Son murmure te cloue sur place parce que tu ne comprends toujours pas. Cette situation n'a aucun sens et sa façon de réagir non plus. T'as envie de le secouer, c'était plus facile de le détester quand il n'agissait pas comme s'il avait effectivement mûri. Tu n'avais pas envie de retrouver le Theo que tu avais quitté, mais tu n'es pas satisfait de son revirement total de situation parce que tu as peur de finir par lui pardonner.

Et c'est à ses mots que tu comprends. Il n'a pas créé un lien aussi fort avec son loup, ils sont en constante compétition. Et là, tes yeux s'écarquillent. Et pire encore, t'as de la peine pour lui. Ton loup et toi êtes liés si étroitement, tu as lancé cette phrase sur un ton un peu blagueur, mais en réalité, tu aimes la personne que te fais devenir ton loup. Alors que lui, Theo, semble constamment se battre ... ça te rend triste. Il n'a pas totalement accepté cette communion avec lui.

Tu ricanes, mais c'est pas méchant, c'est juste que c'est plus fort que toi.

- T'sais j'y croyais déjà pas la première fois.

Lentement, tu te passes une main derrière la tête, caressant les petits cheveux qui repoussent drus. Tu le regardes, mal à l'aise sur tes deux longues jambes qui ont envie de se mettre à courir.

- C'est impossible qu'on ne se revoit jamais, j'suis l'Oméga et tu sais bien que c'est lui qui est envoyé comme un drapeau blanc, quand l'Alpha ne se rend pas en personne. Or c'est toi le futur Alpha, bien sûr qu'on va devoir apprendre à ... faire coexister nos meutes.

Tes mots sont pleins de sens, et ils pèsent leur poids. Tu as déjà réfléchis à tout ça pendant des heures, tu es étonné que lui n'y ait pas pensé encore. Peut-être est-il dans le déni ou bien qu'il va refuser le rôle, son intronisation a déjà été décalée.

Sauf que tu sais pas trop quoi dire de plus, t'as pas envie de faire un pas vers lui, mais lui des pas, il en a déjà fait.

- Je ne pense toujours rien de bon de toi, mais je dois avouer que cet exil t'a fait du bien, t'es moins...  con qu'avant on va dire. Et ça m'arrache la gorge de le dire, parce que ça serait plus simple de continuer à te haïr en paix, mais cette paix ne m'est pas permise.

Alors que tu pensais être rageur, ta voix s'est légèrement brisée, t'as appris à te mettre de côté pour le bien de la meute, tu t'écrases, ce ne sont jamais tes émotions et sentiments qui sont mis en avant et tu l'acceptes.

- Alors je ferai ce qu'il faudra, mais j'ai pas besoin de ta main tendue, je la veux pas, cesse de te comporter en victime quand tu n'en es pas une et peut être qu'on pourra continuer nos chemins comme si de rien n'était.

T'es dur, mais ta relation avec lui peut être uniquement professionnelle pour la meute et c'est tout ce qui t'importe, c'est le seul endroit où tu fais passer ton propre bonheur et ta propre santé mentale en premier.

Le ricanement et les paroles de Nath te font blêmir. Si tant est que tu pouvais encore pâlir un peu plus...  Si de la sueur ne perlait pas le long de ton dos, tu aurais pu passer pour mort...

L’Omega semble embêté. Il reprend la parole, parle logistique... Tu écarquilles les yeux, presqu’effrayé. Il a raison... Vous allez devoir vous fréquenter dans le cadre de vos rôles respectifs... Mais tu ne peux pas... tu ne pourras pas... Tu ne pourras pas résister éternellement si tu dois continuer à le voir...  

"Merde...”

Tu lâche ce mot tout bas, presque dans un gémissement. Tu veux retourner en Angleterre...

Nath continue, enfonçant un peu plus le couteau dans la plaie. Ton loup... pleure...  alors que tu lui refuses ce qu’il veut. Tu reprends quelques profondes inspirations tremblantes en espérant pouvoir lui répondre sans que ta voix ne se brise...

"Je... n’ai pas changé... T’as jamais eu besoin de moi... et y a pas de raison que ça change non plus... Je... Je mérite ta haine...”

Ton loup gratte, il veut sortir, il veut montrer à Nath, lui faire comprendre... Il ne veut pas que tu gâche tout, que tu le retiennes...

"Chacun son chemin...”

Tes yeux virent au rouge, brièvement. Tu dois t’enfoncer tes griffes dans la paume de te main pour garder le contrôle.

"Faut que tu partes maintenant... S’il-t-plait...”

Parce que toi tu n’y arriveras pas... Plus tu restes en sa présence et plus c’est compliqué... Jamais tu n’y arriveras si tu dois rester ici... et pourtant tu ne peux pas partir... Tu ne peux pas fuir tes responsabilités et tes devoirs... tu ne peux pas abandonner ta meute...

Mais si tu restes, tu vas à nouveau le blesser, tu le sais...  Parce que ce que ton loup veut, jamais lui ne le voudra, et à raison...

Mais là tout de suite, c’est lui qui doit partir, et vite...

Il a l'air de... souffrir ? Ça te perturbe.

Pourquoi est-ce qu'entre chaque mot il reprend son souffle. Soudain, tu te demandes si ce n'est pas l'inverse, si en réalité, son loup n'est pas la partie qui veut te tuer et que Theo le retient.

Tu recules d'un pas. Tu ne comprends plus. Pourquoi te supplie-t-il ? Tu fronces les sourcils, mais tu restes sur place.

- Non, je vois bien qu'il y a un problème, on peut pas faire semblant de rire, crevons l'abcès tout de suite.

A cet instant, t'es certain de voir les yeux rouge de Theo luire de colère, tu es sûr qu'il cachait juste bien son jeu et qu'il n'attendait que le bon moment pour t'en mettre plein la gueule. Tu as toujours su qu'il n'était qu'un petit con et, s'il arrive à mieux le cacher maintenant, il ne peut pas totalement renier ce qu'il est au fond.

Tu lui fais face, debout sur tes deux jambes, mais tu sais qu'au moindre risque, tu te transformeras. Pour te défendre, bien sûr, mais ton loup est plus apte à recevoir des coups qu'en donner de toute manière. Tu es capable de tout supporter, tu vas essuyer sa haine, une dernière fois, faire tomber le masque, qu'il arrête ce putain de jeu qui te rend fou.

Dire que tu y as cru, dire qu'au début tu étais certain qu'il avait changé et que ça te brûlait de l'intérieur de savoir qu'il n'était pas si con, qu'il avait évolué. Merde, tu l'as même complimenté. Tu le détestes d'arriver à te retourner le cerveau à chaque fois.

Aujourd'hui, maintenant, c'est la dernière fois. Après ça, après cette confirmation qu'il n'est toujours qu'un énorme imbécile, tu ne tomberas plus jamais dans le panneau. Si trois ans d'exil n'ont rien pu pour lui, personne ne pourra rien y faire. Aussi dur que soit son père, il n'est pas infaillible.

Debout, tu ne fais qu'attendre qu'il agisse, tu ne parles plus, la balle est dans son camp.

L'Oméga ne bouge pas, pour ton plus grand malheur. Il veut crever l'abcès, selon ses dires. Des gouttes de sang perles de tes poings serrés alors que tes griffes s'enfoncent un peu plus profondément dans ta chair. Bordel, ce n'est pas me moment de jouer les dures...
Il se tiens pourtant droit, te faisant face, attendant tu ne sais pas trop quoi. Ce que tu aimerais être dans sa tête en ce moment... et pourtant tu n'es pas sur d'apprécier ce que tu pourrais y lire...

La haine qu'il dégage soudain ne laisse pas place au doute... il te déteste, et malgré ça ton loup continue de vouloir s'approcher, de vouloir lui faire comprendre... 

"Merde Nath... tu ne comprends pas...”

Mais comment le pourrait-il ? Ce que tu ressent est tout bonnement inconcevable pour lui... Déjà toi tu ne veux pas l'admettre.... alors comment lui pourrait l'accepter ?

Il reste là, debout, alors que tu es en train de perdre face à ton loup. Et la confiance qu'il montre fait tomber les dernières barrières. Malgré la haine que tu ressent envers toi, ton esprit vascille et ton loup en profite. T'es yeux virent à nouveau au rouge, mais aucune colère se dégage de toi. Tu sembles soudain plus calme. Vous êtes à découvert, n'importe qui pourrait vous surprendre... mais tu t'en fiche. Le seul contrôle que tu gardes t'évite de bondir sur l'oméga. A la place, tu t'approches lentement, les poings déserrés, laissant le sang s'égouter. C'est ton loup qui te guide, et il s'approche avec prudence mais assurance. Nath ne bouge toujours pas. Lorsque tu arrives à son niveau, tu poses doucement une main ansanglantée sur son torse et l'oblige à reculer contre un mur. Tu ne le lâche pas des yeux, tu ne fais aucun gestes brusque malgré ton regard qui rougeois. Ton loup est apaisé de cette proximité.

"Je t'avais dis de partir...”

Tu laisse tomber ta main et détourne le regard. Et maintenant quoi? Tu ne peux définitivement pas aller plus loin... mais ce n'est pas toi qui dirige en ce moment... quoi que... est ce que vraiment seul ton loup en a envie? De ce contacte... de cette proximité...
Ta respiration s'accélère alors que tu plonge le regard dans le sien.

"Je t'ai dis que je ne contrôle pas...”

Sans lui laisser le temps de réagir, tu l'embrasses alors, prenant appui sur le mur, lui bloquant ainsi toute possibilité de fuir.
Et merde...

Quand le corps de Theo se détend, qu'il avance vers toi, que ses yeux ont pris cette lueur rouge, mais qu'il n'y a plus aucune colère palpable dans l'air, tu comprends qu'une zone sombre est sur le point de se découvrir.

Seulement, tu ne comprends pas son ton, tu ne vois que les gouttes de sang qui coulent de ses doigts, qu'a-t-il retenu si fort ? Tu es prêt à te transformer en loup, t'as toujours peur de jouer ta vie, tu crois toujours que son calme apparent n'est qu'un leurre, pourtant, sa voix est rendue rauque par autre chose. Tu n'avais jamais entendu ce timbre-là.

Un frisson te parcourt l'échine, c'est un signe que ton loup t'envoie, mais tu n'arrives pas à le déchiffrer, tu ne comprends pas de quel urgence il parle. Et pire encore, tu n'arrives pas à bouger. Quand il pose sa main sur toi, tu suffoques. Elle est si chaude, si brûlante, ton corps s'embrase tout entier. Ton souffle s'accélère. Ton corps réagit, mais tu ne sais pas à quoi.

Et là il se passe la dernière chose à laquelle tu t'attendais.

Tu pensais mourir, tu pensais qu'il allait t'attaquer par surprise, tu imaginais toute sa meute cachée derrière, même tu le voyais sortir un flingue dont ne sait où.
Mais qu'il t'embrasse ?

C'est le choc qui survient en premier. Le choc qui t'immobilise. En plus de son corps qui t'empêche toute retraite. Le mur contre ton dos te paraît si froid en comparaison à la température de Theo qui te brûle le ventre.
La colère vient ensuite. Il se fout de ta gueule, c'est la seule compréhension possible. Il ne peut y avoir rien d'autre.

Tu poses tes mains sur ses épaules et tu le pousses, de toute tes forces, tu le jettes au sol, tu grondes, tu appelles ton loup et tes yeux brillent de cette couleur orangée si caractéristique. Tes crocs se dessinent et tu sens que tu vas te transformer. Le souffle toujours court, l'esprit courant à mille kilomètre heures dans tes pensées, tu le regardes.

- NON.

Ton cri résonne contre les murs.

- Dégage, je t'interdis de jouer avec moi de la sorte.

Tu n'as jamais officiellement dit que tu es gay, mais tu es sûr que c'est l'une de rumeurs qui circulent sur ton compte, t'es sûr qu'il sait, qu'il l'utilise. T'es sûr que c'est un putain de plan machiavélique qu'il vient d'organiser et qu'il ne veut qu'une chose, te briser un peu plus.

Alors, tu n'attends pas de voir ce qu'il va dire pour se justifier, pour t'amadouer, pour te faire encore plus mal.

Et, avec beaucoup trop de retard, tu tournes les talons et pars en courant. Tes joues sont trempées de larmes.

La réaction prend étonnement du temps à se faire... Mais elle ne te surprend pas. En un quart de seconde, tu te retrouves projeté au sol avec force. Nath n’est plus que colère, son loup prêt à mordre. Il hurle, te rejette de tout son cœur. Tu ne cherches même pas à te défendre, tu ne réagis pas... Surpris et peiné, ton loup est aller se réfugier au fond de toi, gémissant à en fendre l’âme. Tu l’avais prévenu...

Les larmes sur les joues de Nath n’aident pas... Toujours à terre, le regard redevenu sombre, tu fixes le ciel, le souffle court, n'osant pas le regarder. Et l’Omega s’enfuit, te laissant là comme le con que tu es... Des gens sortent du bar à ce moment-là et, te voyant à terre, viennent te demander si ça. Les plaies sur tes mains ont déjà guéri, mais elles sont toujours pleines de sang, ce qui inquiètes les gars. Tu essuis tes joues mouillées de larmes également d’un revers de la main et te relève en repoussant la main tendue pour t’aider.

"Ca va... J’ai juste trébuché comme une grosse merde...”

Et c’est bien ainsi que tu te sens...

N’écoutant pas ce que les gars te disent, tu t’éloignes d’un pas incertain. Tu as mal... et ton loup encore plus...

"Je te l’avais putain... T’avais qu’à m’écouter...”

Tu lui parle à voix basse, une main serrée sur ton cœur. Ta voix tremble. Mais qu’est-ce que t’as fait bordel... Pourquoi il n’est pas parti plus tôt ? Tu le savais pourtant... Tu savais qu’il te repousserait. Que pourrait-il faire d’autre après tout ce que tu lui as fait subir ?  

Tu rejoins ta moto sans trop savoir comment. Tu n’es pas en état de conduire, mais t’en a plus rien à faire. Tu l’enfourches et met les gaz, fonçant dangereusement jusqu’à chez toi. Ta mère t’y attend. Comme toute la meute, elle a senti ta détresse. Sans poser de question, elle te prend dans ses bras et, pour la deuxième fois de ta vie, tu t’y abandonnes. Tu n’arriveras jamais a vivre comme ça, ça te tuera, tu en est certain...

******

Tu t’efforces de rester concentrer sur ta tâche. Tu ne sors plus du territoire de peur de croiser Nath. Tu n’arrives pas à penser à autre chose qu’à lui. A ses lèvres, à sa colère, à son rejet...

Tu évites de te transformer si ce n’est pas nécessaire car ton loup cherche par tous les moyens à fausser compagnie à la meute qui te tiens sous surveillance. Non pas pour te punir, mais bien pour te soutenir... Ils savent... Ils sentent le conflit involontaire qui te plonge dans un profond désarroi. Ils ne comprennent pas, mais ils n’ont pas besoin de comprendre... Ils sont là pour toi, comme si tu n’avais jamais été un crétin fini, comme si tu n’étais jamais parti... Et tu ne peux t’empêcher de te dire que tu ne les mérites pas...  

Mais malgré tout, ton père est décidé à ce que tu prennes sa suite. Il est persuadé que cela t’aidera, que le lien de meute quand tu seras Alpha sera plus fort que ce contre quoi tu luttes...  

Tu as du mal à y croire... mais tu n’as pas le choix...

A quinze jours de la pleine lune, ton père décide d’organiser une rencontre avec les Grey. Pour leur prouver que tu as évolué, que tu es prêt à lui succéder et leur assurer que tu ne déclencheras pas de guerre de clan. Il a au moins raison sur ce point...

Si la meute sait ce que tu vis, ils ne savent pas qui te le fait vivre...  tu ne peux donc pas demander à ton père de ne pas y aller... Tu t’accroches au lien de meute comme jamais auparavant, faisant tout pour ressentir les autres et éviter tes propres émotions. A peine arrivez-vous sur le territoire des Grey que tu ne sens plus que son odeur, et tu manques de faire aussitôt demi-tour sans demander ton reste... Tu aurais dû faire demi-tour... Car Nath est là... évidement... L’Omega est présent pour éviter toutes tensions...

Tu gardes les yeux et la tête basse, évitant soigneusement son regard. Il parlait de rester professionnel, mais même sur ce point tu as probablement tout gâché...  

Ton loup est terré au fond de toi, les oreilles basses et le regard larmoyant. Lui qui voulait à tout prit le retrouver, le voilà à nouveau confronté à sa haine palpable... Que lui faut-il de plus pour qu’il comprenne putain ?

Ton père discute un instant avec l’Alpha des Grey sans que tu ne fasses attention à la conversation. Il finit par t’ordonner de rester dehors et rentre seul dans la maison. Surpris, tu relèves les yeux et le regarde sans comprendre. Il ne va quand même pas te laisser seul, si ? Pas ici... Pas avec Nath à proximité...

"Père !”

L’appel t’échappe, mais il n’y fait pas attention. Paniqué, tu regardes autour de toi et vois que tu es surveillé de près. Bon... c’est déjà ça... en étant en territoire ennemi, ton loup ne risque pas de faire des siennes... Il n’oserait pas... si ?

"Fait chier...”

Tournant les talons, tu vas t’asseoir contre un gros arbre, te dissimulant ainsi à la maison et, en partie, aux yeux des loups. Ils te laissent faire. Ils le sauront si tu bouges la moindre griffe de toute façon. Ils te sentent... Et toi tu ne sens que lui... et bordel ça va encore être dure...

Depuis cette soirée dans la ruelle, tu tournes et tu te retournes dans ton lit, tu essaies de comprendre, essaie de savoir si tu as fait quelque chose de mal, car oui, bien sûr, il s'amuse avec toi depuis trop longtemps pour que tu ne te penses pas coupable.

Tu sais pourtant que tu as toujours été une victime dans l'histoire, ta famille te l'a dit - quand tes frères ont été plus ou moins au courant -, ta psy aussi, mais ce sentiment est plus fort que toi. Tu es persuadé qu'il y a une part de toi qui est fautive, sinon il ne se serait pas acharné sur toi.

Pourtant, dans tes rêves, quand ton sommeil est si profond que tu oublies toute ta rancoeur et envie de vengeance, ses lèvres reviennent. Et ces fois-ci, tu ne le repousses pas et ton loup ronronne et tu ne comprends pas. Pour être honnête, tu refuses de comprendre. Putain d'esprit malade, comment t'en arrives là ?

A chaque réveil tu es en panique et tu as envie de pleurer. Alors tu prends une décision, celle du déni : rien de tout ça n'est arrivé. Tu vas agir comme tu avais prévu d'agir ; avec indifférence. Cet homme là est Theo Kesler, le futur Alpha de leur meute. Tu es Nath Grey, l'Omega de la tienne. Vos rapports ne seront même pas cordiaux, mais inexistant, tu ne mettras aucun bâton dans ses roues, mais vu ce qu'il a fait, tu ne l'aideras pas non plus. Tu agiras, bêtement, à ses demandes s'il en a, mais tu ne prendras aucune initiative pour le bien de sa meute.

Et heureusement que tu as pris à cette décision car une nouvelle réunion de meute se profile. Il n'y en a jamais eu autant depuis le retour du fils prodige. En vue de cette soirée, tu fais beaucoup de méditation pour te calmer et être prêt.

Ah, naïf petit Nath, tu ne seras jamais prêt.

Quand les deux alpha s'éloignent, tu n'es pas surpris comme Theo, tu savais toi que vous alliez devoir vous faire face. Tu ne dis pas un mot, tu ne le regardes même pas directement, juste du coin de l'oeil. Mais là, il s'éloigne et tu ne comprends pas pourquoi ton coeur s'affole. Tu as sûrement peur qu'il fasse une connerie, c'est juste ça. Alors tu te déplaces de quelques pas juste pour le voir encore, juste pour le surveiller et éviter de se faire avoir. Mais toujours, tu ne le regardes pas, c'est plutôt comme on surveille le déplacement d'une araignée.

Ton souffle se calme dans ta poitrine et tu attends, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire.

Tu sais qu’il est là, pas loin... Assis contre l’arbre, les genoux ramener contre ta poitrine et la tête entre les mains, tu ne peux même pas dire de respirer profondément pour te calmer car son odeur te retourne déjà suffisamment la tête comme ça. Vous restez ainsi quelques minutes, jusqu’à ce que tu n’y tiennes plus. Tu appuies ta tête contre l’arbre en soupirant.  

"Je n’vais pas te sauter dessus... Je t’avais dit de partir...”

Tu ne parles pas fort, tu sais qu’il t’entend... Tout comme les autres qui te surveillent et qui doivent croire que tu parles d’une énième menace de ta part envers Nath... Tu ne cherches pas à le regarder, tu restes contre ton arbre, c’est plus facile ainsi...

"J’suis désolé... Je ne veux pas... plus te blesser... Peu importe ce que tu crois... Je suis sincère...”

Ta voix tremble à nouveau. Tu t’en fiche que ls autres écoutent, si tu ne parles pas tu vas à nouveau faire une bêtise...

"Il ne m’écoute pas, tu sais... Il ne veut pas... J’fais de mon mieux pourtant, j’te le jure...”

Tu devrais préciser, mais tu ne le peux pas. Parce que mettre des mots dessus serait rendre la chose réelle. Si tu pouvais te transformer, il verrait surement... Il verrait toute la soumission de ton loup, son besoin de proximité avec le sien. Il verrait à quel point il s’offrirait à lui...

Ta gorge se serre. Tu as l’impression d’être en tension constante depuis ton retour. Et pour cause, tu passes ton temps à lutter contre ton loup. Il t’avait fallu des mois pour réussir à ton réconcilier avec lui au début de ton exile. Des mois pour qu’il te pardonne. Et là, tu es forcé de recommencer à le contenir, à étouffer ses sentiments, pour votre bien à tous les deux... Mais il refuse de coopérer...

"Je le paie, tu sais... Ce que je t’ai fait... Je le mérite, ce qui arrive... J’suis juste désolé que tu en subisses à nouveau les conséquences, parce que t’as rien demandé...”

Toi non plus d’ailleurs...

Nath ne doit rien comprendre...

Quand il se met à parler et que sa voix n'est pas plus haute qu'un murmure, tu as énormément de mal à ne pas le regarder. Tu veux voir ses expressions, même si depuis son retour, tu n'arrives toujours pas à comprendre quand il se fout de ta gueule et quand il est sérieux. Tu te passes une main sur le visage pour t'empêcher de te retourner totalement face à lui, trop dangereux.

T'es fier, t'as pas répondu à sa provocation "je t'avais dit de partir" oui c'est ça, il s'était couvert ses arrières, c'est tout.

Pourtant, t'as plus de mal à ne pas réagir à sa deuxième provocation. "Je suis sincère" bon sang, comment pense-t-il que tu vas le croire ? Mais sa voix est si brisée, sa posture - tu le vois du coin de l'oeil t'interdisant tout mouvement vers lui - est si courbée, il n'est plus le Theo que tu connaissais, se peut-il qu'il a réellement changé ? Que les machination que tu lui prêtais soient plutôt un pas de sa part ? Non, il t'a embrassé, tu ne dois penser qu'à ça.. ou plutôt au contraire tu ne dois pas y penser, mais... Arg, tout se mélange dans ta tête.

Et puis voilà qu'il parle encore de son loup, comme si ce n'était pas lui le... Tu écarquilles les yeux et tu crois comprendre ce qu'il veut dire. Et là, c'est la panique totale. Non non non non non. Non. Tu hyperventiles. Espérant te tromper, il ne peut pas te faire ça.

Sa dernière tirade te rentre par une oreille pour en ressortir par l'autre. Tu es en train de tenter d'analyser cette putain de conversation qui te noue les entrailles. Etrangement, ton loup à l'intérieur se fait le plus petit possible, comme pour le laisser le choix et le champ d'agir. Tu le détestes d'autant plus. Tout est flou.

Soudain, t'es en face de lui. Et tu le regardes droit dans les yeux, tu te baisses même à son niveau.

- Non

Ton ton n'a pas la même véhémence que tes pensées. Ton ton est suppliant, doux. Ton souffle est toujours court et tu sens l'émotion de honte, de gêne, de peur, qui te parcourt.

- C'est pas vrai, c'est pas ça, tu peux pas m'avoir fait ça en plus.

Ton corps frisonne. Ni l'un ni l'autre ne dites les mots, mais c'est la seule chose plausible qui explique son comportement. Tu refuses d'y croire, tu le regardes et sans la moindre douceur, tu relèves son menton pour que tu puisses voir son regard. Le contact ne dure qu'un bref instant, mais c'est déjà trop.

- Dis-moi que tu mens, dis-moi que tu me manipules, putain, je préfère encore ça.

Ta voix n'est pas forte, tu n'as pas hurlé, mais tu es au bord du désespoir.

Nath t’écoute. Tu en es certain. Tu ne le regardes pas, mais tu sais qu’il écoute.  

Tu es tellement concentré sur ton contrôle et tes paroles que tu sursaute lorsqu’il se retrouve face à toi, les yeux dans les tiens. Tu t’es reculé contre l’arbre, comme si tu voulais fusionner avec lui. Trop prêt... beaucoup trop prêt...

"Nath...”

Mais il ne te laisse pas le temps de parler, de lui demander de reculer. Ses émotions te submergent... Comment est-ce seulement possible que tu les ressentes aussi fortement alors que vous n’êtes pas de la même meute ? Au fond de toi, tu sais pourquoi... mais ça te brise tellement que tu préfères ne pas y penser...  

La voix de l’Omega est aussi tremblante que la tienne. Tu détournes les yeux, toujours collé à l’arbre, mais il t’oblige à le regarder. Le contact, même violent, suffit à faire passer la lueur rouge dans tes yeux. Ton loup réagit au quart de tour et tu chasses sa main tout aussi violement.

Tu as envie de rire, de lui dire que oui, tu mens, que tu te fous juste de lui comme depuis toujours... Car c'est ce qu’il veut...

Mais tu en est incapable... Le cœur battant à tout rompre dans ta poitrine, tu n’arrives pas à lui mentir pour le rassurer. Le souffle court, tu fermes les yeux pour éviter le pire.

"Recule...”

Que quelqu’un intervienne... Que quelqu’un t’empêche de céder...  

C’est une torture...