Il ne dément pas, il ne confirme pas. Il te supplie de reculer. Et là, tu te prends tout dans la gueule, tu sais qu'il dit la vérité, qu'il le croit du moins, qu'il est sûr et certain d'avoir raison et ça te brise, parce que tu le refuses avec tellement de force.

Au fond de toi, ton loup est encore plus silencieux, il te laisse le temps de comprendre, comme s'il savait lui, comme s'il comprenait la peine que cela te ferait. Alors tu pousses un hurlement, un cri vers le ciel, mais un cri humain. Le souffle court, tu n'arrives pas à reculer, tu n'arrives pas à avancer, tu ne peux pas bouger.

A la périphérie de ta vision, tu entends les pas qui avancent, les autres loups qui se posent des questions, qui viennent voir ce que tu fais, ce qu'il se passe. Ta meute ressent ta douleur, mais ils ne la comprennent pas, elle n'a rien à voir avec la douleur physique que tu peux ressentir habituellement, celle que tu connais si bien.

- Reculez ordonnes-tu d'une voix grave, d'une voix terrible. Toi-même tu ne la reconnais pas.

Puis tu regardes Theo. Lui, il fuit ton regard, il a repoussé ta main avec force, il se bat contre ce qu'il ressent, c'est sûr, il est peut être encore plus dégoûté que toi, parce qu'il te méprise si fort, son loup a pris le contrôle, contrairement à toi. Peut être que le tien est résigné. Tu refuses de penser qu'il attend juste que tu ouvres les yeux.

- Je. te. déteste.

Ta phrase est hachée, tu as prononcé chaque mot avec rage, avec colère, avec violence, tu sens la haine envahir ton corps, tu reposes toute la faute sur lui parce que tu refuses de croire qu'une puissance supérieur, divine, puisse agir de la sorte. C'est forcément son putain d'esprit criminel et malsain qui a créé cette envie, ce désir ou tu ne sais quelle connerie.

Et soudain, tu ressens quelque chose de violent en toi, tu vas le tuer. T'en es certain.

Tu lèves la main et tu lui frappes droit dans le nez. Tu le frappes avant que ton loup n'intervienne, tu le frappes sans y penser, sans y réfléchir pour agir au plus vite.

Tu n'as le temps de ne le frapper qu'une fois. La seconde d'après, tu es transformé en loup. La seconde d'après, tu cours à en perdre haleine dans la forêt, ta part humaine n'a plus voix au chapitre. Ton loup a pris le dessus, t'empêchant de faire une connerie.

L’Omega ne bouge pas. Et tu as soudain peur... Peur de ce que tu pourrais lui faire... Peur de céder à tes pulsions et de le blesser à nouveau...  

Tu sursaute à nouveau lorsqu’il hurle. Un hurlement de rage... Les autres ne tardent pas à réagir. Tu trembles, de te contenir, de peur, de tristesse...  Ton loup ne comprend pas, il t’en veut car il est certain qu’il suffirait de lui montrer... Ce loup est aussi con que toi en fait...

Nath les fait reculer. Sa voix te fait froid dans le dos. Jamais tu ne l’as vu ainsi... Tu n’oses pas le regarder car tu sais que ce que tu verras dans ses yeux t’achèvera... tout comme les mots qu’il prononce. Tu le sais... qu’il te déteste... Il ne pourrait pas en être autrement... Tu l’as trop fait souffrir... tu l’as trop souvent humilié... tu as même essayé de le tuer...

Le coup projette ta tête contre l’arbre. Le double choc t’assomme à moitié. Tu t’attendais à plus, mais rien ne suit. Tu te retrouves soudain seul, le nez et l’arrière de la tête en sang. La meute Grey s’agite. Nath s’est métamorphosé à une vitesse hallucinante...

- Théo !

La voix de ton père gronde. Il n’était pas intervenu jusqu’à maintenant car il ne ressentait pas de danger... S’il savait à quel point il se trompe...

Il te rejoint rapidement alors que tu peine à reprendre tes esprits. Il n’y a pas été de main morte Nath...

- Qu'est-ce qu’il s’est passé ?

Il te fait te relever. Tu vacilles une seconde avant de répondre que c’est ta faute, que tu l’as encore cherché... La pression punitive ne se fait pas attendre et tu te retrouves cette fois à genoux, grognant de douleur, la tête entre les mains. Merde, comme si tu n’étais pas déjà assez humilié...

L’Alpha Grey vous mets dehors avec moins de violence qu’il ne le devrait. Il a senti que quelque chose ne va pas avec son Omega, il veut mettre les choses aux claires au plus vite. Tu es comme un zombie sur le chemin du retour et, à peine rentré, tu vas te terrer dans ta chambre. Tes blessures sont déjà guéries, et tu laves le sang et détend tes muscles sous une longue douche brûlante. Ton père a essayé de te parler, de comprendre ce qu’il s’est passé, mais tu as gardé obstinément le silence.

- Il faudra que tu t’expliques à un moment où à un autre, Théo...

Le fait qu’il cherche à comprendre est une première... Mais ton esprit est tellement en vrac que ça en devient douloureux pour les autres également, l’Alpha se doit donc de mettre les choses aux claires, et ce rapidement...

Mais là, tout de suite, tu ne peux pas parler. Tu essaie de consoler ton loup blessé mais il refuse de te croire. Plus borné que ça tu meurs...

Surtout que lui sait... Il sait ce que tu refuses d’admettre... Et il t’en veut encore plus pour ça...

Et en même temps, il a bien vu... toute la haine, la colère, la rage, le dégout... C’était du rejet pur et simple...  

Ton poing s’écrase contre le miroir embué de ta salle de bain. Tu n’as que ce que tu mérites...

Tu cours à en perdre haleine, tu cours jusqu'aux limites de la forêt, tu cours et ta seule pensée c'est : éviter les arbres. Tu t'épuises, physiquement pour éviter que tes pensées tournent en boucle, pour éviter de te poser les bonnes questions, pour éviter de comprendre totalement.

Parce que cette vérité là, tu la refuses.

Sauf que tes pensées traînent trop loin, sauf que tu es trop connecté à la meute pour qu'ils ne comprennent pas et soudain, tu es épuisé, tu ralentis, et d'autres te rattrapent. Ton frère. Le futur Alpha. Lui a refusé de prendre la place de votre père, normalement ça se fait à 21 ans, mais il voulait en apprendre plus, être prêt. Contrairement à Theo qui n'attendait que ça depuis sa naissance. Tu souris en le voyant, il sera un bon alpha. C'est tout. Tu ne compares pas, tu ne penses plus à l'autre qui te bousille de l'intérieur.

Un souffle chaud contre ton poil te fait t'arrêter et tu laisses tout couler, ta douleur est si profonde, si puissante, que le loup ne peut la supporter, alors tu redeviens humain. Ton loup gère les blessures physiques, il te protège, te soutient, mais ce que tu ressens actuellement, est beaucoup trop humain pour qu'il puisse le contenir. Alors tu laisses la transformation te parcourir.

- Viens là...

Ton frère aussi s'est retransformé, le seconde est là aussi, mais toujours sous sa forme de loup. Il reste au cas où, pour agir, surveiller, endiguer la menace, comme s'il y en avait une autre que toi-même.

Tu n'as pas écouté ce que ton frère t'a demandé, tu n'es pas venu, tu es juste resté sur place, nu au milieu des fougères, tu pleures, et tu pleures à n'en plus finir.

- C'est trop dur, gémis-tu, la voix rauque, abîmé par ton cri.

Et ton frère ne sait pas tout, il ne comprend pas, toi-même tu n'as pas compris avant cette confrontation, tu ne pouvais pas savoir et puis tu n'as jamais tout dit, mais là, tout de suite...

- Je veux mourir, murmures-tu.

Et ton loup se rebelle, tes yeux deviennent jaune, ton souffle est plus puissant et un grand loup gris vient se coller contre toi. Le deuxième frère, celui qui est toujours loup, celui qui veut, pour une fois, prendre ta place et voler tes émotions pour qu'elles soient moins violentes pour toi. Ah, c'est ton rôle.

- Je ne peux pas continuer comme ça.

Personne ne dit rien, personne ne te force à parler. Personne ne comprend non plus, mais ils s'en fichent, ils sont là, ils ont toujours été là. Tu as beaucoup de chance d'avoir grandi dans cette famille.

Tu te réveilles quelques heures plus tard, dans ton lit. Ta mère est à ton chevet, elle te caresse les cheveux dès qu'elle te voit ouvrir les yeux. Son regard te scrute, attend que tu parles, mais tu secoues la tête et referme les yeux. Si seulement tu pouvais dormir encore, sans rêve, sans cauchemar. Mais tu ne peux pas, il faut que tu te lèves.

- Ton frère a failli aller sonner chez les Kesler, tu te redresses en sursaut, les yeux paniqués rassures-toi, je l'ai empêché, tu te recouches, blessé, tu ne sais pas ce que tu veux mais il va falloir que tu nous parles, mon Nath. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Peut être qu'à ta mère, tu peux le dire, mais le mot est trop fort, trop puissant, et le prononcer à voix haute serait le rendre réel et tu refuses que ça soit réel.

- Il tu n'as pas pu aller plus loin, tu fermes les yeux il pense c'est douloureux, c'est dur, tu butes sur chaque mots il croit... Tu t'arrêtes, tu rouvres les yeux, tu la regardes droit dans les yeux il m'a embrassé finis-tu par murmurer.

A elle de tirer les conclusions, tu ne peux rien faire de plus.

On te laisse tranquille une nuit. Le lendemain par contre, ton père te convoque. Votre Omega est là également, sous sa forme lupine. A peine t’assieds-tu en face de ton père qu’il vient s’asseoir à côté de toi et pose sa tête sur ton genou. Tu lui es reconnaissant d’être là, aussi tu passes machinalement ta main sur sa tête.

Ton père te regarde un instant en silence puis fini enfin par initier la discussion.

- Tu nous explique ?

Tu trembles. Pedro, l’Omga, le sent, et tu sens son fil s’enrouler autour du tiens pour te rassurer. Bordel tu ne les mérite pas... lui encore moins que les autres...

Tu prends une profonde inspiration, réfléchissant à comment présenter la chose. Parce que tu ne peux pas le dire clairement... Tu ne peux pas nommer ce qui se passe, c’est impossible...

Pedro te donne un petit coup de museau pour t’encourager. Ils veulent tous comprendre...

"J’ai...”

Ton propre loup se redresse, lui aussi te pousse. Il veut que tu avoues, que tu le reconnaisses, que tu assume... Si seulement il voulait bien comprendre pourquoi tu ne peux pas... Et pourtant, sous l’impulsion de la meute dans ton esprit et sous la pression de ton loup, tu ressers tes doigts dans les poils de l’Omega et reprend.

"J’ai... trouvé... Mon loup à trouvé...”

Il grogne au fond de toi, mais tu ne peux pas assumer jusqu’au bout...

"Il a trouvé son âme sœur...”

Pedro se redresse et te regarde, t’encourageant à continuer. Ton père, lui, garde le silence. Ils savaient déjà... Difficile de cacher ce genre de sentiments... le lien d’âme sœur est trop puissant, bien plus encore que celui de meute. Certains ne le trouve jamais, et ceux qui le trouve ne vivent pas toujours les plus heureux du monde pour autant...  

Lutter contre ce lien, c’est comme lutter face à une tornade... Ca peut être mortel...

Voilà pourquoi la meute veut savoir pourquoi tu te bats contre. Pour pouvoir t’aider à ne pas sombrer, ils doivent avoir tous les détails, pas juste le ressentit...

Nouvelle inspiration, saccadée.

"Il s’agit de... D’une personne qui n’acceptera jamais ce lien... Parce que je l’ai beaucoup trop fait souffrir...”

Tu ne peux pas prononcer son nom. Ton père comprendra surement en faisant le lien avec les évènements de la veille. Tu as les larmes aux yeux. Le silence pèse un moment avant qu’il ne soupire. Il se passe les mains dans les cheveux, les coudes appuyés sur son bureau.

- Bordel Théo...

Tu sais... Mais tu ne l’as pas fait exprès... tu ne l’as pas voulu... Ces choses-là ne se contrôles pas... et ton père le sait...

"Je suis désolé...”

Pour tout... le passé, le présent... le futur... Parce que tu sais à quel point ça va compliquer les choses... Tu sais à quel point tu vas être instable si tu dois lutter en permanence... Tu sais les dégâts que ça pourra causer avec ton loup s’il refuse de comprendre...

- On... trouvera une solution... En attendant, je ne peux pas te passer le flambeau... pas en l’état actuelle des choses.... Je suis désolé.

Il n’a pas à l’être, tu le comprends parfaitement... et cela te soulage même. Parce que tu vas devoir mettre toute ton énergie pour contrôler les pulsions... et réussir à faire entendre raison à ton loup...

D'abord ta mère a un petit rire et tu deviens blanc, elle se moque de toi, elle juge que c'est débile que tu en fais une montagne pour rien, puis c'est elle qui blanchit quand elle comprend l'insinuation. Ses yeux s'écarquillent et tu vois ses yeux réfléchir à toute vitesse. Elle inspire, se calme et te regarde. Elle ne te pose qu'une seule question : En es-tu sûr ? Tu confirmes d'un signe de tête, puis tu te rallonges et te cache sous les draps.

Aucun mot compromettant n'a été prononcé, aucune parole plus forte que l'autre et ta mère te croit, elle comprend à quel point tu es déchiré. Tout le monde rêve de ce lien, c'est quasi mystique, c'est fantastique, mais peu sont élus, peu rencontrent l'âme jumelle qui permet de consolider le lien, en temps que meute, mais aussi en temps qu'homme. Et toi, il a fallu que tu tombes sur lui.

Durant cette nuit, où il t'es impossible de dormir, tu refais toute votre vie à l'envers et tu cherches des indices, tu comprends mieux ta capacité à toujours le chercher, même sans loup, tu avais besoin de lui à tes côtés, tu cherchais sa présence et la seule façon de le faire, c'était de l'embêter, voilà pourquoi tu lui répondais sans cesse. Puis son odeur, tu avais senti une douceur qui n'était pas similaire à ce qu'il dégageait, c'était ton loup qui avait senti ce lien. Actuellement, t'as envie de vomir. Et enfin, plus récemment, toute la souffrance qu'il ressentait. Là, t'as envie de le frapper. Malgré tout, il se battait contre ce lien trop fort, il n'a aucune envie d'être avec toi, c'est son loup qui le pousse, mais lui, il ne veut même pas te toucher, il refuse sûrement ce lien aussi fort que tu le refuses toi-même.

Alors pourquoi t'a-t-il embrassé ?

Tu te lèves d'un bond et frappe dans ton coussin. Tu t'étais promis de ne jamais plus songer à ce moment. A l'excitation mêlé à la peur quand il avait posé sa main sur ton torse pour te faire reculer. A l'incompréhension mêlé à ... autre chose quand ses lèvres s'étaient posées sur les tiennes. Merde, voilà que tu recommences. A l'intérieur de toi, ton loup gémit, tout doucement, peut être est-ce pour te donner du courage ? Tu fermes les yeux pour te concentrer sur lui, pour sentir les émotions qu'il essaie de te partager, mais tu n'y lis rien de plus que d'habitude, cet amour qui t'enveloppe et qu'il souhaite que tu partages avec tous. Tous ? Tu manques de t'étouffer, tu rouvres les yeux et part te faire à manger, c'est plus sûr que rester seul.

Pendant les deux semaines qui suivent, tu ne recroises pas Theo, lui aussi doit bien rester sur le territoire de sa meute, faisant attention à en pas franchir la ligne. Tu es en stress et soulagé de voir qu'il ne te cherche plus. Pourtant, au fond de toi, tu ressens autre chose et bon sang, qu'est-ce que ça t'agace !

La veille de la pleine lune, ton père te convoque. Ton frère aîné, t'intercepte juste avant que tu n'entres dans le bureau. Il te regarde, caresse tes cheveux et murmure. Si c'est trop, si tu ne peux pas, je... je demanderai à prendre son rôle, d'accord ?

Tu ne comprends pas, fronce les sourcils. Le rôle d'alpha lui ira à ses trente ans, dans deux ans, c'est ce qui est prévu depuis des années. Ils ont choisit ensemble, débattant pendant des jours pour être en accord, décidant que c'était ce qu'il y avait de mieux pour la meute. Mais là, il voudrait remettre en cause ? Et pour quoi ?

Le sourire avec lequel ton père t'accueille ton père n'est pas aussi chaleureux qu'il espère et tu te figes. Quelle idée a-t-il eu ?

- Mon fils, tout le monde sait, tout le monde est au courant et ce que tu as à vivre, n'est pas facile, mais... la situation ne peut plus durer.

Lui aussi évite les mots, est-il mal à l'aise ? Tu sais qu'il n'a jamais vraiment accepté ton coming out, préférant croire que c'était une passade, que tu étais trop jeune, mais voilà que maintenant, il n'a plus le choix. Et c'est bien la seule chose positive de cette histoire. Tu t'assieds, pressentant que ce sera mieux pour entendre la suite.

- J'ai décidé qu'il était temps que vous travaillez ensemble, parce nos relations sont déjà trop compliqués et que les deux meutes sont sur le point d'exploser, si nous voulons avancer et nous en sortir, tu vas devoir faire un effort.

Les yeux écarquillés, tu ne dis rien, il ne peut pas te faire ça. Tu attends qu'il révèle la blague, mais son ton est on ne peut plus sérieux.

- J'ai eu du mal à convaincre l'Alpha Kesler, mais il est d'accord, vous allez partir, ensemble, pour une semaine, à vous de voir si vous voulez prendre d'autres loups avec vous, mais vous allez devoir régler tous vos problèmes et à votre retour, soit la guerre est lancée, soit tous nos problèmes sont réglés.

C'est une putain de blague. Pourtant, personne ne rit. Tu te lèves. Et là, tu comprends les mots de ton frère, il a essayé de le retenir, il a pensé à toi, lui au moins. Les yeux humides, tu t'apprêtes à dire les quatre vérités à ton père, mais tu es un Oméga, tu ne peux faire ça, c'est dans ta nature de courber l'échine.

- Bien père.

Et tu te retournes et sort de la pièce. Plus calme que tu en as l'air, tu fuis le regard de ton frère. Dans quel merdier tu viens de t'engager ? Ta seule espérance, c'est que Theo refuse.

Les quinze jours qui suivent sont... compliqué, pour ne pas dire insoutenable. Tu redoutes la pleine lune, tu ne veux pas devoir lutter...

Malgré le temps qui passe, tu n’arrives pas à te sortir Nath de la tête. Ton père continue de te former, de façon moins intensive, mais histoire de détourner tes pensées, un peu en vain...

Tu tournes comme un loup en cage, à l’image du tiens qui refuse toujours d’entendre raison. Tu n’as aucune concentration, tu es distrait au point d’être dangereux pour toi-même et pour les autres. Un soir où tu faisais chauffer de l’eau, tu l’as versée sur ta main au lieu de dans la tasse. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...  

Tu l’as dit, tu ne survivras pas à cette lutte... tu n’as pas la force pour ça...

La veille de la pleine lune, alors que tu panique déjà à ne pas savoir comment tu vas la vivre, ton père te convoque à nouveau. Pedro est présent également, mais cette fois cela ne te rassure. Parce que tu sens la pression dans ta tête au moment même où tu entre dans le bureau. Il te tient déjà en laisse avant même de te dire pourquoi tu es là, et ça ce n’est pas bon...

- J’ai eu une discussion avec... l’Alpha des Grey.

Pour ne pas dire le père de Nath... Tu te crispes, repoussant l’Omega qui cherche le contact. La simple allusion à Nath, même indirecte, fait remuer ton loup.  

Ton père n’a rien redis sur le destin qui t’as donné un mâle comme âme sœur. Il sait que ce lien va au-delà du genre. Ce point-là, il l’a donc accepté sans problème. La personne concernée par contre... c’est une autre histoire. Parce que, pour lui, cette personne a toujours été le nœud du problème. C’est ton animosité envers lui qui a failli déclencher une guerre. Animosité qui s’explique aujourd’hui... même si tu refuses toujours de le reconnaitre, pour le plus grand désespoir de ton loup.  

Tendu, tu attends la suite.

- Nous allons devoir forcer les choses... Provoquer une confrontation pour... mettre les choses a plat...

Tu blêmis, mais ne dis rien. Ton père continue donc, prenant son air d'Alpha, celui qui ne laisse place à aucune discussion...

- Vous allez passer une semaine ensembles, lui et toi. Pedro viendra avec toi, et tu peux prendre quelqu'un d'autre en plus si tu le souhaites. Si vous n'arrivez pas à vous entendre...

Il ne sait meme prononcer son nom... Et il ne termines pas sa phrase, il n'en a pas besoin... Tu sais à quel point la tension entre les deux meutes et exacerbée, depuis des années... et c'est principalement ta faute...
Mais ce qu'il te demande... Tu ne peux pas...

"Père... C'est beaucoup trop dangereux.... pour lui comme pour moi... mais surtout pour lui... Cest trop tôt...”

- Nous n'avons pas le choix... Il s'agit d'un ultimatum...
Perdo fera au mieux pour t'aider à te contenir, et je te conseil de prendre un Bêta guerrier également... s'il faut intervenir...

Il y a bien réfléchi... Il est conscient du danger... mais il n'a pas le choix...

- Vous partirez après la pleine lune. Tu peux choisir où tu veux aller... Un lieu où tu te sens à l'aise.

Tu penses aussitôt à ta forêt d’Angleterre, avec le vieux, mais tu ne peux décemment pas traîner Nath jusque là...

Tu ne dis plus rien, fixant ton père comme si tu attendais qu'il te dise que c'est une mauvaise blague. L'Omega ne bouge pas, comme si, lui, s'attendait à essuyer ta colère. Ton loup est réjouis pourtant, mais toi... toi tu boue... Cette semaine signera la mort de l'un ou l'autre... plus probablement la tienne que la sienne... parce qu’il te tuera... et que tu le laissera faire...

Lentement, tu te lèves et quitte le bureau sans un mot. Pedro te suis d'un pas mal assurer. Ton père ne dir rien non plus. La pression se relâche dans ton esprit alors qu'il laisse échapper un long soupire.
Foutue destinée à la con...

Tu es en rage, mais tu ne passeras pourtant pas ta colère sur Pedro. A la place, tu resteras prostré dans ta chambre, t'imaginant mille et un scénarios pour les jours à venir, plus catastrophiques les uns que les autres...

****

Comme tu le redoutais, la pleine lune a été un calvaire. Tu as pu te métamorphoser, mais ton loup était sans cesse ramené à l'ordre alors qu'il tentait de s'échapper du territoire. Finalement, après que vous soyez battus, vous avez été confiné à la cave où il a passé son temps à hurler et gratter pour sortir. Au matin, tu as repris forme humaine complètement épuisé et sans voix. Mais tu n'avais pas le temps de récupérer, tu devais partir...

Heureusement pour vous, on ne vous force pas à faire le trajet ensembles. Tu as indiqué les coordonnées d'une cabane dans les bois, assez grande pour accueillir prêt de dix personnes, des fois que Nath soit lui aussi accompagné. Tu avait d'abord pensé à un hôtel prêt de la plage, mais si les choses doivent mal tourner, comme tu le redoutes, mieux vaut être isolé...

Tu es accompagné de Pedro et Chris, un Bêta à la carrure impressionnante qui a déjà dû te maîtriser quelques fois, la dernière en date étant la veille même...

Vous arrivez en premier, ce qui t'arrange. Mais les Grey ne tardent pas derrière vous. Tu sens Nath avant même qu'il ne sois en vue, et cela te confirme que ça va être extrêmement compliqué...

Vous les attendez tous les trois devant le chalet, toi gardant les yeux baissés, Pedro avec son air serein habituel et Chris, le regard inquisiteur et méfiant. C'est partit pour la pire semaine de ta vie... et sûrement la dernière...

L'imbécile, il a dit oui. Il ne pouvait pas dire non et vous sauver tous les deux ? En réalité, tu sais que tu es injuste, toi non plus tu n'as pas eu le choix, tu espérais qu'il se batte pour toi. Enfin contre toi. Enfin tu sais pas, mais tu voulais qu'il refuse, qu'il essaie d'annuler, mais vos deux pères sont têtus... peut être que la haine des fils vient d'eux en fait, c'est facile de toujours tout reposer sur les épaules des plus jeunes, mais si Theo avait été mieux éduqué peut être qu'il n'aurait pas été un tel con. Enfin ça ne sert a rien de refaire le passé, il ne vous faut que songer au futur.

Dans ta chambre, tu tournes en rond. Vous avez reçu les coordonées et tu as cherché sur maps, après avoir posé ta démission pour ton job, ça faisait deux semaines que le médecin de la meute te faisait des certificats mais t'es tellement certain de mourir cette semaine la, en sa compagnie, que tu préfères prendre les devants, et le lieu ne t'a pas aidé à te calmer. Une cabane au milieu de la forêt personne ne vous trouvera là.

Idiotement, tu as pris la pire décision, mais tu ne veux pas être accompagné par ta meute, déjà tu es en colère contre ton père et tu es bien plus proche de ton frère ainé mais il ne peut pas s'absenter une semaine, enfin t'en sais rien, tu n'as rien demandé. Tu as dit que tu irais seul, tu veux montrer à l'autre connard que tu n'as pas peur de lui.

Ton frère t'a accompagné jusqu'au lieu tout de même, il a tendu à porter ton sac. Tu as rien, c'est ton métier de base, mais bon.

- Bien et bien, à dans une semaine. En vie ou dans mon cercueil.

Ta vanne ne passe pas, personne ne rit, c'est normal la tension est à son comble. Quand ton frère s'éloigne enfin, tu te tournes vers les trois Kesler. Détaillant leur Omega - l'un des seuls loup vraiment sympa de cette foutue meute et tu l'apprécie un peu - et lui souriant. Le bêta a droit à un signe de tête. Theo lui n'a droit qu'à ton ignorance.

- Y a un programme de prévu ? Des olympiades ? Des jeux de cartes ? Ou on va se faire chier toute la semaine en attendant que quelqu'un meurt ?

Non parce que vu l'ambiance... Tu ne regardes toujours pas Theo, deux semaines sans le voir c'était trop court, tu aurais voulu ne plus jamais le voir de ta vie, pour le haïr en paix, mais même ça... ça ne t'es pas permis.

Nath est venu seul. C’est une blague ?! Pourquoi n’a-t-il pas pris d’autres loups avec lui pour le protéger ? Les deux autres ne suffiront pas contre toi... pas si tu perds totalement le contrôle...

Abrutit d’Omega...

Tu regrettes d’être là. Tu aurais dû te battre, t’enfuir, que sais-je... Tout plutôt que de vous retrouver dans cette situation.  

Nath lance une vanne à son frère au moment de partir, mais personne ne ris. Toi, tu baisse même un peu plus la tête, comme si le sol pouvait t’aspiré si tu le fixais assez intensément... Tu respires à peine, te concentrant sur Pedro qui serre étroitement son lien au tiens.  

Vous restez quelques secondes sans bouger, puis Nath reprend. Chris gronde. Tu serres les poings et fini par redresser la tête, mais tu gardes ton regard obstinément détourné de Nath. Ta voix est cassée à cause de la nuit, mais tu sais que tu n’as pas besoin de parler fort pour qu’il t’entende, c’est déjà ça.

"Ecoute... ça me fait autant chier que toi, ok ? Pedro et Chris ne sont pas là pour moi... et j’comprends pas pourquoi t’es venu seul mais... Je fais ce que je peux... J’ai pas envie de te blesser... j’ai pas envie de te... forcer...”

Tu butte sur les derniers mots en ayant presqu’un haut le cœur. Cette simple idée te dégoute, et pourtant tu la redoute plus que tout. Parce que si l’attraction est trop forte, tu risques de franchir une limite qui pourrait faire des dégâts irréparables...

Tu serres un peu plus les poings, fautes de pouvoir une profonde inspiration vu que la forêt ne parvient pas à masquer son odeur...

"Bref... ils interviendront sans hésiter si besoin... En attendant... T’es libres de faire ce que tu veux... Tant qu’on ne s’éloigne pas... Y a pas de programme en dehors des repas...”

Cette tirade t’a achevée et tu as mal à la gorge. Sans attendre de réponse, tu te détourne et rentre pour aller t’affaler dans le divan. Chris te suit, mais Pedro reste pour aider Nath à s’installer.

- Il fait de son mieux tu sais... Vraiment...

Tu fais de ton mieux oui, mais ce ne sera pas suffisent, tu le sais...

Les mots de Pedro te tournent en tete, tu essaies de contenir ta rage, ta colere, mais tu n'y arrives pas. Elle enfle en toi. Tu n'as pas d'Omega pour te défouler, c'est toi qui a ce rôle, mais d'habitude, tu n'en as pas besoin, seul Theo te met dans cet état là.

Pedro te jette des coups d'oeil inquiet, même si vous ne partagez pas de lien de meute, il est un Omega depuis trop longtemps pour ne pas reconnaître les signes. Il se demande sûrement ce qu'il doit faire : te protéger de toi même ou protéger Theo. Mais pour l'instant, à part poser tes affaires d'un geste rageur dans l'espace qui t'es dédié tu ne fais rien.

Tout se passe dans ton esprit, tu retournes leur mot dans tous les sens et tu essaies de comprendre à côté de quoi ils sont passés. Soudain, tu exploses.

- Je crois que vous oubliez tous un truc important. Ta voix est assez forte, meme à l'autre bout de l'immense cabane, Theo doit t'entendre. Pour l'imprégnation tu grimaces à ce mot, que tu as prononcé à contre cœur, mais tu voulais les faire réagir il faut être deux. Vous oubliez que j'ai aussi un loup qui désespère à l'intérieur de moi, vous oubliez que je ressens des choses que je n'aurais JAMAIS voulu ressentir pour ce connard, vous savez que j'ai toutes les raisons du monde de la haïr, mais que ça n'empêche rien de ce qu'il se passe là.

Tu inspires pour te calmer. Tu baisses les yeux, honteux de t'être laissé aller de la sorte. Un regard d'excuses vers Pedro qui a du tellement flipper.

- Si je suis venu ici c'est pas pour te faire putain de chier Theo, c'est parce que j'en peux plus non plus, parce que je te déteste, mais que te mépriser, ça ne change rien, t'ignorer ça ne change rien non plus, te frapper ça me rend malade et mon loup me l'a fait cher payer. Je suis coincé, autant que toi alors cesse de porter le poids du monde sur tes putain d'épaules parce que je partage la moitié.

Des larmes traitresse jaillissent au coin de tes yeux, mais tu ne les essuies pas, finalement c'est plus facile de hurler sa rage que tu ne le pensais. Les mots se bousculent tu as encore beaucoup à dire, mais tu as peur de ce que tu pourrais dire ensuite.

- Alors il faut qu'on trouve une solution.. et une autre que notre mort.

Le souffle court tu sens ta poitrine gonfler difficilement, maintenant la tout de suite, tu as besoin d'un câlin. Tu as besoin de t'accrocher à quelqu'un, qu'on te rassure, qu'on te dise que ça va aller. Mais tu n'as pris aucun loup avec toi, et Pedro n'ose sûrement pas.

La voix forte de Nath te fait sursauter. Ou plutôt, s'est son ton qui te fait réagir...
Lorsqu'il prononce le mot tant redouté, tu te redresse dans le divan et te tourne dans la direction de l'Omega. Tu ne le vois pas, mais tu n'en a pas besoin pour ressentie ses émotions...

Chris t'agripe l'épaule d'une main ferme et griffue et te force à te rasseoir. Tu ne t'es même pas rendu compte que tu te levais...

De son côté, Pedro ne sais pas trop quoi faire. Il n'a pas l'habitude de voir un Omega agir ainsi...
Nath n'est pas de sa meute, mais il est principalement là pour le protéger de toi... Est-ce que l'aider à gérer ses émotions fait aussi partie du deal ?

Ton cœur se serres. Ton loup gémis à en fendre l'âme alors que son envie de réconforter Nath te retourne les entrailles. Merde... il ne t'aide vraiment pas ce con...
Et pourtant,  il a raison... Tu n'es pas le seul concerné dans cette histoire, lui aussi doit ressentir le lien... et si toi tu lutte violemment dans la crainte de le blesser encore plus, lui dois se battre par haine... et cette idée te déchire bizarrement autant que ton loup...

Tu prends conscience d'avoir voulus bouger en sentant les griffes de Chris s'enfoncer dans ton épaule. Tu grogne en lui lançant un regard noir auquel il ne réagit pas.
Cette semaine va être longue...

Prêt de Nath, Pedro vient poser une main réconfortante dans sa nuque. Il n'ose pas faire plus, mais il sait que s'est déjà beaucoup.
Toi, tu t'enffonces dans le divan en serrant étroitement les bras sur ta poitrine. Le Bêta ne te laissera pas aller retrouver les Omegas...
Il te faut du temps pour réussir à prendre la parole, la gorge serrée.

"Je suis désolé...”

Il ne veut pas que la solution soit la mort de l'un ou l'autre, mais ne serait-ce pas plus simple si tu n'étais plus là?  A quel point peut-on souffrir de la disparition d'une âme-sœur que l'on n'a pas voulut reconnaître?

Les deux autres doivent percevoir tes pensées car Pedro se précipite aussitôt pour te rejoindre. Le temps d'arriver, il a prit sa forme de loup et saute sur le divan pour s'allonger sur toi. Tu enfui ta tête dans sa fourrure, complètement désemparé.

"Et tu proposes quoi pour régler le problème? Quoi que je dise ou fasses tu me haïra toujours... Chaque secondes que je passes a' proximité de toi est une occasion de plus de te faire du mal.... Parce que s'est ce qui arrivera si je cède.... ”

Tu ne parles pas fort. Tu ne sais pas s'il t'entends cette fois... pourtant tu continues, serrant Pedro contre toi faute de pouvoir serrer Nath...

"Je suis vraiment désolé que ce soit tombé sur toi.... mais je sais pas quoi faire....”

Tu n'as pas voulus ça non plus...
Ton loup gronde comme pour contredire cette pensée, mais tu l'ignores...