Après leur dispute, Jacob s’était résigné à l’idée qu’ils n’échangeraient plus le moindre mot tous les deux, qu’il ne la serrerait plus jamais au creux de ses bras. Mais le temps avait estompé leur colère, et le cruel manque de l’autre s’était finalement fait ressentir. Aujourd’hui, Jacob prenait conscience de l’ineptie de leur dispute après avoir frôlé la mort et se sentait soulagé de constater qu’il en était de même pour la jolie brune qu’il serra dans ses bras, peu importe les recommandations des médecins. « Je n’ai pas peur de ma mère » murmura-t-il avec amusement alors que Victoria était prête à affronter ses parents. Ça ne sera pas utile. Il assumait ses responsabilités. Toutefois, son corps le rappela à l’ordre et retourna au lit « L’infirmière m’a dit que ça serait pour le mois prochain ». Valait mieux rire de l’idée qu’il était cloitré dans un lit d’hôpital pour une semaine encore. Une semaine à déguster les plats du cuisinier de l’hôpital qui n’avait pas le moindre talent culinaire. La jeune femme était même prête à aller lui chercher quelque chose de plus attrayant à déguster, mais il la stoppa dans son élan. Ça attendrait. Pour le moment, il voulait qu’elle soit près de lui et l’invita à se blottir tout contre lui. C’était une habitude qu’ils avaient rapidement pris ensemble, et ça lui avait manqué. Le lieutenant en profita pour s’intéresser à ce thérapeute qui l’aidait depuis quelques temps maintenant dans son deuil. Apparemment, il avait un charme qui ne laissait pas insensible cette dernière. « Tu es sûre qu’il n’y a que ça que tu apprécies chez lui ? » rétorqua-t-il sur un ton taquin avant de lever sa main qui n’était pas posée sur elle « Pardon, continue ». Il se mit à sourire avec douceur « Cela signifie que tu es prête à accepter que je prenne soin de toi de temps à autre ? ». Ces trois dernières semaines avaient permis également au lieutenant de comprendre qu’il devait lui faire confiance aussi. Elle n’allait pas mettre sa vie en danger inutilement. Mais la perte de Mia, la tentative de suicide de Victoria… Il avait quelques difficultés à faire confiance en la vie elle-même pour protéger les gens qu’il aimait. Mais les deux balles qu’il avait reçu lui avait notamment rappelé qu’il devait apprendre à se protéger lui-même aussi.

« Etape par étape. Rien ne presse » souffla-t-il tout en venant poser sa tête tout contre la sienne quelques instants. Jacob s’excusa une nouvelle fois de la peur qu’il lui avait fait endurer en prenant ces deux balles, et sourit avec douceur à la jolie brune blottie dans ses bras « Je compte bien le rester un moment ». C’était même une promesse qu’il lui faisait. De toute manière, son médecin ne lui laissait guère le choix. Il se mit à rire, posant sa main libre sur sa plaie « Nous allons faire une belle équipe ». Ce fut pour cela qu’il l’interrogea sur le lieu où elle passait ses nuits. « Tu sais, ma proposition tiens toujours de venir dormir à la maison… ça serait même avec plaisir ». Jacob retira son bras d’autour de la taille de la jolie brune lorsqu’elle tenta de se redresser hâtivement avant que ses parents ne pénètrent dans la chambre. Le lieutenant rougit légèrement, soudainement gêné du regard que posait sa mère sur leurs deux personnes « Je veux bien… A tout à l’heure Vic’ » et émit un petit rire alors qu’elle passait ses doigts dans ses cheveux, avant d’apprécier son baiser sur la joue et souffla « Je ne peux rien te promettre ». Il l’observa jusqu’à ce qu’elle quitte sa chambre, et croisa ensuite les bras contre son torse « Il n’y a rien entre nous », ce à quoi son père rétorqua « On n’a rien dit nous fils » « Rien du tout. Après tout, quand Albert vient à la maison, il se blottit de la même manière dans mes bras. Ton père vient même nous rejoindre quand il rentre du travail » « Exactement ! ». Jacob laissa retomber sa tête contre l’oreiller tout en soupirant de lassitude. « Elle a tout pour plaire cette petite, je ne sais pas ce que tu attends ! » répliqua alors son père en se saisissant du gobelet de café froid « C’est à moi papa » « Tu dois boire de l’eau, laisse le café aux grandes personnes » « Dios mio » souffla-t-il en fixant le plafond.

« -ba moi si… elle m’a à la bonne et j’aimerais bien que ça dur un peu… » aller savoir pourquoi d’ailleurs cette femme ne lui en voulait pas d’avoir fait du mal à son fils… au lieu de ça, elle l’avait serrer dans ses bras, avait pleurer de joie avec elle, l’avait invité à manger avec eux. Invitation qu’elle avait poliment refusé. « -ah ba tant pis, on va se contenter de cette couleur… » oh qu’il lui avait manqué ce petit ton… Elle se confia sur ce psy qu’elle avait décidé de voir afin de vraiment avancer. « -il me plait, c’est certain. Mais il est un peu trop vieux pour moi… il dois approcher les soixante alors bon… » elle appréciait cette différence d’âge. Il avait une approche un peu brut de décoffrage qui lui allait parfaitement. Il n’avait pas peur de la mettre au pieds du mur, de venir donner un coup de pieds là où ça faisait bien mal. Elle avait sans doute besoin de ça. « -oui… de temps en temps… » un sourire tendre. « -seulement de temps en temps… » avait elle précisé en appuyant sur les mots. « -et puis là tout de suite, c’est toi qui a besoin qu’on prenne soin de toi. » elle grimaça : « -d’ailleurs je vais arrêter de te faire rire… » elle avait constaté la main posée sur son torse. Elle n’eut pas le temps de répondre quoi que se soit à sa demande. La porte venait de s’ouvrir sur les parents de Jacob. Vic n’avait pas non plus eu le temps de se mettre sur ses deux jambes assez rapidement. Alors, pour éviter un malaise, elle décida de partir, proposant de revenir au soir, avec le repas.

Cela faisait trois jours que Jacob était rentré chez lui. Elle l’avait laissé reprendre ses marques, laisser sa famille s’occuper de lui également à sa sortie. Elle avait pris soin de l’appeler, pour savoir si ça se passait bien. Et comme convenu, elle débarquait pour venir investir la chambre d’ami. Sac sur l’épaule, elle avait frappé à la porte et avait sourit en le voyant apparaitre. « -salut toi… » avait elle soufflé. « -comme prévu… me voilà. J’espère que tu regrettes pas. » elle allait faire en sorte qu’il ne regrette pas. Ils avaient tous les deux des choses à mettre au claire dans leur vie, ils allaient prendre le temps de le faire ensemble. Sa capuche sur la tête, les deux mains dans les poches de son pull, elle entra dans l’appartement, avant d’en refermer la porte. Elle sourit, vira sa capuche et déposa son sac avant de dire : « -t’as une meilleure tête que y’a quelques jours déjà… » cela faisait trois jours qu’ils ne s’étaient pas vu.

Jacob émit un petit rire tout en gardant sa main posée sur sa blessure encore fragile « N’ait aucune crainte là-dessus, elle t’adore ». Et c’était un faible mot ! Après leur rencontre, sa mère n’avait eu de cesse que de vanter les mérites de la jeune femme. Elle est jolie, elle a été présente, une fille qui a le cœur sur la main, Eva l’adore déjà, et ainsi de suite. Le lieutenant n’avait pas besoin de ses parents pour connaître la véritable nature de celle qui était, à ce jour, sa plus proche amie. Il aimait également son humour et sa capacité à dédramatiser certaine situation, comme en cet instant, alors qu’ils échangeaient sur sa séduisante robe de chambre « Je suis désolé » rétorqua-t-il en étant faussement désolé. Son bras autour de sa taille, Jacob voulait en savoir davantage sur son thérapeute qui semblait réellement l’aider dans sa reconstruction au quotidien. Il lui plaisait, et se mit à rire doucement quand elle mentionna son âge « Je ne savais pas que tu faisais les entrées des maisons de retraite ». Il plaisantait. Le lieutenant savait pertinemment qu’elle était charmée par sa manière de fonctionner et qui lui faisait du bien au quotidien. Elle était même prête à accepter son aide. De temps en temps. « Je me suis remis en question aussi ces derniers jours, et oui, seulement de temps en temps » fit-il en levant sa main libre en signe d’abdication face à cette condition, puis la reposa sur sa blessure « Ta présence me suffit » souffla-t-il avant de baisser son regard sur sa blessure « Je fais attention, ne t’en fait pas ». Mais leur conversation coupa court à l’entrée de ses parents, contraignant Victoria à quitter la chambre pour les laisser en famille. Bien évidemment, ils y allèrent de leur commentaire sur sa relation avec la jolie brune, et il avait fini par se résigner à leur tenir davantage tête, et préféra changer de sujet.

À sa sortie de l’hôpital, Jacob avait retrouvé ses pénates, avec l’aide de ses sœurs et de ses parents qui étaient aux petits soins pour lui. Son réfrigérateur avait été pris d’assaut par les plats de sa mère, puis il avait fini par leur annoncer la venue de Victoria à son appartement. Sans grand étonnement, ils en étaient venus à le charrier sur cette future cohabitation, mais il était tout de même parvenu à leur faire promettre de ne pas s’ingérer dans leur amitié. Parce que c’était ainsi qu’il définissait leur relation, et il était en paix avec cela. Il avait fait un peu de rangement, à son rythme, et avait sourit en entendant frapper à la porte « Salut » et se mit à sourire davantage « Un peu, mais je vais faire avec » et ouvrit la porte en plus grand pour la laisser entrer « Je suis ravi de te voir ici », puis la laissa refermer la porte alors qu’ils préparaient deux cafés « Je vais mieux » et ouvrit le réfrigérateur « J’espère que tu aimes manger, parce que ma mère a préparé des plats pour tenir tout un hiver », et la referma pour lui tendre la tasse de café, déposant un baiser sur sa joue « Bois ça, et ensuite je te montrerais ta chambre. Les draps sont propres », puis prit lentement place sur le canapé « Comment te sens-tu toi ? A l’aise avec l’idée de venir vivre ici ? ».

Victoria avait murement réfléchit son choix. Au Guatemala, elle n’avait pas vraiment réfléchit à ce que cela pourrait donner que de vivre avec Jacob. Aujourd’hui, c’était différent. Ils avaient chacun un lourd passé, qui pesait sur leur moral de temps à autre, parfois sans prévenir. Ils avaient des blessures à guérir, certaines un peu plus cicatrisées que d’autres. Ils avaient aussi ces avenirs incertains point de vu professionnel. Mais il y avait surtout ce lien précieux qui finalement avait survécu à leur dispute, avait résisté malgré ce qu’ils s’étaient infligés. Et aujourd’hui, alors qu’elle frappait à la porte de l’appartement de Jacob, Vic savait que c’était ça qu’elle voulait préserver. Qu’actuellement, c’était ce qu’elle avait de plus cher dans sa vie. Cette amitié étrange et puissante, qui avait vu le jour sans prévenir. Cette amitié qui faisait tant parlé leur proche. Sa mère avait ouvert des yeux immenses quand Vic lui avait apprit qu’elle allait vivre un petit moment chez Jacob. Et puis elle parfaitement vu l’étincelle dans ses yeux, son sourire aussi en disait long.

« -ah ba ouais, pas le choix. » elle avait haussé les épaules et sourit de toutes ses dents. « -après je peux toujours retourner chez mes parents… mais bon… » elle avait pointé la porte derrière elle en grimaçant. Non, elle n’avait aucune envie de faire marche arrière. Alors elle avait fermé la porte. Voilà, elle était dans la place. « -tant mieux. » ça la rassurant de savoir qu’il allait mieux. Qu’il était capable de prendre soin de lui également et d’écouter les médecins. En même temps, elle n’était pas certaine qu’il soit très pressé de retourner travailler. « -oh wahou… à ce point-là. Heureusement que j’ai dis à ma mère que tu avais besoin de rien… » elle posa son sac. « -enfin, elle te souhaite un bon rétablissement et espoir te voir bientôt en pleine forme. » décidément, ils avaient des mères un brun envahissantes. Elle réceptionna la tasse de café, et sourit au contact des lèvres de Jacob sur sa joue. « -attends c’est toi qui a fait le lit ? Je pouvais le faire ! Ne commences pas à vouloir tout faire. Tu es en repos forcé je te rappelle. » et voilà qu’elle se prenait pour sa mère. « -moi ? Moi ça va. On devra peut-être mettre quelques petites règles en place pour une bonne colocation. Tu as peut-être des petits manies ou des façons de faire. » elle ne voulait pas qu’ils s’engueulent pour des conneries. Enfin, elle était quelqu’un de très, très ordonnée. Elle en avait besoin pour son équilibre, alors il ne devrait pas rager pour le désordre. C’était déjà ça. « -comment tu fais pour les soins ? Quelqu’un vient ? Où tu t’en charge seul ? » elle espérait ne pas voir débarquer une infirmière n’importe quand et surtout trop tôt au matin. Son portable sonna. Un froncement de sourcils avant de s’excuser en posant la tasse de café sur la table basse. Mais se ravisa : « -ou là non c’est ma mère… » hors de question qu’elle décroche. Elle passa son téléphone en silencieux et s’installa à même le sol pour boire son café. « -on a qu’à dire que c’est… un nouveau départ… le début d’une nouvelle vie, pour toi comme pour moi. Ça te va ? »

Jacob avait rangé son appartement à son rythme, avait libéré une partie de l’étagère de la salle de bain pour sa nouvelle colocataire, et avait pris soin de changer les draps du lit pour qu’elle n’ait plus qu’à s’y allonger le soir venu. Il tenait à ce que Victoria se sente ici, chez elle. Aucun doute ne l’avait accablé concernant la venue de la jolie brune à son appartement. Bien au contraire, il fut plus que ravi de la découvrir de l’autre côté de sa porte d’entrée, prétextant que ça le dérangeait finalement, et se mit à sourire alors qu’elle rentrait dans son jeu « Exactement… » souffla-t-il avant d’ajouter « Tu es trop grande pour vivre chez tes parents maintenant » et se décala de l’entrée pour la laisser pénétrer dans son appartement, son nouveau chez soi à compter d’aujourd’hui. Il ouvrit ensuite le réfrigérateur pour la rassurer sur le fait qu’ils ne manqueraient pas de vivres pour les jours à venir. Sa mère s’était chargée de le remplir pour que son fils blessé n’ait pas besoin de cuisiner durant sa convalescence « Tu l’as remercieras, mais nous avons à manger pour un long moment » rétorqua-t-il en souriant, touché du geste de la mère de Victoria qui s’inquiétait pour lui, elle aussi « Ce n’est qu’une question de semaines dorénavant ». Enfin, c’étaient les dires des médecins. Pour sa part, la douleur était toujours omniprésente, et la fatigue également. Il avançait à son rythme. Enfin, cela ne l’empêcha pas de préparer le café pour sa nouvelle colocataire et déposa un baiser sur sa joue en même temps « Je sais ! Je sais ! » finit-il par répliquer en levant sa main libre tout en se dirigeant jusqu’au canapé « J’ai pris le temps de le faire si c’est ce qui t’inquiète » et s’installa. Il se mit à réfléchir ensuite à la question pertinente de Victoria et fit un signe négatif de la tête « Je n’en vois pas sur l’instant… Je n’aime pas le désordre, et j’apprécie de regarder la télévision le soir en dînant. Et de ton côté ? ».

Une gorgée de café et se pencha pour déposer la tasse sur la table basse « Une infirmière vient une fois par jour pour vérifier mes points et refaire le pansement. Généralement, aux alentours de dix heures le matin. Ce n’est question que de quelques jours encore ». Ensuite, lorsque les points pourront être retirés, Jacob devra se charger du reste de ses soins seul. Il tourna ensuite la tête vers la sonnerie de portable, observa Victoria raccrocher et se mit à sourire en coin « Pourquoi tu ne réponds pas ? ». Cela l’intriguait qu’elle ne veuille pas répondre à sa mère. Il l’observa prendre place à même le sol, ce qui l’amusa et acquiesça « C’est parfait » et reprit une gorgée de café, et ajouta « Toi aussi ils t’ont charrié sur le fait qu’on vive dorénavant ensemble ? », puis reprit en bafouillant « Enfin en colocation… Pas ensemble, ensemble » et finit par se laisser choir au fond du canapé « Ils n’ont pas arrêté. Je crois qu’ils prennent un malin plaisir à le faire ». Il finit par se lever du canapé avec lenteur, prenant appui contre l’assise et ajouta « Allez suis-moi, je vais te montrer ta chambre » et s’avança jusqu’à la porte voisine à la sienne « Le placard est entièrement à ta disposition, tu en fais ce que tu veux » et lui fit signe de la tête de le suivre jusqu’à la salle de bain « Je t’ai libéré de la place sur l’étagère pour les serviettes, et là pour tes produits de beauté, et normalement tu as de la place dans l’armoire à pharmacie également », et posa son dos contre l’encadrement de la porte « Des questions ? ».

« -c’est un peu ça oui. Ma mère est maniaque sur tant de choses, je ne te raconte même pas ! » enfin… elle n’était pas bien mieux. Mais bon, les histoires serviettes qui se plient en quatre alors que les torchons sont en trois… Voilà quoi… Vic était heureuse d’être ici, d’enfin poser son sac et de retrouver Jacob. C’était un sacré changement, mais c’était surtout du positif. Exactement ce qu’ils leur fallait. « -oh elle ne manquera pas de demander. » aller savoir pourquoi elle tenait tant à prendre soin de Jacob. Elle avait vraiment été bouleversé d’apprendre son accident. Un peu déstabiliser que sa fille décide de quitter le cocon familial pour aller vivre chez lui. Mais Vic avait mit en avant des arguments tels que le changement, le besoin d’espace également. Et puis sa mère avait conclu sur le fait que c’était un homme droit et si gentil. « -de semaines et de repos. » précisa Vic en appuyant la dessus. Elle allait veiller à ce qu’il reste tranquille. « -oui, mais tu aurais pu attendre. On l’aurait fait ensemble. » ça lui aurait évité des efforts. « -je n’aime pas le désordre non plus donc là-dessus on devrait s’accorder sans souci. Je prends ma douche le matin en général. » une légère grimace en réfléchissant. Pour le reste, elle ne voyait pas vraiment. Ils recadreraient si besoin.

« -ok parfait. » elle avait presque eu peur qu’elle soit dans l’obligation de jouer les infirmières. Ce n’était pas vraiment son truc. Enfin, si jamais il avait besoin, elle l’aiderait. Un appel de sa mère, et elle décida d’ignorer l’appel. « -parce que je n’ai plus dix ans. Je sais qu’elle se fait du souci, mais je l’ai déjà rassuré mille fois. Ils ont besoin de reprendre leur petite vie à deux tranquillement, sans que je sois dans les parages. » ça leur ferait du bien. « -je lui enverrai un message tout à l’heure. » histoire qu’elle n’appelle pas dix fois. Elle souffla sur sa tasse et prit une première gorgée, avant de hocher la tête. Un léger rire en l’entendant se reprendre : « -ça leur ferait vraiment plaisir que ça soit un ensemble définitif. » un sourire. « -maintenant que tes proches me connaissent, j’imagine que ça n’a pas atténué les choses. » elle termina sa tasse de café d’un trait, et se leva pour suivre Jacob, récupérant son sac au passage.

La chambre était lumineuse, de taille convenable. « -d’accord. » bien, elle avait son espace à elle. Et tout ce dont elle avait besoin. Un sourire en l’entendant parlé des produits de beauté. « -oh oui, il me faut bien une étagère complète pour toutes mes crèmes de jours ! » s’amusa la jeune femme qui n’avait pas grand-chose dans ses affaires de ce côté-là. « -ba écoute non, pour moi c’est bon. Va te reposer, je vais défaire mon sac. » et elle fit demi-tour, retour dans la chambre. Un léger soupire. Voilà… elle allait être bien ici. Ils allaient trouvé un nouvel équilibre et pouvoir avancer l’un comme l’autre.

Tout en se décalant de la porte d’entrée pour la laisser entrer, Jacob ne put réprimer un petit rire vis-à-vis de la description que faisait Victoria de sa mère « Tu vas avoir la paix ici ». Ce n’était pas lui qui allait être obsessionnel. Tant que l’appartement restait rangé, et que la jeune femme se sentait bien, c’était tout ce qui lui importait. Il fut toutefois touché par l’attention que lui portait la mère de la jolie brune. Apparemment, cela avait inquiété tout l’entourage d’apprendre qu’il s’était fait tirer dessus dans l’exercice de ses fonctions, et sourit avec douceur « C’est gentil de sa part ». Ce qui était sincère. Elle n’était pas obligée. Un regard en coin à l’attention de Victoria qui appuya sur le dernier mot qu’elle prononça, non sans esquisser un petit sourire en coin « J’ai compris Madame. Je vais me reposer », et il avait la sensation que cette dernière allait veiller à ce qu’il se repose bel et bien, d’autant plus après lui avoir confié qu’il s’était chargé de changer les draps de la chambre d’amis avant son arrivée « Je vais bien » renchérit-il avec conviction. Il avait fait des gestes lents, et avait mis pratiquement une heure à faire le lit. Quant au reste du ménage… Il y était depuis ce matin. « Pourquoi cette grimace ? » finit-il par rétorquer en riant presque et précisa « Je suis plus le soir, donc il ne devrait pas y avoir de souci de ce côté-là ». Il aurait pu préciser après avoir fait un basket avec ses amis, ou en rentrant du travail, mais tout cela ne faisait dorénavant plus partie de son quotidien pour les deux mois à venir.

L’absence de réponse de Victoria à l’appel de sa mère intrigua le lieutenant qu’il était et osa l’interroger sur ce point. Il se mit à sourire avec douceur, imaginant sans mal sa mère inquiète à l’idée de voir son enfant quitter le nid pour rejoindre l’appartement d’un homme « Et moi qui pensait qu’elle serait ravie d’apprendre que tu venais vivre avec moi », en sous-entendant leurs vaines tentatives de les mettre ensemble. Un hochement de tête et une gorgée de café pour répondre à ce qu’elle ajouta. Il se mit ensuite à bafouiller, comme bien souvent, et se mit à rire avec la jolie brune « Tu n’as pas idée ! Je les soupçonne de garder une bouteille de champagne dans un des placards de la cuisine » et leva les yeux au ciel face à cette idée saugrenue. Pourquoi n’avaient-ils pas le droit d’être seulement amis ?! « Mon père m’a demandé pourquoi je n’ai rien tenté alors que tu as tout pour plaire. Alors si lui aussi s’en mêle, je ne sais pas comment je vais parvenir à m’en dépatouiller ». Lui qui avait été, jusqu’alors, son seul allié, il venait de rejoindre l’ennemi.

Jacob décida de lui faire le tour du propriétaire, notamment la salle de bain dans laquelle il avait libéré de la place, et posa son dos contre l’encadrement de la porte pour faire face à Victoria qui se moqua gentiment de lui « Sharon avait toujours tout un tas de crèmes, et de maquillage. J’ai supposé que c’était ainsi avec toutes les femmes » et acquiesça lentement de la tête « Si tu as besoin, je suis la chambre à côté… Et si tu as peur de dormir toute seule, ou je ne sais pas, mon lit est un deux places ». Il déposa un baiser sur sa joue en soufflant un « Bonne nuit joli cœur », et se rendit dans sa propre chambre, se glissant sous les draps froids de son lit.

« -je sais que tu vas bien, ça se voit. Mais je veux pas que tu forces pour des bêtises. Je suis là maintenant, et je sais faire le ménage et la cuisine. Enfin même si pour le moment ça se résumera à faire réchauffer les petits plats de ta mama. » il devait se reposer afin de pouvoir récupérer au mieux. Elle ne tenait pas à avoir un coup de stress parce qu’il y avait des complications. Tout ça parce qu’il n’aurait pas su rester tranquille ou vouloir en faire trop. Elle venait ici pour y vivre, pas pour être servit. « -oh pour rien. Je suis un peu longue dans la salle de bain… » ça avait toujours eu tendance à agacer Roberto. Mais puisque Jacob prenait sa douche le soir, il n’y aurait pas de souci de timing.

« -oh elle l’est ! Crois moi, elle l’est… » elle leva les yeux au plafond en disant cela. « -mais je crois qu’elle se fait toujours beaucoup de souci pour moi. » comme une maman quoi. Rien de bien dramatique. Seulement un peu oppressant. « -ils sont tous adorable. Enfin, je les ai pas vraiment rencontré dans les meilleures conditions, mais tu as vraiment une famille en or. » ça c’était incontestable. Il était entouré et aimé. Soutenu aussi. Ce qui était très important. « -je crois qu’il faut simplement les laisser dire. Ils finiront par comprendre ou se lasser. Avec un peu de chance… » ou alors c’était eux qui se mettaient le doigt dans l’œil jusqu’au coude, incapable de voir quelque chose que les autres voyaient depuis longtemps. Mais ils avaient besoin de stabilité, et de repartir sur de bonnes bases. Pour le moment, Vic n’était toujours pas prête à ouvrir son cœur à quelqu’un d’autre, même à un homme tel que Jacob. Quant à lui, il lui avait dit ne plus vouloir tomber amoureux et souffrir par amour. Alors ils allaient prendre le temps de se reconstruire doucement. Ensemble. A leur façon.

« -tu m’as jamais regardé ou quoi ? Je ne me maquille jamais. » ça n’avait jamais été son truc. Elle était naturelle et c’était très bien ainsi. « -va te reposer. » avait insisté Vic avant de sourire à ses lèvres sur sa joue. Sourire qui perdura une fois dans la chambre. En faisant le moins de bruit possible, elle rangea ses affaires. Ce ne fut pas bien long, elle n’avait pas grand-chose. Lorsque chaque chose eut trouvé sa place, elle revint vers la cuisine, histoire de boire un verre d’eau. Puis elle détailla l’appartement du regard, avant de sourire de nouveau. Elle se sentait bien. Et c’était le principale. Elle passa une douce nuit et fut réveillée par la sonnette. Un regard pour son portable. Dix heure. Ça devait être l’infirmière. Elle quitta sa chambre avec ses affaire sous le bras, et passa furtivement dans le salon en lâchant un : « -faites comme si j’étais pas là. » direction la salle de bain pour une douche. Quant elle sortie de là, l’infirmière était partie. « -ça va ? Bien dormi ? » demanda la jeune femme en se dirigeant vers la machine à café.

Jacob la couva tendrement du regard alors que les rôles s’inversaient sous ses yeux. C’était maintenant la jolie brune qui prenait soin de lui, qui le protégeait pratiquement de lui-même pour qu’il n’aggrave pas davantage sa blessure à l’abdomen. C’était déstabilisant, tout autant que c’était agréable de ne plus être seul entre ces murs et de pouvoir échanger, même s’ils évoquaient surtout leurs organisations pour la colocation « Elle a mis toutes les instructions sur un post-it accroché à chacune des boites » et ajouta « J’ai juste envie que tu te sentes bien ici ». Voilà pourquoi il avait quelque peu puisé dans son énergie aujourd’hui. Le trentenaire souhaitait réellement qu’elle trouve son équilibre ici-même, avec lui à ses côtés. En ce qui concernait leurs habitudes mutuelles, ils s’accordaient plutôt bien là aussi. Elle prenait la douche le matin, et lui la prenait le soir avant de rejoindre les bras de Morphée. Toutefois, sa grimace l’interpella et se mit à sourire avec amusement à sa précision « Oh ! Si ce n’est que ça, je pense pouvoir le surmonter ». Il lui arrivait, à lui aussi, de prendre son temps sous l’eau chaude. Souvent les soirs d’hiver ou à l’issue des journées de travail particulièrement difficiles. Même si dans le cas présent, ça ne serait nullement le cas avant plusieurs mois.

Quand ils en vinrent à évoquer la mère de Victoria, il s’était attendu à ce qu’elle se réjouisse de l’idée qu’ils vivent dorénavant ensemble, mais peut-être que c’était nullement le cas. La jolie brune lui donna bien vite tort de penser ainsi, sa mère était réellement ravie de cette cohabitation, ce qui le fit rire de bon cœur « Je me disais bien aussi », puis son rire s’estompa « Dis-lui que je veille sur toi, qu’elle n’a pas à s’inquiéter » et c’était sincère. Jacob ferait en sorte de veiller sur la jeune femme. C’était aussi pour cela qu’elle venait vivre avec lui à compter d’aujourd’hui. Ils allaient prendre mutuellement soin de l’un et l’autre. En ce qui concernait sa propre famille, ils n’éprouvaient aucune inquiétude. Au contraire, leur nouvelle colocation ne faisait que leur donner du grain à moudre pour leur théorie farfelue les concernant « Ils sont parfois un peu oppressants, mais oui… Ils sont en or » répliqua-t-il avec une certaine tendresse dans la voix. Il aimait sa famille et n’en changerait pour rien au monde. Il releva son regard sur Victoria qui espérait que leurs sous-entendus finissent par s’atténuer avec le temps « J’espère que tu n’es pas pressée ». Parce que les connaissant, il y en aurait encore pour plusieurs mois avant qu’ils ne s’essoufflent. Ils ne parvenaient pas à comprendre qu’il ne voulait plus aimer de cette manière à nouveau. C’était bien trop douloureux. Quant à Victoria, elle méritait mieux. Elle méritait d’être pleinement heureuse après ce qu’elle avait pu traverser avec la perte de Roberto.

Jacob se décida à lui faire le tour du propriétaire et émit un petit rire discret quand elle lui rappela qu’elle ne se maquillait jamais « Si, bien sûr que si… Mais lors des rendez-vous au restaurant, des fêtes de fin d’années, tu dois bien te maquiller un peu. Non ? » et acquiesça ensuite, rejoignant son lit à la demande de Victoria. Comme toutes les nuits depuis qu’il s’était fait tirer dessus dans cette ruelle, Jacob ne parvenait pas à faire une nuit sans cauchemar. Il se réveillait bien souvent en sueur, au milieu de draps trempés, la respiration haletante qui le faisait grimacer de douleur. Il prenait alors une douche au beau milieu de la nuit, changeait ses draps, et retournait dormir jusqu’aux premières lueurs du jour. Cette nuit ne fit pas exception. Il prenait son petit-déjeuner alors que le soleil se levait, se décida à faire un peu de rangement et lu quelques heures jusqu’à l’arrivée de l’infirmière qui se chargea de nettoyer sa plaie et de refaire le pansement des deux côtés. Un remerciement, un sourire et il referma la porte derrière elle. Il servit deux tasses de café et attendit patiemment que Victoria ne sorte de la douche « Oui et non. Et toi ? » avant de porter sa tasse de café à ses lèvres « Pas trop déboussolée dans ce nouvel environnement ? » et ajouta « Que souhaites-tu faire aujourd’hui ? ».

« -sérieusement ? Mais elle a cuisiné quoi pour avoir besoin d’un plan précis pour la cuisson ? » demanda Victoria qui avait soudainement la pression. « -on fera au mieux et si c’est pas top ba on lui dira pas. » oui voilà, ils allaient faire comme ça. « -je sais… et c’est pas une raison de surmenage. » il n’y avait aucune raison pour qu’elle ne se sente pas bien ici. Avec lui. Le simple fait de l’avoir retrouver, d’avoir tirer un trait sur cette prise de tête, ça l’aidait déjà beaucoup. Tout comme les séances de psychothérapie. « -oui, non, ça devrait aller. Je suis pas du tout du genre à laisser trainer du bordel partout. Ni même mes cheveux dans le syphon de la douche ou je ne sais quoi d’autre. » normalement, elle devrait devenir la colocataire parfaite. Et puis, elle était certaine qu’il n’hésiterait pas à lui dire si quelque chose ne collait pas. Le seul truc qui allait être difficile c’était la question du loyer. Elle ne voulait pas être hébergée gratis. Il allait devoir comprendre qu’elle tenait à payer sa part. Elle allait trouver un job, et pourrait ainsi l’aider financièrement. Mais elle gardait ce sujet pour un autre moment.

« -je ne vais surtout pas lui dire ça. Sinon tu vas finir canonisé avant la fin de l’année ! » Sa mère savait parfaitement que Jacob était là pour sa fille. Il l’avait été depuis le départ. Quant à la famille de Jacob, ils étaient tous adorables. Vraiment. « -tu avais raison, on s’entends vraiment bien avec Eva. » enfin la petite sœur avait déjà dû faire son rapport vu qu’ils semblaient tous se dire. « -je vais bien finir par m’habituer. » avait conclue Vic avant de passer à la visite de l’appartement. « -oui, si… quand il y a une occasion particulière je fais un petit effort. Mais je n’ai vraiment que le stricte nécessaire. » elle n’allait pas envahir la salle de bain de ses produits de beauté, c’était certain.

Le lendemain, elle se glissa dans la salle de bain afin de laisser de l’intimité à Jacob. Une fois prête, elle gagna la cuisine et plissa les yeux devant sa réponse. « -franchement non, j’ai super bien dormi… mais le traitement que m’a donné le psy m’aide de ce côté-là. » ça avait tendance à la shooter. « -je sais pas trop… j’ai une séance à 14h. » ce qui bloquait quelque peu l’après-midi. « -tu as dis oui et non. Tu dors mal ? » elle s’en voulu soudainement de n’avoir rien entendu. Elle porta sa tasse à ses lèvres et demanda : « -tu as déjà déjeuné ? » elle se doutait un peu de la réponse. "-tu sais... on en a pas encore vraiment parlé... de ce qui t'es arrivé. Si tu veux... je... je suis là... j'ai du temps..." à lui de voir si ça pouvait l'aider ou lui faire du bien d'en parler.