Les premières semaines, tu n'y croyais pas, pensant qu'il allait arriver à chaque détour de couloir. Au bout de trois mois, tu as commencé à avoir moins peur. Au bout d'un an, tu étais serein, exactement ce qu'il ne fallait surtout pas que tu deviennes.

La peur t'avait quitté, tu avais pris confiance en toi. Après l'obtention de ton bac, tu as rejoint l'entreprise de déménagement de l'un de tes oncles. Tu avais besoin de pouvoir consacrer un maximum de temps à ta meute, tout en rentrant de l'argent, les études ne t'avaient jamais intéressé puisque tu as été traumatisé par Theo, merci bien. Donc la voix du travail t'a toujours de suite ouvert les bras et te voilà déménageur. Tu utilises ta force de loup, tu emploies correctement ton temps, tes horaires sont variables, tu peux faire ce que tu aimes, te dépenser physiquement, rendre service aux autres et avoir du temps pour ta meute, c'est parfait.

D'ailleurs, en parlant de meute, tu as totalement accepté ton rôle d'Oméga. Tu comprends mieux l'intérêt et tu aimes la paix que tu apportes, les tensions qui se délient après ton passage et tout le monde remercie ta façon de gérer tes conflits. Tu aimes énormément qu'on te félicite et ça te fait du bien de te sentir utile et important dans cette meute.

Alors que tu viens de finir de bosser - t'es encore transpirant, tu rêves d'arriver chez toi et de prendre une douche - ton loup se fige. Tu ne comprends pas bien la source du problème, englué comme tu es dans tes pensées, mais tu as appris à faire confiance à ton loup. Tu te mets aussitôt sur tes gardes, chercher à comprendre la source du danger, et à l'intérieur de toi, ton coeur s'est mis à battre plus fort. Tu es certain d'avoir peur mais de ne pas comprendre pourquoi.

Et là, ton regard croise le sien, tu te figes sur place.

- Theo ?

Bordel de merde, qu'est-ce qu'il est devenu beau ! Déjà gamin il faisait tourner les filles, mais là, ses cheveux, sa musculature, son visage... Merde. Tu le dévisages malgré toi, dégoûté de tes yeux qui admirent ses courbes alors que bordel de merde, Theo c'est un connard de première qui t'a bousillé toute ton enfance, qui t'a mis plus bas que terre juste pour asseoir son autorité.

Il détourne le regard le premier et la pression s'envole un peu de tes épaules, mais ton estomac est noué et la peur revient en force. Cette émotion que tu connais si bien en sa présence. Tu ne lui feras pourtant pas le moindre plaisir de lui parler. Son prénom t'a échappé et c'est déjà trop. Il ne mérite pas ta patience, ton temps, ton énergie. Tu serres les poings, mais tu n'arrives pas à partir. Tu ne comprends pas vraiment pourquoi, mais tu restes là, bloqué, incapable de détourner le regard. Pourquoi n'as-tu jamais pu le fuir ?

Tu ne sais pas trop ce qui te fait douter sur tes émotions. T’as mère avait abordé le sujet avec toi en découvrant tes frasques sexuelles à l’époque, elle a tenté de te faire comprendre comment les choses pouvaient se passer, mais tu n’avais pas vraiment écouté. A ce moment-là, tu te fichais bien de la chose...

Pourtant, en cet instant, tu lutte à nouveau pour refouler ce que tu ne veux pas ressentir...

To loup est vexé et grogne d’être ainsi à nouveau ignoré, mais tu ne peux juste pas...

Il prononce ton nom, surpris. Tu reviens alors sur lui mais est incapable de le regarder. Ta respiration est courte et ton cœur tambourine à tes oreilles...  

"Nath...”

Son nom franchis tes lèvres malgré toi, d’une voix étranglée. Tu te refuses à le regarder, mais c’est plus fort que toi. Son odeur t’entête et te force à relever les yeux. Il a tellement changé... Il n’est plus le gamin frêle et fragile. Lui aussi à grandit et s’est développé, et putain...  

Tu chasses la pensée avant qu'elle ne se formule. Sexy... Tu dois être vachement en manque pour en arriver à penser ça. Nouveau grognement de ton loup. Mauvaise foi...

Tu entre-ouvre la bouche pour parler alors que l’Omega ne bouge pas, poings serrés face à toi. Tu veux faire un pas vers lui, te ravives... Tu sens sa peur...  

Tu détournes à nouveau les yeux, hésites encre, puis fini par prendre la parole.

"Est-ce qu’on peut... parler ? Je te ferai rien, juré...”

Il n’a aucune raison de te croire mis à part l’absence totale de colère ou de menace émanant de toi. Tu pensais ne jamais lui demander pardon, mais maintenant qu’il se tient là, devant toi, tu pourrais te mettre à genoux pour le supplier de te l’accorder... Tu n’as rien préparé, tu improvise, dirigé malgré toi par ton loup qui fait tout pour ne pas être à nouveau ignoré et que tu l’écoutes.

Tu attends en tremblant que Nath te rembarre. Que pourrait-il faire d’autre ? Tu ne comprends déjà pas pourquoi il n’est pas parti tout de suite, pourquoi il n’a pas... fuit... Sauf qu’il ne t’a jamais fui...  Jamais...

- Non

Le mot sort tout seul, malgré toi. Tu n'as pas eu le temps de réfléchir, tu as agis par réflexe. Theo ne demande pas à parler, Theo ordonne et on obéi. Theo n'est pas poli. Alors tu as été surpris par ses mots et tu t'es protégé comme tu l'as pu. Pourtant, tu as été mieux élevé que ça. Tu inspires et te passe une main dans les cheveux.

- J'ai ... répondu par réflexe je crois, finis-tu par avouer en voyant sa tête.

Bien sûr que tu aurais dû partir sitôt sa silhouette apparue dans ton champ de vision, mais maintenant c'est trop tard. Theo est face à toi et tu ne l'as jamais vu aussi triste de ta vie. C'est assez incroyable cette transformation et puis, il faut dire qu'il a l'air plus sage. Peut être bien que ces quelques années exilé - tu ne sais même pas où il était - lui ont fait du bien ? Voilà, c'est ça ton problème Nath, tu as toujours envie de laisser une seconde chance, même à ceux qui ne le méritent pas.

Tu croises les bras sur ta poitrine, un geste pour te protéger de lui, de mettre une distance entre vous.

- Tu peux parler si tu veux, commences-tu en le regardant fixement, sans te gêner pour l'observer sous toutes ses coutures, t'as toujours peur qu'il ait une arme dans ses mains )- une autre que ses griffes. Mais on reste ici, continues-tu pour sous-entendre que tu ne veux pas voir son loup, que tu ne veux pas qu'il se transforme ou qu'il te menace, et moi, j'ai absolument rien à te dire.

Voilà, c'est ça le plus important. Tu acceptes peut être de l'écouter, mais tu ne vas pas l'excuser, lui pardonner, le réconforter ou le comprendre. Qu'il parle s'il en a besoin, mais tu ne peux pas l'absoudre. Et s'il ouvre la bouche juste pour te remettre une fois de plus à la place qu'il pense être la tienne, tu n'hésiteras pas à partir.

Le temps où tu te laissais marcher sur les pieds est révolu, il va devoir apprendre à gérer ça. Tu baisses les bras le long de ton corps et sourit, l'air de dire vas-y, crache le morceau, je t'écoute.

Le non te claque violement aux oreilles. Même si tu t’y attendais, tu te décomposes sans le vouloir. Tu baisses les yeux sans insister. Tu peux le comprendre...

Il reprend pourtant la parole, hésitant. Tu relèves les yeux et ton cœur se serre en voyant sa posture. Mais tu t’attends à quoi, aussi ? Peu importe ce que ton loup veut, peu importe le pourquoi du comment tu sembles soudain prendre conscience et “accepter” une chose que tu t’efforçais de renier jusqu’à maintenant, tu l’as fait souffrir toute sa vie... Bien sûr qu’il se protège... Bien sûr qu’il a peur de toi... Tu as tout fait pour que les choses soient ainsi...

Nath fini par t’autoriser à parler, donnant ses conditions. S’il t’avait fait ce coup-là trois ans plus tôt... Cela te parait être une éternité... Mais ce n’est probablement pas le cas pour lui...

Tu hoche la tête en prenant une grande inspiration.  

"Ok...”

Tu te racle la gorge, cherchant tes mots. Tes yeux oscillent entre le sol et son visage. S’en est presque ridicule...

Nouvelle inspiration. Le sourire qu’il t’envoie te coupe les mots dans la gorge. Il est, en cet instant, un miroir de celui que tu étais avant... Et ça fait mal...

Tu tentes de te reprendre pour enfin réussir à parler. Si reste là comme un con, il va finir par se barrer... Mais les mots ont du mal à sortir...

"Je... Déjà... je voudrais m’excuser... vraiment, cette fois...”

Allusion à la dernière fois que vous vous êtes vu...

"Je ne te demande pas de me pardonner... Je ne le mérite clairement pas... Mais je voulais tout de même que tu le saches...”

Tu inspires de nouveau alors que tu te forces à le regarder, afin qu’il voie que tu es sincère, cette fois.

"Je n’ai aucunes excuses pour la façon dont j’ai agi envers toi... Et j’aurai du payer bien plus pour expier mes fautes... Mais cet exil m’a au moins fait réfléchir et... et donc voilà... Je suis vraiment désolé...”

Tu soutiens encore un peu son regard puis détourne à nouveau les yeux, mal à l’aise.

"Je ne vais pas te retenir plus longtemps, tu dois surement avoir des choses à faire... Prend soin de toi, surtout...”

Tout indique que tu veux partir, et pourtant tu ne bouges pas. Sérieusement, le loup !  Qui pourrait croire que cette grosse bête noire aux yeux rouge à un cœur en marshmallow qui fond à la moindre émotion ?!  

C’est aussi l’une des raisons qui a coupé ta connexion avec celui-ci durant un temps, cette façon que tu avais de l’associer à une mauviette... de l’associer à Nath... Ton loup ressemble à Nath... d’une certaine façon... et l’accepter signifiait reconnaitre que, d’une manière ou d’une autre, vous étiez semblable. Avec le temps, tu as appris à accepter cette part de toi, aussi incompréhensible soit-elle... Ton loup est un cœur tendre... croyez-le ou non...

Ce que tu lis dans son regard te détruit, tu ne comprends pas comment on peut être tombé si bas. Il n'y a plus la moindre rage de vivre, t'as soudain peur qu'il fasse une connerie. Veut-il toujours être alpha ? T'as l'impression qu'il n'est pas bien, pas entier, qu'il lui manque une partie de lui-même. Finalement, tu ressens de la pitié en le voyant. Oh bien sûr, jamais tu ne lui diras.

Pendant qu'il parle, en fuyant ton regard d'abord, tu restes immobiles, les sourcils toujours froncés. Tu ne veux pas lui accorder le bénéfice du doute, il t'a tellement de fois blessé que tu n'as pas la moindre confiance en lui, mais en même temps, ça ne lui ressemble tellement pas ! Theo n'est pas du genre à louvoyer de la sorte. Est-il devenu encore plus fourbe et méchant ? C'est une piste à explorer.

Alors quand il termine sa phrase par une politesse tu exploses de rire. Non, décidément, tu ne le crois pas. Tu ris même si ce n'est pas drôle, tu ris pour décharger l'émotions, tu ris en te forçant un peu parce que t'as presque plus peur de la réalité.

- Mais bordel, t'es qui ? T'as volé l'apparence de Theo, l'a rendu BG et ensuite tu veux me faire croire quoi ? Que t'as changé totalement ? Tu pensais vraiment que j'allais gober ça ?

Tu ris encore, mais plus faiblement, t'es blessé et bon sang, t'as encore peur.

- T'as fait de ma vie un enfer, connard, c'est pas des excuses qui vont changer ça. C'est trop tard, t'as eu mille ans pour te rattraper, mais non, il a fallu que ton père t'oblige à t'excuser pour que tu oses le faire une première fois et t'inquiète, j'ai bien compris ce jour-là que t'en aurais jamais rien à faire.

Tu craches au sol, devant ses pieds. Ton regard est noir, s'il était sincère dans ses excuses, Theo serait peut être vexé, mais tu sais que c'est un mentur.

- T'es pas encore alpha et on est toujours pas de la même meute. Ne prends pas ça comme un affront, ce n'est que... justice rendue pour ces années de merde. Tu te masses le crâne. Et tu vois, tous ça, ça n'me fait même pas plaisir, je me sens même pas supérieur à toi, j'ai jamais compris ce que tu voulais faire avant, mais j'en prends même pas plaisir.

En réalité, tu regrettes déjà ta colère, ton crachat. T'as vraiment pas mieux agit que lui.

- A jamais, j'espère.

Alors que tu lui offre une porte de sortie, n'arrivant pour ta part pas à bouger, Nath éclate de rire. Un rire qui te fait froid dans le dos... Et pourtant...

"Bg ?!”

Ce mot ressort dans ses paroles qui te transpercent le cœur. L'exclamation  t'échappe alors que tu écarquilles les yeux, mais tu le regrette aussitôt. Tu ne veux pas le couper, même s'il est en train de t'achever, en juste retour des choses... Tu ne veux pas qu'il penses que tu te moques...
Mais il continue dans sa lancée, allant jusqu'à cracher à tes pieds. Tu serres les poings alors que ton loup se décompose au fond de toi. Tu ne réponds rien, gardant les yeux bissés, tant par la honte que pour dissimuler la tristesse qui doit y être bien visible...

L'Omega tourne alors les talons, et tu t'obliges à ne pas le retenir. Tu restes un bon moment sans savoir bouger, comme si ses paroles t'avaient crucifiées sur place. Il a raison... Il ne fait que te rendre une partie de la monnaie de ta pièce...
Tu as été un vrai connard, et ça jamais il ne pourra te le pardonner, il te l'a bien fait comprendre...

Ton loup gémi te tu manque d'échapper un sanglot. Tu reviens alors à toi, une rage sourde grondant à tes oreilles. Tu te sens sale... Tu regrettes la forêt où tout était si simple et où tu pouvais être toi-même à pat entière.. Car ici, maintenant, tu à l'impression qu'il te manque quelque chose... Comme si tu avais laissé une part de toi dans le bois anglais...
Mais ton loup te souffle que ce n'est pas ça...

Tu te met soudain en mouvement, rejoignant rapidement ta moto pour foncer dangereusement vers la forêt. Tu t'y enfonce avec détermination, te métamorphose, et passe le reste de la journée à courir, chasser, hurler... Ce message que ton loup veut te faire passer, ça ne peut pas être vrai... Car si tel est le cas, tu es destiner à finir ta vie seul... car lui n'acceptera jamais cette idée...

****

Ton père à décidé de reporter la passation à la prochaine pleine lune, voyant bien qu'il te vaut un certain temps pour te réadapter à la vie citadine. Cela lui permet également de t'inculquer tout ce qu'il n'a pas pu t'apprendre durant ton exile. Tu accueilles cette annonce avec soulagement, car ton esprit est à mille lieu de penser à ton futur d'Alpha...

Cela ne fait que quelques jours que tu à revus Nath, et ni toi, ni ton loup n'arrivé à détourner vos pensées de lui. Ses mots continuent de te déchirer, u sais qu'il ne veut plus te voir, mais toi... tu en a besoin...

Désespéré, tu acceptes une sortie en ville avec des anciens potes qui, ayant apprit ton retour, veulent tout savoir du pourquoi de ton absence, les commérages et rumeurs ayant été bon train, les plus trash concernant la drogue ou la prison, voir les deux...

Tu espère que cette sortie te changeras les idées. C'est sensé être en petit comité, avec Mike et deux trois autres, dans un bar du centre ville plutôt calme. C'était tes exigence : pas d'extravagance, pas de soirée débauchées...  Tu veux te vider la tête, pas te la mettre à l'envers...

Tu as bien rodé ton histoire de maladie avec tes parents. Vous vous retrouvez donc à boire t discuter autour d'un table, tes potes n'en revenant pas da quel point tu as changé. Ils te font le topo des dernières nouvelles, de qui est partit où, des couples qui se sont fait ou défait... Ca te fait du bien, même si le dernier point te serres le cœur...

La soirée se passe, les autres boivent un peu plus que toi. Tu parts le premier, mais tu as à peine fait quelques mètres que tu sens son odeur, entêtante, impossible à ignorer...

Tu t'efforces pourtant de continuer ton chemin, sauf que des éclats de voix te parviennent, qui n'indiquent rien de bon...

Mike et les autres... ils sont bourrés, et ils sont face à Nath...

Tu ne veux pas intervenir... Tu ne veux pas... alors pourquoi est-ce que tu fais demi-tour ?!

Fichu loup...

L'exclamation de Theo te foudroie sur place. Merde, t'as vraiment dit ça ? T'essaie d'hausser les épaules, mais t'es pratiquement certain d'avoir rougi. Merde, merde, merde, t'avais pas besoin de ça. Tu le détestes Theo non ? Qu'il soit beau, ça veut rien dire et surtout pas que tu lui pardonnes quoique ce soit ou que tu l'apprécies un peu plus. Non, ça veut juste dire qu'il est putain de beau et que ça te saoule, parce que le petit prince aura toujours tout eu dans la vie.

A la fin de ton monologue - vu qu'il n'a réagi à rien d'autre - tu t'éloignes. Et t'es presque déçu qu'il ne te retiennes pas, tu sais pas vraiment ce que t'aurais aimé - d'autres excuses ? un regard de pitié ? qu'il rampe au sol ? qu'il s'énerve ? - mais t'aurais voulu qu'il fasse quelque chose. Il ressemble vraiment pas au Theo que tu connais et bon sang, ça te déchire l'estomac. T'as pas envie qu'il ait changé, t'as envie d'être tranquille, c'est sûr, mais t'as pas envie d'avoir à lui pardonner parce qu'il s'est assagi. C'est trop facile, il mérite pas ça.

Pendant que tu bouillonnes en marchant, tu rentres dans quelqu'un et tu t'excuses platement. Et ça te renvoie à la personne que tu as été face à Theo. T'as parlé froidement, tu as craché à ses pieds !!! Bon sang, t'es complètement fou ! Ça ne te ressemble en rien, t'es mesuré, toujours en train de calmer les tensions, t'es le gars qui fait le lien dans la meute, celui qui trouve les solutions. Décidément, Theo fait ressortir le pire de toi, et soudain, tu le détestes encore plus. Il t'a vraiment bousillé l'esprit.

Durant les jours qui suivent, tu enchaînes les mauvaises idées, tu broies des sombres pensées, tout le monde se doute que c'est le retour de Theo qui fait ça, ta meute te connais si bien et ils ont finit par savoir qui était Theo Kresler - même si tu n'as jamais dit toutes les humiliations et passages à tabac que tu as vécu. Ils ont essayé de deviner à tes silences. Or voilà que tu t'y mures à nouveau, fermant la bouche et évitant leur regards. Ils ne savent donc pas pourquoi tu es si en colère et seul, ni ce que tu reproches vraiment. Tu détestes Theo, c'est sûr, mais c'est la personne que tu es face à lui que tu hais aussi.

Tu sais combien ton loup n'a pas apprécié votre rencontre, parce que tu as mis de côté l'Oméga pour n'être que Nath et ton loup déteste que tu l'ignores. Alors tu essaies de faire la paix avec cette partie de toi-même, mais c'est dur.

Un soir, où tu finis plus tard que d'habitude, il fait déjà nuit quand tu prends la route pour remonter chez toi. Perdu dans tes pensées, t'es pas concentré sur la route, tu remarques donc pas à l'avance le groupe devant toi, tu ne freines que trop tard et c'est dans Mike que tu fonces têtes la première. Ce mec si large d'épaule - il a gagné plusieurs compétition de Lacrosse au lycée, c'était le Capitaine - vu que Theo n'était plus là - et sa promotion n'a dérangé personne.

Evidemment, tu n'as jamais pu mettre les pieds dans cette équipe de sport et si t'étais plus tranquille parce que Theo n'était plus là, tu n'étais pas totalement libéré d'affaire. Le groupe de Mike était toujours prêt à te faire payer le départ de Theo, les loups pensaient que c'était de ta faute son isolement, les autres étaient content d'avoir une victime à faire payer.

Le premier coup te prend par surprise, tu lèves les bras pour te défendre, mais tu sais déjà que tu n'attaqueras pas.

- Allez les gars, on est tous fatigués, j'sors du taff, voulez pas

Le second coup te coupe la parole. Le troisième te plie les genoux. Sérieux, ils t'attaquent encore à plusieurs de dos ? T'es las de cette mascarade de vieux mec bourrés incapable d'être honnête. Alors tu abandonnes. T'as pas envie de te battre, t'as pas envie de créer une histoire, tu les laisseras te taper si ça les soulage, de toute manière, tu guériras vite.

Tu attrapes le bras de Mike au moment où il s’apprête à frapper de nouveau. Surpris, il recule d’un pas. Tu lui balance alors ton poing en pleine figure.  

- Bordel mec, qu’est-ce qui te prend ?!

Mike est ton ami, tu ne veux pa l’attaquer, mais ton loup... tu dois faire appel à toute ta volonté pour garder le contrôle et l’empêcher de se révéler. Mike sait, ainsi qu’un autre gars du groupe, Dean. Les autres ne sont pas au courant.

L’un d’eux pousse Nath du pied.

”Tu te trompes de punching-ball boss.”

Avec une rapidité surprenante, tu te retrouves face au type que tu attrapes par le cou. Les autres recules alors que Mike et Dean se décomposent. Mike prend la parole avec un rire tremblant.

- Putain Theo, tu nous fais quoi là ?! Tu le veux pour toi tout seul, c’est ça ? En souvenir du bon vieux temps ?

Froidement, tu relâches le type qui s’effondre en crachant ses poumons et t’avance vers Mike qui recule contre un poteau. Tournant le dos aux autres, tes yeux rougeoies alors que ton loup veut mordre. Il n’imagine même as à quel point il a raison, mais pas du tout dans le sens qu’il entend...

L’odeur de la peur t’entour. Cette odeur qui, autrefois, te faisait te sentir puissant. Durant un instant, elle te donne envie de lâcher prise et d’abandonner tout contrôle. A la place, tu enfonces ton poing dans l’estomac de ton... désormais, ex-ami... Tu le retiens contre toi pour l’empêcher de tomber et lui grogne à l’oreille.

"Touchez le encore une fois et vous êtes morts.”

Un des gars arrive derrière toi pour frapper. Dean lui hurle d’arrêter, trop tard. Tu te décale au moment où il arrive et son coup frappe en plein visage de Mike qui, cette fois, s’effondre à son tour.

Tes yeux ont retrouvé leur couleur normale au moment où tu te tournes vers le type à qui tu attrapes le bras pour lui tordre violement jusqu’à entendre un craquement sinistre suivi d’un hurlement de douleur.

"Je vous laisse cinq secondes pour déguerpir d’ici, et le prochain que je vois ne serait-ce qu’approcher Nath aura à faire à moi, c’est bien compris ?”

Dean hoche la tête, les yeux écarquillés de frayeur. Ces gars savent de quoi tu es capable en tant qu’humain. Mike et Dean, eux, savent que tu peux bien pire en tant que loup...

Les trois blessés aidés par les autres, ils s’éloignent sans demander leur reste. Mike te lance un regard mêlant haine et incompréhension. Ils te croyaient leur ami... Et tu... l’étais... mais ton loup en décidé autrement...

”Tain, il est encore plus taré qu’avant...”

Ces mots te parviennent alors qu’ils se pensent hors de portée. Tu serres les poings et les dents, prenant de profonde inspiration pour contrôler ton loup qui serait prêt à tuer si tu en lui laissais l’occasion. Ton regard se pose alors sur Nath, et tu t’adoucis aussitôt, toute colère froide quittant tes traits pour laisser place à de l’inquiétude.

Ton premier réflexe est de t’approcher pour l’aider à se relever, mais tu te stoppe après à peine deux pas. Tu vas juste lui faire peur...

"Est-ce que... ça va ?”

Ton loup s’agite, gémi, il est inquiet.  Il veut s’approcher, que tu le relève, que tu le serre contre toi... Tu t’en empêches... Le cœur battant à tout rompre, tu sens l’odeur de son sang et cela t’enrage. Bordel... c’est le monde à l’envers... rien ne va plus... Tu ne te reconnais plus...  

Avant, tu aurais participé, jamais tu ne te serais retourné contre tes potes... pas s’ils ne l’avaient pas cherché du moins... et personne ne te cherchais...

Ce souvenir te donne un haut le cœur. Ce n’est plus toi... tu n’es plus ce gamin arrogant, prétentieux et violent... mais de là à vouloir protéger Nath...

"Je suis... désolé... pour eux... Je te promets qu’ils ne t’approcheront plus jamais...”

Tu as la gorge serrée à force de résister au besoin de ton loup de s’assurer que Nath va bien. Ta voix tremble.  

Il y au moins un côté “positif” à cette satanée situation... Nath n’imagine même pas à quel point il te fait payer ces années de tortures physique et psychologique... Et si tu le mérites, tu sens que tu es repartit pour un nouveau et long combat contre ton loup...

Putain de bordel de merde, c'est quoi ce délire ?

Tu regardes la scène et t'as presque l'impression de la voir de l'extérieur, par le haut. Tu vois les coups de poings qui pleuvent - pas sur toi - les cris, les os qui craquent et les airs hébétés des autres connards. Tu as toujours su que certains étaient des loups et d'autres non, mais tu penses à cet instant seulement combien Theo les a embobinés. Ils ne savent pas, ils ne savaient rien et là, ils ne peuvent pas comprendre que c'est le loup qui a pris possession de Theo.

Seulement, pour être totalement franc, toi non tu ne comprends pas. Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi Theo leur crache dessus ? Enfin façon de parler, c'est plutôt son poing que sa salive qui s'écrasent sur leur face. T'es là, tu regardes, t'essaies de saisir l'action, mais ça n'a aucun sens.

Et le pire, c'est qu'ils acquiescent, ils se barrent ! T'as entendu chacun des mots prononcés, chacun des souffles retenus ou expirés avec soulagement, t'as senti leur putain de peur, leur putain de colère. C'est ça la malediction d'être un loup et pire, un Oméga, c'est de comprendre comment les autres fonctionnent pour tenter de les calmer. Là, comme ce n'était pas ta meute, tu as pu réussir à ne pas t'interposer, mais bordel.

Quand Theo s'approche de toi, tu paniques, ce n'est pas de la peur - tu as bien compris qu'il n'allait pas te frapper - mais c'est incompréhensible : pourquoi vient-il ? Tu écarquilles les yeux.

Il te demande si ça va ? T'exploses de rire, c'est pas un vrai rire libérateur, l'un de ceux qui font du bien, non, c'est un rire réflexe, un rire de façade, un rire qui permet de décharger la situation parce que t'es vraiment besoin d'une explication.

- Tu m'expliques c'qui vient d'se passer ?

Une fois que t'es calmé - ça n'a pas duré longtemps - tu croises les bras et le regardes. Il hésite sur chaque putain de mot, tu ne comprends pas. Sa position aussi est étrange, comme s'il voulait s'avancer vers toi ? Tu restes droits.

- J'te rappelle que c'est mon rôle de prendre des coups, j'peux survivre à ces connards qui m'brisent même pas d'os, de quoi tu viens t'mêler ?

T'es soulagé en réalité, soulagé de ne pas avoir été frappé, de ne pas perdre de journées de boulot en faisant semblant d'être en convalescence, de ne pas avoir besoin de porter un faux plâtre. Mais de quel droit il te sauve les miches ? A l'intérieur de toi, ton loup grogne et tu lèves les yeux au ciel en soupirant.

- Mon loup réclame que je me comporte bien lâches-tu en soupirant alors merci.

T'as essayé de prendre un ton dédaigneux, mais ton merci est bien plus sincère que prévu, puis tu réponds pas à ce qu'il t'a promis - ah une promesse débile tiens - comme si t'en avais quelque chose à faire. T'espère qu'il comprend là que son harcèlement ne s'est pas terminé avec son départ, qu'il a merdé sur bien trop de points. T'espères qu'il s'en veut un peu, mais c'est pas toi qui va le lui dire. Alors tu restes là, les pieds plantés dans le sol, à attendre qu'il s'explique.

Nath rit. Il ne comprend pas ce qui vient de se passer, et tu dois dire que toi non plus...  Alors tu ne réponds pas tout de suite... parce que tu ne sais pas quoi dire.

L’Omega te fait remarquer que tu n’avais pas à t’en mêler.

"Je sais...”

Tu murmures ces mots, les poings toujours serrés. Oui, c’est son rôle de prendre des coups, tu le lui a bien assez souvent rappeler... Sauf que là... là tu ne veux plus qu’il en prenne... Tu ne veux plus qu’il encaisse pour les autres. Tu veux... prendre les coups pour lui...

Tu respires à peine, luttant contre loup. Bordel, il est bien plus fort qu’avant... ou est-ce toi qui est affaibli ? Ou les deux...

Nath te fait revenir à lui en te remerciant. Ou plutôt, son loup te remercie. Tu le fixe un instant, essayant de comprendre. Est-ce que lui aussi est en désaccord avec son loup ? Sauf que dans ton cas, ce n’est pas vraiment un désaccord... c’est juste que ton loup ne veut pas comprendre que ce qu’il désire est impossible... et putain tu lui foutrais bien un coup de poing à lui aussi pour le calmer...

Ni l’un ni l’autre ne bouge durant un instant. Voyant que Nath semble attendre quelque chose, tu fini par expirer lentement et tente de stabiliser ta voix avant de parler.

"Ecoute... J’suis désolé... Je ne sais pas pourquoi je suis intervenu... Je sais que tu ne veux plus jamais avoir à faire à moi...”

Tu fais une pause alors que ta gorge se serre à ces paroles, étouffant un peu ta voix. Ton loup devient de plus en plus insupportable et tu ne sais pas comment le calmer, comment l’empêcher de te pousser vers Nath, comme si son besoin de le toucher lui était vital. Tu te détourne alors de l’Omega en espérant que le fait de ne plus l’avoir dans ton champ de vision aide un peu... mais tu ne peux pas te détourner de son odeur malheureusement...

Tu commences à faire les cents pas, la tête entre les mains.

"J’le contrôle pas... J’le comprend pas...”

Mensonge... Tu l’as très bien compris...

Tu laisse échapper un grognement de frustration avant de t’arrêter.

"Je sais que j’ai foiré... Je n’mérite pas ton pardon et je n’te l’demanderai pas... Je veux pas t’emmerder... mais il...”

Non, tu ne peux pas terminer cette phrase... Tu ne peux pas lui dire que ton loup refuse que tu restes loin de lui. Tu ne peux pas lui avouer que c’est lui qui, déjà à l’époque, t’empêchait de commettre l’irréparable... ça a toujours été ton loup... Jamais tu n’admettras qu’il s’agit aussi de toi...

"J’me mêlerais plus de ta vie...”  

Mais ce n’est pas une promesse, car tu sais que c’est encore un mensonge...