Nate avait espéré très fort que Matt comprenne… Mais ça n’avait pas été le cas. Il n’avait pas compris. Pire que ça même, il lui donnait l’ordre de partir. Nate ne savait pas si c’était de la colère qu’il voyait sur son visage ou de la tristesse. Probablement les deux. Ça lui brisait le coeur. Toute cette situation, après son divorce, ça l’achevait. Il était resté un instant interdit. Sa cigarette se consumait toute seule entre ses doigts, sa bouche s’était entrouverte sous l’effet de la surprise. Il ne l’avait pas vu venir. Certes, il s’attendait à partir mais plus de son fait que de celui de Matt. Tout ce qui lui restait dans la vie venait de s’envoler, il n’avait fallu que deux nuits pour ça. Peut-être qu’ils n’étaient pas fait pour être ensemble, peut-être que c’est comme ça qu’ils devaient se dire au revoir. Nate n’en savait trop rien. L’émotion lui avait noué la gorge mais il était arrivé à dire ces deux mots : « Bien sûr. » C’était poli, courtois même. Il n’opposait aucune résistance. Il n’allait pas se battre pour se faire comprendre et, à vrai dire, il avait l’impression qu’il n’arriverait pas à lui prouver quoi que ce soit. Il était trop endommagé pour ça pour le moment. Mais devaient-ils se dire adieu pour autant ? Le temps de remballer ses affaires, Nate étudia la question. Il en était incapable. Matt, c’est ce qu’il voulait… Depuis toujours. Et il n’allait pas abandonner. Pas comme ça. Il avait mal, les choses ne se passaient pas comme il le souhait mais il allait revenir. C’est la promesse silencieuse qu’il avait fait mentalement à Matt en lui jetant un dernier regard avant de quitter l’appartement. Si Nate devait se faire pardonner alors Matt aurait besoin de toi et si Nate devait aller mieux alors il aurait également besoin de ce temps. Avec un peu de chance, après tout ça, cette fois ça marchera pour de bon. Avec un peu de chance…

Jour 1

Je n'avais pas pu le regarder partir. J'avais détourné le regard, fumant ma cigarette alors qu'il préparait ses affaires en silence. Il était parti sans un mot de plus que son petit "bien sur". Je ne savais pas à quoi je m'étais attendu, ce que j'aurais espéré de sa part. Peut être un léger sursaut de conscience, une réaction au fait qu'il était entrain de me perdre pour de bon. J'aurais aimé qu'il me dise que non, qu'il ne voulait pas partir, qu'il m'aimait trop pour m'abandonner, qu'il ne pouvait pas faire ça. Mais il était parti, sans rien dire, sans opposer de résistance.

Il était juste parti...

Jour 2

J'avais passé la journée de la veille enfermé chez moi, à me concentrer sur mon texte. J'avais balancé tout ce que contenait mes placards, tout ce qu'on avait acheté à deux quand je pensais encore qu'on aurait une vie à deux dans cet appartement. J'avais laissé la colère prendre le dessus, m'acharnant sur les seuls traces de son passage qu'il y avait chez moi. C'était mieux. Je préférais me laisser submerger par la colère que par la tristesse. Je ne devais pas pleurer pour lui. C'était un connard qui ne m'avait jamais aimé, je venais d'en avoir la preuve encore une fois.

Nous étions lundi et j'avais repris le tournage comme à mon habitude. Je me concentrais dessus, sur ce que j'avais à faire. Ma colère était parfaite pour le rôle que je devais jouer et je pouvais la laisser transpercer librement pendant mes scènes. Le réalisateur était ravi et m'avait félicité plus d'une fois pour mon jeu. Au moins un point positif de cette séparation.

Entre deux prises je restais plus renfermé que jamais, ne parlant à personne, restant dans mon coin à ruminer. J'avais bien vu Dan me sourire, tenter de m'approcher pour me parler mais j'avais passé la journée à le fuir. Je ne voulais pas lui parler, surtout pas maintenant. Je ne voulais voir personne. Je voulais seulement me noyer dans le travail et oublier tout le reste...

L'oublier lui...

Jour 6

"Matt... ça te dit qu'on aille diner ensemble ce soir? On ne s'est pas beaucoup vu de la semaine. En tout bien tout honneur bien sur."

Dan me regardait, levant les mains pour prouver sa bonne foi, un léger sourire aux lèvres. Un sourire qui devait certainement faire fondre pas mal de mecs qu'il croisait et qui malheureusement me laissait de glace.

Je ne lui avais plus parlé depuis que Nate était venu interrompre notre soirée. Il devait certainement s'imaginer que nous étions à nouveau ensemble, ou peut être s'interroger sur mon état de la semaine. J'étais resté dans mon coin, ne parlant à personne. Le soir je rentrais chez moi et me concentrais sur le texte que je devais apprendre. Le travail... le travail et rien d'autre. C'était tout ce qu'il me fallait en ce moment pour l'oublier.

Mais j'avais quand même accepté de le suivre. Son air suppliant... je n'osais pas le décevoir alors qu'il avait toujours été là pour moi. Nous nous étions installé dans un petit restaurant que nous aimions fréquenter, pas le même que vendredi dernier et je le remerciais pour cela. J'avais commandé un hamburger dont je picorais les frites sans grand appétit. Je n'avais plus l'envie, plus aucune envie pour rien.

"Alors... tu vas me dire ce qui ne va pas?"

Je relevais la tête, le regardant surpris tandis qu'il lachait un petit rire.

"Arrête Matt, ne me mens pas. Je vois bien que ça ne va pas. Je me doute que ça a un rapport avec l'arrivée de ton ex. Alors vas y, raconte moi ce qui ne va pas."

Je soupirais, pesant le pour et le contre, mais ma décision fut vite prise. Je savais que Dan était une des rares personnes à qui je pourrais me confier. Il me comprendrait, mieux que n'importe qui. Alors je décidais de vider mon sac.

- Il est parti... enfin... il est venu parce que sa femme l'a viré. Elle a découvert qu'il avait couché avec moi et elle n'a pas vraiment apprécié.

Couché avec moi, c'était bien le mot. Il n'était pas amoureux et il n'avait même jamais été en couple avec moi. On couchait juste ensemble et c'était fini maintenant.

- Il est arrivé déprimé qu'elle l'ait jeté, qu'il ne voit plus sa fille et pas franchement heureux d'être là avec moi. Je me suis même demandé pourquoi il était venu me voir. Il restait à déprimer, pleurant la famille qu'il avait perdu. Il ne m'a même pas...

Je m'arrêtais, secouant doucement la tête.

- Alors je lui ai dit de partir. Ca ne servait à rien qu'il reste si il n'était pas heureux d'être là.

Je lui fis un petit sourire avant de reprendre mon plat de frites avec un peu plus d'appétit. C'était aussi simple que ça. Il n'avait pas envie d'être avec moi alors je ne l'avais pas forcé à l'être. Fin de l'histoire.

"Tu veux mon avis?"

- Je sais que de toute façon tu me le donneras alors vas y."

Il lâcha un petit rire avant d'enchainer.

"Tu marques un point. Et je pense que tu as bien fait. Ce mec ne te méritait pas. Putain de merde si j'avais eu la chance d'avoir quelqu'un comme toi dans ma vie, je ne serais jamais allé me marier avec une poufiasse. Et si j'avais du le faire et qu'elle m'ait foutu à la porte, mais j'aurais sauté de joie à l'idée d'être enfin libre et j'aurais couru rejoindre mon mec pour le sauter dans toutes les pièces de son appartement."

Je lui souris tristement de l'entendre parler ainsi. C'était la réaction que j'avais espéré de la part de Nate. Mais c'était ainsi. Les choses ne se passaient jamais comme on les rêvait.

- Mais il ne l'a pas fait. Je pense qu'il aime vraiment sa famille, beaucoup plus que moi en tout cas. Et ça l'a fait souffrir de les perdre. Il ne pouvait pas être heureux d'être avec moi alors qu'il venait de perdre tout ce qui comptait pour lui.

C'était ainsi et je devais l'accepter. C'était eux qui avaient vraiment compté dans sa vie, pas moi.

"Et bien peut être que maintenant tu vas comprendre que ce type ne te mérite pas et qu'il est temps que tu ouvres un peu plus les yeux sur d'autres."

Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir. Je le vis soupirer doucement avant de se lancer.

"Je tiens vraiment à toi Matt et pas juste pour le sexe. Je tiens vraiment à toi. Je ne te laisserais pas tomber pour une fille. Je veux être avec toi, qu'on construise quelque chose de vrai et..."

- Non.

Je le coupais sèchement, l'empêchant d'aller plus loin. Je ne voulais pas l'entendre me dire tout ça, toutes ces choses que j'avais toujours rêvé d'entendre, mais pas de sa bouche à lui, de celle de Nate... Je le fixais froidement, essayant de ne pas craquer alors que je voyais son air triste.

- Je ne peux pas Dan. Ca ne serait pas honnête vis à vis de toi. Je ne tiens pas à toi comme tu tiens à moi et je le regrette. Mais... c'est lui que j'aime...

"Après tout ce qu'il a fait tu l'aimes encore? Matt il t'a pris pour un con depuis le début. Il a épousé cette fille, il lui a fait un gamin. Même maintenant qu'elle l'a jeté, il n'en a toujours rien à foutre de toi. Et tu veux continuer à aimer un connard pareil?"

- Ca ne te regarde pas qui j'aime!! Et si tu ne le comprends pas alors tu peux aller te faire foutre!

J'avais quitté le restaurant comme ça, laissant derrière moi l'un des rares amis que j'avais ici.

La seule personne au monde qui semblait vraiment se soucier de moi...

Jour 8

Quelques coups frappés à ma porte... encore une fois le vain espoir de le trouver de l'autre côté, de l'apercevoir venir vers moi au détour d'une rue. Mais encore une fois ce n'était pas lui. Ce n'était jamais lui.

Je me laissais aller dans les bras de Dan alors qu'il venait me serrer doucement contre lui. Je laissais libre court à mes larmes, ces larmes que je retenais depuis des jours. Je pleurais sur son épaule. Je pleurais sur ce gâchis qu'avait été notre relation, sur tous les espoirs que j'avais eu de vivre une belle vie à ses côtés. Je pleurais sur la fin de notre histoire, commençant à tourner la page.

"Je suis désolé. Je n'aurais pas du te parler comme ça. Tu l'aimes oui bien sur, je le comprends. Je resterais là pour toi mon Matt. Je serais toujours là pour toi..."

On n'avait rien dit de plus de la soirée. Il était resté avec moi, fidèle à sa promesse. J'avais beaucoup pleuré dans ses bras avant de m'endormir ainsi, blotti contre lui dans mon lit. Je n'avais jamais pleuré comme ça de ma vie, pas même à la mort de mon père quand j'avais tout perdu. Peut être parce que même à ce moment là, je n'avais pas eu l'impression de tout perdre. Ma situation économique était peut être catastrophique à l'époque, mais j'avais toujours eu cet espoir de pouvoir vivre un jour avec Nate et je pensais que la mort de mon père nous rapprochait de cet objectif. Mais aujourd'hui je savais que je l'avais définitivement perdu, que jamais il ne reviendrait.

J'étais seul...

Jour 35

"Enfin... ENFIN!!! J'arrive à te trainer ici!!"

Je ris alors que Dan se dandinait tout en marchant, essayant de danser de joie comme il le pouvait. Moi je riais de le voir faire le pitre ainsi. Je recommençais à retrouver le sourire doucement, lentement mais surement. Et Dan n'y étais pas étranger.

"Bon ta tenue est déplorable mais je suppose que je n'aurais pas pu espérer mieux."

- Exactement, il va falloir t'en contenter. Je ne suis pas une folle de mode comme toi.

Je n'avais pas quitté mes éternels jean. Je ne pouvais pas. J'avais au moins fait l'effort de mettre une chemise blanche pour être un minimum présentable. Mais c'était certain qu'à côté de Dan avec son pantalon orange qui moulait beaucoup trop ses fesses avant de s'élargir sur ses pieds, sa chemise psychédélique tout aussi orange, je faisais beaucoup trop sage.

"C'est mon prochain objectif, te relooker. Je viens d'atteindre celui de te trainer dans une boite gay. Je vais d'abord savourer cette réussite avant de m'attaquer au défi de ta garde robe."

- Je te préviens, celui là tu n'arriveras jamais à l'atteindre.

Je ris alors que je le suivais dans la boite.

Il avait peut être réussi à m'y trainer mais ça serait certainement la première et la dernière fois. J'avais détesté l'ambiance. Beaucoup trop de bruit, beaucoup trop de monde. Dan avait tenté de me trainer sur la piste de danse mais j'avais résisté. Je n'avais dansé que deux fois dans ma vie. Une fois dans l'intimité de mon appartement, avec lui... Et une autre à son mariage...

J'avais fini par fuir cette ambiance, cherchant l'air frais de la rue pour respirer enfin un peu. Il avait fini par me retrouver, adossé à un mur dehors, fumant une cigarette pour me calmer.

"Matt!! Je t'ai cherché partout. Qu'est ce qui s'est passé?"

- Je suis désolé... ce n'est pas mon truc. Trop de monde, trop de bruit... et je me suis fait pincer les fesses au moins quatre ou cinq fois!!!

Il me regarda, riant doucement.

"Normal. Même si tu n'admets pas que les jeans c'est passé de mode, tu es sexy là dedans. Ca te fait un cul d'enfer alors personne n'y résiste."

Il comprit rapidement à mon regard que ce n'était pas le moment de parler de ça. Il était beaucoup trop patient avec moi. Il comprenait ma souffrance, cet abyme dans lequel j'avais plongé et duquel j'avais du mal à sortir. Mais il restait là, m'épaulant, m'aidant à en sortir doucement. Je savais que ce serait difficile mais je savais aussi que je n'étais pas seul. Il me raccompagna chez moi, sans un mot, sans aucun jugement.

Un mois avait passé. Un mois sans aucune nouvelle...

Il ne reviendrait jamais...

Jour 79

"Franchement je suis admiratif. Je suis incapable de planter un clou et toi tu viens de monter ce lit à toi tout seul."

Je redressais la tête, le regardant avec un petit sourire alors que tapais dans le dernier clou pour bien consolider le tout.

- C'est ça de grandir dans une ferme, sans un rond. Tu finis par devenir bricoleur quand tu dois tout réparer toi même. Allez aide moi à installer le matelas, que tu serves au moins à quelque chose.

Je ris de bon coeur alors qu'il se mettait à râler. Après quelques derniers efforts on parvint finalement à installer le lit à sa place. Une heure plus tard nous étions installé tous les deux sur ma nouvelle terrasse, sirotant nos bières tout en regardant la merde qui s'étendait devant nous.

J'avais fini par craquer et par dépenser un peu de l'argent que je m'étais mis de côté. J'avais trouvé un nouvel appartement, avec l'aide de Dan, dans une résidence non loin des studios. J'étais à deux pas du boulot, cinq minutes à peine en bus. La résidence était sécurisé et comble de bonheur pour moi, j'avais vu sur la mer.

"Alors, prêt pour ce soir? Ta première première?"

- Tu veux rire je suis mort de trouille. Je ne saurais même pas quoi dire si les journalistes viennent me voir!

J'éclatais de rire mais franchement je n'étais pas rassuré. Je n'avais jamais été du genre à aimer parler alors là me retrouver face à des journalistes qui voudraient mon avis, ça me pétrifiait. Mais je n'avais pas le choix. Ca faisait partie du boulot.

"Tu vas t'en sortir. Ils vont t'adorer. Comment ne pas t'adorer d'ailleurs?"

Je souris doucement, répondant à son sourire. C'était le moment. Il fallait que je lui dise. Je le fixais, le temps comme suspendu entre nous. Je le regardais. Dan... mon fidèle Dan... Il avait été là pour me soutenir à mon arrivée à Los Angeles. Il m'avait aidé à assumer mon homosexualité, à ne plus en avoir honte. Il avait été là après son départ, m'aidant à remonter la pente, à sortir de ma dépression. Il m'avait fait retrouver le sourire. Il m'avait appris à profiter de la vie, à penser à moi et mon bonheur. Et j'avais vraiment l'impression d'être heureux avec lui, vraiment heureux et ça pour la première fois de ma vie. Alors il fallait que je lui dise...

"Bon allez je te laisse. Je dois rentrer me préparer et me faire beau dans mon costume. On se retrouve au théâtre. Je te garde une place à côté de moi."

Il me fit un clin d'oeil avant de se lever et de partir. L'instant était passé, me laissant seul sur ma terrasse. Je hochais doucement la tête, le laissant s'en aller.

Ce soir je lui dirais...

Bien sûr. Ces deux mots revenaient régulièrement dans la tête de Nate. Bien sûr. Il n’avait absolument pas su quoi dire d’autre. Protester ? Il n’en avait pas eu la force, il n’était pas en état. En revanche, il n’avait pas oublié ses bonnes résolutions. Il reviendrait quand il sera au meilleur de sa forme et pas avant. Et pourtant, malgré cette bonne volonté c’est dans la première boutique qui vendait de l’alcool que Nate s’était retrouvé juste après avoir quitté l’appartement de Matt. C’était pas banal à voir, un mec avec des sacs plein et une bouteille de whisky à la main et c’était comme ça que Nate s’était présenté au premier hôtel bon marché qu’il avait trouvé. Cette bouteille, il avait bien prévu de se l’envoyer ce soir. Se noyer dans l’alcool, oublier toute la peine qu’il pouvait ressentir à ce moment précis. Il avait tout perdu. Réellement tout perdu cette fois. Alors il avait dévissé le bouchon de la bouteille mais avant même de porter le goulot à sa bouche, il s’était ravisé. Non. Pas cette fois. Ce n’était pas comme ça qu’il allait écrire le reste de l’histoire. Il devait changer. Maintenant. Le plus rapidement possible pour ne pas perdre Matt à tout jamais. Alors il avait regardé cette bouteille quelques instants avant de la vider entièrement dans les toilettes. C’était fini cette merde. Les cigarettes n’avaient pas tardé à avoir le même sort. C’était fini tout ça, ça n’avait jamais été lui. C’était ce qu’il avait fait pour supporter une autre vie, une vie qu’il n’aurait jamais du avoir. A trente-deux ans, il était largement temps qu’il vive enfin sa vie selon ses vraies couleurs. Et pour cela, il devait avoir une conversation avec sa mère.

Deux jours après, il était de retour dans son Texas natal pour se confronter à sa mère. Il ne l’avait pas prévenu de son arrivée. Qui sait si Alison n’avait déjà pas craché le morceau. Peut-être qu’elle lui aurait froidement dit au téléphone de ne jamais venir ? Quoi qu’il en soit, il était là, devant la maison dans laquelle il avait grandit. Il était prêt. Un peu tendu du au manque de nicotine mais prêt. Elle avait été surprise sa mère de le voir devant sa porte, elle n’avait pas su le cacher. « Nate, mais, je croyais que… » Elle ne lui avait pas proposé d’entrer, Nate devinait d’entrée de jeu qu’elle avait déjà parlé avec Alison. Tant pis. Elle avait eu sa version, elle devait maintenant entendre la sienne. « Bonjour maman, tu ne m’invites pas à entrer ? » L’air mortifiée, la vieille dame s’était décalé pour le laisser entrer. Un silence avait suivi où mère et fils s’étaient toisés, mal à l’aise. « Café ? » que sa mère avait fini par dire. Nate avait opiné du chef. Ce n’est qu’une fois qu’il s’était installé à la table de la cuisine, tasse de café brulante devant lui, qu’il avait repris la parole : « Ecoute, maman, je ne sais pas ce qu’on t’a raconté mais si tu veux bien, j’aimerais bien te parler. » Nate avait aperçu un léger voile dans le regard de sa mère. Elle était émue ? Sûrement pas dans le bon sens du terme. « Je sais même pas vraiment par où commencer. Peut-être par le commencement… Tu te souviens, quand j’ai passé deux mois dans cette ferme… avec Matt ? » A son tour d’opiner du chef. Elle avait toujours l'air aussi fébrile et s’était accroché à un plan de travail pour entendre la suite. « Je l’aime depuis cet été-là. J’ai jamais aimé Alison, j’ai juste… J’ai juste fait ce qu’on attendait de moi. » Sous l’effet de la surprise sans doute, sa mère lui avait tourné le dos et dans son impulsion avait fait tomber un verre qui s’était brisé au sol. En silence, Nate avait ramassé à ses pieds alors qu’il entendait les sanglots de sa mère au dessus de lui. Une fois le tout nettoyé, Nate avait repris sa place initiale. « Alors tu ne vas rien dire ? » Sa mère avait reniflé et puis avait fini par se retourner. « C’était donc vrai. Elle m’a dit la vérité… Tu sais, j’ai eu beaucoup de mal à y croire. Toute ta vie, tu as été si parfait. Et en fait… Tu… Tu es… Comme ça. Je t’ai tout donné et malgré ça, tu as mal tourné. » Et même si Nate s’y était attendu, ça restait douloureux. Mais il encaissait. Il était prêt, plus motivé que jamais. Si tout se passait bien, Matt était au bout de ce long chemin. « Tu as raison, maman. J’ai mal tourné. Dans un mariage où je n’étais pas heureux, à boire pour oublier. T’avais pas remarqué hein, tu t’es sûrement même pas demandé comment j’allais… Mais tu sais quoi ? Je sais enfin ce que je veux dans la vie. Je vais plus vivre pour les autres, même pas pour toi, maman… Je vais redresser les torts. Et j’aimerais bien t’avoir dans ma vie mais si tu n’es pas capable de me voir comme je suis et de m’apprécier, c’est peut-être pas la peine. » De nouveaux sanglots, elle semblait à peine capable de regarder son fils maintenant. Et ça lui brisait le coeur. Sincèrement. « Et Penny ? Tu as pensé à Penny ? Qu’est-ce qu’on va lui dire à l’école si son père est… » Bien sûr qu’il y avait pensé. Il se doutait bien qu’Alison ne l’avait pas crié sous tous les toits. Sa mère non plus d’ailleurs. « Je vais pas rester vivre ici, c’est pas comme si qui que ce soit avait besoin de savoir ici. » Et, à sa plus grande surprise, sa mère avait attrapé son bras. « Ne cherche pas à la revoir. Penny. Ils m'ont prévenu, ils m’ont dit que si tu revenais tu ne t’en sortirais pas. Je ne sais pas si j’arriverais à accepter qui tu es mais je sais que je ne pourrais jamais supporter qu’il t’arrive malheur. » Et c’était étrangement la meilleure nouvelle que Nate avait eu de sa mère : elle tenait à lui. Si c’était sincère, elle finirait par accepter tôt ou tard. Par contre, cette bonne nouvelle s’accompagnait d’une autre bien plus terrible : revoir Penny allait être mission impossible.

Alors il s’était contenté du minimum vital pour continuer à avancer. En quittant la maison de sa mère, Nate s’était mis en route pour l’école de Penny. A cette heure-là, elle devait être dans la cour de récréation et c’était de loin qu’il avait pu l’apercevoir. Caché, il lui avait adressé mentalement ses au revoir. C'était ce qu'il lui fallait... Dire au revoir, même si ce n'était que symboliquement. Qui sait. Un jour, peut-être, leurs chemins se croiseront de nouveau et il pourra lui expliquer qu’il n’avait jamais eu l’intention de l’abandonner.
Pour l’heure, il allait repartir vers le reste de sa nouvelle vie.
A Los Angeles. L’avion lui avait paru être étrangement rapide cette fois. Il avait la tête qui bourdonnait d’idées et il n’avait pas arrêté de penser à lui. Est-ce que Matt était triste lui aussi ? Est-ce qu’il avait l’impression qu’on lui avait arraché le coeur ?
Et puis il avait fallu se faire une place à LA. Nate avait trouvé un petit boulot dans un supermarché, il entretenait les rayons et c’était suffisant pour se remettre sur pieds. C’était ce qui lui fallait, une activité qui ferait marcher ses mains pour éviter de retomber dans ses vieux travers. Dans son temps libre, il allait à la salle évacuer tout le négatif qu’il avait encore lui. Il était plus déterminé que jamais. C’était un mois après la séparation qu’il avait eu l’idée de sa reconversion. Il allait ouvrir un salon de thé. Un endroit où l’on pourrait venir petit-déjeuner le matin et déjeuner le midi. Être son propre patron, comme avant, mais en faisant quelque chose qui le passionne. Et pour ça, il lui fallait trouver un endroit… Et un peu plus de sous qu’il n’en avait. Tout ce qu’il pouvait mettre de côté de son salaire se retrouvait dans la précieuse cagnotte.
Et puis il s’était senti prêt à retrouver Matt. Un mois après, il était sur un bon pied. Il était plus clean que jamais et des fois, il jurerait être redevenu le garçon qu’il était à vingt ans. L’ennui c’est qu’il n’avait pas trouvé Matt chez lui. Une voisine lui avait informé qu’il avait déménagé. « Mais si vous le cherchez, il fait sa première bientôt. » qu’elle lui avait gentiment indiqué. Mais oui. Son film. Muni de la date et de l’heure, Nate n'avait plus qu’à attendre… Et ça avait été diablement long.
De ses économies, Nate avait sorti de quoi s’acheter un costume flambant neuf pour se rendre à l’avant-première. Il était stressé mais surtout excité à l’idée de voir Matt sur l’écran… et de le voir tout court. Un sourire franc était vissé sur ses lèvres malgré la peur. Et puis, parmi la cohue qui allait entrer dans le théâtre, un homme s’était adressé à lui. Nate n’avait eu aucun mal à le reconnaitre. Dan. L’homme était encore gravé dans sa tête. « Tu ne devrais pas être ici. » qu’il lui avait assené en se glissant à sa hauteur. « Pardon ? » que lui demanda Nate, interloqué. « Tu m’as très bien entendu. Tu devrais pas être ici. Matt a tourné la page. Il a enfin l’air d’être heureux alors il serait bien que tu ne viennes pas tout gâcher. » Nate n’avait pas quitté son sourire. « Et tu es quoi au juste, son porte-parole ? » qu’il demanda, sarcastique. « Non, je serai celui qui sera assis à côte de lui. C’est tout. » Et il était parti. Comme ça, laissant Nate bouche bée. Se pouvait-il que Matt ait refait sa vie ? Ça serait logique après tout, parfaitement tangible. Mais il allait au moins s’en assurer, qu’il s’était dit en pénétrant le théâtre pour s’y installer.

Je m'étais préparé, la boule au ventre, le stress commençant à monter. Jouer la comédie devant une équipe c'était déjà une chose, quelque chose de stressant mais j'en avais pris l'habitude. Là par contre... traverser le tapis rouge sous le regard des photographes avec les autres acteurs c'était effrayant. Et me voir... c'était la première fois que j'allais me voir sur un grand écran. Le réalisateur avait été satisfait de notre travail, mais est ce que ce serait vraiment bien? Est ce que je n'allais pas me ridiculiser devant toute la salle puis devant des milliers de personnes un peu partout dans le pays? Je tentais de ne pas penser aussi au fait qu'il aurait du être là. Que cette première j'aurais voulu la vivre avec lui. Mais non.... je ne devais pas penser à lui. Il était sorti de ma vie et je savais qu'il n'y reviendrais plus. C'était terminé. Maintenant j'avais Dan à mes côtés, mon pilier.

Je me préparais, enfilant le costume qu'il m'avait forcé à acheter. Parce que j'allais arpentais le tapis rouge alors je me devais d'être élégant selon lui. Alors j'avais pris ce costume dans lequel je ne me sentais pas à l'aise. Ce n'était pas moi. J'avais l'impression d'être déguisé. Je m'étais agité un moment là dedans avant d'aller rejoindre le chauffeur que m'avait envoyé la production. J'étais sortie parmi les premiers de la voiture. Je m'étais prêté au jeu des photos de mauvaise grâce. Ca avait duré un moment, beaucoup trop longtemps. Il avait fallu attendre que tout le monde arrive, qu'on fasse des photos tous ensemble puis qu'on rentre dans le théâtre. J'avais retrouvé Dan assez rapidement. J'avais souri de soulagement en le voyant.

- Plus jamais je ne veux avoir à faire ça. Et en plus ton costume il me gratte!!!

Je me détendis un peu en le voyant rire.

"Tu as été très bien. Pas très souriant mais ça fait aussi ton charme. Et tu es parfait dans ton costume alors arrête de râler."

Je soupirais avant d'aller m'asseoir à côté de lui, sur la place qu'il m'avait gardé. Je m'installais avant de me plonger dans le film. Le résultat était vraiment bien. Ca aurait pu être le genre de film que j'aurais adoré regarder, même sans être dedans. C'était étrange de me voir comme ça sur grand écran. Je n'arrêtais pas de me cacher en me voyant et Dan n'arrêtait pas de tirer sur mon bras en riant et en me disant que j'étais parfait.

Le film se termina et toute la salle applaudit. J'étais plus intimidé que jamais et Dan lui continuait de sourire comme un idiot.

"Arrête de faire la tronche. Le meilleur moment nous attend. On va aller à la fête avec le reste de l'équipe."

- Je vais devoir danser encore c'est ça?

Je le regardais en souriant, quittant le théâtre à ses côtés. Je savais pourquoi je devais y aller et l'importance que cette soirée avait. Mon agent serait là, plusieurs réalisateurs avaient été invités à la première et seraient là à la fête. C'était le moment où j'allais me faire des contacts pour mes futurs films. C'était important, mais je n'avais aucune envie d'y aller.

Dan avait eu raison. C’était bien lui que Matt avait rejoint et si enfin l’apercevoir après tout ce temps, beau comme un Dieu, lui avait fait du bien… Ça avait été aussi accompagné de la pire des douleurs. Et si c’était trop tard ? Et si ce mec lui donnait tout ce qu’il avait tardé à vouloir lui donner, lui ? Il se sentait tout à coup bien à l’étroit dans son costume, comme s’il manquait d’air. Il avait regardé le film en apnée, content de voir Matt jouer mais anxieux quant à l’idée de le savoir définitivement perdu. A l’écran, Matt était exceptionnel. Sur ce point-là, Nate n’avait jamais douté. Tout le monde dans la salle pouvait maintenant voir à quel point il était exceptionnel. Dans une certaine mesure, Nate était fier. C’était lui, l’homme qu’il aimait… Par moment, il voyait Matt se cacher, gêné probablement de se voir à l’écran. C’était mignon. Ce qui l’était vachement moins, c’était de le voir si complice avec Dan qui riait, touchait son bras. C’était bizarre de les observer de derrière, tapi dans l’ombre. Nate avait la curieuse sensation qu’il n’était pas à la bonne place, qu’il aurait du se tenir à la place de Dan. Et pourtant. Il était là. Au milieu d’autres inconnus qui ne signifiaient rien pour Matt. La fin du film fut un véritable soulagement. Même si Nate avait apprécie et applaudit de bon cœur, il était terriblement pressé de retrouver Matt. Angoissé, aussi. Dan lui avait donné le ton et vu leur proximité, il ne doutait pas de sa parole. Il s’était pressé pour regagner la sortie, il n’était pas question qu’il loupe Matt qui allait certainement devoir rejoindre des festivités auxquelles il n’était pas invité tout de suite après. Le cœur battant la chamade et plus déterminé que jamais, il avait attendu de l’apercevoir un peu plus loin de la sortie du théâtre pour s’approcher. Évidemment, Dan était à ses côtés et si c’était dur de faire face, il n’avait pas prévu d’abandonner. Seulement il aurait du réfléchir à ce qu’il allait dire en le voyant parce que là, tout se bousculait dans sa tête et il avait du mal à y mettre de l’ordre. « Félicitations. Tu étais remarquable. » furent les premiers mots qui lui vinrent avec un sourire sincère. Il le pensait. Il était content d’être là malgré toute l’angoisse qu’il y avait derrière. Il n’aurait raté ça pour rien au monde. « Est-ce que tu penses que je peux te parler deux minutes ? » qu’il avait demandé sans parler de Dan alors qu’il était clair néanmoins que c’était ce qui le dérangeait. « S’il te plaît. » qu’il avait rajouté, comme s’il sentait déjà qu’il avait besoin de le convaincre d’être écouté.

Je quittais le théâtre, discutant joyeusement avec Dan. Ou plutôt, je l'écoutais parler en riant à ce qu'il me disait.

"Arrête de faire ta tête de mule Matt. Tu étais parfait. Et ton cul dans ce costume... hmm.... tu as devrais te mettre au cuir."

Et je riais de bon coeur en le regardant faire son cinéma.

- En fait c'est la seule chose que tu as retenu de ma prestation, mon cul dans le pantalon en cuir.

"C'était la plus belle scène du film."

Je secouais la tête, le sourire aux lèvres. Il avait le don de me détendre avec ses pitreries. Il savait à quel point j'étais stressé de vivre tout ça. Je n'étais pas habitué à être le centre de l'attention. J'avais toujours été le petit paysan, vivant dans sa ferme et s'occupant de ses bêtes. Je comptais faire ça toute ma vie, vivre à l'écart de tout le monde seul dans ma ferme. Mais le destin avait voulu que je me retrouve sous les projecteurs. C'était perturbant et intimidant. J'aurais préféré me contenter de jouer dans le film et ne pas avoir à faire tout ça.

Puis je l'entendis... cette voix... J'aurais cru ne plus jamais l'entendre. J'étais persuadé qu'il ne reviendrait pas. Plus de deux mois qu'il était parti, sans un mot, sans se rebeller. Il était juste parti sans rien dire. Parce qu'il ne m'aimait pas, parce qu'il ne l'avait jamais fait, qu'il ne s'était jamais battu pour nous et qu'une fois de plus il avait abandonné. Alors il n'aurait pas du être là. Il n'aurait pas du venir gâcher ce moment que j'étais en train de vivre.

Il était là à me sourire, à me sortir ses belles phrases toutes faites, mais je n'arrivais plus à lui sourire. Je n'arrivais plus à sentir ces papillons dans le ventre que j'avais toujours ressenti à chacun de ses sourires. Je n'y arrivais plus, parce que je savais que tout ça ce n'était que des mensonges.

Je jetais un coup d'oeil à Dan, hésitant un peu avant de soupirer.

- Je te rejoins dans cinq minutes ok?

Il hésita un peu avant de partir. Je savais qu'il n'était pas tranquille à l'idée de me laisser seul avec lui. Il avait peur des dégâts qu'il pourrait faire à nouveau. Il savait tout ce qui s'était passé. Il avait supporté les nuits à m'entendre craquer, à me demander sans cesse pourquoi... pourquoi il n'avait pas été capable de m'aimer comme je l'avais aimé lui. Il n'avait pas envie de me voir vivre ça à nouveau et je ne le voulais pas non plus.

J'attendis qu'il parte, m'allumant une cigarette pendant ce temps. J'avais besoin de me détendre. Je redoutais clairement cette discussion.

- Alors... qu'est ce que tu me veux?

Ils riaient, Dan et Matt. Leur complicité évidente était dure à encaisser. Quand est-ce qu’il avait ri avec Matt pour la dernière fois ? Il a l’impression que ça remontait à une éternité. Et c’était sûrement le cas. Leur relation était compliquée et c’était peu de le dire. Mais tout était enfin clair pour Nate. Il avait comprit. Il savait où il voulait aller. Et c’était peut-être bien trop tard, le comble. Est-ce que Dan l’avait prévenu de sa présence à cette première ? Nate doutait et il avait certainement ses raisons. Oh, il avait beau y mettre toute la bienveillance du monde… Il n’aimait pas ce mec et il ne l’aimerait probablement jamais. Mais si c’est ce qu’il fallait à Matt… Alors il accepterait. En attendant, il n’avait pas encore eu l’occasion de parler. Visiblement, Matt hésitait. Il avait même soupiré. Il en était donc à ce point ? Après toutes ces années ? Est-ce qu’il avait vraiment envie de passer autre chose ? L’espace d’un instant, Nate s’était demandé s’il n’allait pas se dégonfler. Et puis non. Il s’était fait une promesse et irait jusqu’au bout. Se dégonfler, il l’avait fait toute sa vie et c’était bel et bien terminé de reculer devant le bonheur. Heureusement pour lui, Matt accepta de lui accorder cinq minutes. Ils s’étaient donc écarté, c’était le moment pour Nate de rentrer en scène et il avait un trac monstrueux. Qu’est-ce qu’il lui voulait ? Nate le regarda s’allumer une cigarette sans imiter le geste. Sa froideur le glaçait mais il avait fini par répondre : « Ce que je veux, c’est m’excuser. Pour cette vie que je t’ai donné, celle de celui qui attend et qui se contente du peu qu’on peut lui donner. Je suis désolé. Tu méritais mieux. Je m’excuse aussi d’être revenu près de toi alors que j’étais au plus mal, gâchant alors des retrouvailles qui auraient du être exceptionnelles. » Il y avait du monde autour d’eux mais Nate ne le voyait pas. Il n’était plus gêné d’être qui il est ou de dire ce qu’il avait de caché au plus profond de lui. Par contre, il avait peur d’essuyer un refus. « J’ai passé ces deux derniers mois à régler tout ce que j’avais à régler dans le but d’être l’homme que tu mériterais que je sois… Et pas celui que les autres aimeraient que je sois. Je suis prêt. Je l’étais déjà il y a un mois de cela mais tu n’étais plus chez toi… » Nate inspira, rassemblant son courage. « Et si c’est pas trop tard… J’aimerais une seconde chance de faire les choses correctement. La dernière. Je demande pas qu’on reprenne là où on s’était arrêté parce que cette situation est biaisée mais… Un nouveau départ, pourquoi pas. On reprend depuis le début, comme des gens qui ne se connaissent pas. » A la différence près qu’ils se connaissaient déjà. « Mais si ça ne t’intéresse pas parce qu’un autre te comble déjà alors… Ok, je l’entendrais. J’ai juste besoin que tu me dises. » Ça y est, c’était fait. Il avait livré son petit coeur dans les mains de Nate et il n’avait plus qu’à attendre.

Je l'écoutais parler, tirant sur ma cigarette pour tenter de me calmer. Il pouvait s'excuser oui pour ce qu'il avait fait. Il m'avait pris pour un con pendant dix ans. Je m'étais contenté des miettes d'affection qu'il avait bien voulu me donner pendant qu'il allait vivre sa vie avec sa femme. Il avait fait ses choix, mais j'avais été obligé de les subir pendant des années, tout ça parce que j'avais été trop con pour mettre un terme à tout ça plus tôt. Je n'aurais même pas du l'accueillir comme je l'avais fait quand sa femme l'avait jeté. Je me sentais tellement con d'avoir agi ainsi. Quel abruti j'avais été... Je l'avais accueillir à bras ouverts, j'avais fait tout un tas de projets pour nous deux. Et lui il s'en foutait. Il ne pensait qu'à sa femme qui l'avait jeté et à sa fille qu'il ne pouvait plus voir. Alors oui il pouvait s'excuser, mais pour le moment je n'étais pas prêt à le pardonner.

La suite de son petit discours me faisait le même effet. Je n'arrivais plus à être touché par ce qu'il disait. Je n'arrivais pas à lui pardonner, à oublier tout ce qui s'était passé. J'avais réussi à admettre qu'il m'avait pris pour un con. J'avais commencé à l'oublier lui, à mettre de côté ce chapitre de ma vie. Mais de là à tourner la page, à oublier pour repartir de zéro avec lui, c'était beaucoup trop me demander.

Je lâchais un petit rire alors qu'il me parlait de toute évidence de Dan. Il avait du nous voir, voir comment nous étions proches tous les deux. J'espérais qu'il en crevait de jalousie, qu'il voit un peu ce que j'avais enduré. Je l'avais vu au bras de sa femme, si jolie dans sa belle robe blanche, le parfait petit couple modèle. J'avais du assister à ça, à la perte de l'homme que j'aimais pour une autre. Et encore une fois j'avais été assez con pour le laisser se glisser dans mon lit. Il m'avait abandonné pour une autre mais ça ne l'empêchait pas de venir réclamer mon cul. Alors qu'il pense ce qu'il voulait de Dan et moi. Je ne le démentirais pas, qu'il goûte un peu avec ce qu'il m'avait fait vivre.

- T'as toujours rien compris... Je t'ai dit de partir pour prendre du temps pour toi. Pour que tu découvres qui tu es. Comme je l'ai fait moi en quittant le Texas. Oui tu n'as pas à être le fils modèle que voulait ta mère, ni le parfait petit père de famille que tu faisais semblant d'être. Mais t'as pas non plus à être celui que tu penses que je mérite. Tu dois être toi même Nate et seulement ça.

Je n'avais aucune envie qu'il fasse semblant d'être celui que j'attendais. Ce n'était pas là dessus qu'on pourrait construire une relation saine.

- J'ai mis du temps à me remettre de ce qui s'était passé. J'ai beaucoup réfléchi. J'ai repensé à tout ce qui s'était passé entre nous. Ca m'a fait mal mais j'ai fini par réaliser que... tu ne m'avais jamais vraiment aimé. Ou du moins pas comme je t'aimais moi. Et ça m'a fait terriblement mal de le réaliser. Ca a été difficile d'accepter ça. Encore plus dur de commencer à t'oublier pour tenter de me reconstruire. Alors est ce que je pourrais oublier tout ça pour reprendre de zéro? Je n'en sais rien...

Je soupirais tristement. Je détournais le regard pour voir les personnes qui passaient non loin de nous, se rendant à la salle de réception et me saluant au passage.

- Tu as l'air d'aller bien en tout cas...

Tout le long de son discours, Matt était resté incroyablement froid. Nate ne l’avait jamais vu comme ça. C’en était effrayant. Pour autant, il n’avait pas détourné le regard, ni même reculé. Il avait besoin qu’il l’entende ce qu’il avait à dire et, comme souvent, ils ne se comprenaient pas. Ou mal. Nate avait pourtant fait attention à choisir ses mots mais il n’avait pas réussi à avoir l’impact qu’il aurait aimé avoir sur Matt. Il avait retenu un soupir de peur de laisser penser qu’il se décourageait. Ça ne suffirait pas à le dévier de ses objectifs et même le rire un brin sarcastique de Matt ne l’avait pas fait faire demi-tour. Il encaissait. Il était prêt. Pendant ces deux mois, il avait su se forger un mental d’acier. « C’est toi qui sembles ne pas comprendre que, qui je suis vraiment, est intimement lié à toi… Que tu le veuilles ou non. » Et si son ton est décidé, il n’y avait aucune trace de colère. En douceur, il allait bien finir par se faire comprendre. Et si ça devait ne pas marcher… Tant pis. Il aviserait. En attendant, il n’essuyait pas un refus franc. Matt ne savait pas. « Je t’en prie Matt, ne me pardonne pas si tu estimes que c’est trop dur de le faire mais ne doute pas de ce que j’éprouve pour toi… L’amour que je te porte n’a jamais été le problème. Le manque de courage, le devoir que je me sentais avoir par rapport à mon rôle de père, oui… Blâme-moi autant que tu veux pour ça mais ne va pas te convaincre que je ne t’ai pas suffisamment aimé. C’est des conneries. » qu’il avait continué, sur le même ton calme et décidé qu’il avait employé jusque-là. Il ne devait pas céder à la facilité que ce serait de s’énerver et de tout envoyer plaquer. Il valait mieux que ça aujourd’hui. « Tu as l’air d’aller bien aussi. » qu’il lui avait répondu, lui retournant aussitôt le compliment. Est-ce qu’il en aurait profité pour se vanter de ces dernières réussites personnelles ? Impossible. Le Matt qu’il avait en face de lui n’avait déjà que très moyennement envie de l’écouter, il aurait encore moins envie d’applaudir ses succès. Matt regardait autour de lui, comme s’il était déjà ailleurs. Nate s’était pincé les lèvres. Peut-être que ça suffisait comme premier contact ? Il avait sûrement plein de choses à faire. « Tu… as des impératifs, peut-être ? » qu’il lui demanda, soucieux de ne pas le retenir plus longtemps. Peut-être que s’il lui laissait le temps de considérer les choses, Matt arriverait à y voir plus clair.

Je laissais échapper un petit rire triste en l'entendant parler. Ne pas douter de ce qu'il éprouvait sur moi.... ça c'était impossible. Non seulement je doutais mais en plus je n'arrivais plus du tout à y croire. J'étais même persuadé que ses sentiments n'avaient jamais existé. Je n'avais été qu'un amant de passage, le mec chez qui il allait se changer les idées pour tirer un coup. Mais surtout pas le mec pour qui il aurait tout laissé tomber. Il était là oui, mais parce que sa femme l'avait foutu dehors. Alors de là à le croire... non je n'y arrivais pas.

- Le manque de courage oui c'est vrai. Mais si je t'ai dit de partir de chez moi c'est justement parce que je ne croyais plus à tes beaux discours où tu prétendais m'aimer.

Je soupirais en laissant tomber ma cigarette. Je l'écrasais au sol avant de me redresser.

- Je suis attendu oui. Mon agent est là ainsi que plusieurs réalisateurs. Je dois y aller....

J'hésitais un instant avant de me retourner vers lui.

- J'habite à la sortie de la ville, du côté des studios. Sur Lincoln road, au 576, résidence White Place. Appartement 42. Je vais être en repos cette semaine. Si tu veux passer... on aura plus le temps de discuter.

Discuter de quoi je ne savais pas trop. Je m'étais promis de faire une croix sur lui et de l'oublier. Et c'était plutôt facile jusqu'à présent parce qu'il n'était pas venu. Plus les mois passaient et plus j'étais certain qu'il ne viendrait pas. Il avait fait voler toutes mes certitudes en éclat. Il faisait renaitre beaucoup trop de sentiments en moi. Et la colère n'était pas le seul malheureusement...

Je poussais un nouveau soupir.

- Je dois y aller... passe une bonne soirée.

Je lui fis un petit signe de la main avant de me détourner. Il fallait que je l'oublie, que je ne pense plus à lui, pas ce soir. Là je devais aller à ma soirée. Il fallait que je retrouve mon agent, que je discute avec les personnes qu'il voulait me présenter. Je devais penser au boulot ce soir et surtout pas à mon coeur brisé.