Son plan n’a pas marché comme elle le voulait. Pas aussi bien en tout cas. Elle a offert une opportunité au jeune homme de faire quelque chose qu’il aime vraiment et ce avec une fille qu’il apprécie, la fille dont il est amoureux, mais il n’a pas saisi cette chance. Il s’est contenté de… de la ramener à bon port sans faire le moindre détour, sans prendre un peu plus de temps que prévu pour rentrer. Mais au moins, à la mine qu’il fait, elle comprend rapidement qu’il a plus qu’apprécié l’expérience, puisque, quand elle le questionne, il se laisse tomber dans le lit, la tête dans un coussin, affirmant qu’elle était une fausse sœur. Elle lève les yeux au ciel.

"- Mais oui, mais oui !" souffle la demoiselle. "Pas ma faute si TU as besoin d’un bon coup de pied au derrière pour te déclarer à la fille qui te plaît depuis DES ANNÉES !" elle croise les bras sur sa poitrine. "T’es DE-SES-PE-RANT." affirme-t-elle.

Il a pas les mots, qu’il dit, et la demoiselle l’observe quand il parle. Hé bien il va devoir les trouver, les mots. Il va devoir savoir comment lui expliquer ce qui s’est passé de son côté parce qu’elle reste un peu sur sa faim, dans l’immédiat. Alors elle continue de croiser les bras sur sa poitrine et attend qu’il se décide à en dire un peu plus, qu’il se décide à mettre des mots sur ses ressentis, sur ses sensations, sur ce qu’il avait vécu.

Il se jette à l’eau, enfin, et la demoiselle esquisse un sourire ravit. C’était ouf. Tant mieux alors. C’est ce qu’elle espérait entendre, ce qu’elle lui souhaitait ! Au moins, elle n’a pas complètement merdé, en fin de compte. Il n'en a juste pas profité aussi longtemps qu’elle l'aurait aimé.

"- Ah ! Tu vois que j’ai bien fait !" affirme Cornelia, fière d’elle, lui adressant un grand sourire. "Donc j’compte sur toi pour l’inviter à balader ce week-end, hein ?" souffle la demoiselle.

Il a intérêt à comprendre le message, cette fois et à vraiment prendre son temps. Elle bat exagérément des cils en parlant, comme pour appuyer son propos, avant qu’il ne parle de la balade des chiens. Elle hausse les épaules. Il n’y a pas grand chose à raconter. Pas grand chose qu’elle veut raconter, surtout. Elle risque pas de parler de la pharmacie non.

"- C’était… Silencieux."

Alors qu’elle lui explique ce qu’elle compte faire pour permettre à Cornelia de manger presque comme eux mais que ce soit moins gras et sucré que la version non-healthy, le jeune homme semble plutôt d’accord avec ce qu’elle propose, affirmant que ce sera bien. Il vérifie tout de même les calories indiquées sur le pot de ketchup, histoire d’être sûr du coup, mais ça reste une version avec un peu moins de sucre que les marques standard, déjà. Le miel… reste du miel. Basique. Normal. Lisa entreprend donc la préparation de la marinade spéciale pour Corny avant de plonger le poulet dans le saladier, y plongeant bientôt les doigts pour mélanger le tout et envelopper le poulet de sa sauce même si, comme il y en a moins, elle a un peu de mal pour tout mélanger, envelopper tout le poulet dans cette préparation. Malgré tout, ça devrait faire l’affaire. C’est le principal.

"- Ouai, on va peut-être faire ça, c’est encore le mieux pour vous qui voulez pas vous coucher trop tard." remarque Lisa en terminant sa préparation. "Tu crois que je peux mettre un chouïa plus de ketchup ou ce serait vraiment abusé ?"

Elle ajuste le tout comme il faut, essaie de faire au mieux pour Cornelia en suivant les directives de son meilleur ami puis couvre le plat de la demoiselle pour éviter que le tout ne sèche pendant la cuisson. Elle fait de même avec leur plat à eux et allume le four pour une cuisson basse température mais un peu longue, qui permettra de caraméliser le tout doucement.

"- Salchow, Lady venez là !" appelle la demoiselle comme Aayden commence à s’énerve contre les chiens, agacé à l’idée de finir par tomber en se prenant les jambes dans leurs pattes, ce qui risque de finir par arriver comme les deux bestioles n’arrêtent pas de tourner autour de lui. "Au panier maintenant et soyez sages !" demande Lisa un peu fermement, désignant le fameux panier d’un doigt, les deux toutous se décidant alors à la rejoindre.

Den s’éloigne pour commencer à installer la table du goûter tandis que Lisa donne un coup de propre, de nouveau, dans la cuisine. Et rapidement, comme ils sont seuls, Den en profite pour la questionner, naturellement, sur ce qu’il s’est passé quand ils sont arrivé. Elle hausse les épaules.

"- J’voulais le miel et… Bah au lieu de me l’attraper il a fait ça." souffle la demoiselle. "Comment c’était avec Corny ? Et pourquoi t’avais la tête du type qui a fait une connerie en rentrant ?"

- Pas plus de ketchup, non. Elle va m’le faire bouffer par le nez sinon.

Que tu dis à moitié en plaisantant, connaissant le tempérament de la brune avec son régime et qui sait pertinemment que tu seras responsable de cela, vu qu’il y a la preuve noire sur blanc que tu prenais la chose en main pour aider Lisa à réadapter la recette pour elle. Donc oui, tu risquerais de finir étouffé avec le plat si ça dépassait, même de pas-grand-chose. Et pour le moment, tu voulais tout sauf être en conflit avec la patineuse. Tu la laisses réajuster comme il faut et soupires quand l’adolescente rappelle les chiens pour te laisser souffler un peu.

Pas que tu ne les aimes pas, mais bon, il y a des moments où les avoirs autour de toi n’était pas la meilleure des idée, surtout avec ta concentration aléatoire et ta maladresse digne d’un film de Mr Bean. M’enfin. Tu profites un peu d’être seule avec ta meilleure amie pour savoir ce qui s’était passé en votre absence, pourquoi en revenant elle était dans cette drôle de position et la réponse semble d’un coup plus logique. Tu pouffes un peu en organisant tout comme il faut, avec les serviettes qui correspondaient. Corny au bout, Andrew à côté, puis Lisa et enfin toi.

C’était comme ça depuis le début, et pas sûr que ça change ce soir. Tu hoches un peu la tête avant de buguer quand elle demande pour la balade. Tu rougis, le cœur qui déconne et déglutit. Tu te redresses pour ranger le plateau et fais mine de hausser les épaules.

- Oh bah.. Une balade quoi. Les chiens ont couru comme deux débiles dans le parc, on a essayé de les récup’ et on est rentré. Fin de l’histoire.

Tu pouffes.

- Moins intéressante qu’une balade à moto, ceci dit.

Que tu clames en lui faisant un clin d’œil, espérant détourner la conversation comme ça, avant de récupérer un nouveau petit pochon de chocolat pour le manger tranquillement, adosser au plan de travail.

La brune n’a pas tort mine de rien. Cela fait bien trois voir quatre ans que tu nourrissais des sentiments profonds à l’égard de ta partenaire de glace et le fait que le goalie soit dans les parages n’a jamais aidé à te donner le courage de pouvoir faire le premier pas. L’avancé que tu fais depuis quelque temps, c’est parce que depuis des mois, tu es au courant qu’il n’y a rien entre les deux, qu’il n’y aura jamais rien et que le blond est plutôt intéressé par les petites brunes aux caractères bien trempés. Voir têtue et déterminée dans ses convictions.

Tu pouffes un peu quand même, quand elle rétorque qu’il faudra tenir ses dires et que tu devras effectivement invités l'adolescente à une balade à moto dans le week-end. Tu hoches la tête.

- Oui madame.

Que tu clames avant d’essayer d’en savoir plus sur son après-midi à elle, mais… Tu grimaces légèrement. Silencieux hein ? Tu t’y attendais de toute façon. Si Lisa et toi ne faites pas la conversation, ils ne parlent pas beaucoup, échangent peu et se toisent à peine dans l’appartement. Tu soupires intérieurement, ayant espéré autre chose, mais bon. Le temps… Il faut peut-être encore du temps pour ton amie d’essayer de voir au-delà de ce qu’elle a toujours connu avec le blond.

- Vous vous êtes rien dit de la balade ? Vraiment ? Et manges tes pochons avant que le chocolat ne refroidisse… Et me dit pas non, sinon je te les fous dans la bouche de force. Régime ou pas régime.

Que tu menaces, sachant très bien que tu n’iras pas jusque-là… Pas totalement. Tu soupires un peu.

- Mais… Il s’est passé un truc en cours pour que vous vous fassiez la gueule aujourd’hui ? Mise à part Hailey bien sûr…

"- Non, rien." affirme la demoiselle.

Comme son meilleur ami se montre curieux au sujet de la balade canine, la jeune femme hausse les épaules. Non, ils n’ont pas parlé, ils n’ont rien dit, sauf au moment, évidemment, de comploter pour aller à la pharmacie, acheter les boîtes de préservatifs que son meilleur ami découvrira bien assez vite, s’il ouvre sa table de chevet. Et elle ne compte pas lui parler de ça, s’il pense déjà qu’elle est une fausse soeur pour avoir osé prétendre être malade pour que Lisa aille à moto avec lui… Elle n’ose pas penser à ce qu’il dirait ou penserait s’il savait jusqu’où son esprit est allé aujourd’hui. Enfin, pas qu’elle y accorde une grande importance ceci dit. Il la remerciera un jour pour tout ça. Pour lui avoir donné un coup de main.

Il la menace de lui coller les pochons directement dans la bouche si elle refuse de manger, si elle prétend que c’est trop gras, ou trop sucré, et elle sait qu’il oserait le faire, en prime, alors elle en pioche un dans l’assiette et le porte à ses lèvres, mâchant tranquillement. C’est bon mais ce n’est pas étonnant, parce qu’elle sait que son meilleur ami cuisine bien en général. Elle sait qu’il sait y faire avec la bouffe. C’est aussi pour ça qu’elle évite de trop manger ce qu’il prépare, histoire de pouvoir encore rentrer dans ses tenues de scène. Histoire de pouvoir continuer sa carrière.

Il évoque leur camarade de classe et Cornelia pousse un soupir. Avec tout ça, elle avait presque oublié Hailey et ses menaces. Andy les lui rappelle rapidement, lui, comme il demande s’il y avait une autre raison à l’agacement de la demoiselle et du goalie. Mais non. Juste la connerie de leur camarade de classe et les risques qu’elle fait courir à Lisa, dont Cornelia a soigneusement évité de parler à Aayden, d’ailleurs.

"- Non, juste elle, j’crois. J’ai pas parlé de tout ça à Aayden, j’préférais que Lisa s’en occupe parce que… j’voulais pas… tu sais ? Qu’il aille s’en prendre à Hailey au milieu de la salle de classe."

Pas plus de ketchup, s’ils ne veulent pas que Cornelia lui fasse avaler par le nez. Ah. Oui. Il a raison. On en est là. A ce niveau de “peur” que la demoiselle ne lui fasse ingurgiter des trucs par des orifices qui ne sont pas du tout destinés, normalement, à avaler quoi que ce soit. Ouai, vu le caractère bien trempé de la petite brune, en même temps, Lisa comprend aisément pourquoi son meilleur ami songe qu’il finirait par bouffer le ketchup par les narines, en même temps, et peut-être que Lisa aussi. Parce que ce serait son idée de cuisiner ce plat. Et elle préfère éviter que la demoiselle ne soit en colère, que ce soit contre elle ou contre lui.

"- Ouai, je m’en voudrai que tes trous de nez servent à… enfin, qu’ils soient envahis par du ketchup."

Elle poursuit donc sa préparation et son nettoyage de l’espace tout en discutant avec son meilleur ami, profitant de l’absence de Cornelia et Andy dans les parages pour pouvoir discuter à loisir des évènements de la journée. Parce qu’il veut naturellement savoir pourquoi la jeune femme était juchée sur les épaules du patineur quand il était revenu et, aussi, parce qu’il veut également savoir comment ça s’est passé, la balade en moto. Elle, de son côté, veut savoir comment s’est passée la balade des chiens. Enfin, surtout la balade en tête à tête avec Cornelia.

Mais il ne lui donne rien de croustillant, évidemment, affirmant que c’était juste une balade. Les chiens se sont dégourdis les pattes comme deux débiles dans le parc et puis après ils sont rentrés, tout simplement. Elle acquiesce d’un mouvement de tête, avant d’esquisser un sourire.

"- Le bon côté des choses c’est que, même si elle était malade, elle a bien voulu aller promener avec toi et pas de son côté…" souffle la demoiselle. "Enfin, elle a l’air d’aller mieux d’ailleurs, non ?" demande-t-elle en levant un sourcil, sans commenter la balade à moto pour l’instant, s’étant contenté d’un petit sourire heureux quand il en avait parlé.

Lisa comprend rapidement le soucis si elle rajoutait un peu trop de ketchup, en effet. Elle change alors au dernier moment ce qu’elle faisait et finit par tout mettre au four. Tu suis ça d’un coin de l’oeil avant de te poser dans le canapé en zappant les chaînes de la télévision, juste pour avoir un fond sonore. La conversation suit ensuite sur la balade des chiens qui s’est passé, en apparence, sans encombre. Tu caches bien la visite de la pharmacie, l’achat surprise et tout le rest. Tu redresses un peu la tête quand elle pose sa question.

- Hum ? Ah … Ouais…

Oui, bien sûr, encore du deux temps. Tu te grattes la tempe avant de te concentrer sur ce qu’il y a à l’écran. Enfin, te concentrer… Tu suis sans vraiment comprendre ce qui se passe. Tu avais, par réflexe, mis la chaîne musicale, donc c’était surtout des clips qui passaient en fond. Tu grimaces un peu, ayant répondu un peu dans le vide. Mais oui, ça correspondait bien à la situation. Le bon côté, en effet, elle était venue avec toi. Vous aviez même finit sur le même banc à regarder au loin les chiens, mais sans plus. Et oui, elle allait mieux… Enfin… Elle l’a toujours été. Tu te racles la gorge et te redresses en haussant les épaules.

- J’crois.. J’crois l’air frais lui a fait du bien surtout.

Tu te retournes pour croiser le regard de la blonde avant de froncer les sourcils à ton tour, ne comprenant pas vraiment le sous-entendu qu’elle voulait faire… S’il y en avait un. Tu te masses la nuque avant de tilter qu’elle n’avait pas vraiment parler de sa balade à moto, mais soit. Peut-être plus tard.. Puis en cherchant ton téléphone pour relire tes notifications, tu te souviens aussi de ça, qu’elle devait te parler.

- Mais hey, t’avais pas un autre truc à m’dire ?

Que tu demandes, fronçant les sourcils. Peut-être aussi, que sans le vouloir, tu savais de quoi il s’agissait, après tout. Du moins qui cela concernait de près ou de loin. Tu regardes un peu l’escalier, mais rien, pas de mouvement, pas de bruit. Tu regardes alors de nouveau Lisa et fait signe de venir avec toi sur le canapé pour en parler.

- Si grave qu’ça ?

Rien. Il n’y a rien eu de plus, rien de moins. Elle t’aurait donc tout raconté. Tu redresses un peu la tête, surpris et déçu toi aussi. Mais bon. Les choses avancent telles qu’elles le devraient. À leurs rythmes. Puis elle te confirme qu’il n’y a rien eu de plus non plus en cours. Rien qu’Hailey et sa bonne idée de menacer des gens et tenter de s’approcher du goalie qui n’en a sûrement rien à faire de la rouquine. Tu hoches la tête quand elle te confirme qu’elle n’a rien dit au blond. Tu grimaces.

- Je vois… Après ce qui s’est passé vendredi, c’est mieux…

Que tu rajoutes. Mauvaise idée d’avoir une Hailey à l'hôpital pour avoir fait comprendre qu’elle s’en prendrait à quelqu’un pour avoir le goalie. Surtout que tu sais très bien qui serait sa cible si la rumeur s’amplifiait… Parce que si pour le moment, le mot est juste qu’Aayden a un crush sur une patineuse… Ok… C’est encore contrôlable, parce que l’identité de l’adolescente est sous silence… Et que les gens pensent encore que ce soit Lisa n’est pas si déconnant que ça, toi le premier, tu y aurais pensé. Mais non. La vraie personne qui a fait fondre le coeur du joueur de hockey se trouve devant toi, sans le savoir. Cornelia est encore dans le flou, ne sachant pas qu’elle va être la cible d’une patineuse jalouse et d’une Barbie sans jugeote.

- Après j’pense… Une balade silencieuse, c’est peut-être. Mieux… Vu votre.. Passif…

Que tu dis en souriant. Mieux que rien. Mieux que d’avoir fait une promenade chacun de son côté. Mieux que de savoir qu’elle a fait un tour toute seule. Mine de rien, tu te sentais plus rassuré de la savoir muette aux côtés d’Aayden à balader son loulou. Parce que s’il y avait eu un souci, le garçon aurait été à même de la protéger. Tu t’étires un peu et te relèves finalement. Tu souris et embrasses ta meilleure amie sur le front.

- C’est déjà un début écoute. Il t’a pas insulté ni rien, donc…

Donc c’est une bonne chose. Vous aviez fini votre premier jour de cours sans trop de drama. Tu humes un peu l’air, sentant d’un coup les épices qui remontaient dans le couloir. Tu souris.

- J’crois qu’on va manger devant le film ce soir. Tu le choisiras ? C’est ton tour en plus.

L’air frais lui a fait du bien, tout simplement ? Lisa reste sceptique. Mais tout dépend de ce que Cornelia avait à l’origine. Si elle avait un petit étourdissement d’être restée assise trop longtemps, ou si tout ça était lié à un manque de glucide… Il était possible que ça passe très facilement, très rapidement. Et peut-être que ça n’était de toute façon pas grand chose. Il n’est pas difficile pour elle de croire que son meilleur ami s’est emballé, parce que ça concernait Cornelia. Il était bien du genre à faire ça pour elle aussi, même quand il s’agissait seulement d’un petit mal de tête ou de quelque chose comme ça. Alors pour Cornelia… Elle le pensait très capable de faire ça aussi, d’avoir ce même genre de réflexes.

"- Ah ouai ? L’air frais ?" demande la demoiselle toutefois. "Donc, genre, j’dois comprendre que tu as juste paniqué pour un petit bobo de rien du tout ?" poursuit la demoiselle avec un petit rire.

Ouai, elle l’imagine bien. Elle imagine très bien que Den aura paniqué pour rien parce que c’était Cornelia. Parce qu’il veut se faire bien voir par elle. Parce qu’il part de loin, avec elle et qu’il a envie d’améliorer les choses, envie qu’elle le voit comme un type bien et pas comme le mec qu’il lui a toujours fait croire qu’il était jusque-là. Ouai, il a besoin de renverser la donne avec elle et Lisa sait très bien que, pour ça, il a besoin de marquer des points, tous les points possibles. Alors si agir en chevalier servant quand elle a un petit bobo peut aider… Il aurait tort de s’en priver.

Il demande si elle ne devait pas lui parler de quelque chose et la demoiselle pousse un soupir. Elle ne s’attendait pas vraiment à devoir en parler là maintenant, alors qu’ils ne vont sûrement pas tarder à voir Andy et Cornelia débouler, ou au moins Andy, mais Aayden attend depuis suffisamment longtemps pour avoir le fin mot de l’histoire aussi, elle pince les lèvres en le regardant, cherche ses mots. Et ne les trouve pas. Elle hésite. Alors quand il lui fait signe de le rejoindre et demande si c’est si grave que ça… elle souffle. Elle ne croit pas qu’il y ait une bonne manière de lui annoncer ça de toute façon.

"- Hailey craque sur toi et est décidée à savoir sur qui toi tu craques pour… éliminer la menace." finit-elle par souffler. "Et s’teu plaît va pas lui casser la gueule demain."

***

Posée dans le canapé devant le film, Lisa a les yeux rivés sur l’écran. Jusqu’à ce qu’ils s’installent, elle avait surveillé Denden à intervalle réguliers, inquiète qu’il soit à ce point muet mais maintenant que le film a commencé, qu’Andy est à ses côtés, ses coups d’oeil en direction de son meilleur ami sont bien moins réguliers, la demoiselle se perdant dans sa bulle, sa main glissant dans les cheveux d’Andy sans même s’en rendre compte, le gratouillant distraitement.

Elle a choisi le film, optant pour une comédie, histoire de détendre l’atmosphère pour tout le monde et a prit place dans un canapé, son chien sur les genoux, la truffe tournée vers elle à humer le poulet qu’elle essaie d’avaler sans se le faire voler. A ses côtés, Aayden. Pas par hasard, mais pour laisser Andy et Lisa être sur l’autre canapé. Sait-on jamais, tous les moyens sont bons pour les rapprocher. De toute façon, le goalie s’est plongé dans un certain mutisme depuis qu’ils sont descendus des chambres, Andy et elle. Lisa a murmuré qu’elle avait raconté les menaces d’Hailey et… Ouai, bah ça ne rassure pas forcément la patineuse, finalement, de le voir aussi “calme”. Par rapport à la réaction de vendredi dernier, ça n’a juste rien à voir. Et… Ce n’est pas vraiment ce à quoi elle s’attendait.

Elle glisse un regard en direction de l’autre canapé, reposant sa wings dans son assiette avant de donner un léger coup de coude à son voisin, désignant les deux autres d’un léger mouvement du menton. Côte à côte dans le canapé, piochant davantage dans l’assiette de l’autre que dans la leur, les deux semblent obnubilés par l’écran et… complètement dans leur bulle, collés l’un à l’autre. Lisa a même passé ses doigts dans les cheveux d’Andy et le gratouille sans donner vraiment l’impression de s’en rendre compte.

Se levant, Cornelia contourne le canapé, terminant rapidement ses wings alors que son chien la suit pour en avoir un bout. L’assiette terminée, elle la place dans le lave-vaisselle, attrape Salchow pour lui mettre son harnais et le sortir promener pour la dernière fois de la journée. Elle ne passe pas plus de dix minutes dehors et, quand elle revient, elle prend directement la direction des chambres, sur la pointe des pieds, gagnant sa chambre avant de se glisser sous les couvertures, son chien à côté d’elle, pour une nuit réparatrice.

Tu aurais dû t’y attendre. Tu aurais dû savoir qu’il s’agissait de ça. Tu écoutes attentivement ta meilleure amie avant de serrer les dents, les poings et comprendre ce que tout cela voulait dire. Ok, la cheffe des Naines allait se rajouter dans le listings des personnes chiantes pour l’année ? Aux côtés de Karine et sa clique ? Tu inspires profondément, te contentant de hocher la tête quand Lisa te demande de ne pas s’en prendre à elle le lendemain. Ce n’est pas l’envie qui te manque, mais un écart de conduite, c’était une chose. Là, peut-être que tu ne passerais plus entre les mailles du filet.

Et pourquoi la rouquine pouvait penser que c’était une bonne idée alors qu’elle avait été témoin elle aussi de ce qui s’était passé à la pré-rentrée ? Va savoir. Mais c’était encore une bonne raison pour éviter de dévoiler haut et fort pour qui ton cœur battait. Une nouvelle raison d’essayer d’ignorer tout ça, sans le dire à personne, surtout pas la concernée et penser qu’elle serait bien mieux avec quelqu’un d’autre. Tu encaisses donc la nouvelle en silence. Tu te contentes de te lever, embrasser ta meilleure amie sur la joue et tu montes pour chercher le Dedenne en peluche pour pouvoir regarder le film sans trop avoir envie de faire n’importe quoi d’autre.

Coincé dans tes bras, tu fais attention à ne pas foutre de sauce dessus, les jambes repliées sur toi, l’assiette sur tes genoux. Tu ne fais même pas vraiment attention au fait que ce n’est pas la blonde qui est à tes côtés, mais bien la petite Princesse. Au moins, tu lui laissais l’espace nécessaire pour elle et son chien si besoin, te contentant de mâchouiller quelques wings sans rien dire. Tu manges tout ce que tu avais dans l’assiette, suivant à moitié le film. Tu ne fais attention à rien. Même pas le rapprochement qui se fait entre ton amie et Andrew.

Les mots tournent dans ta tête. Sans s’arrêter.

Tu réagis à peine quand la brune à tes côtés se lève pour ranger ses affaires et se lever pour sortir son chien. Tu soupires, décidant de faire de même, sans rien dire, te contentant de poser une main sur la tête de ta meilleure amie en guise de salutation et tu ranges ton assiette dans le lave-vaisselle avant de monter dans ta chambre, tel un zombie. Tu n’arrives même pas à trouver le sommeil, restant alors à ton bureau pour avancer tes devoirs scolaires, de la musique dans ton casque que tu as au minimum sonore, par habitude.

Et tu as bien fait.

Tu ne sais pas quelle heure il est quand tu entends un cri qui te fait sursauter de ta chaise. Un cri strident qui déchire la nuit et t’oblige à poser tes pieds au sol, l’oreille de ta peluche en main et tu ouvres ta porte d’un coup, courant pour rejoindre la chambre où provenait ce hurlement. Parce que oui, tu avais reconnu la voix, tu avais reconnu cette plainte nocturne qui ne pouvait venir que d’elle.

- Za’ !

Que tu dis en sautant sur le lit, à genoux, posant le Dedenne plus loin, attrapant le visage de la jeune femme dans tes mains pour la forcer à croiser ton regard.

- Za’ ! J’suis là ! J’suis là…

Le temps qu’elle se réveille complètement, qu’elle réalise et lentement, lentement, tu attends… Tu attends que son cerveau fasse la liaison, la connexion et lui rappelle là où elle est, avec qui. Tu hoches doucement la tête et la ramènes contre toi pour la bercer, lui caressant la tête.

- C’est rien… C’est fini… J’suis là…

Une porte qui claque dans la nuit. Un froncement de sourcil, manifestant un sommeil perturbé. Lisa se retourne dans son lit, son rythme cardiaque s’accélérant soudainement. Dans sa cage thoracique, son palpitant donne l’impression de vouloir sortir à tout prix. Elle se tourne encore, commence à avoir chaud, la sueur perlant sur son front. Elle se débat dans ses couvertures, visualise la silhouette sombre qui s’évapore et pourtant, son stress s’accroît en voyant ça. En visualisant cette scène. Ce moment. Elle commence à pleurer, reniflant dans son lit sans se réveiller, sans réaliser, appelant faiblement cette personne qui s’efface. Non, ce n’est pas possible, ça ne peut pas recommencer. Elle ne peut pas l’accepter. Elle panique, attrape sa couverture en la serrant dans ses bras comme pour retenir cette personne si chère à son cœur et qui n’avait pourtant pas voulu d’elle. Avec le temps, ses cauchemars sont moins réguliers, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’elle n’en a pas. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle a vraiment digéré tout ça. Qu’elle est vraiment au clair avec cette situation.

Et puis un hurlement déchire la nuit. Le sien. Une plainte. Un appel. Elle hoquète, elle pleure, sans s'apercevoir qu’elle réveille au passage le reste de la coloc profondément endormi pour certains, occupé à travailler, pour d’autres. Elle ne se rend pas compte, parce qu’elle reste focalisée sur cette silhouette qui s’évapore.

"- Noooooooooooooooooon !"

Elle hurle, elle cri, elle appelle, n’entendant pas la porte de sa chambre qui s’ouvre précipitamment, Aayden la rejoignant rapidement. Elle ne se rend pas compte que son meilleur ami est auprès d’elle, qu’il l’enveloppe de ses bras. Que c’est lui qui la rejoint dans les ténèbres de son existence.

"- Papaaaaaaaaaa !" elle hurle, encore. "PAPAAAAAAAAAAAAA !!!"

Elle hoquète et ses larmes dévalent ses joues. Elle a mal, si mal. Elle s’agrippe aux bras qu’elle sent l'envelopper, plantant ses ongles dans sa peau bien malgré elle, s’agrippant à tout ce qu’elle peut pour ne pas laisser son passé s'évaporer.

"- Reste avec moi…" elle hoquète, pleure encore, commençant pourtant à réaliser doucement où elle est. "J’t’en supplie…"

Et pourtant elle sait, elle sait qu’il n’est pas là. Que c’est encore un tour de son esprit, un tour dont seules les ténèbres de la nuit peuvent se rendre capables. Elle sait qu’elle a rêvé, ou plutôt cauchemardé. Et alors que Denden affirme qu’il est là, que ça va aller, que c’est finit, elle s’effondre entre ses bras, pleurant encore.

"- Denden…"

Une envie pressante en pleine nuit et la porte qui claque derrière elle. Cornelia grimace légèrement. Elle ne voulait pas faire tant de bruit, risquer de déranger ses colocataires alors que la nuit est calme, paisible et surtout bien avancée. Heureusement, seul le silence lui répond et finalement, elle retourne dans sa chambre sur la pointe des pieds, se glissant de nouveau sous ses couvertures pour se rendormir. Du moins essayer. Elle a si sommeil qu’elle y parvient presque, la tête à peine posée sur l’oreiller.

Un cri dans la nuit. Celui d’un de ses colocs. Elle se redresse d’un bond dans son lit, paniquée, son cœur battant la chamade. Salchow se redresse aussi, en sursaut à cause du mouvement de sa maîtresse qui enfile sa robe de chambre et la passe par-dessus son pyjama pour sortir dans le couloir, comprendre ce qui se passe. Quand elle sort, elle a à peine le temps de voir une silhouette entrer dans la chambre de Lisa, d’où proviennent les plaintes, les pleurs, qu’elle ne comprend pas.

Qu’est-ce qui se passe ? En tendant l'oreille, Cornelia croit saisir, plus ou moins, qu’il s’agit d’un cauchemar, lié au passif de Lisa, à son passé d’enfant abandonné par un père. C’est vrai que seule sa mère s’occupe d’elle et ce depuis des années. Depuis si longtemps qu’elle ignorait que Lisa pouvait encore en souffrir autant. Elle donnait l’impression, quelque part, de ne pas y faire attention, la plupart du temps. Force était de constater que le traumatisme, évidemment, n’était pas tout à fait disparu, pas tout à fait derrière elle.

Elle hurle. Elle hurle, ne voit pas encore qu’il s’agit de toi, éclate en sanglots et plante ses ongles dans tes bras. Tu n’y réagis pas, habitué à ça, habitué à ce genre de réaction viscérale venant de l’adolescente. Ton bras en porte encore les traces, infimes, tout juste détectable si on y passe les doigts dessus. Mais tu t’en fiche. Tu t’en fiches d’avoir mal, de saigner, il faut que tu ne bouges pas, que tu restes présent pour qu’elle puisse revenir à elle, qu’elle puisse de nouveau comprendre que ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu n’est pas réel, que c’est du passé.

Tu attends qu’elle prononce enfin ton surnom, la sentant desserrer son emprise et tu peux alors la bercer un peu plus contre toi, glissant une main dans ses cheveux pour la calmer, l’embrasser sur le front. Tu soupires, bougeant pour changer de position, la ramenant sur tes genoux comme pour le faire avec un enfant. Dos à la tête de lit, te voyant en train de lui caresser le dos, la laissant nicher son nez dans ton cou pour qu’elle se calme doucement, dans le noir encore. Tu ne dis rien de plus, attendant qu’elle s’exprime d’elle-même. Tu lèves les yeux vers la porte, voit Andrew qui est là, ayant allumé la lumière du couloir.

Tu lui fais signe silencieusement de ne pas le faire avec celle de la chambre et que tu gères, continuant à faire un mouvement de balancier avec ton corps pour que l’adolescente calme ses sanglots. Tu te mets soudainement à fredonner, comme une vieille comptine, une chanson d’antan que vous seuls connaissez, que vous vous répétiez enfant quand l’un et l’autre avait besoin de réconfort. Elle avec ses cauchemars, toi après avoir reçu une réprimande de ton père. Tu lèves de nouveau les yeux vers la porte de la chambre, croisant le regard cette fois de Cornelia.

Tu ne réagis pas, hochant juste la tête pour dire que tout va bien, et petit à petit, vous voilà de nouveau dans le noir complet, porte fermée. Tu murmures doucement.

- Je suis là… Personne n’est parti… Personne... Ce n’était qu’un cauchemar… Rien d’autre…

Elle se calme petit à petit, réalisant que tout ça n’était rien de plus qu’une hallucination, un rêve, un cauchemar. Que son père est parti depuis longtemps et qu’une fois de plus, ce qu’elle vient de voir ne sont rien de plus que les stigmates de ce passé. Que c’est ce passé qui vient, encore et encore, hanter chacun de ses cauchemars. Elle sanglote entre les bras de Den, alors, comme autrefois, comme chaque fois qu’il est auprès d’elle pour gérer une crise, se laissant bercer par sa douceur, par ses mots, par ses bras, son cœur battant la chamade et se calmant peu à peu. Il est là, tout va bien, tout va bien se passer et comme il commence à fredonner cette chansonnette dont ils ont le secret, elle se raccroche à ça, à sa présence rassurante, à ses mots. Tout va bien, tout va très bien aller. Elle peut compter sur sa mère. Et sur Denden. Et sur ses amis les plus proches. Sur Andy, elle espère. Elle le sait. Sur ceux qui composent son paysage, ceux qui sont toujours là, ceux qui le lui prouvent encore et encore au quotidien, en s’inquiétant pour elle, là où son père a prit la poudre d’escampette depuis un moment.

Et c'est ça le plus important. Ce sont ces gens qui sont toujours là pour elle, au quotidien. Ceux qui l'ont vu grandir et l'ont aidé en ce sens. Pas ceux qui se sont fait la malle depuis longtemps, comme si elle n'était pas de leur chair, pas de leur sang. Comme si elle n'était pas sa fille. Comme si elle n'avait aucune importance. Ce qui compte ce sont ceux qui sont là tous les jours, qui tiennent à elle. Pas ceux qui lui ont montré, par leur comportement, qu'elle n'était pas plus que passable, dans leur vie.

"- C’était chouette !" affirme Lisa en plongeant les mains dans le bac à vaisselle, frottant le récipient qui avait servi à accueillir le coulis de fruits rouges.

Alors qu’ils sont installés depuis trois semaines à peu près, à l’issu de cette première semaine de cours, les parents Myers et la maman de Lisa sont venus passer la soirée avec eux pour voir un peu l’appartement et passer du temps “en famille”. Évidemment, inviter les Hardt et les Sachs n’avait pas été vraiment possible, c’était forcément plus problématique les concernant alors… Ils avaient simplement décidé de n’inviter ni les uns ni les autres pour ne pas faire de favoritisme et s’étaient contentés de recevoir les parents avec lesquels ils étaient sûrs que tout se passerait bien. La soirée avait été bonne et maintenant… Maintenant ils étaient en train de faire la vaisselle, de ranger la table et de donner un coup de propre dans le salon avant de se coucher. Cornelia, elle, avait pris les chiens, les laisses, et était descendue pour promener tout ce petit monde dans le quartier. Ça ferait bien l’affaire pour ce soir, vu l’heure.

"- Faudrait faire ça plus souvent, si ça vous dit." dit Lisa pour les garçons, restés avec elle.

Il n’y a pas de raison qu’ils ne le refassent pas, à vrai dire. Julia est comme une mère pour Aayden et c’est celle de Lisa. Les parents Myers, eux, ont d’excellentes relations avec leurs fils, avec Cornelia et même avec Lisa. Pendant la soirée, il était même évident que les deux mères s’entendaient à merveille, même si Lisa n’avait pas saisi toutes les messes basses dont elles s’étaient rendus coupables.

"- Quand vous avez fini ce que vous faites, vous pouvez y aller, je finis la vaisselle et je vais monter aussi !" affirme-t-elle. "Surtout si l’un de vous veut s’doucher maintenant."

Elle jette un coup d'œil à l’horloge. Il est vingt-trois heures passés, déjà. Heureusement que c’est vendredi. La semaine a été bien remplie entre les cours, les entraînements et Cornelia en a encore un demain, mais Lisa et Andy, eux, n’y vont que plus tard dans la journée. En même temps, vu l’heure à laquelle elle risque de se coucher, c’est mieux. Elle est encore en train de finir la vaisselle quand Den vient lui souhaiter une bonne nuit, déposant un baiser sur son crâne avant de filer.