Les premières minutes sont longues, extrêmement longue. Vous ne parlez pas, tu attends qu'il fasse le premier pas parce que tu n'es pas sûr de savoir quoi dire. Tu as peur de le blesser et ça te saoule tellement cette pensée, que tu préfères te taire. T'as merdé, mais lui aussi, alors pourquoi es-tu persuadé que tout est de ta faute ?

Tu marches d'un bon pas - de toute manière il vous faut au moins ça pour ne pas perdre les deux loups devant qui sont sacrément énergiques - mais tu te rends vite compte que Theo a plus de mal. Pourtant, il est le loup le plus endurant que tu connaisses. Tu vas dire quelque chose, mais il prend la parole d'abord. Et dire que vous avez été silencieux durant tout ce temps...

- Oh non t'inquiète, c'était surprenant, je ne savais pas s'il fallait que je m'attende à ... je sais pas un message caché derrière ?

Tu ne le regardes pas, plutôt concentré sur tes pieds, mais tu espères obtenir le moindre indices sur ses pensées réelles en observer sans souffles ou la position de ses mains - que tu aperçois du coin de l'oeil.

Il s'arrête contre un arbre pour boire et tu fais de même. Enfin, toi, tu t'arrêtes juste. T'as cette capacité à ne pas avoir besoin de boire, mais au moment où ta gourde est vide, tu meurs de soif. Alors tu l'économises au maximum, juste la savoir pleine te suffit pour l'instant.

Quand il te dit de continuer, tu lèves un sourcil.

- Sérieux ? Ton ton est un peu plus sec que ce que tu voulais, mais il te saoule à t'éviter comme ça. Va falloir que tu arrêtes, tu sais. Et puis... vu ton état, tu n'es pas prêt de me rattraper Tu lui souris, t'espère lui donner un défi, lui donner envie de continuer, mais en vrai t'as peur de le vexer, alors tu laisses tomber le sourire et t'éloignes juste un peu de plus. Vous êtes toujours arrêtés, mais vous n'êtes plus si proches l'un de l'autre. Pourtant, son odeur est partout.

- Theo. Tu t'arrêtes net, te rappelant de la seule et unique fois où tu l'as appelé par son prénom. C'était ce soir-là, les yeux fixés dans les siens, le soir où tu as pris conscience de bien trop d'émotions dérangeantes. Tu inspires et évites son regard à nouveau.

- Je suis méga pas à l'aise, avec rien de ce qui se passe ici, je sais pas comment on est censé trouver une solution et je sais que j'ai merdé, mais putain, on peut pas juste faire comme s'il n'y a avait rien.

Tes mains se sont agitées pendant que tu parlais, mais maintenant elles retombent lourdement le long de ton corps et tu marmonnes.

- Il ne nous reste pas beaucoup de temps ici.

C'est sûrement la pire des choses à dire, tu aurais pu plutôt lui avouer que tu finirais par apprécier la nouvelle version de lui, que tu étais heureux de découvrir l'homme sous sa carapace, que tu ne le haïssais vraiment plus, et qu'un jour tu cesserais de le blâmer pour tous les maux de la terre, mais non, il a fallut que tu le presses, une fois de plus.

A ta remarque sur le livre, la réponse de Nath te fige. Il veut quoi exactement ? Qu’est-ce que tu es sensé répondre à ça ? Que tu avais apprécié l’histoire à l’époque où tu l’as lue justement parce qu’il y avait son nom dedans ? Que tu t’es voilà la face durant toutes ces années ? Que tu as été le plus gros connard que l’univers n’ai jamais connu ?

Tu peine à respirer alors que tu te sens trembler, mais tu t’obliges à répondre, parce que tu ne veux pas qu’il s’imagine quelque chose... quoi que ce soit...

"Non... pas de message...”

Pas intentionnel du moins...

Lorsque tu enjoins à l’Omega d’avancer sans toi, il te répond sèchement. Tu tournes légèrement la tête dans sa direction, dans bouger de ta position, et tu serres les poings contre l’arbre alors qu’il te... nargue... Il recule alors, probablement un vieux réflexe... il te cherche, il en paie le prix, c’est comme ça que ça marche... que ça marchait...

Tu te redresses en soupirant, te passant une main dans les cheveux. Il t’interpelle alors par ton prénom. Tu n’avais pas fait attention la première fois, trop excité par la situation et trop occupé à tenter de te contrôler, mais il ne t’avait jamais appelé ainsi avant... Tu tournes alors les yeux vers lui, mais il fuit ton regard. Vous êtes éloignés l’un de l’autres, ce qui n’est pas plus mal...

Il reprend alors, et tu ne peux t’empêcher de rire face à ses mots. Un rire sans joie, sec... Tu laisses tomber ton sac et appuie ton dos contre l’arbre. Tu sais que les deux autres se sont arrêté aussi, un eu devant. Ils sont aux aguets.  

Ton rire s’évanoui alors que tu croise les bras sur ta poitrine. Non pas dans un geste nonchalamment, mais plutôt dans une position de défense, comme un bouclier... Et, fixant le sol à tes pieds, la gorge sèche, tu fini par parler à ton tour.

"T’as pas merdé... c’est moi... ”

Tu prends une profonde inspiration, que tu regrettes aussitôt. On n'a pas idée de sentir aussi bon putain...

"Je sais pas ce que tu veux que je te dise, Nath... Je peux pas... Quoi que je fasse, je te blesse... Quoi que je dise, je te blesse...”

Tu te mets en mouvement, t'éloignant légèrement en tournant le dos à Nath.

"Je sais pas c’que tu attends de moi exactement... On sait tous les deux que tu n’arriveras jamais à... à me pardonner... Ce que je comprends parfaitement... alors quoi ? Qu’est-ce que je suis sensé faire à part rester le plus loin possible de toi ?”  

Pour éviter de lui faire du mal...

Sa tête est étrange, il semble vexé ou en colère ? Tu ne sais pas trop, tu hausses les épaules, t'as pas fini de comprendre ses états d'âme et t'es pas certain de commencer à vraiment essayer, c'était toujours un casse-tête, même si aujourd'hui, c'est moins dangereux pour toi.

- J'sais pas, j'ai eu peur qu'il y ait un Theo dans l'histoire qui arrive de nul part et butte le Nath ... On sait jamais avec toi.

T'as voulu faire de l'humour et c'est sûrement raté. Tu ne veux pas le mettre mal à l'aise, autant que tu l'es déjà, mais c'est tout ce que vous connaissez tous les deux, de l'humour morbide, une bonne remise à sa place - lui qui te tabasse quoi - et un abandon. Sauf que tout a changé quand les dés ont été pipé.

Lentement, tu essaies de comprendre ses mots. Les bras croisés devant lui, tu essaies de comprendre. En réalité, tu lui reproches beaucoup de chose, mais toi-même, tu ne sais pas ce que tu veux. Tu ne sais pas si tu as envie d'avancer, si tu acceptes de faire un pas vers lui, t'en a pas envie, mais vivre avec lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre te tape sur les nerfs parce que tu ne peux l'ignorer et même si ton loup se fait discret, tu as toujours ce besoin - celui que tu as toujours eu - d'être proche de lui.

Tu avales ta salive et relève la tête vers lui. T'es pas capable d'affronter son regard, mais tu essaies de lire sur sa posture, s'il se protège de toi ou si, comme il le dit, il te protège de lui.

- Eh bah tu sais quoi ? Là on avance.

Tu inspires profondément et tente de calmer les battements de ton coeur. Tu sais que tu vas dire une connerie, mais il te faut le dire.

- J'ai lu trop de livres pour savoir que les problèmes sont toujours les mêmes ; un manque de communication. Tu te mords la lèvre, bordel, vous êtes dans la réalité, pas dans une romance que vous n'avez choisi ni l'un ni l'autre, mais dans les livres, c'est pareil, tout le monde croit être dans la réalité, peut être n'êtes-vous d'ailleurs que l'histoire d'un autre. Nouveau soupir. On est déjà pas d'accord sur qui a fait la faute, chacun prenant la faute sur soi, on va pas avancer.

Bon certes, tu l'accuses de beaucoup de torts, mais tu sais reconnaître que tu as joué avec le feu l'autre soir.

- T'as pas merdé l'autre soir, avoues-tu le rouge aux joues, le coeur battant à toute allure. Tu m'as prévenu, tu m'as demandé de partir, tu as tenté de m'expliquer. Je.. Tes joues te brûlent maintenant J'avais qu'à partir, appeler, faire quelque chose, j'avais pas envie d'arrêter jusqu'au moment où je l'ai ressenti ce besoin et tu sais ce que tu as fait ? Tu as arrêté. Alors non, tu n'as pas merdé. Ton souffle se fait court, tu trembles un peu, tu revis tous ces souvenirs. Theo, c'est dur pour moi aussi, tu sais, j'agis comme l'imbécile que j'ai toujours été parce que je sais pas comment faire autrement ok ?

Une fois que t'es lancé, tu ne t'arrêtes plus de parler, pourtant, tu ne devrais pas en dire autant ... et en vrai, t'as encore des kilomètres de trucs à dire. Bordel, il va falloir que tu sois plus concis. Nouveau soupir et tu tentes de le regarder, les joues toujours roses.

- Parle-moi, parce que je crois que tu me blesses encore plus en m'ignorant.

S'il n'a peur que de te blesser, s'il ne veut pas te faire du mal, alors il fera un effort, pour toi, parce que malgré tout, malgré ton pardon qui ne veut pas venir, malgré les mots que tu n'arrives pas à dire, tu as envie de connaître ce nouveau Theo.

La réplique de Nath concernant le livre te glace le sang. Tu ne réponds pas, il n’y a rien à dire si ce n’est qu’il a raison de toute façon...

Lorsqu’il te dit que la plupart des problèmes sont liés à un manque de communication, tu te figes. Il est sérieux... ? Tu te tournes de moitié vers lui alors qu’il continue. Tu entends son cœur battre... Tu sentirais presque la chaleur de ses joues rougies malgré la distance... Il rejette la faute de cette soirée sur lui seul... Il avoue agir comme un imbécile, idée que tu es loin de partager... Il te demande de lui parler...  

Mais tu gardes le silence... tu fuis son regard lorsqu’il cherche à croiser le tiens. Ton loup remue. Non, ce n’est pas le moment...

Tu soupires.

"Et pour te dire quoi ? Ce que tu sais déjà ? Que je suis un connard, que je l’ai toujours été... ? Que je t’ai...”

Tu t’arrêtes à temps et reprend aussitôt.

"Que je t’ai persécuté durant toutes ces années et que j’en suis désolé ?”

Qu’il y a une raison à ça mais que tu ne pourras jamais lui avouer ?

Tu lui tourne à nouveau le dos et serre les dents. T’as bien failli lâcher une connerie...

"Ce n’était vraiment pas mon loup... tu sais...”

Olaaa, on s’arrête là ! Qu’il interprète ça comme il veut mais tu ne vas pas commencer à tout lui déballer comme ça... Couchez le loup ! (qui n’a rien demandé...).

Tu te passes à nouveau une main dans les cheveux et laisse échapper un long soupire.

"Ce que j’ai à dire, tu le sais déjà, Nath... ”  

Mensonge... Tu te retournes, reprend ton sac et te remet en marche, lâchant en passant à côté de lui, à bonne distance.

"Je ne sais pas ce que tu veux entendre d’autre...”

Ses mots sont hachés, il hésite et ça ne vient pas de gaité de coeur, tu soupires à ton tour. Tu ne sais pas comment lui faire comprendre, tu veux qu'il se batte un peu, qu'il saisisse de lui-même, mais comme tu n'es toujours pas certain de ce que tu veux.

Tu hésites un instant et décide de commencer par le commencement.

- Alors, je prends les excuses, ça fait toujours plaisir, même si ça ne change rien.

Le pardon ne vient pas et ne viendra sûrement pas, mais c'est un autre sujet, tu ne veux pas l'aborder maintenant, pas alors que tout est encore tout frais. Même si le fait que Theo ait conscience de tout ça, ça te fait du bien.

- J'veux pas qu'on remue ce putain de passé à longueur de journée, je te parle pas de ça. Tu grimaces parce que s'il met des mots dessus, toi tu refuses d'y songer. Tu en as suffisamment parlé pendant tes séances psy, mais il ne comprend pas. Je ... Tu t'arrêtes une fois encore et décide de changer de sujet.

- Viens, on se remet en route avant qu'ils vivent voir, le but c'était de parler et de marcher.

Tu avances d'un pas, ne lui laissant pas d'autre choix que de te suivre. Tu sais qu'il est encore confus de tes mots, mais toi, tu te sens un peu plus léger, comme si tu étais prêt pour la suite alors que Theo reste engoncé dans le passé.

- J'ai une idée assez précise du connard que tu étais, mais je ne suis pas sûr que ce soit le vrai Theo, tu vois ? Si j'avais le choix, je me tiendrai le plus loin possible de toi et ne le découvrirais jamais, mais j'ai pas le choix. Tu ne veux pas lui faire du mal intentionnellement, mais tu veux qu'il comprenne bien que les efforts que tu fais c'est pour vous deux, pas juste pour ton père. Je sais pas, j'ai apprécié qu'on soit des lecteurs tous les deux, j'ai aimé ce livre. Y a peut être d'autres trucs que je peux savoir ?

Tu marches devant lui, donc tu ne le vois pas et ça te soulage, c'est plus simple de parler sans le regarder. Devant toi, tu sens le mouvement des loups qui se remettent en route, derrière toi, tu entends tout de Theo, son souffle, ses pas, son coeur qui bat. Tu essaies de l'ignorer.

- Je dis pas que je suis fasciné par toi, mais Theo, tu avais bien conscience qu'on cherchait l'un et l'autre la présence de l'autre avant, malgré nous, malgré notre haine et ta connerie ok ? Alors cherchons aujourd'hui des ... j'sais pas des trucs en commun ? Histoire de montrer à nos pères qu'on a progressé et qu'on peut discuter sans avoir envie de se taper dessus ou s'embrasser.

Immédiatement tu regrettes ton dernier mot, tu rougis. Parce que oui, même si tu te bats de tout ton coeur contre cette idée, tu as envie de poser tes lèvres sur les siennes, tu sentir ses mains te toucher les cheveux et de laisser enfler vos désirs. T'es pas net Nath, il faut t'en rendre compte.

Ouf, il n’a pas compris.

Il accepte tes excuses, prenant soin de préciser que ça ne change rien. Sans blague...

Il enchaine sur le fait qu’il ne parle pas du passer et qu’il ne veut pas en parler. Tu fronce les sourcilles sans comprendre. Alors quoi ? Qu’est-ce qu’il veut putain ?

Nath se remet finalement en marche et tu le suis, les dents et les poings serrés. Heureusement, il finit par reprendre la parole avant que tu ne lui lance un “et c’est tout ?” assez rageur. Il veut parler, mais va falloir qu’il t’aide un peu...

Et c’est ce qu’il fait, après t’avoir envoyé une nouvelle lame en plein cœur. Une petite, celle-là, mais ça commence à faire beaucoup quand même... C’est bon, tu as compris qu’il agit par obligation et non par choix, pas besoin de le répéter encore...

Ton cœur bat de façon irrégulière alors que ta gorge se serre. Tu évites de le regarder en fixant le sol devant toi. Tu ne percutes pas tout de suite qu’il t’a posé une question. Il continue à parler, et tout s’embrouille encore plus... Ses mots te parviennent difficilement alors que tes pensées bouillonnent.

”...tu avais bien conscience qu'on cherchait l'un et l'autre la présence de l'autre avant, malgré nous, malgré notre haine et ta connerie ok ?”

Ces mots te glacent et ton cœur s’emballe un peu plus. Non... il ne peut pas savoir... il ne DOIT pas savoir...

Soudain paniqué, tu secoues la tête, ne relevant même pas son dernier mot, et répond avec un temps de retard, mais de façon à détourner la conversation de sa remarque.

"J’me suis découvert des talents du bucheron, en Angleterre... C’est très... libérateur, de couper du bois...”

Tu ne voulais pas lui répondre. Tu ne veux pas qu’il s’intéresses à toi parce qu’il n’a pas le choix... mais tu ne pouvais pas laisser aller sur le sujet du “chercher l’autre” dans leur jeunesse...

Tu ne veux pas parler de toi... pas dans ces conditions... alors tu reprends, renversant la conversation dans l’autre sens.

"Et toi ? Tu aimes quoi à part lire des BD et manga ?

Il faudra que je lise Heartstopper d’ailleurs...”

Tu as retenu...

Tu vois, je m’intéresse... et pas parce que je le dois...

Ta gorge se serre un peu plus. Heureusement qu’il est devant toi et qu’il ne peut pas te voir, car tu es clairement blessé...

Même si tu as l'habitude de le voir lutter constamment, tu restes étonné de voir qu'il se retient encore aujourd'hui. Après tout ce que vous avez traversé, après les revirements de situations, voilà qu'il recommence encore et encore, qu'il se retient de dire la vérité, qu'il évite de s'approcher de toi. Tu es énervé par ça, parce que vous ne vous comporterez jamais naturellement l'un envers l'autre. Les relents de sa haine sont encore présent, ceux de ta peur aussi. Pourtant, tu aspires à faire confiance à ton loup, chose que lui ne semble pas vraiment vouloir faire.

- Bûcheron, cela explique les muscles.

Ta voix n'est ni moqueuse, ni séduites, tu énonces un fait. Il y a quelques semaines - ça te paraît des mois en arrière au vu de tout ce qui s'est passé depuis - tu lui as dit qu'il était devenu beau. Il ne l'a sûrement pas oublié. Tu ne veux plus refaire cette erreur.

- Et la quantité de bois qui est apparu l'autre jour.

En réalité, sans le coup d'oeil de Pedro tu ne l'aurais pas remarqué, pour être honnête, mais maintenant tu fais enfin le lien. Oui, un énorme tas de bois est apparu à côté de la cabane après votre arrivée sur place.

Quand il détourne la conversation vers toi, t'es déçu, parce qu'il ne comprend pas. Tu n'as pas besoin de parler de toi, même s'il se bat encore contre le sentiment, tu sais qu'il est déjà amoureux de toi, il te l'a dit, le soir où il a baissé sa barrière, le soir où il a pris le pas sur le loup, le soir où tu as pris peur et reculé au dernier moment. Et, malgré tout ce qu'il pense, le soir où il t'a suffisamment respecté pour s'arrêter. C'est là, la preuve qu'il a déjà touché le fond.

Seulement toi, tu es loin de ça. Toi tu es attiré par lui, un désir est né au creux de tes reins sans que tu ne le choisisses, par contre, tu ne l'aimes pas. Tu ne l'apprécies même pas. Si tu ne le méprises plus, tu es loin d'être séduit par cet humain bougon qui passe son temps à t'éviter. Et c'est ça que tu as besoin qu'il comprenne, c'est qu'il doit faire des efforts, il doit se livrer, il doit baisser son masque, fendiller sa carapace, tout ça, pour que tu puisses rentrer à l'intérieur.

Tu souris à ses mots.

- J'sais pas si ça va t'plaire, hein, mais ouais j'aime beaucoup Heartstopper.

Tu songes à Nick et Charlie et leur relation si adorable, si tendre, si douce. Tu aurais besoin de ça, toi aussi, mais tu ne l'auras jamais. Tout est compliqué autour de toi.

- J'aime courir, j'aime mon métier. Tu grimaces. Ancien métier, j'ai démissionné... tu ne donnes pas de dates, mais il peut comprendre pourquoi tu ne t'es plus pointé au boulot depuis qu'il est revenu. J'aime, tu réfléchis un instant, histoire de lui montrer que cette question tu la prends au sérieux, que toi, tu te livres un peu. J'aime les discussions sans fin, quand deux personnes sont d'avis opposés et qu'elles essaient de faire plier l'autre, mais uniquement parce que chacune est passionnée par son sujet. Tu songes au débat Marvel vs DC qui vous oppose vos frères et toi, tu penses aux jeux, aux films, aux resto même, ton but n'est pas d'être toujours à contre-courant, mais malgré toi, tu l'es souvent. Tu souris, ayant repris la marche avant lui, il est dans ton dos, tu ne vois pas ses réactions sur son visage, alors ça te donne la force de continuer, même s'il en a sûrement rien à foutre. J'aime le crépuscule, quand la vie des loups va enfin reprendre, qu'on peut courir sans avoir peur d'être vus, j'aime le moment où le soleil disparait, lui qui est porteur de fausses promesses comparés à la lune. Beaucoup de ce que tu aimes à un rapport avec les loups. J'aime hurler à la lune. Tu ne te sens pas idiot à dire ça, parce que tu sais que vous êtes nombreux à aimer ces moments, là où la meute est soudée, plus que jamais, là où tout le monde ne partage qu'une seule chose : l'amour.

Nath réagit à ton annonce en disant que cela explique les muscles, et le bois... Un bref sourire se dessine malgré toi sur tes lèvres pour disparaitre aussitôt. Il remarque des choses, au final...  

Tu te retiens de le taquiner en revenant sur une remarque qu’il a eu lorsque vous vous êtes revu la première fois. Il a dit qu’il te trouvait beau gosse... Il doit tellement regretter ces mots, maintenant...

Te raclant la gorge pour éloigner ce souvenir, tu reprends la parole à ton tour.

"Oui... je m’suis dit qu’on pourrait faire un grand feu... aller chasser puis griller la viande...”

En réalité, tu ne t’es rien dit du tout lorsque tu t’es défoulé sur cet arbre... mais bon, autant que le bois serve.

Lorsque tu rappel que tu dois lire le roman graphique dont il t’a parlé, il confirme qu’il l’aime beaucoup. Et puis il continue. Tu relèves les yeux sur lui alors qu’il te répond. Tu fondrais presque... Tu ne mérites tellement pas ce type... et lui ne mérite tellement pas... ça...

Ton loup se manifeste au fond de toi. Il réclame le contacte. T’as tellement envie de le serrer dans tes bras là...

Tu prends une grande inspiration pour calmer les battements de ton cœur qui tambourine à tes oreilles.  

"C’est un sentiment qu’aucun humain ne peut comprendre, de hurler à la lune...”

Toi aussi, tu aimes ça.

"Les gens vois les loups-garous comme étant maudits, et pourtant... C’est tellement agréable quand on est loup.... Courir dans les bois, chasser pour nourrir la meute... et le lien qui nous promet de n’être jamais seul...”  

Ta voix se brise un peu sur ces derniers mots et tu serres à nouveau les poings. C’est faux, vous pouvez être seuls malgré le lien... tu l’as vécu, avec la distance, et ça fait tellement mal...

Ces dernières années, ta façon de chasser à changer également. Avant, tu chassais pour le plaisir, un plaisir malsain... Aujourd’hui, tu ne chasses plus que pour manger. Mais ce qui n’a pas a changé, c’est le plaisir que tu as à courir.

"En Angleterre, je pouvais passer des heures à courir, de jour comme de nuit. La forêt est tellement immense, même en essayant je n’ai pas réussi à en faire le tour.”  

Tu souris malgré toi alors que les images te reviennent en mémoire. Ton loup soupir de nostalgie. C’était tellement plus simple là-bas... Pas de rôle à tenir, pas de prise de tête...

Si le silence dans ta tête était lourd, surtout pour ton loup, la solitude te faisait un bien fou, au final... Et le vieux te manque...

"Tu t'entendrais bien avec le vieux...”

Ils n’ont pourtant rien en commun, hormis leur patience et leur gentillesse sans borne. Parce que si le vieux loup est bourru comme pas deux, et qu’il n’est pas solitaire pour rien, il a un coeur en or, malgré tout... Comme Nath...

Aussi étrange que cela puisse paraître, t'es certain qu'il ment et... que ça te réchauffe le coeur. Parce qu'il cherche une solution, il propose une activité à faire ensemble, toi lui et les deux autres loups postés devant vous. Il cesse de se mettre à part, de s'éloigner de toi. Et même si tu n'es pas vraiment au clair avec tout ce que tu ressens et tout ce qui se passe, tu apprécies qu'il fasse enfin un effort. Même si ça passe par un mensonge aussi nul que lui. Tu souris.

- Bonne idée ! t'exclames-tu parce que c'est ton caractère d'être heureux pour les bonnes propositions, c'est ta façon de faire d'encourager les autres.

Pendant que tu parlais, tu ne le voyais pas, tu ne pouvais qu'écouter ses soupirs, les battements de son coeur et ses pas. Quand son coeur se met à battre plus vite, tu comprends que vous partagez quelque chose, que cet hurlement à la lune est vraiment un lien fédérateur de loup. Tu le savais déjà parce que tu as ce lien avec ta meute, mais chaque meute est différente, chaque loup est unique, mais que Theo vibre à l'unisson avec toi... ça te donne envie d'essayer.

Puis tu te rappelles qui il est, pourquoi tu n'as pas le choix et tu fais taire ton loup qui s'échauffe à l'intérieur de toi. Tu souris, parce que t'es incapable de faire autrement, mais tu ne dis rien.

- Le vieux ?

Tu n'es pas sûr d'avoir déjà entendu ce nom ou ce mot. Tu ne sais pas vraiment de qui il parle et si tu peux le prendre comme un compliment ou pas. Tu imagines que ça a un rapport avec l'Angleterre et son exil, mais s'il pouvait se confier à toi... tu souris, fier de ton coup. Avec un peu de chance tu en apprendras plus sur cet imbécile - et tu ne songes pas à lui avec haine, mais avec taquinerie pour une fois.

- C'est la première fois que je vais plus loin que notre ville, tu sais.

Cette balade vous permet de vous livrer un peu plus, l'un envers l'autre. Est-ce que ce sont le fait que vos muscles soient utilisés pour la marche qui permet de faire un vide total dans votre appréhension ? Ou le fait de savoir que Pedro est devant vous et ne vous permettra pas de rentrer au chalet tant que vous n'aurez pas abattu quelques barrières ?

L’Omega approuve ta proposition de feu de camp, et avec entrain en plus. Ça te fait plaisir. Il essaie, vraiment... et tu t’en veux de lui infliger ces efforts...  

Durant un instant, vos battements de cœurs s’unissent alors que la pensée de la lune accapare vos pensées. Tu souris en imaginant son regard alors qu’il marche devant toi.

Coucher le loup...

Nath te demande de façon indirecte de qui tu parles en le comparant au vieux. Tu prends une profonde inspiration avant de répondre.

"C’est le vieux loup solitaire qui m’a maté durant ces trois dernières années... Une vraie tête de mule, mais un grand cœur...”

Un grand cœur qui t’en a fait baver, mais à qui tu dois tout.  

"Je... ne serai probablement plus là sans lui...”

Tu n’aurais pas survécu aux pleines lunes... Ton conflit avec ton loup était en train de te tuer à petit feu...  

Nath t’avoue sortir de la ville pour la première fois. Cela te surprend un peu. Est-ce par envie ou parce qu’il n’en a jamais eu la possibilité ?  

Tu fixes un instant son dos avant de reprendre avec une certaine hésitation.

"Si l’occasion se présente, je t’emmènerai en Angleterre. Le climat y est beaucoup plus agréable pour nous et les espaces pour courir sont sans limite.”

C’est osé d’aborder le futur... aussi tu enchaine rapidement.

"Enfin tu pourras aussi y aller tout seul si tu préfères... Je te donnerai le contacte du vieux.”  

Sérieux... si tu veux le faire fuir, tu es bien partit...

Tu réfléchis rapidement à un changement de sujet.

"Il y a un endroit que tu aimerais découvrir ? Un pays, ou une ville... ?”

Ou comment détourner la conversation l’air de rien...