Nate savait le terrain glissant. Il n’avait aucune envie de s’y aventurer. C’était trop frais, il ne tenait pas à en parler. D’ailleurs, il n’aurait su ça se trouve peut-être jamais envie d’en parler. Mais Matt, lui… Visiblement, il en partageait pas son avis. Il voulait en savoir, il voulait sans doute comprendre ce qui l’avait amené à le rejoindre. Alors Nate avait fait un effort pour répondre. Il lui devait bien ça… A défaut de pouvoir lui dire la vérité. Ce n’est pas qu’il mentait… Mais il omettait volontairement les détails de l’histoire. Il n’avait aucun mal à se mettre à la place de Matt. S’ils inversaient les rôles, Nate en serait mortifié. Les détails le fâcheraient probablement même. Alors pourquoi lui dire, pourquoi lui faire du mal ? Son mariage n’avait été qu’une contrainte pour lui. Pourquoi le ressasser alors ? Alors que Nate espérait sincèrement que Matt se satisfasse de cette réponse et passe à autre chose, ce dernier insista. Et pas de la manière la plus élégante. Nate n’avait pas su réprimer un haussement de sourcils surpris. Quoi que c’était plus fort que ça encore… Il était choqué. Mais il comprenait. Ce n’était pas juste un terrain glissant… C’était un terrain miné, une zone de guerre qui allait faire des blessés. Et il avait réussi à dire tout ça avec le sourire. Incroyable. Peut-être bien qu’il était meilleur acteur qu’il ne le pensait. Seulement les mots qu’il avait choisit ne laissait pas de place au doute : il était en colère. « C’est quoi le problème au juste ? » que Nate avait demandé après un moment à observer Matt en silence. Il ne savait pas vraiment s’il avait la force de se disputer avec lui et pourtant, c’étaient bien les prémices de la colère qu’il sentait monter en lui. « Je lui ai pas dit ça. » qu’il martela ensuite, tentant de maîtriser l’amertume qui perçait dans sa voix. « Enfin… Je lui ai dit que je t’aimais, ouais. J’aurais sûrement du parler de la sodomie d’abord, je suis débile et tu es si pertinent ! » qu’il lâcha, passablement agacé avant de repousser son assiette. Il savait déjà comment ça allait se finir tout ça… Mal. Même pas 24 heures ensemble et ils étaient déjà à le deuxième dispute.

Je soupirais, me maudissant alors que je le voyais s'emporter à cause de ma remarque. J'étais con, vraiment con. Je n'avais pas à réagir comme ça. Je savais tout ça depuis longtemps, depuis la naissance de sa fille même. Je savais que toute ma vie je n'aurais droit qu'aux quelques miettes qu'il pourrait bien me donner. Son coeur irait toujours en premier à sa famille. Je passerais toujours derrière. J'avais la chance de pouvoir l'avoir pour moi pour plus que quelques jours, pour vivre avec moi. Je devrais me réjouir de cette idée au lieu de me torturer comme je le faisais.

- Je suis désolé....

Je me penchais pour prendre sa main et la serrer doucement.

- Je n'aurais pas du dire ça. C'était déplacé. Je sais pas ce que j'ai en ce moment... Je pensais que...

Je secouais doucement la tête. Je pensais qu'il serait aussi heureux que je l'étais, même un tout petit peu heureux, de pouvoir être avec moi. Je ne pensais pas que le jour où il me rejoindrait pour vivre avec moi, il serait entrain de vivre le pire moment de sa vie. La déception était dure à encaisser pour moi mais je ne devais pas réagir ainsi. Il était là, c'était tout ce qui comptait.

- Je sais pas ce que je pensais... mais je n'aime pas te voir mal ça c'est sûr. Pardon... excuse moi pour ce que j'ai dit...

Je me redressais, récupérant ma main. Je repoussais doucement son assiette vers lui pour l'encourager à recommencer à manger. Je reprenais moi même mon assiette, espérant l'encourager à manger lui aussi.

- Ca ne me regarde pas de toute façon ce qui s'est passé entre vous. Ca s'est passé et il faut juste essayer d'avancer maintenant.

Avancer et accepter que sa vie était partie en vrille, que ce n'était plus ce qu'il avait rêvé, pour lui. Avancer et accepter qu'il ne serait jamais pleinement à moi, pour moi...

Dans la minute où Nate avait commencé à s’énerver, Matt s’était excusé. Et c’était si surprenant que Nate avait l’impression d’avoir été jeté dans un bain de glaçons. Il s’excusait ? Même s’il avait voulu, il n’aurait pas pu s’empêcher d’écarquiller les yeux comme il était en train de le faire. Le jeune divorcé s’attendait à une confrontation, à une dispute, à des mots qui auraient dépassé leur pensée… Mais non. Matt avait déjà éteint le feu qu’il avait allumé, laissant Nate pantois. Et voilà qu’il le trouvait adorable à être désolé, à prendre sa main, à tout mettre en oeuvre pour être un soutien sans faille. Ça lui avait déclenché un petit pincement au coeur. Avant, c’était lui qui tempérait les choses, qui se montrait raisonnable et essayait d’arrondir les angles. Comment avait-il pu changer à ce point ? Matt, lui, continuait à se répandre en excuses si bien que Nate ne savait absolument plus comment réagir. Il n’était plus en colère. Même pas un peu. Mais la sidération laissait peu à peu place à une profonde tristesse. Il se sentait être précisément le boulet qu’il ne voulait pas être dans la vie de Matt. Par moment, il avait tenté d’articuler quelque chose mais aucun son n’était parvenu à sortir de sa bouche. Tout était resté coincé dans sa gorge qui était elle-même nouée par l’émotion. Après un temps infiniment long passé à contempler en silence Matt, il avait enfin dit : « Ce que tu as, c’est moi… Je suis là et je chamboule tout. C’est moi qui devrais être désolé. J’aurais peut-être mieux fait de rester au Texas le temps que ça se tasse. » Non pas qu’il ait des regrets concernant l’endroit qui l’avait fait naitre. Au contraire. « Je crois que… J’ai juste envie d’aller dormir. Tu m’en voudrais ? » Hiberner, ce serait le mot exact. Nate rêverait de pouvoir s’endormir pour trois mois, le temps que tout ce qui s’était passé dans sa vie dernièrement soit digéré.  

Il aurait peut être mieux fait de rester au Texas oui. Et il aurait sûrement mieux fait de rester marié à sa femme. Il avait eu l'air plus heureux quand il était avec elle que maintenant qu'elle l'avait mis à la porte de chez eux.

Je hochais doucement la tête alors qu'il me demandait la permission d'aller se coucher.

- Non pas de problème. Va te reposer.

Je lui souris doucement avant de le laisser partir. Il m'embrassa rapidement avant de s'éclipser dans la chambre. Je m'étais demandé s'il le ferait ou pas. Est ce qu'il laisserait s'installer une ambiance pesante entre nous en évitant de m'embrasser en plus de me toucher? Il ne l'avait pas fait... mais je n'étais pas certain d'être heureux qu'il m'ait embrassé.

J'attendis d'être sûr qu'il soit au lit pour me lever. J'avais perdu l'appétit avec tout ça. Je me levais et allais débarrasser les assiettes. Je détestais cette ambiance. Je détestais tout ça. Oui j'aurais peut être préféré qu'il ne soit pas là, pas comme ça en tout cas. J'aurais préféré qu'il vienne me voir tout souriant, se jetant sur moi avec envie, qu'il me dise à quel point il était heureux de pouvoir enfin être avec moi, qu'il était libre, libre de pouvoir vivre avec moi et m'aimer. Mais je rêvais... même si il avait attendu pour venir, ça n'aurait jamais été comme ça. Peut être aurait il mieux valu qu'il fasse sa vie de son côté et moi la mienne. Nous n'étions pas fait pour être ensemble. Deux hommes n'étaient pas fait pour être ensemble, on en avait la preuve là maintenant.

Je soupirais tristement après avoir tout fini de ranger. J'allais m'installer sur le canapé et pris le script pour apprendre mes scènes. Je n'avais pas vraiment envie de dormir pour le moment et surtout pas de le retrouver. Je finis par me coucher sur le canapé, décidé à passer la nuit là. Je ne me sentais pas capable d'aller le voir, pas ce soir...

Quand Nate avait exprimé le besoin d’aller se reposer, Matt avait acquiescé. Il se doutait bien que ce n’était pas ce qu’il avait prévu ou ce qu’il aurait aimé pour cette soirée… Il avait été si excité de lui parler de sa nouvelle vie à LA, il devait halluciner de voir comment se déroulaient réellement les choses. Mais c’était comme ça, Nate n’arrivait pas à faire plus. Leurs retrouvailles auraient du être sulfureuses et passionnées… Mais il n’en avait rien été. En guise de bonne nuit, Nate s’était contenté d’un chaste baiser. Hors de question de faire plus, hors de question qu’il s’imagine que ce soit une invitation à le suivre dans la chambre. Pour ça non plus, il n’était pas prêt. Sa vie avait été mise sur pause au moment même où il avait compris qu’il pourrait être privé de sa paternité. De sa fille. Est-ce qu’il pourra la revoir sans craindre un autre passage à tabac ? Ou pire encore ? Il n’en savait rien et pourtant, il n’avait que ça en tête. C’était sans doute ses inquiétudes qui l’avaient empêché de s’endormir plus tôt mais après une bonne heure à tourner en rond dans le lit il avait fini par s’endormir. Et il avait dormi comme un plomb. Dieu sait qu’il en avait besoin. Au réveil, il s’était senti en forme. C’était juste avant de se rappeler comment il était arrivé jusqu’ici et de découvrir que la place à côté de lui dans le lit était vide. Où était-il ? Il était bien la seule personne qui aurait pu l’apaiser au réveil. Déjà parti travaillé ? Ou bien n’était-il jamais venu le rejoindre ? Nate ne tarda pas à avoir sa réponse en sortant de la chambre et en voyant Matt endormi sur le canapé. Cette vision lui arracha un petit soupir. En regardant l’horloge, il s’était rendu compte qu’il s’était levé de bonne heure. Et il ne savait pas quoi faire. Réveiller Matt ? Lui parler ? Ou tout simplement partir avant que les choses ne soient pires entre eux encore ? Avant toute chose, il décida de fumer. Une cigarette ne l’aidera pas à y voir plus clair mais elle aura au moins le mérite de l’apaiser. Son intoxication à la nicotine terminée, il s’était décidé à aller voir Matt. Il avait déposé un baiser sur son front qu’il espérait assez vigoureux pour le réveiller avant de lui demander une fois qu’il avait les yeux ouverts : « Je te fais couler un café ? » Parce qu’il n’allait tout de même pas aborder de sujets qui fâchent dès le réveil.  

Je ne l'avais pas rejoint de la nuit. J'étais resté sur le canapé et j'avais dormi dessus. J'avais terriblement mal dormi d'ailleurs et pas seulement parce que le canapé était inconfortable. Je pensais à lui, à nous deux, à ce qu'on était entrain de faire. Il était venu mais il souffrait je pouvais le voir clairement. Et je n'étais pas beaucoup mieux... Je n'aurais jamais cru ça possible mais je souffrais de cette relation qui s'était installé entre nous.

J'avais passé la nuit sur le canapé, me demandant ce qui allait se passer, est ce qu'il allait remarquer mon absence? Me rejoindre? Et que se passerait il le lendemain? Allions nous continuer comme ça pendant des jours? Des semaines? Vivre cette pseudo relation où je sentais chaque jour qu'il n'était pas heureux d'être avec moi et où je souffrais de le voir.

Il était tard, ou tôt selon le point de vu, quand je m'endormis enfin. J'avais passé la nuit à me torturer sans pouvoir trouver le sommeil. J'avais l'impression d'avoir à peine fermé l'oeil quand je le sentis venir m'embrasser, m'arrachant à ma nuit. J'hochais doucement la tête, émergeant à peine alors qu'il me proposait un café. J'allais en avoir bien besoin. Ce n'était pas avec les quelques heures de sommeil que j'avais eu que j'allais pouvoir tenir. J'espérais pouvoir mieux dormir la nuit prochaine sinon je redoutais la journée de tournage qui allait venir. J'avais encore un jour pour me remettre et apprendre mon texte.

Je tentais de me concentrer uniquement sur ça. J'oubliais tous les autres projets que j'aurais pu avoir et surtout les projets que j'aurais pu avoir avec lui. Je préférais ne plus en faire. J'avais tenté de faire des choses avec lui la veille, de projeter des sorties, de lui faire découvrir ma ville, et ça avait été un cuisant échec. J'allais le laisser tranquille. Je ne pouvais pas faire grand chose de mieux. Je ne m'étais pas encore décidé sur ce que j'allais faire. Est ce que j'allais rester et supporter cette situation en silence? Ou allais je oser lui demander de partir...?

Je me levais difficilement du canapé, grimaçant en sentant mes muscles endoloris. J'allais le rejoindre et récupérais la tasse de café.

- Merci... j'en avais bien besoin.

Je pris ma première gorgée de café, la savourant doucement. J'avais bu la moitié de la tasse avant que je ne me décide à lui parler.

- Comment tu te sens?

Ça faisait longtemps que Nate n’avait pas dormi aussi profondément. Sans doute était-ce la présence de Matt qui opérait ce miracle sur lui. Bien qu’il ait mis du temps à trouver le sommeil, il se sentait enfin reposé et ce n’était pas arrivé depuis des semaines. C’était agréable. La douleur en semblait presque moins vive. Et pourtant, c’était bien le souvenir de Penny qui l’empêchait de se réjouir pleinement de cette nuit réparatrice. Mais pas que. L’absence de Matt dans son propre lit avait le don de l’inquiéter également. Et si c’était trop tard pour eux ? Après tout ce temps perdu… Avaient-ils fini par se louper totalement ? Le coeur serré, Nate ne pouvait ignorer cette éventualité. Il ne manquerait plus que ça. Perdre Matt, ce serait le coup de grâce. Ou peut-être qu’il était juste en train de s’emballer ? Si ça se trouve, il s’était simplement endormi là sans s’en rendre compte. Etrangement, c’était un scénario auquel il avait du mal à croire. Alors il allait faire son possible pour se montrer sous un meilleur jour. En commençant par le café qu’il était gentiment allé faire couler. Une tasse pour Matt, une tasse pour lui. Matt s’était levé pour venir récupérer sa tasse et si Nate ne l’avait pas lâché du regard, il n’avait pas su dire un mot. C’est le jeune acteur qui avait rompu le silence en lui demandant comment il se sentait. « Eh bien, je me sens reposé. J’ai bien dormi. J’aurais certainement mieux dormi si t’avais été là mais… » Petit haussement d’épaules. Timidement, Nate cherchait à comprendre ce qui s’était passé. Il avait rapidement baissé les yeux sur sa tasse de café le temps d’en avaler une gorgée. « Tu sais, je veux pas te déranger et je comprendrais que tu changes d’avis. Ça fait sans doute beaucoup… Tout ça. Et t’es pas obligé d’en faire les frais. » Tout en resserrant son emprise sur sa tasse, il s’était pincé la lèvre. Il était terriblement hésitant, Nate, parce qu’il savait que ce qui se jouait là était important. Matt avait toujours été le seul… Malgré tout.  

Je ne relevais pas alors qu’il me parlait du fait qu’il aurait mieux dormi avec moi. J’avais de sérieux doutes. Il ne se comportait pas vraiment comme un amoureux en manque de sa moitié. Les gestes tendres étaient rares, les sourires qu’il m’adressait habituellement ici. Et je ne parlais même pas du sexe qui était inexistant entre nous. Je n’avais pas vraiment eu l’impression que je lui manquerais si je décidais de ne pas le rejoindre au lit. Je ne savais même pas si je devais le croire quand il parlait comme ça. Est ce qu’il le pensait réellement? Ou est ce qu’il le disait pour tenter de me convaincre et de se convaincre lui aussi quelque part? J’avais l’impression qu’il se forçait, qu’il tentait de jouer au petit couple heureux qu’on avait pu être autrefois. Mais j’avais de plus en plus le sentiment que ce pseudo couple, cette histoire que j’avais cru vivre avec lui, était bel et bien morte.

Je n’osais pas le regarder. J’avais le regard baissé alors que je sirotais doucement ma tasse de café. Je soupirais alors que je l’entendais parler. Il me remettait la faute dessus. Il me gênait et compagnie. Il comprendrait que je le vire vu qu’il pensait perturber ma petite vie. IL ne comprenait pas que le problème n’était pas le fait qu’il soit là ou qu’il souffre de sa rupture. J’aurais pu comprendre d’avoir un Nate déprimé avec moi, que j’aurais pu consoler parce qu’il serait venu cherché du réconfort dans mes bras. Mais j’avais un homme qui évitait tout contact trop rapproché avec moi, qui faisait semblant d’éprouver du plaisir à être avec moi et qui cachait très mal ce qu’il ressentait.

Alors il était temps que je parle, que je lui dise ce que je pensais. Ca risquait de finir en dispute. Non ça allait même finir en dispute mais je n’avais pas le choix. Je ne supportais pas cette situation. Il n’était pas heureux et moi non plus. Il fallait que cela cesse.

Je me retournais pour reposer ma tasse vide dans l’évier. Je fouillais mes poches pour sortir une cigarette et l’allumer. J’avais besoin d’un peu de courage pour me lancer. Je relâchais doucement la fumée en fermant les yeux.

- Je pense que tu devrais partir oui mais pas parce que tu me déranges. C’est surtout que... j’ai pas l’impression que tu sois heureux avec moi. Et je ne veux pas que tu sois obligé de te forcer à faire semblant d’être heureux. Alors oui je pense que tu devrais partir, te retrouver seul un peu. Te remettre de tout ça. Faire le point sur ce que tu veux vraiment. Si un jour tu décides de revenir, de me rejoindre pour qu’on ait une vie de couple heureuse et épanouie ensemble, je serais là pour t’attendre. Mais je pense que maintenant ce n’est pas le moment.

Ca me déchirait de faire ça. Je l’avais enfin avec moi et je le repoussais. Je doutais même de le voir revenir un jour vers moi. Je le poussais à partir et je savais qu’en agissant ainsi, je le perdais définitivement. Mais tout ce que je voulais, c’était son bonheur.

Les retrouvailles de Matt et Nate n’étaient pas aussi réjouissantes que prévues. Au contraire. Tout était étrangement pesant. C’était un fait, Nate ne savait pas comment se comporter. Il était obsédé par l’idée de ne plus pouvoir revoir sa fille et il en oubliait de ce fait aisément le reste. Et du mieux qu’il pouvait, il essayait de ne pas s’imposer à Matt. Il n’avait pas besoin de gérer ses problèmes. Après tout, il n’avait pas demandé ce mariage et Dieu sait qu’il avait été contre. Alors lui faire essuyer les conséquences de ce désastre ? Ça semblait légèrement cavalier aux yeux de Nate qui avait de prime abord refusé de s’installer chez lui. Et sans doute qu’il avait eu raison. En tout cas, Matt ne lui donna pas tort en lui expliquant qu’il pensait qu’il ferait mieux de partir. Touché par son discours, Nate l’écouta avec attention, clignant des yeux de temps en temps comme si ça pouvait l’aider à accuser le coup. La vision de la cigarette de Matt lui donna envie de s’en offrir une lui aussi et il s’en alluma une avant de trouver la force de parler. « Tu as raison. Ce n’est pas le moment. » Et c’était peu de le dire. « Je suis aussi heureux que possible d’être avec toi pourtant. Je t’assure. C’est juste que… c’est pas assez, j’en conviens. Même toi, tu n’as pas la baguette magique pour me faire aller mieux. » Il inspira une bouffée de cigarette qu’il recracha aussitôt. C’était une véritable torture. Légèrement dépassé par la tournure que prenaient les choses, il passa une main sur son visage. « Ce divorce, c’est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis longtemps… Mais c’est aussi la pire. Je… J’ai peut-être bien perdu la seule chose qui m’a fait supporter ce mariage tout ce temps. J’ai sacrifié des années de ma vie pour elle… Mais pas que. Je t’ai sacrifié toi et le résultat est… désastreux. » Avec une certaine difficulté, Nate avait déglutit. La vie avait perdu de son sens, il était perdu. « Je compte pas laisser passer cette chance pour que ça marche… Toi et moi. Mais là, tout de suite, c’est comme si j’en étais juste incapable. » qu’il avait fini par dire dans un sourire triste, espérant sincèrement qu’il comprenne.  

Je ne supportais plus de l'entendre parler. J'avais l'impression de n'entendre que des mensonges, des belles paroles qu'il me sortait parce que c'était ce que je voulais entendre, ce que j'avais besoin d'entendre mais pas ce qu'il pensait.

Je suis aussi heureux que possible d'être avec toi... Non il n'était pas heureux. Ou alors le maximum de bonheur qu'il pouvait atteindre avec moi était bien maigre. Parce qu'il n'était pas heureux là. Tout le problème était bien là dedans, dans le fait qu'il n'était pas heureux à mes côtés. Alors cette phrase... elle me faisait juste grincer des dents. C'est pas assez... Ca c'était vrai... Je n'étais pas assez. Je ne suffisais pas à le rendre heureux. Je n'étais même pas certain de pouvoir y arriver un jour ou même de lui avoir apporté un minimum de joie dans sa vie.

Ce divorce, c’est la meilleure chose qui me soit arrivée... Non c'était la pire et juste ça. Il l'avait dit ensuite, un petit mais c’est aussi la pire, sauf qu'il aurait pu enlever le mais et même enlever le début de sa phrase. A le voir comme il était là maintenant, comme il s'était comporté depuis son arrivée, il n'y avait rien de bon pour lui dans ce divorce. C'était une catastrophe pour lui. Tout son monde s'effondrait et rien ne pourrait compenser ça.

Il n'avait pas perdu la seule chose qui lui faisait supporter ce mariage, il avait perdu la chose la plus précieuse dans sa vie, sa fille. Il ne m'avait pas vraiment sacrifié pour elle. Il m'avait pris pour un con. Il m'avait gardé sous la main, le brave Matt qu'il pouvait venir baiser de temps en temps afin d'aller retrouver son adorable petite fille. C'était elle, les moments avec elle qu'il avait sacrifié pour quelques instants de luxure avec moi. C'était elle à nouveau qu'il venait de sacrifier et de perdre parce qu'il avait eu la faiblesse de coucher avec moi. Ca n'avait rien à voir...

Et la fin de son discours... Bien sur qu'il laisserait passer cette "chance" d'être avec moi. Il avait passé sa vie à prendre les décisions qui l'éloignait de moi, qui réduisait ses "chances" pour qu'on soit ensemble un jour. Il n'en était pas capable maintenant. Il ne l'avait jamais été. Et il ne le serait jamais.

Et moi... moi j'étais incapable de l'oublier...

- Casse toi Nate. Pars... maintenant!

Avant qu'il ne me fasse encore plus de mal que ce qu'il m'avait déjà fait. Avant qu'il ne voit mes larmes...