les yeux et... Tu le vois. Il se tiens un peu plus loin, immobile lui aussi. Tu détournes aussitôt les yeux, ton cœur battant la chamade.

Non non non... Tu te fais des idées... Le retour à la vie active te perturbe, voilà tout. Tu as voulu aller trop vite, tu n’aurais pas dû venir seul... Trois ans, s’est long, après tout...