À jamais

Elle semble hésiter un moment avant d’accepter ma proposition. Mais plus qu’hésitante, elle est terrifiée à l’idée de sortir de chez elle avec moi pour toute compagnie. Oui, terrifiée est le terme. J’en ai connu des gens morts de peur, et je sais très bien reconnaître cette lueur dans les yeux des autres. Je lève un sourcil quand elle accepte sans un mot de plus. Elle a peur de moi mais m’accompagne quand même ? Les femmes… C’est à n’y rien comprendre.
Je ne suis pas un être atroce, je ne l’aurais pas tuée si elle m’avait dit non. Pourtant, elle a l’air de le croire dur comme fer. Il va peut-être falloir que je m’explique, que je… m’excuse, même si ces termes m’arrachent la gorge. C’est vrai que je lui en ai fait voir des vertes et des pas mûres à cette pauvre Meylinn. Et au final, pour pas grand-chose, la pauvre était accusée à tort.

Nous marchons sur le trottoir et la tension de son côté est palpable. Je porte une cigarette à mes lèvres, l’allume, puis lui en propose une sans un mot.
Quelques minutes passent encore, sans que rien ne change et je dois avouer que ça commence à me gonfler. Si elle n’avait pas envie de venir, elle n’avait qu’à rester chez elle ! Je m’apprête à ouvrir la bouche pour lui dire ces quelques mots cinglants mais elle prend la parole et je renonce, assez désarçonné par sa question.

- T’as vraiment envie de parler d’ça, lui demandé-je sans attendre de réponse. Je hausse les épaules et embraye. Notre piste, c’était toi. Mais depuis les résultats de l’enquête de Jane, on est revenu à la case départ. Je suis vraiment dans la merde pour tout te dire. C’est pas facile d’être à la tête de ce genre d’organisation, tu sais. Aaaah… soupiré-je en passant un bras sur les épaules de la jeune femme, heureusement que t’es là pour me changer les idées, n’est-ce pas ?

J’appuie sur les derniers mots en forçant mon emprise autour d’elle. Je viens de m’encastrer le mec le plus con de cette boite de merde pendant trois heures, pas question que je reparle de cette affaire en dehors de mes heures de travail.

Nous arrivons au premier bar du coin, je la laisse entrer et choisir un endroit où s’installer. Je m’assois à sa suite puis prend la commande au comptoir. Je reviens avec ma bière et le choix de Meylinn. Son regard est toujours aussi terrorisé, comme un lapin au fond d’un piège.

- Allons Meylinn, sois pas comme ça, j’suis pas si terrible. On a passé des bons moments ensemble, nan, dis-je, véritablement inquiet de cette soudaine mésentente. Tu sais, la relation qu’on a eu tous les deux, pendant ces quelques mois, ça m’a fait du bien, même si j’étais pas moi-même. J’voudrais pas tirer un trait là-dessus.

Etrangement, il semblerait que je me sois attaché à sa présence plus que ce que j’aurais souhaité. Je sais au fond de moi que si elle ne veut pas de moi, personne ne l’aura. Elle est à moi et à personne d’autre.

Je ris en observant la mine sidérée qu’elle tire, une lueur de folie ancrée au fond de mes iris.

- De toute façon chérie tu peux plus m’échapper, maintenant que tu sais tout ce que tu sais. Nous sommes liés à jamais, que tu le veuilles ou non.

Je pose ma main sur la sienne et la caresse de mon pouce.

@ Nemo