Je la vois sortir son téléphone en s'excusant. Et bien , j'espère que ce n'est rien de grave ou le travail. Ça pourrait être son boulot ? Après tout ce qui est médical , ca demande beaucoup d'investissement non ?
Ah , elle ne rougirai pas dans ce cas là. Bon , je ne vais pas chercher à comprendre.
Donc elle vient du Brésil ? Je dois avouer ne pas connaître beaucoup la culture de ce pays.

"Bonne chance pour déchiffrer l'écriture des médecins...J'imagine que c'est un métier qui n'est pas facile tous les jours. Quant à mon métier...Je ne le déteste pas on va dire. En tout cas ça paye les factures."

J'ai remarqué qu'Aura s'est éloignée de moi à nouveau. J'espère que je ne l'impressionne pas trop. Donc , je garde mes distances également. Je ne voudrai pas paraître trop I'intruisif ou la gène . Je me demande si ça a un rapport avec le message qu'elle a reçu. D'ailleurs, rien ne me dit qu'elle n'a pas déjà quelqu'un ? Enfin , elle ne me parlerait pas comme ça si c'était le cas...

J'essaie de relancer la conversation :

"Donc vous êtes Brésilienne ? Ça ne vous manque pas trop ?"

Je m’apprête à lui répondre quand les Terribles ont décidé que j’étais bien trop lente dans la mise en œuvre de mon défi. Saletés ! Musique qui prive de toute discussion possible, ne valait mieux pas être souffrant des conduits auditifs vu le niveau. Les filles me tirent sans que je puisse me défendre, sur la piste de danse. J’offre un regard de désespoir à Aaron, pour qu’il me sauve de leurs griffes mais même lui ne pouvait rien face aux harpies. Je dépose rapidement ma bière sur une table et je suis tristement le groupe.



Je ressemblais à une biche prise dans des phrases. Je ne m’étais pas préparé psychologiquement à être collé comme ça. Je serre la mâchoire, tentant de me détendre mais je n’étais clairement pas assez alcoolisée pour me lâcher autant. Quelques mouvements pour ne pas faire tâche mais bien vite, je me sens étouffée. Un frôlement non identifié et je commence à paniquer. Je tourne sur moi-même, pour trouver une échappatoire. Je me décale rapidement, les filles tentent de me retenir mais un froid regard et je me mets à l’écart à l’opposé de l’amas de corps qui s’agite en rythme. Je mets le plus de distance possible. Et regarde ma robe, comme si j’étais souillée.

Je n’aurais jamais dû venir ici. Ce n’était pas pour moi, tout ce faste. Ce n’était pas moi. Enfin si, mais chez moi, en sécurité. Pas entourée de mains baladeuses – qui ne le sont pas d’extérieur – à foison. Mes mains se crispent sur la rembarre du balcon. Tête qui bascule en arrière pour offrir du répit à mes poumons.


Cinq ans et je suis encore cette femme qui angoisse d’être violentée ou pire. Je soupire, étant déçue de moi-même. Je n'arrivais toujours pas à guérir. A cesser de voir tous les hommes comme des monstres. Pourquoi n'y arrivais-je pas ? Tout le monde trouve son bonheur .. Pourquoi donc moi, je m'evertue à me foutre des batons dans les roues ?

Pour être honnête , je n'ai pas trop compris ce qui s'est passé ensuite. Un groupe de jeunes femmes , ses amies sûrement , vient entraîner Aura sur la piste de danse et , je n'ai pas le temps de les suivre qu'elles ont disparu.
Sérieusement ? Malgré les instants de gènes, cette rencontre se passait relativement bien...

Je pose ma bière sur la table et essaye de retrouver le groupe. La piste de danse est bondée, la musique bien trop forte et aucune trace d'Aura. Je croise mes amis et leur demande à tout hasard si ils ne l'ont pas vu. Évidemment, ils ne voient pas de qui je parle.
Génial. Est ce que je devrai laisser tomber ? C'est tout de même bizarre qu'elle ai tout simplement disparu comme ça non ?
Je m'assois quelques instants pour grignoter deux trois petits trucs. Je prends un verre d'eau , je n'ai plus la tête à l'alcool et à la danse...Bon , je n'aime pas particulièrement danser en règle générale... Justement peut être qu'Aura est sortie pour mettre de la distance avec tout ce monde et ce bruit ?
Ou mettre de la distance avec toi.
Mais non. Le courant passait bien , pas vrai ?

Je prend un autre verre d'eau propre , et commence à sortir de la salle et rejoindre le balcon extérieur. Aura s'y trouve effectivement mais elle n'a pas l'air en grande forme. J'hésite. Après tout , je ne devrai pas me mêler de tout cela. J'ai mes propres problèmes et m'encombrer d'une fille... Et puis , peut être qu'elle a appelé ses amies à l'aide pour se débarrasser de moi ?

Je ne résiste finalement pas et m'avance quelque peu vers Aura mais en restant à une certaine distance , je ne veux pas paraître comme étant le dragueur lourd des soirées. Je pose le gobelet.

"Je vous ai ramené de l'eau, si vous voulez" , je lâche après un temps de silence.

Je suis à un bon mètre d'elle, sur le balcon également. J'ai du mal à détacher mon regard du sol , ne sachant pas comment me comporter avec Aura. Finalement , j'ose demander avec une petite appréhension de sa réaction :

"Ce n'est vraiment pas votre truc les fêtes en réalité pas vrai ?"

« Je vous ai ramené de l'eau, si vous voulez »

Je sursaute, ne m’attendant pas à être trouvée. Et la masculine voix que je reconnais, me fait sourire malgré moi. S’était-il inquiété pour ma personne ? Tu te fais des idées Aura. M’enfin, il aurait pu en profiter pour attraper une autre donzelle. Mais il est là. Je pivote ma tête et le regarde, semblant gêné. Je délaisse la rembarre et attrape avec un certain plaisir le gobelet.

« Je … Merci beaucoup, c’est gentil, il ne le fallait pas. »

Il ne fallait pas perdre votre temps pour une faible créature que je suis. Je n’ai rien de spécial, juste un angoissant bagage qui me scie les épaules, à constamment le porter. Je soupire et boit d’une traite le verre d’eau. Il me revigore, un salut que j’apprécie véritablement.

« Ce n'est vraiment pas votre truc les fêtes en réalité pas vrai ? »

« En effet, c’est toujours une épreuve pour moi. Je .. J’ai .. Un peu .. Peur de la foule. Disons que tant que je suis lucide, je panique rapidement.. Comme maintenant. Et pourtant, j'aime danser et mal chanter. »

Je lui livre une grande part de vérité. Mais je me vois très mal lui dire que chaque homme est un prédateur à mes yeux et que je me vois la gueule en sang sur le carrelage. On pourrait se demander comment je fais pour supporter cela. Je me persuade que je peux y arriver, que chaque fois qu’un homme passe un peu trop près de moi – à mon gout – n’est pas pour m’agresser pour son bon plaisir.

« Et vous Aaron, êtes-vous à votre aise ? »

Sans le faire exprès et la fatigue qui vient lentement, je viens de rouler le r, c’est bien ma veine, moi qui veux m’intégrer jusqu’à ma façon de discuter. Je finis par m’asseoir sur un banc et l’invite à en faire autant, un geste de la main, laissant de la place nécessaire.

Je me détend lorsqu'elle accepte le gobelet et me remercie. Je lui répond par un sourire sincère , espérant quelle se sente un peu mieux qu'avant . Elle me confie ensuite avoir peur de la foule malgré le fait qu'elle aime danser et s'amuser tout simplement. C'est plutôt étonnant. Enfin , je veux dire que si j'avais ce problème , je fuirais ce genre de rassemblement encore plus que ce que je fais maintenant. Ce n'est pas sain de se faire du mal comme ça non ?
Bon , on ne peut pas dire que ma vie soit particulièrement saine non plus. Pas du tout , en fait. Donc , je n'ai pas grand chose à redire. C'est vrai que ça n'a rien à voir mais je me fais aussi du mal...

"C'est plutôt courageux de votre part d'être venu dans ce cas." , je lui répond sincèrement avec un sourire.

Elle me demande ensuite si moi , je suis à mon aise avant de m'inviter à s'assoir à ses côtés sur un banc. Je veille néanmoins à ne pas me mettre trop près d'elle, à cause de ce qu'elle vient de me confier. Je ne relève pas son accent non plus même si il me fait sourire.

"Je n'ai rien contre les fêtes , le monde tout ça . Mais ce n'est pas quelque chose que j'aime particulièrement. Je profite surtout de la nourriture et un peu de la musique. Par contre , je déteste danser. Peut être parce que je ne sais pas et que je ne veux pas passer pour un idiot à juste bouger dans tous les sens."

J'ai toujours eu du mal à comprendre l'attrait des gens à bouger comme des dindes dans tous les sens , sur une piste. Je veux dire c'est stupide , se coller à tout le monde comme ça...Enfin , ce n'est que mon avis.

« Je n'ai rien contre les fêtes, le monde tout ça. Mais ce n'est pas quelque chose que j'aime particulièrement. Je profite surtout de la nourriture et un peu de la musique. Cependant, je déteste danser. Peut-être parce que je ne sais pas et que je ne veux pas passer pour un idiot à juste bouger dans tous les sens. »

J’éclate de rire en l’écoutant parler. Je pense que mon défi vient littéralement d’être mis aux oubliettes. M’enfin, ce n’est pas grave, il a le sens de la conversation, ce trait de personnalité me va amplement. Je vais m’abstenir de lui raconter tous les Tiktok qu’on fait avec les filles où lorsqu’on se met à danser n’importe où. Ne faut pas non plus qu’il rencontre Hope, elle qui adore ça.

« Je dirais qu’une fois sur la piste de danse, il faut laisser parler son corps. Idiot ou non, comme on dit faut apprécier la vibe. Je doute d’être une bonne danseuse mais les regards des autres, on s’en fiche après tout. Le but est de s’amuser et de se créer des souvenirs. »

Et mon dieu, tous les souvenirs que j’avais. De simples soirées commencées finissant en nightclub ou même à la maison. Que de doux moments et pas mal de fou rire.

« Voila, maintenant, je suis curieuse de vous voir danser »

Est-ce l’air qui me rend audacieuse ou je ne sais quoi mais j’ose le petit regard attendrissant du chien battu. Petite tentative de le voir à l’œuvre. Je ne suis pas suffisamment audacieuse pour joindre l’acte à la parole. Mais oui, je voulais voir comment l’idiot – je reprends ses mots – se débrouiller.

Pour Aura , une fois sur la piste il faut laisser parler son corps et s'amuser. C'est bien là tout le problème , je ne crois pas que danser m'amuse. Pas du tout , même. Ce n'est pas mon style et ça ne m'attire pas. Comme je lui ai dit , je viens rarement aux soirées de mon plein gré et , si je le fais , j'en profite pour manger et boire , plutôt raisonnablement.

"Je n'ai jamais pensé danser pour m'amuser. Le regard des autres ne me dérangent pas plus que ça ."

C'est vrai , les gens peuvent penser ce qu'ils veulent de moi. Je suis bien plus dangereux que ce qu'ils peuvent imaginer et me ridiculiser n'y changera rien. Ça ne m'atteint plus depuis longtemps.
Oh non.
Je rêve.
Je dois vraiment faire ça ? Je n'en ai pas envie , mais en même temps , je ne veux pas gâcher cette soirée. Malgré les imprévus , je sens qu'il y a quelque chose qui se passe. Je soupire.

"Et bien...pourquoi pas. Vous vous sentez de retourner là bas ? J'accepte de danser cinq minutes...Après je crois que ça sera définitivement trop pour moi."

« Eh bien...pourquoi pas. Vous vous sentez de retourner là-bas ? J'accepte de danser cinq minutes...Après je crois que ça sera définitivement trop pour moi. »

Je pensais plutôt qu’il allait refuser derechef plutôt que d’accepter. Je reste un peu couac sur le moment. Je prends le temps de la réflexion. Suis-je vraiment prête à retourner dans la fosse aux lions ? Je regarde la piste. Tout le monde semblait s’éclater. La fête battait son plein. Ignorant qu’une trentenaire avait été prise d’angoisse. Je soupire légèrement. Je sors mon téléphone afin de vérifier que je n'avais pas de messages, sait-on jamais il se passait quelque chose mais rien du tout. Juste encore une trentaine de minutes avant de se souhaiter que du bonheur. Je ne pensais pas que le temps passerait aussi vite. Ma foi, en bonne compagnie, cela me parait logique. Me voila prise dans mon propre piège. Je ne voulais pas le décevoir, s’il faisait l’effort pour moi. Alors, je me lève, laissant place à une Valkyrie, du moins, je l’espérais. Je lui tends ma main machinalement.

« Promettez-moi de ne pas la lâcher. »

Je ne sais pas pourquoi, j’ose lui demander mais mon élan de courage se brisera telle une vague sur un récif. Il devenait ma bouée sur laquelle me raccrocher. Cela ne se faisait probablement pas, devenir gardien d’une fragile femme. Mais pour cinq minutes, c’est faisable, non ? Je le regarde, tel un chiot espérant se faire adopter.

Aura semble avoir un temps d'arrêt avant de se lever , de me tendre la main et de me demander de ne pas la lâcher. J'ai un instant de surprise avant de saisir doucement sa main , avec un sourire que j'espère rassurant.

"Je vous le promets."

Je l'entraîne doucement sur la piste. La musique me paraît toujours aussi forte et je n'ai aucune idée de quoi faire. Je regarde Aura avec un air gêné , sans lui lâcher la main , comme promis.

"Je vous préviens que ce ne sera pas glorieux ! Vous pourrez me conseiller ensuite !" , je dois presque crier pour couvrir le brouhaha ambiant.

Et maintenant ? J'essaye de bouger au rythme de la musique mais , je le saurai si j'avais le rythme dans la peau. Ça doit vraiment être catastrophique et , pour une fois j'en aurai presque honte. Honte juste devant cette Aura que je connais à peine. Je voulais être gentil , lui changer les idées et voilà que je me ridiculise devant elle. Je finis par arriver à me lâcher un peu plus mais j'ai toujours du mal à comprendre comment elle peut trouver ça amusant. Je déteste définitivement cette chose qu'on appelle la danse !

"Dites moi que ce n'est pas si horrible que ce que j'imagine...

Je ne me fais pas trop d'illusion , honnêtement. Au moins , j'ai tenu ma part du marché : je n'ai pas rompu le contact.

« Dites-moi que ce n'est pas si horrible que ce que j'imagine...»

Je ne pensais pas qu’il se lancerait sur la piste de danse. Intérieurement, j’exultais d’avoir rempli mon défi sans le vouloir. Je me mets à danser en rythme timidement puis me lâche véritablement. Sans jamais lâcher sa main. A la fois, étrange et rassurant. Je pense que je suis aussi ridicule que lui mais jamais, je l’avouerais.

« Mais non, vous maîtrisez bien le dancefloor, vous me cachez des talents ! »

Je le charrie tout en le complimentant. Faut dire ce qui est, il n’était pas désagréable à regarder.

« Allez plus quelques minutes avant le décompte ! » hurle le DJ. le temps défile et je n'ai aucune emprise dessus. Mais pour une fois, je n'ai pas envie de m'en plaindre. Profiter de rare moment, qui sait, on ne se reverra plus.

Et dans la commune effervescence quand tout le monde hurle et se met à sauter, je finis plaquer contre lui. Je m’agrippe à sa chemise manquant un bouton, nichant presque mon visage dedans, le temps que tout se calme. La peur de me prendre un coup me saisit de nouveau.

« Oh, je vois qu’on veut des rapprochements » déclame le DJ.

Et une musique plus lente s’élance dans les baffes, les duos se formant sur la piste, laissant aux moins téméraires, une opportunité d'aller se ressourcer.

« Je suis désolé, ce n’est pas du tout ce que je voulais. En plus, j’ai froissé votre chemise »

Plate excuse, comme si le tissu était véritablement le problème.