Toucher était un si petit mot. Elle n'était pas touchée simplement. Elle était ébranlée. Elle était marquée par l'amour de cet homme. Elle ne pensait pas mériter autant. C'était aussi pour ça qu'elle était ainsi coincée contre lui. Elle avait envie de s'entourer autour de lui comme un serpent. Sans le risque de se faire gober ensuite. Parce qu'elle ne comptait pas être un danger pour lui. Elle fait attention à ses sondes. Elle n'est pas dégoûtée le moins du monde. Elle caresse ses épaules et sent sa main contre elle. Elle continue à le dire, à le penser, que James bouge ou non, elle l'aime…. Mais cette sensation dans son dos, cette caresse douce et intime… elle la ressent dans son âme même. Elle la ressent au plus profond d'elle. Et elle ne sait réellement pas comment elle va décider de se reculer de ce contact. Elle ne peut pas. Simplement pas.

Elle touche la peau de James. Elle la caresse et se sent…. Un peu bien. Digne ? Elle ne sait pas. Elle se sent bien d'être là. Elle aime la peau de James. Elle la trouve … douce. Elle a le cœur serré d'amour. Et de bien-être. Elle avait envie de lui dire de ne surtout pas minimiser ce qu'il venait de lui donner. Ce n'était pas que de l'argent. C'était sa vie qu'il venait se sauver. Elle allait reprendre la parole, la voix tremblante dans son cœur quand il lui dit. Il. Lui. Dit. Elle se fige et elle tremble dans ses bras. Elle se remet à pleurer.

Il l'a dit. Elle ne sait plus quoi dire. Il n'y a plus de mot parfois. Alors elle le garde contre elle. Réfléchit à comment reprendre sans répéter qu'elle mille fois au point d'être chiante. Elle finit par sourire contre son cou.

- Deux choses, James. Premièrement il va falloir que tu trouves une très bonne raison pour que je te lâche là, tout de suite. Rien que de m'imaginer me séparer de toi le temps de remettre ton t-shirt ça me ….

Elle a un frisson de froid qui remonte le long de ses entrailles. Elle décide de ne pas finir sa phrase, c'est mieux pour son cœur.

- Et je crois que les Maldives sont devenus mon endroit préféré au monde.

Elle devait trouver la force de se séparer de lui... Aller ... Un peu... Un tout petit peu.... Non. Impossible. Elle pleurait encore des larmes de joie alors qu'elle était collé à lui. Mais ça c'était tari pour ne rester que des gouttes de ses émotions. Vraiment. Elle ne méritait pas un homme comme ça.

- Et je t'aime, rajouta-t-elle parce qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de la rajouter. Et puisque tu m'aimes, le monde est merveilleux.

Malgré ce qu'elle avait dit, elle avait fini par accepter gentiment de me remettre mon tee shirt. On était resté un petit moment comme ça à profiter, à pouvoir faire réellement un calin avant que je ne lui demande de m'aider à me rhabiller pour qu'on puisse dormir.

Les jours avaient défilés, apportant chacun leur lot de petites réussites. J'avais commencé par retrouver l'usage complet de mes bras. Les bouger me demandait un effort surhumain mais j'y arrivai un tout petit peu et surtout je pouvais sentir la caresse de ses doigts sur ma peau quand elle venait tout contre moi.

Puis je récupérais la mobilité de mon torse. J'arrivais à tenir assis, droit, sans tomber en arrière. C'était épuisant et je ne tenais pas longtemps mais je progressais de jour en jour.

Et petit à petit les sensations descendirent. Je retrouvais des sensations sous la ceinture. Je commençais à remuer doucement les orteils avant de pouvoir bouger légèrement les jambes. Il faudrait des mois pour que j'arrive à tenir debout seul, à faire quelques pas. Je n'étais pas prêt de quitter un fauteuil roulant mais je savais désormais que j'y arriverais. J'avais retrouvé des sensations dans tout mon corps et ça c'était inestimable.

C'était mon dernier jour de traitement. C'était officiellement terminé. J'allais avoir encore des examens le lendemain et quelques jours de kiné intensive avant de rentrer mais c'était fini. J'étais guéri... Et pour fêter ça j'avais décidé de faire une petite surprise à Letty, avec l'aide de mon infirmier. J'avais demandé à Letty de s'enfermer dans l'autre chambre en attendant qu'on l'appelle. Puis il m'avait préparé. Il avait été m'acheter un maillot de bain vu que je n'avais pas pensé à en prendre. Puis il avait pris une chaise en plastique dont il avait enlevé les pieds. Il avait calé la chaise dans le sable avant de m'y installer. Les vagues montaient et venaient me lécher doucement le corps avant de repartir. C'était la première fois depuis des mois que je pouvais les sentir, vraiment les sentir. Je remuais les orteils dans l'eau avec un sourire ravi.

- Merci pour ça. Merci d'avoir été là pendant tout ce temps.

"C'était un plaisir James. Et ce n'est pas souvent dans mon boulot qu'on peut voir un véritable miracle se produire. J'espère que vous pourrez venir me voir dans quelques mois, quand tu te tiendras réellement sur tes jambes."

- Compte sur moi. Et... est ce que tu peux aller chercher Letty s'il te plait. Elle t'appellera pour venir me coucher, si ça ne t'ennuie pas.

"Compte sur moi."

Il me sourit avant de me lancer sur le sable, au milieu des vagues. J'avais hâte de la voir venir pour qu'on puisse profiter d'un petit bain dans la mer avec le coucher de soleil pour nous éclairer.

Elle s’était couchée, sur le dos, sur le lit qu’elle n’avait pas utilisé une fois. La main en l’air, elle observait la peau autour de ses ongles qui commençait à peine à revenir. Elle les avait arrachés à chaque nouvelle amélioration. Pourquoi ? Parce que tout ça la stresse plus que ce qu’elle ne veut bien l’admettre. Elle a peur que d’un coup, tout s’arrête, et que James se sente … Quoi ? Non. Elle attrapa la peau et tire dessus. Il fallait vraiment être débile pour penser ainsi, alors qu’elle était celle qui avait le plus cru en sa rémission totale. Mais son cerveau n’était pas logique parfois. Elle était donc dans la chambre et elle attendait. On lui avait dit d’attendre là pour une surprise.

Cela ne la dérange pas, du tout … mais les surprises James en avait fait plus qu’à son compte. Le lendemain de son aveu, elle avait appelé Paul pour lui dire qu’il pouvait quitter son travail, qu’ils allaient rouvrir leur association, grâce à James. Bien sûr, Paul avait été de son petit commentaire pragmatique « et s’il te quitte, il continuera le financement malgré votre ancienne relation ? ». James ne voulait pas entendre parler de leur séparation. Parce qu’il n’y croyait pas. Letty non plus ne croyait pas pouvoir le quitter un jour … Paul avait rappelé que tout le monde dit ça. Elle l’avait un peu insulté, à leur manière bien à eux. Ils se connaissent depuis la maternelle. Ils avaient même cru qu’il allait fini ensemble à une époque. Ce qui n’était jamais arrivé. Même pas un bisou. Rien que l’idée les avait fait écrouler de rire. Bref, les surprises, elle en avait eu assez et elle ne sait toujours pas comment elle pourrait lui rendre ce qu’il lui offre. Sa main se porte à son cou, là où se trouve le collier qu’il lui avait offert à Noël. Parce que… C’était un présent qu’elle chérissait plus que tout au monde. Elle caresse le pendentif et se demande ce qu’il pouvait bien faire. Elle allait devenir folle.

Heureusement pour lui, l’infirmier vient le prévenir qu’elle pouvait partir et le rappeler quand il faudra aller se coucher. Elle passa ses pieds par-dessus sa tête d’un mouvement rapide et se retrouva debout sur ses pieds. Elle remercie l’infirmier et va dehors, parce qu’on lui a dit d’aller dehors et qu’elle n’avait pas le temps de réfléchir à plus. Elle rejoint dehors, s’enfonce vers la plage et le voit de loin. Elle s’arrête. Elle prend un instant pour le regarder dans sa position, lui devant la mer, devant le bleu de l’eau et du ciel. Elle se sentait heureuse. Elle se rapproche de lui et, alors même qu’elle avait toujours sa robe, elle s’assit à côté de lui pour mettre ses pieds dans l’eau comme lui. Tout le côté de son corps toucher le corps de James. Ses pieds touchaient ses pieds, ses genoux touchaient ses genoux, sa hanche touchait sa hanche. Elle pourrait regarder l’horizon et le spectacle du coucher de soleil sur un autre monde … mais elle était trop occupée à le regarder lui. Elle pouvait le toucher maintenant, sans lui faire mal au cœur. Elle pouvait la caresser et un jour, il le pourrait aussi. Elle se demande si elle aimerait ses mains sur son corps, se dit qu’elle n’avait jamais aimé ça alors que ça devrait pas changer … mais que c’était James, et James avait remis en ordre son univers. Elle n’avait jamais pensé à être heureuse simplement avec une personne à ses côtés. Elle n’avait jamais imaginé qu’elle puisse ressentir cette quiétude.

- James, tu as réussi, et elle lui sourit, parce qu’elle ne savait pas bien quoi faire de plus alors qu’elle le regardait sur le côté, sans casser l’ambiance.

Non. En vrai, elle avait envie de l’embrasser, mais elle évitait toujours pour ne pas donner l’impression de lui imposer ce qu’elle voulait. Déjà qu’elle le « manipulait » trop pour ce qu’il désirait réellement. Mais ça ira mieux maintenant… ça ira beaucoup mieux. Elle rougit.

- Je peux … Je peux te demander de m’embrasser ?

Elle m'avait rejoint assez rapidement. Elle était si belle dans sa petite robe, les plis de celle ci volant doucement dans la brise marine. L'infirmier m'avait un peu arrangé. Ma poche à urine et le tuyau qui allaient avec étaient caché, l'autre poche était plus ou moins dissimulée aussi. Je me sentais à peu près comme un humain normal. J'arrivais à bouger à peu près, je sentais tout mon corps. Je pouvais à peu près profiter de cette soirée avec elle, la première depuis que je la connaissais.

Je souris doucement alors qu'elle me disait que j'avais réussi.

- C'est uniquement grâce à toi.

Je souris un peu plus alors qu'elle me posait sa question. Je ne lui répondis pas, me contentant de me pencher vers elle. J'arrivais à lever lentement ma main pour caresser sa joue. Je me rapprochais d'elle pour venir l'embrasser doucement. Ce baiser... c'était le premier que je pouvais vraiment lui donner. Je ne restais plus passif à attendre qu'elle vienne vers moi. Je pouvais faire ça, l'embrasser moi même comme j'en avais toujours rêvé.

Je laissais retomber doucement ma main. L'effort m'avait coûté mais ça en valait largement la peine.

- Tu veux bien venir sur mes genoux? Je crois que ta robe est déjà trempée.

Je ris légèrement en disant ça, bêtement heureux. J'attendis qu'elle se mette sur mes genoux pour venir passer doucement mes bras autour d'elle. Je la serrais doucement contre moi, posant ma tête tout contre son épaule.

- On va rentrer dans quelques jours... mais j'ai promis à l'infirmier qu'on reviendrait, quand j'aurais bien progressé. Et je veux retourner sur la plage aux lucioles avec toi pour en profiter pleinement.

J'étais bien ici avec elle. J'étais impatient de rentrer et de continuer à progresser dans ma rééducation. Mais cet endroit allait me manquer. Il aurait pour toujours une saveur particulière pour moi. C'était ici que j'avais commencé à retrouver une vie. Je ne pourrais jamais oublier les Maldives.

- Je pense que les premiers temps ça sera plus simple que je reste dans le petit appartement aménagé. Mais j'espère après pouvoir aller vivre dans une vraie maison. Une qui serait adapté quand même mais j'aimerais une vraie maison. Quelque chose à nous...

Une maison pour nous deux où on pourrait construire notre vie future. Je n'arrivais pas à imaginer ma vie sans elle, quoi qu'elle en pense.

- Je n’ai rien fait James. Tout le travail, tous les efforts, ils viennent de toi.

Elle ne comptait pas prendre la réussite de son état. Elle l’avait poussé, de manière un peu égoïste et clairement vicieuse, à voir un médecin. Elle l’avait poussé à essayer. Et elle savait qu’il avait essayé pour elle, plus que pour lui. Elle avait été donc une raison d’essayer, mais tout ce qui était arrivé ensuite, c’était lui. C’était lui qui avait prit le temps de bouger son corps. Lui qui avait accepté de supporter encore plein d’examen et qu’on le manipule, encore et encore et encore. C’était lui. Et elle ne comptait pas le laisser dire que c’était grâce à elle. Elle n’y était pour rien. Au pire, elle était une pompon girl. Mais c’était les joueurs sur le terrain qui avait fait le touch down, qu’importe ce que cela pouvait signifier, pas les cheerleader. Elle avait l’impression d’être la petite oubliée du fond de la classe, et que le capitaine de l’équipe la remarque, elle. Alors elle demande son baiser. Et elle l’obtient. Elle ne sait pas vraiment pourquoi mais ça la fait sourire comme une idiote. Elle aime ce baiser. Elle aime qu’il le fasse, lui. Elle n’aimait pas s’imposer. Elle finit par changer son sourire en rire. Elle se déplace sur ses genoux et elle se cale contre lui.

- Et avoir ma photo, précisa-t-elle une fois qu’il eut finit de parler de la plage, je rêve d’avoir ma photo. Je la mettrais sur tous mes écrans, pour que tout le monde puisse voir la chance que j’ai.

Et elle ne parlait pas de la plage, sinon, la photo selfie qu’elle avait envoyé à Paul suffirait … Non. Elle voulait leur montrer la chance qu’elle avait de tomber amoureux de lui, de tomber sur lui…. Le destin, quelque chose comme ça avait fait l’histoire entre eux. Même si elle aimerait bien trouver un moyen de gagner de l’argent … Parce qu’avec son histoire d’association, James devenait son employeur. Elle rit. Elle sortait avec son boss. C’était si … cliché. Et ça la faisait rire. Elle allait devoir trouver une idée, même si c’était peu d’argent, elle avait envie de faire quelque chose qui ramène de l’argent et qu’elle puisse lui faire des cadeaux d’elle. Pas de son salaire de l’association, qui serait donc de James. Elle était tellement prise qu’elle failli louper ce qu’il venait de dire. Elle se stoppe encore. James avait tout de même une facilité déconcertante à lui faire arrêter toutes ses fonctions de réflexion.

- A … à nous, répéta-t-elle alors qu’elle le regarde avant de sourire et de rire pour se cacher dans son cou, tu … tu m’invites à vivre avec toi ?

Là où il ne pourrait pas la voir avec sa tête bizarre entre la joie et … Elle ne savait pas dire, elle était heureuse … et il fallait avouer qu’elle n’avait pas réellement pensé à l’après, quand il pourrait vivre sa vie et marcher, sans qu’elle ait besoin d’être à ses côtés … Elle n’y avait pas pensé parce que l’idée de ne plus dormir avec lui, déjà, lui faisait plus peur que ce qu’elle ne pourrait l’avouer. Alors elle avait refusé d’y penser… Mais une maison … à eux. Elle se cache.

- Je n’ai jamais … heu… Je n’ai jamais vécu avec quelqu’un que j’aime.

Elle voulait dire amour romantique, puisque James savait qu’elle avait vécu avec sa sœur et son grand-père. Elle se cache et le tient fermement contre elle. Parce qu’elle était rouge écrevisse. Elle n’avait jamais été assez longtemps avec un homme pour qu’il désire emménager avec elle. Bien sûr, c’était de sa faute. Elle n’était pas tendre et elle n’aimait pas le sexe. Elle voulait faire l’amour pour avoir un enfant, tous ses petites amis (et elle en avait eu trois dans sa vie, si on ne compte pas celui quand elle était étudiante qui avait servi à prendre sa virginité) le savait. Et même si elle avait fait les étapes préconiser, sortir, se connaître, etc. Elle n’avait jamais atteint l’étape de se mettre en ménage. D’ailleurs, c’était ce que sa sœur lui disait toujours. Qu’elle ne s’était jamais « posé » avec un homme. Elle était sortit pendant plus d’un an et demi avec le même mec, un trou du cul qui l’avait trompé parce qu’elle n’était pas « chaude », et elle n’avait pas eu de demande de ce type. James lui avait dit « Je t’aime » récemment, et pourtant il voulait d’elle… Alors elle se cache pour ne pas pleurer, parce que si elle le regarde, elle risque de pleurer.

Au fond, Letty, elle avait toujours voulu d’un enfant, parce qu’elle se disait que c’était le seul être au monde qui pourrait l’aimer complètement, et dont la réciproque coulerait de source. Sauf que maintenant, elle aimait quelqu’un avec une telle force, une telle puissance et, même si elle l’espérait elle n’osait pas le croire, savoir que James était comme elle, ça changer tout son monde. Encore. James avait changé son monde trois fois.

- Tu auras toutes les photos que tu veux, en temps voulu. Et pas que sur la plage.

Je refusais jusqu'à présent d'être sur les photos parce que je ne ressemblais à rien. J'étais figé dans mon fauteuil, ne bougeant d'un millimètre seul. Je ne voulais pas immortaliser ces moments où la simple vue de mon corps dans le miroir me donnait envie de vomir. Mais un jour prochain ce ne serait plus le cas. Alors ce jour là, je serais comme un homme ordinaire. J'aurais envie de prendre des photos avec la femme que j'aimais, d'immortaliser les moments qu'on passait ensemble.

Je déposais un léger baiser dans son cou en entendant ses inquiétudes.

- Moi non plus je n'ai jamais vécu avec la personne que j'aime. Mais c'est une nouvelle aventure qu'on pourra vivre ensemble. J'ai envie de me réveiller à tes côtés tous les matins, comme on le fait maintenant. Te voir préparer le diner, tant que ce n'est pas de la soupe, et venir te déconcentrer pendant que tu le fais. Une vraie vie de couple, quand je serais capable de manger seul, de me mettre au lit avec toi sans avoir besoin d'un infirmier. Laisse moi le temps de récupérer tout ça qu'on puisse vivre une vraie vie de couple ensemble.

Je voulais une maison réellement à nous, sans avoir besoin qu'une personne extérieure vienne m'aider pour les moindres gestes. Même si j'étais encore dans un fauteuil à ce moment là, je voulais que ce soit au moins un fauteuil plus léger. Que je sois capable de sortir de ce fauteuil seul et m'y remettre sans aucune aide. Que je n'ai plus cette sonde et cette poche collée à la peau. Que je me sente un minimum autonome pour pouvoir lui offrir la vie de couple qu'elle méritait.

Il faudra quelques mois encore avant que je n'y arrive. Elle avait largement le temps de se préparer à l'idée. Mais c'était le but que je voulais atteindre, l'un des buts en tout cas. J'avais la tête pleine de rêve pour nous deux. Letty remontant l'allée dans une belle robe blanche. Letty serrant dans ses bras l'enfant qu'elle méritait tant, un enfant rien qu'à nous. Letty dansant avec moi sur cette plage aux Maldives. Letty me rejoignant sur scène alors que je lui dédicaçais mon retour à la vie. Je voulais vivre tout ça avec elle, mais j'avais encore un peu de temps pour lui en parler.

Elle sourit contre son cou. Oh. Elle allait avoir plein de photos. Tellement qu’elle allait devenir chiante. Et pourtant, elle n’aime pas particulièrement les photos. Surtout quand elle était dessus. Elle se trouve gauche. Depuis … depuis ce jour fatidique, elle a l’impression de voir ses cicatrices à travers toutes les couches d’habits …. Mais elle avait tellement envie d’une photo pour James et elle. Alors elle sourit. Elle ne savait vraiment pas comment faire. Bon, au moins, une chose était sûr maintenant, elle n’était pas cardiaque … parce que même si James n’arrêtait pas de lui faire battre son cœur si fort dans sa poitrine, elle n’avait pas fait d’arrêt cardiaque. Dont, son cœur allait bien.

- Je veux la vivre avec toi, souffla-t-elle contre son cou sans trouver le courage de montrer son visage.

Parce qu’elle avait un peu peur tout de même, qu’il se lasse. Parce que bon… Elle était ce qu’elle est … Et même si elle aimait vraiment beaucoup, elle n’était pas une femme du long terme. Même pour les enfants qu’elle aidait, elle était une femme présente jusqu’à ce que ça aille mieux, puis elle devait disparaître … Alors elle avait peur d’être lassante… Mais elle avait aussi très très très envie de vivre avec James et de dormir avec lui dans un lit qui serait le « leur ». A nous, il avait dit. Et le « nous » faisait naître plus de papier dans son ventre que ce qu’elle n’oserait l’avouer. Elle n’avait même pas la force de lui rappeler que, sauf les soupes, elle n’était pas le genre cordon bleu … elle était plus le genre à tout faire cramer et à manger le steak en semelle tant qu’elle l’avait oublié … mais elle n’avait pas la force de le dire. Elle respire doucement contre lui avant de se reculer pour placer son nez contre celui du jeune homme.

- Tu sais, les expressions « fondre de bonheur » ou « tomber amoureux » ou « les papillons dans le ventre », je ne les avais jamais expérimentés avant toi. C’est … incroyablement déstabilisant, mais j’adore ça.

Elle avait toujours dit que les femmes folles d’amour étaient … étranges, pas compréhensibles pour elle, à la limite de l’idiotie…. Elle s’excusait mentalement de tous ses commentaires méchants et sans fondement… Quand on aime, on ne compte pas… Tiens, une autre expression qu’elle venait de comprendre. Elle se mit à rire doucement alors qu’elle le regarde dans les yeux.

- Encore une chose où tu me rend folle, James, en plus de tester la résistance de mon cœur, celle de dire des choses qui font que j’ai aucuuuuuune envie de te lâcher.

Elle fit une fausse moue boudeuse avant de l’embrasser. Elle pouvait en profiter encore. Après elle irait appeler l’infirmier pour le mettre au lit et elle attendrait que James se place comme il le désire pour qu’elle puisse se caler encore dans ses bras. Ouais… Il était dangereux James.

HRP – N’hésite pas de les faire aller dormir et avancer.

- Letty... j'ai besoin de te parler...

Je repoussais ma fourchette, laissant un peu de côté mon plat de lasagnes. Je n'avais pas cuisiné, je n'en étais pas encore là et de toute façon j'avais toujours été nul en cuisine. J'avais commandé le diner afin que nous passions un moment ensemble.

Les choses avaient bien évoluées depuis notre retour des Maldives. Letty ne travaillait plus pour moi, quoi qu'elle en dise. A mes yeux c'était elle la patronne de son association. Je n'étais que le généreux donateur qui leur avait donné un coup de main financier. Elle passait ses journées avec son ami, à tout organiser pour pouvoir ouvrir et accueillir des enfants. De mon côté, je passais mes journées en kiné intensive, essayant de récupérer le plus possible de mobilité. J'y arrivais mais c'était long et épuisant. J'avais assez de force dans les bras pour manger seul, me laver seul aussi. Mais je n'en avais pas assez pour me transférer seul de mon lit à mon fauteuil et inversement. Je n'en avais pas assez dans les jambes pour qu'elles arrivent à soutenir mon poids et mes bras n'étaient pas assez forts pour les y aider. C'était long, mais chaque apportait son lot de petites victoires. Et je voulais en franchir une de plus, d'où mon besoin de lui parler.

Je lui souris pour la rassurer alors que je voyais qu'elle se mettait à flipper.

- Ce n'est rien rassures toi.

Je n'avais que des bonnes nouvelles à annoncer ces derniers temps. C'était comme si rien ne pouvait venir stopper ma bonne humeur. Une petite voix au fond de moi ne cessait de me dire que ça ne pouvait pas durer, que tout ça aurait forcément une fin. On ne pouvait pas être heureux en permanence. Pourtant en ce moment c'était le cas. J'étais entrain de retrouver ma vie petit à petit, j'avais une femme merveilleuse à mes côtés pour me soutenir, comment aurais je pu ne pas être heureux?

Et je savais que c'était le cas pour mon entourage aussi. Letty était heureuse, j'en étais quasiment certain. Elle me voyait faire des progrès de jour en jour. Mes idées suicidaires n'étaient plus qu'un lointain souvenir. Et elle pouvait reprendre son rêve, venir à nouveau en aide à des enfants. Et ma mère... elle avait cru me perdre dans cet accident. Elle m'avait vu m'enfoncer pendant des années, perdre toute envie de vivre, n'être plus que l'ombre de moi même. Et à nouveau, elle me retrouvait. Mon retour des Maldives avait été un moment fort. J'avais beau lui avoir donné quelques nouvelles, me voir bouger à nouveau avait été un choc pour elle. Nous avions passé un long moment enlacé, ma mère n'arrivant pas à calmer ses pleurs.

J'avais encore un long chemin, des tas de personnes à retrouver, mais je devais régler quelques détails encore. Et celui ci en faisait partie.

- J'ai... j'ai pris rendez vous avec un urologue...

Et si ça avait déjà été terriblement gênant d'en parler à mes infirmières pour prendre leur avis, c'était encore pire d'aborder le sujet avec Letty.

Elle avait eu bien plus qu’un appel à faire, entre l’administration, qui lui avait rappelé ses cours d’espagnol et toutes les insultes qu’elle avait apprise, Paul, qu’elle voyait souvent pour toutes les histoires juridique autour de l’association, Lisa, la femme de Paul qui les nourrit avant et après les visites avec les administrateurs. Parce que pour avoir une association, il fallait un local, pour avoir un local, il fallait le louer et expliquer que l’on pourrait le payer, mais pour prouver que l’on peut le payer, il faut avoir une fiche de paie… Et voilà pourquoi elle avait fini par se demander si elle ne pouvait pas se mettre à la cigarette, elle aussi. Elle n’avait fumé, mais on lui avait dit que ça détends. N’ayant plus le besoin de faire attention à son corps comme avant, l’idée lui traversa l’esprit avant de lui rappeler quand plus, ça pue. Alors elle avait passé son temps à se prendre la tête, jusqu’à trouver la méthode la plus simple … Utiliser une partie de l’argent de James, l’argent qui était pour l’association, pour acheter un local, sauf qu’après, il fallait prouver que l’association était réelle et … Elle en aurait bouffé la paperasse et elle avait tout donné à Paul avant de repartir voir James. Non, parce que clairement ce n’était pas son genre de supporter ça. Elle connaissait toutes les lois sur les enfants, mais elle n’en avait clairement rien à faire des autres choses. De plus, pour être une association légale, il fallait que l’état accepte son existence et lui donne des subventions. Avec l’argent de James, c’était simple et ils n’avaient pas besoin d’un grand nombre … mais il fallait donc le faire valoir. Il y a dix ans, elle avait réellement fait tout ça pour la première ? Paul lui soutient que oui, mais elle pense qu’elle avait dû faire exactement la même méthode que maintenant, tout donner à son meilleur ami et attendre d’être utile autrement.

Elle était donc revenu un peu agacé par tout ça, mais la présence de James avait tout changé rien qu’à le voir. Son sourire était apparu et elle avait pu tout oublier en restant à ses côtés. Elle continuait à éviter de l’embrasser par envie, parce qu’elle se disait que c’était mieux, mais elle ne se privait pas de lui prendre la main. Surtout parce qu’elle savait qu’il aimait la serrer. Un petit rappel que maintenant, il le peut. Se plaçant pour manger, elle avalait son assiette de lasagnes avec tranquillité avant que James ne prenne la parole. Elle fronce les sourcils et s’inquiète un peu. Elle le sent, cette bouchée de lasagne qui devient du plomb. Chaque fois qu’un copain lui avait dit ça, ça avait mal fini. Ou plutôt ça avait fini. Simplement fini. Elle le regarde et sourit quand il dit de ne pas s’inquiéter. Elle verra ça quand il lui aura expliqué.

Sauf qu’il n’explique rien, il lui parle d’un rendez-vous et Letty avait quelques secondes de silence pour essayer d’analyser tout ça. C’était … bien ? Pourquoi avait-il besoin d’un urologue ? Ah. Parce qu’il pense pouvoir faire pipi tout seul –et elle se remercie de faire ses analyses dans sa tête- ça veut dire qu’il commence à ressentir des choses par là. Mais normalement, quand il commence à sentir quelque chose il lui demande de masser, et il ne lui avait pas demandé de masser … Elle se met à rougir alors qu’elle s’imagina clairement masser une partie de James dont elle n’avait jamais vu la forme. Sans l’idée d’avoir un enfant, l’acte ne lui plaisait pas, ça ne l’intriguait même pas…. Mais ça restait un brin gênant de s’imaginer en train de le toucher. Elle met son poing devant la bouche et rougit sans oser le regarder. C’était sûr qu’il verrait ses pensées, elle était le genre de personne transparent.

- Mais c’est positif, non ? demanda-t-elle une fois que ses joues étaient passé de rouge vif à rouge. Cela signifie que tu n’auras plus trop honte devant moi, et c’est encore un nouveau pas.

Elle était passée de rouge à rose, mais se leva tout de même pour faire un bisou sur son crâne.

- Tu me diras la date du rendez-vous, je viendrais avec toi.

Elle savait qu’elle attendrait dans la salle d’attente, pour qu’il puisse parler de tous ses problèmes sans l’avoir dans les pattes … mais elle avait besoin de le voir plus, et de l’aider encore plus … et elle avait envie d’être là… Surtout pour s’enlever l’image qu’elle avait eue de sa petite tête d’innocence. Il fallait rajouter cette information là aux autres … Letty n’aimait pas le sexe, elle l’avait déjà dit … Et James avait dit qu’il aimait … Ce qui l’inquiétait bien plus qu’elle ne veut l’admettre… Mais surtout, le sexe chez elle, c’était l’acte… Pas de préliminaire ou de caresses intimes. Non. Elle faisait parti de ses femmes qui n’avaient jamais atteint le climax de bienêtre que les films ou les livres disent si évident pour les femmes.

*

Pendant le rendez-vous, donc, elle attendait dans la salle d’attente. Elle était prête à venir si on l’appelle, mais elle ne voyait pas de soucis à ce qu’on ne l’appelle pas. Elle ne voulait pas le gêner. Elle se rongeait les ongles, dès que James avait le dos tourné … Elle avait fait des recherches un peu étrange sur internet, qu’elle avait ensuite supprimé de l’historique parce que … C’était gênant. Elle avait cherché comment elle pourrait avoir du désir sexuel. C’était écrit qu’il fallait le bon partenaire, ça elle l’avait … Et que certaines choses pourraient l’aider à avoir du désir, comme des médicaments –mais elle n’en était pas là- ou bien des aliments qui boostent la libido…. Mais ça donnait des envies, certes, mais ça ne faisait pas aimer ça. Un peu comme les livres écrit par Michelle Obama, qui donnait envie de les lire, mais aucune envie de les acheter. Ouais, elle comparait le sexe avec des livres de la femme de l’ex président des États-Unis… et comme cette pensée resterait secrète, elle se le permettait sans honte.

- Mademoiselle Parker ? fit une voix qui la fit tressaillir alors qu’elle vérifie que ce n’était pas le médecin qui l’avait appelé.

Elle regarde autour d’elle pour voir un homme, assis à côté de lui, un sourire charmeur sur le visage et les cheveux bien peignés. L’homme était propre sur lui, souriant mais elle mit quelques minutes à le remettre. Elle finit par répondre à son sourire.

- Monsieur Garner, se surprit-elle, comment allez vous ?
- Mieux depuis que j’ai pu revoir votre sourire, dragua-t-il sans honte.

Ce qui passa totalement au-dessus de la tête de Letty. Elle avait connu Monsieur Garner quand son ex-femme avait perdu les droits sur leur fils. Monsieur Garner, qui voulait absolument être appelé Lewis, avait demandé de l’aide à l’association pour avoir le droit sur sa fille. A l’époque, il avait une petite entreprise qui avait dû mal à décoller et une peur très touchante de l’échec en tant que parents … Sa fille avait une déformation physique qui l’intimider beaucoup. Maintenant, tout semblait bien mieux. Ils parlèrent et Letty pu totalement oublier ses pensées trop sexuelles pour parler de chose bien plus Terre à Terre, comme la réouverture de l’association et la difficulté à trouver un local. La porte du médecin s’ouvrit et elle pu sourire à James tout en se relevant. Monsieur Garner lui attrapa le bras pour lui tendre une carte.

- Appelez-moi, je suis sûr que je pourrais vous aider avec cette histoire.
- Je vous remercie, fit-elle en prenant la carte qui faisait pompeuse et élégante.
- C’est moi qui vous remercie. J’espère pouvoir vous revoir très vite, il rajouta un clin d’œil charmeur qui passa, là aussi, très loin de Letty.
- Promis.

Elle avait envie de retourner voir Jessica, la petite de Monsieur Garner, et lui parler. De plus, elle avait plein d’idée pour faire des suivis un peu plus poussé … Parce que normalement, ils avaient perdu le droit de suivi quand l’association à fermer… Il allait falloir demander à toutes les familles s’ils acceptent qu’ils reprennent le suivi. Monsieur Garner part, lâcha un autre regard intéressé sur Letty alors que cette dernière était déjà toute focalisée sur James.

- Alors, ça va ? Qu'est-ce qu'il a dit ?  

- Oui c'est positif.

Je lui avais souris doucement, content qu'elle ne creuse pas davantage le sujet, qu'elle ne me pose pas de questions sur le pourquoi je voulais voir l'urologue maintenant. Nous aurions du avoir une conversation terriblement gênante sinon. Comment lui dire que ma sonde me faisait mal dans la journée et particulièrement le matin quand je me levais et que j'avais... la petite érection matinale. Alors oui ça remarchait, c'était encourageant pour la suite mais c'était aussi terriblement gênant d'aborder ça avec elle. Nous n'étions pas encore intime tous les deux. Nous n'étions jamais allé plus loin que quelques baisers. Elle ne m'avait jamais vu nu et inversement. Alors parler de mes histoires d'érection avec elle, ça aurait été trop gênant. C'était certainement pour cette raison qu'elle ne m'avait pas plus questionné. Elle devait être aussi mal à l'aise que moi.

Nous avions changé de sujet, parlant de tout et de rien. Une soirée ordinaire pour un couple ordinaire. J'avais pu l'attirer sur mes genoux pour l'embrasser en souriant, profiter d'un moment tendre avec elle avant qu'elle ne rentre chez elle. Peut être que quand j'arriverais à me débrouiller seul, sans infirmier, je l'inviterais à venir vivre avec moi.

Quelques jours plus tard, nous étions chez le médecin. Elle était resté dans la salle d'attente, ne tenant pas à me rejoindre dans le cabinet du médecin. Elle était gênée, c'était clair maintenant. Elle n'avait aucune envie de m'entendre parler de mes problèmes de pénis.

Je souris un peu mal à l'aise alors que le médecin reprenait mon dossier.

"Alors... on s'était vu il y a environ deux ans. Problème de rétention consécutifs à votre tétraplégie."

Je hochais doucement la tête alors qu'il parlait, confirmant ses dires.

"On avait opté pour une sonde à demeure mais... excusez moi... même si vous êtes en fauteuil roulant, vous ne semblez plus paraplégique."

Mon sourire s'agrandit tandis que je commençais à lui raconter le traitement que j'avais subi. Je ne connaissais bien sur pas tous les détails ni les termes techniques. Ca restait trop obscur pour moi. Mais je lui donnais les coordonnées du médecin qui me suivait pour qu'il se renseigne.

"Avec plaisir oui. Ce qui vous arrive c'est un vrai miracle. Et vous venez me voir parce que... je suppose que de ce côté là tout va mieux."

- Oui c'est ça. Je voulais votre avis pour retirer la sonde. Elle me gêne et... j'ai... des... enfin le matin...

Le médecin eut un sourire bienveillant avant de terminer à ma place.

"Des érections matinales c'est ça? C'est très bon signe. Que les sensations reviennent, que les érections soient toujours présentes. Ca laisse penser que tout fonctionne à merveille. Je vais quand même vous donner un traitement à faire pendant quelques jours avant de retirer la sonde. Ne soyez pas trop déçu si ça ne marche pas du premier coup. Il faut le temps à votre vessie de se rhabituer à fonctionner normalement. Et pour le reste... je vous conseille d'être patient aussi et de ne essayer tout de suite d'avoir des rapports."

- Non non je ne pense pas être capable physiquement encore. Mais j'y pense oui.

On discuta encore quelques minutes avant que je ne ressorte mon ordonnance à la main. Encore quelques jours et je serais libéré de cette merde. Il ne resterait plus que la poche à virer et je serais un peu plus un être humain. Je sortis, souriant et prêt à annoncer la bonne nouvelle à Letty quand je les vis. Elle était entrain de discuter avec un homme, plutôt séduisant, lui promettant de le revoir très vite. Je ne ratais rien du regard qu'il lui lança en partant. Il voulait sortir avec elle, ça ne faisait aucun doute.

Je le fixais d'un regard noir alors qu'il s'en allait. Je secouais doucement la tête en entendant ses questions.

- J'ai un traitement à prendre. Il faudra s'arrêter à la pharmacie avant de rentrer.

Je me détournais d'elle, gardant mon air fermé pour aller vers la voiture.