Ayant renoncée depuis un moment à trouver l’âme-sœur et utilisant ce temps libre pour se donner corps et âme à son travail, Chenoa remarquait que, finalement, c’était une excellente chose. Les affres de la solitude, les espoirs déçus, les meurtrissures du passé, tout ça contribuait à rendre ses peintures encore plus intenses, et donc plus attractives. Du pain béni pour une artiste, même si le revers de cette réussite s’accompagnait souvent de souffrance. Car si elle en venait à peindre des toiles aussi profondes qu’inspirantes, c’était uniquement parce qu’elles reflétaient son état d’esprit du moment que sa sensibilité parvenait à colorer. Des émotions qui la submergeaient facilement, pout le meilleur comme pour le pire. Elle attirait ainsi aussi bien des admirateurs de la première heure qui acclamaient son talent et son style, que des passionnés de longue date qui s’enfermaient dans un thème spécifique, ou des amateurs tombant sous le charme d’une œuvre en particulier. En bref, sa clientèle était plutôt hétéroclite, tout en comptant des habitués attendant toujours avec impatience et intérêt ses futures expositions. Pour autant, malgré son caractère indépendant, la brune était aussi d’une nature particulièrement sensible, laissant facilement ses émotions déborder ou la submerger, que ce soit dans la joie ou dans la peine. Ce qui avait nécessairement des répercussions sur sa vie professionnelle et sentimentale. Ainsi, Chenoa n’avait jamais eu peur de s’engager, et ce malgré une expérience traumatisante. Ça avait toujours été une chose naturelle à ses yeux. Et puis le temps passant et l’expérience aidant, Chenoa avait trouvé un certain équilibre. Elle n’était plus une adolescente en prise avec ses premiers émois, pas plus qu’une jeune femme se laissant influencée par les espoirs d’une vie de couple heureuse avec son manager. Non, elle avait grandi, mûri, appris de ses erreurs. Et aujourd’hui, c’était une femme bien dans sa peau qui possédait un point de vue précis sur ce qu’elle désirait ou refusait. Forgée par ses expériences et dorénavant par sa nature de louve, Chenoa se sentait parfaitement en phase avec son imprégnation. De toute façon, l’inverse aurait été impossible, de ce qui lui avait expliqué Billy. Aucune importance. Son esprit sauvage s’accommodait parfaitement de ce choix. Car l’esprit des loups ne se trompait jamais, et il était donc évident que Charlie était son âme-sœur, son complément, sa partie manquante et le dernier homme de sa vie qu’elle aimera pour toujours.

Désormais en tête-à-tête avec le shérif, la brune vivait ce moment comme un rencard. Non officiel peut-être, mais un rencard quand même. Son objectif était ainsi de se mettre en valeur tout en charmant le beau brun dans l’optique d’un second rendez-vous. Pour le moment, et pour autant qu’elle puisse en juger, tout se déroulait à merveille. En effet, devant l’indécision de la quileute face à autant de boissons et de pâtisseries alléchantes, il lui proposait déjà de la ramener pour qu’elle puisse essayer toutes les propositions de la carte. Autant dire que la peintre se jeta sur l’occasion. « Cela me va pour une promesse. Pour cela je dois me faire une mission que vous continuez d’apprécier ma compagnie alors. » Chenoa lui sourit en prenant le temps de planter ses iris espiègles dans ceux du shérif. « Une mission qui sera menée à bien, j'en suis certaine. Car après tout, qui vous dit que ce n’est pas déjà le cas ? » Car oui, il avait beau passé son temps à se déprécier, Chenoa, elle, aimait déjà sa compagnie et tout ce qu’il était, tout ce qu’il représentait, et ce depuis la première seconde, à l’instant même où leurs regards s’étaient croisés, là-bas, sur la plage. Le moment où elle avait eu son imprégnation, signe que leurs destins étaient liés depuis le commencement du monde. Néanmoins, si c’était évident pour elle, Chenoa espérait que la réciproque soit vraie, que sa compagnie aussi continuerait de lui plaire. Mais une fois de plus, elle se promit de tout faire pour. D’ailleurs, elle se demanda si elle n’allait pas devoir établir en détail une stratégie... Encore que la quileute se connaissait suffisamment pour savoir qu’elle agirait à l’instinct et qu’en lieu et place de l’élaboration d’une tactique, elle passerait des jours à le dessiner sous toutes les coutures, dans une impulsion obsessionnelle. D’ailleurs, elle avait déjà commencé... Mais chuuut, c’était un secret.

Le rencard continua, et tout se passait bien. Charlie s’offrit même la douce folie de quitter sa routine en laissant le soin à son invitée de choisir sa collation de l’après-midi à sa place. Autant dire qu’il allait bientôt observer avec perplexité ce qu’elle venait de lui commander. Encore qu’il ne le serait peut-être pas tant que ça sachant qu’elle était artiste de métier. Avoir un petit côté extravagant était un trait de caractère communément admis dans ce genre de carrière, non ? Dans tous les cas, oui, Chenoa lui avait choisi une boisson et une douceur étonnantes, quelque chose qui sortait de l’ordinaire pour une personne routinière comme Charlie. Il fallait juste espérer qu’elle ne soit pas aller dans des extrêmes et que Charlie déteste ce qu’elle lui avait commandé. D’autant qu’il serait probablement trop poli pour lui le lui avouer. Ou peut-être le ferait-il par sincérité ? Lorsque plusieurs de ses qualités s’affrontaient, la quileute se demandait bien comment il pouvait s’en sortir avec tous ses principes. Une question dont elle aura peut-être l’occasion de débattre plus tard, et qui ne faisait que le rendre plus fascinant encore à ses yeux, si toutefois cela était possible. Puis finalement, Alma revint vers eux avec un plateau dans les mains et un sourire malicieux plaqué aux lèvres. Lorsque Chenoa aperçut le gâteau en forme de lapin, elle comprit et ne put s’empêcher de sourire à son tour. C’était adorable et très amusant à la fois, surtout au vu de la tête du shérif qui découvrait lui-aussi sa pâtisserie. Manifestement, le shérif ne prenait jamais ce genre de gâteau dont l’aspect revêtait un côté mignon qui ne collait pas vraiment à des adultes, encore moins à quelqu’un possédant une personnalité rationnelle et traditionnelle comme Charlie. Ce qui était assez paradoxale avec le fait que lui était absolument adorable. Puis la brune sentit une pointe d’anxiété s’infuser peu à peu dans son être, tandis qu’elle observait attentivement le shérif goûter l’Angel cake. Un choix peut-être un peu trop audacieux, surtout que le nom sonnait poétique et romantique. Après une bonne poignée de secondes silencieuses, il leva son regard vers elle. « J’aime bien. Je n’en mangerais pas tous les jours mais ça reste délicieux. Vous voulez goûter, vous aussi ? » Si le verdict la rassura un peu, elle fut en revanche réellement surprise par sa proposition, mais surtout par son geste. Chenoa lui lança un coup d’œil, à la recherche d’indice sur ce qu’elle devait comprendre, s’il y avait un double-sens mais le shérif était égal à lui-même. Il la regardait avec douceur et gentillesse, mais il n’y régnait aucune étincelle particulière. Son geste était purement instinctif, sans doute parce qu’il n’était pas habitué à changer sa routine ni à être en compagnie d’une femme. En tout cas, pour cette dernière affirmation, c’était ce que beaucoup de personnes du clan qui le connaissaient lui avaient dit. Donc non, il n’y avait rien de romantique là-dedans, pas de seconde lecture. Ça, c’était juste ce qu’elle avait espéré. Alors après une hésitation, elle goûta l’Angel cake que lui tendait Charlie et prit le temps de le déguster à son tour. Mmm, oui, on sentait bien l’onctuosité, la légèreté, la saveur onirique qui faisait penser à un voyage parmi les nuages. « Ah ! Je viens de tomber amoureuse. » s’esclaffa-t-elle doucement avant de lever son regard vers lui, souriante. « Et j’ai bien peur que ce ne soit le cas avec toute la carte du menu. Mais bon, au moins, je ne serais jamais déçue ici. » Comme la majorité des gens, Chenoa avait ses plats préférés qu’elle commandait en boucle, mais elle fonctionnait aussi et surtout selon ses humeurs du moment. Alors d’une manière générale, on pouvait affirmer qu’elle aimait tout. Ou presque, car il y avait des saveurs que son palais n’appréciait guère, comme tout le monde. « Vous voulez goûter la tarte au citron ? » proposa-t-elle à son tour, lui tendant sa cuiller garnie de pâte sablée et de crème citronnée. Après tout, puisqu’il ne trouvait rien d’étrange à ce geste romantique, autant qu’elle en profite. Car si pour lui ça ne signifiait rien, pour elle ça représentait beaucoup, et elle se sentait envahie d’une joie immense rien qu’à cet échange.

La quileute termina ensuite tranquillement son dessert et savoura son chocolat chaud saupoudré de marshmallows, tandis qu’ils partageaient quelques souvenirs culinaires. Puis plutôt que d’envisager de laisser le reste de la conversation se dérouler sur une note banale, la brune se risqua sur un sujet audacieux qui pourrait aisément rendre le reste de l’échange malaisant. Mais puisqu’ils étaient là et avec les propos et gestes qu’ils avaient déjà échangés, Chenoa osa, enivrée du bonheur d’être en compagnie de l’objet de son désir. « Sinon, je me demandais... vous enlevez souvent votre uniforme quand vous aidez les vieilles dames avec leur voiture ? » s’enquit-elle en affichant un air malicieux. Car la quileute ne cherchait pas à le mettre mal à l’aise, bien au contraire. Elle utilisait les évènements qui venaient à peine de se passer pour flirter ouvertement avec lui. Madame Hamlet lui avait dit que c’était à elle de prendre les devants et Chenoa comptait bien suivre son conseil, et plutôt deux fois qu’une ! Alors pourquoi pas maintenant ? Parce que vu que c’était dans ses habitudes de venir en aide aux autres – d’ailleurs il le lui avait déjà proposer sur la plage lors de leur première rencontre – la quileute escomptait bien trouver un meuble à monter chez elle, et sans doute même plusieurs...

Charlie ne savait pas réellement comment réagir face à la jeune femme. Elle le désarçonne et ça le change. Heureusement pour lui, il ne l’avait pas rencontré dans le cadre de son travail, auquel cas il se serait sentit bien novice. Il ne savait pas du tout ce qu’il devait dire et garder sa bienveillance, sans restriction mais avec une petite timidité qu’il ne se connaissait pas. Il n’avait plus été timide depuis Renée, la mère de Bella, et ça ne lui avait pas bien réussi. Il ne répondit que d’un petit sourire timide donc, quand elle sous entendu qu’elle aimait déjà bien sa compagnie. Voilà, pourquoi il disait qu’il ne pourrait pas l’interroger dans le cadre de son travail. Il fallait toujours pouvoir lire entre les lignes, sur les faciès et dans les non-dits, mais avec la jeune femme, il avait l’impression de ne rien comprendre. C’était comme si elle le… draguait ? Ce qui serait particulièrement étrange puisqu’elle ne le connaissait pas du tout et qu’il n’avait rien d’un homme que l’on drague. Qu’il croit. Quand il s’agissait de lui, Charlie était plus aveugle qu’une grande partie de la population.

Tout comme le geste qu’il fit pour lui faire goûter son gâteau. Pour lui, il n’y avait là rien de moins qu’un geste pour partager de la nourriture, alors même que le voir faire il aurait trouvé cela romantique. Il sourit à son exagération évidente, on ne tombait pas amoureuse d’une gâteau, avant de reprendre sa dégustation avec simplicité et douceur.

- J’avais prévenu, ici c’est le meilleur endroit pour se remplir l’estomac de sucre, c’est le donut des flics de la ville.

Il y avait d’ailleurs une blague comme ça dans le commissariat, ou souvent une personne ramène des donuts au sucre avant que quelqu’un ne lui fasse remarquer qu’il y avait mieux dans la ville et que tout le monde rit. Il n’y a pas à dire, il préférait largement l’ambiance du commissariat de Forks que celui de la grande ville à côté qui continuait d’essayer de l’avoir dans ses filets. Quand elle lui propose son propre goûter, il se penche sans la moindre hésitation et goûte le dessert avant de sourire.

- Je crois que je préfère le mien tout de même. Celui-ci est bon mais le citron n'est pas la senteur que j'apprécie sur le long terme.

Un peu de citron sur un poisson, oui. Beaucoup : non. Et puis d’ailleurs, il préfère la viande aux poissons… même s’il aimait pêcher avec Billie, il aimait aussi chasser. Une chasse propre et claire. Il était le genre, pendant la chasse, à ne tuer qu’une bête, et pas un bébé, et à manger tout de la viande ou alors de le garder pour les chiens et les chats du chenil. Ils mangèrent tranquillement jusqu’à ce qu’elle reprenne la parole, il lève les yeux vers elle et il fronce un peu les sourcils.

- Oui. Toujours à vrai dire.

Il ne sait pas pourquoi c’est étonnant. Mais il se décida d’expliquer la raison à la jeune femme, non conscient, à nouveau, qu’il parlera de son incapacité à comprendre les sous entendu de la gente féminine.

- Depuis ma jeunesse, je suis un peu l’homme à tout faire de la ville, alors il m’arrive souvent de dépanné pour aider. Une fois que je réparais la vieille voiture de Madame Omaley, elle est venue me voir pour m’obliger à enlever ma chemise de mon uniforme avant que je ne l’abime, j’étais tout jeune policier à l’époque. Elle m’a dit qu’il était hors de question que mon uniforme soit taché à cause d’un coup de main… Et comme ses amies qui barboter au soleil avaient appuyé ses dires, je n’ai rien pu faire. Surtout qu’elles menaçaient de ne plus accepter mon aide si je ne faisais pas attention.

Oui, plusieurs femmes, pas si vieilles que ça mais parfois plus que lui… mais aussi plus jeunes, avaient fait front commun pour lui dire qu’il ne devait pas souiller son costume pour elles, sinon… elles l’empêcheraient de les aider. Il avait finit par abdiquer.

- La plupart du temps, je cherche à mettre un t-shirt à la place, mais elles n’en ont pas de rechange et j’oublie d’en prendre. Depuis, j’évite de les mettre mal à l’aise avec l’idée que je puisse me retrouver « sale » pour un coup de main et je préfère l’enlever.

Oui… Il n’avait pas compris, du tout, que Madame Omaley et ses copines avaient juste envie de voir un jeune en train de faire une voiture presque nu. Il n’avait jamais compris que BEAUCOUP de femmes le trouver à son goût, même jeune et innocent de l’amour. Lui, il avait juste accepté pour ne pas les mettre mal à l’aise ELLES, s’il venait à se tâcher. Depuis, il continuait de faire attention à ne pas les rendre coupable de ses saletés et continuait de se changer quand il devait aider à peindre, ou à s’occuper des voitures. Il ne voyait pas du tout le côté un peu voyeurisme qu’il y avait dans cette action. Il était assez vieux pour avoir une fille, il connaissait le sexe, mais il ne prêtait que rarement des arrières pensées sexuelles aux actions des autres… Chenoa sera prévenu, même s’il ne se doute même pas de ce qu’il venait de la prévenir…